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Revue Travail et emploi Mir@bel
Numéro no 159, 2019/3
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Motivation prosociale et don de travail : une comparaison entre le secteur privé et la fonction publique d'État en France - Priscilla Lemoyne p. 5-37 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Par l'analyse du lien entre heures supplémentaires impayées et nature de l'employeur, nous cherchons à identifier l'existence d'une forme de motivation prosociale spécifique au secteur public. S'intéresser au comportement des agents du secteur public, fournisseurs de biens et services à caractère social et collectif, permet de tester la théorie du don de travail d'Anne E. Preston (1989). Nos résultats révèlent une absence de différence dans la fréquence d'offre d'heures supplémentaires non rémunérées entre les salariés des secteurs public et privé dans les données de l'enquête Changements organisationnels et informatisation (COI) 2006. Cependant, nous montrons que ces heures ne s'expliquent pas par les mêmes facteurs au sein des deux secteurs et qu'elles ne sont pas le produit des mêmes méthodes de management des ressources humaines. L'incitation à l'effort y prendrait des formes compatibles avec des sources de motivations de nature différente, ce qui invite à la prudence dans la mise en œuvre éventuelle des méthodes du nouveau management public, qui sont importées du secteur privé.
      The main objective of this study is to test Preston's (1989) labour donation theory. Using the Organisational Change and ICT Use (Changements organisationnels et informatisation – COI in French) survey, we analyse workers' supply of unpaid overtime in the private sector as compared to that of public sector agents, defined as those working for units producing social and collective goods and services. We do not find evidence for a higher frequency of unpaid overtime in the public sector. However, we show that these uncompensated hours are not explained by the same determining factors within the two sectors and are not the product of the same human resource management methods. Effort incentives seem to take different forms compatible with different motivations sources, which calls for caution in the possible implementation of new public management methods, which are imported from the private sector. JEL: J22, J32, J35
    • Des inégalités d'accès aux inégalités de succès : enquête sur les fondateurs et fondatrices de start-up - Marion Flécher p. 39-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Parfois utilisé pour désigner des entreprises innovantes, d'autres fois pour désigner un modèle d'entreprise risqué ou pour mettre l'accent sur des entrepreneur·ses jeunes et héroïques, le mot start-up ne trouve aucune définition objective, ne correspondant à aucune catégorie juridique. Cet article propose d'apporter un éclairage sur cet objet largement médiatisé et pourtant peu étudié. En nous appuyant sur une double enquête qualitative et quantitative menée depuis 2016 auprès de fondateurs et fondatrices de start-up, nous questionnerons les prétendues spécificités du modèle des start-up en analysant les représentations qui leur sont associées. Sont-elles vraiment des entreprises plus jeunes, plus innovantes, avec un potentiel de croissance plus important que les autres ? Après avoir explicité les modes de création et de développement qui distinguent les start-up des entreprises classiques, nous montrerons qu'ils viennent renforcer les inégalités de classe et de genre, tant dans les chances d'accès que dans les chances de succès, alors même que le modèle des start-up se présente comme un modèle d'entrepreneuriat plus démocratique et méritocratique que ce qui existe par ailleurs.
      Start-up companies are often portrayed as innovative companies bearing a risky business model and created by young and heroic entrepreneurs. Yet, start-up companies do not correspond to any legal or statistic category and thus find no objective definition. This article aims to fill this gap by shedding light on this object with critical scrutiny. Based on qualitative and quantitative data collected since 2016 among start-up founders, this work analyzes the purported specificities of start-up companies and questions the representations and the myths they are associated with. Do these companies have a greater potential for innovation and growth than traditional firms? Are they created by young and talented “self-made men” and women? This contribution will study start-up creation process through the analysis of the social and economic resources of their founders and show that it tends to reinforce class and gender inequalities. JEL: J16, J62, L23, L26
    • La négociation administrée sur l'égalité professionnelle : entre respect de l'obligation et engagement formel - Denis Giordano, Guillaume Santoro p. 69-92 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes constitue un enjeu prioritaire des politiques publiques. En France, le choix a été fait de privilégier la négociation collective pour instituer des mécanismes visant à résorber les inégalités présentes dans les entreprises. Plusieurs interventions législatives ont été nécessaires pour établir un dispositif juridique permettant de stimuler le dialogue social. Cet article propose d'analyser l'impact de ces réformes sur 282 textes signés par 200 entreprises de l'ancienne région Aquitaine. Nous soulignons comment ces évolutions législatives ont permis d'améliorer la négociation collective sur l'égalité professionnelle sans pour autant entraîner une amélioration des mesures ayant pour objectif de réduire les inégalités existantes en la matière dans les entreprises. Notre présentation va au-delà de l'analyse du seul respect des obligations légales pour apprécier les engagements formulés par les partenaires sociaux sur la période 2011-2015.
