Contenu du sommaire : La crise du coronavirus

En quelques jours, nous sommes entrés dans l'universel du confinement pour lutter contre le virus. Ce journal n'est pas un récit personnel de confinement, comme un retour au jardin intérieur. C'est un journal philosophique qui mêle, à la description d'une situation exceptionnelle, une réflexion sur le sens de cette épreuve sociale : les dysfonctionnements et les inégalités qu'elle révèle, l'épaisseur des relations de soin qu'elle met aussi en avant. Par-delà la nationalisation du virus, il est surtout l'occasion de penser une communauté transnationale mondiale, à partir de l'expérience d'une même vulnérabilité.

Il est trop tôt pour mesurer tous les effets économiques et sociaux de la pandémie de Covid-19, mais les divers diagnostics convergent pour souligner les dysfonctionnements du système capitaliste. La crise révèle des luttes politiques, des faiblesses industrielles et la fragilité du système financier. Puisqu'il est souhaitable de ne pas revenir à la situation antérieure, ce peut être l'occasion d'aller davantage vers l'écologie intégrale prônée par le pape François.

La pandémie due au coronavirus interroge les orientations fondamentales de la recherche scientifique et médicale. Trop polarisée sur la biologie moléculaire, la recherche de médicaments et de vaccins, elle s'est éloignée d'un travail d'investigation sur le terrain et d'une curiosité pour les multiples facteurs de transmission d'une maladie infectieuse de l'animal à l'homme. Une recherche attentive au réel, moins fragmentée et plus globale, permettrait de mieux comprendre le cheminement du virus et trouver des modes de prévention plus adaptés.

Dans cette contrainte du confinement, nous voici obligés de repenser l'ensemble de nos relations et de nos actions. Bien des préoccupations de notre vie apparaissent alors secondaires et les questions essentielles que nous évitions se posent de façon pressante. La lecture de Pascal, qui nous invite à savoir rester seul en repos dans une chambre, si elle ne nous console de rien, nous éclaire sur ce que nous fuyons et sur ce qui nous manque.

La pandémie a transformé notre rapport au temps, en nous confrontant à notre hantise du retard et en nous obligeant à reconsidérer nos priorités. Quels enseignements en tirer ? Comment mieux accorder son rythme personnel et le temps commun ? Comment certaines entreprises cherchent-elles à rentabiliser le « temps perdu » ? Quelle place faire dans nos vies aux « temps morts » et à l'expérience même de la perte ? Cette période de suspension temporelle d'une ampleur inédite que nous traversons est une occasion d'expérimenter un autre rapport au temps.

Jacques Ellul est l'auteur d'une œuvre critique à l'égard de la modernité technicienne. Ses travaux méritent d'être relus aujourd'hui, en connexion avec sa réflexion chrétienne, souvent moins connue. C'est elle qui permet de nourrir une espérance dans un monde d'où l'espoir a disparu.

Bien que la plupart des philosophes contemporains aient perdu tout contact avec l'expérience religieuse, on peut constater un regain d'intérêt pour la religion dans le monde philosophique. Cela invite à s'interroger sur les ressources symboliques de la religion, en particulier du christianisme. Jean-Marc Ferry propose une réflexion stimulante qui invite à nouer une « alliance entre raison critique et foi ». Cela suppose de renoncer à toute attitude dogmatique, qu'elle soit religieuse ou philosophique.

Les formes nouvelles de censure dans l'art se spécifient par plusieurs traits. D'abord par le fait que les censeurs ne sont plus des institutions comme l'État ou l'Église, mais des associations (féministes, LGBTQI+, antispécistes, décoloniales, etc.), des groupes voire des groupuscules plus ou moins éphémères. Enfin, le lieu de la censure n'est plus le tribunal, mais les médias : réseaux sociaux (Facebook et autres), sites internet, journaux qui exercent de fortes pressions allant de l'intimidation au lynchage. La zone floue, mi-juridique, mi-sociale, où s'exercent ces nouvelles formes de censure soulève de nombreuses questions.