      The promotion of gender equality in workplaces is a priority public policy issue. In France, the choice has been made to give priority to company collective bargaining in order to establish mechanisms to reduce inequalities within companies. Several legislative interventions have been necessary to establish a mechanism to stimulate social dialogue. This article analyses the impact of these reforms on 282 texts signed by a sample of 200 companies in the former Aquitaine region. We highlight how these legislative changes have improved collective bargaining on gender equality but have not automatically led to an improvement in measures aimed at reducing existing inequalities within companies. Our presentation goes beyond the analysis of the mere respect of legal obligations to assess the commitments formulated by the social partners for the period 2011-2015.JEL: J16, J52, J78
    • Accompagner la « transformation digitale » : du flou des discours à la réalité des mises en œuvre - Marie Benedetto-Meyer, Anca Boboc p. 93-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au-delà des discours, que signifie concrètement mettre en œuvre la « transformation digitale », termes couramment utilisés dans le langage managérial, au sein d'une entreprise ? Nous proposons des éléments de réponse à partir du cas d'une multinationale ayant fait de la digitalisation un axe stratégique et de communication fort. Nous y avons interrogé une quinzaine d'acteurs en charge de la digitalisation, dits « acteurs relais » (« ambassadeurs », « diffuseurs du numérique », etc.), ainsi qu'une quinzaine de managers de proximité opérationnels. Notre analyse permet d'identifier différents registres discursifs utilisés par ces acteurs, qui révèlent des représentations du numérique, mais aussi des modes d'action différents. La transformation digitale est ainsi une affaire tour à tour d'état d'esprit, de familiarisation avec les outils ou d'évolution de pratiques de travail. Chez les managers de proximité, la digitalisation est avant tout un moyen d'atteindre des objectifs managériaux et s'inscrit dans les logiques productives existantes. En analysant la manière dont ces registres discursifs s'articulent et se traduisent dans des actions concrètes, et comment ils sont parfois utilisés de façon à légitimer le rôle des différents acteurs impliqués, nous montrons, pour autant, que l'absence de sens partagé, de reconnaissance et de régulation organisationnelle autour de la digitalisation donne lieu à des tensions, voire à un risque d'usure des acteurs et de leur capacité à construire de la continuité et du sens autour d'une injonction finalement floue et peu ancrée dans l'organisation.
      Beyond speeches, what does implementing “digital transformation” within a company really mean? We propose answers based on the concrete case of a multinational company for which digitalization has become a main strategic axis of communication. We interviewed about fifteen actors in charge of “digitalization”, called “link-actors” (“ambassadors”, “digital providers”, etc.), as well as about fifteen local operational managers. Our analysis led us to identify different discursive registers used by these actors, which reveal different representations of digitalization, but also different modes of action. Digital transformation is thus, sometimes, a matter of state of mind, some other times, familiarization with the tools, or, lastly, an evolution of work practices. For the local operational managers, digitalization is first and foremost a means to achieve managerial goals and is in line with existing productive logics. By analyzing the way in which these registers are articulated, translated into concrete actions and, sometimes, used to legitimize the role of these types of actors, we show, however, that the lack of shared meaning, work recognition and organizational regulation regarding digitalization leads to tensions, and even more, to a risk of wear and-tear of these actors and questions their capacity to build continuity and meaning around this injunction that is finally unclear and not very firmly anchored in the organization. JEL: O31, M54
  • Notes de lecture