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Revue Revue critique de droit international privé Mir@bel
Numéro no 1, janvier-mars 2018
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Remerciements - Bertrand Ancel accès libre
  • Éditorial

  • Doctrine et chroniques

    • L'exception de prévisibilité : Vers une localisation subjective dans la résolution des conflits de lois ? - Gerald Goldstein p. 3-29 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Se plaçant dans une perspective très internationaliste, l'article 9 du livre 10 du code civil des Pays-Bas a codifié une nouvelle exception générale à l'application de la règle de conflit normale. En vertu de celle-ci, la cour peut écarter la loi normalement désignée par la règle de droit international privé du for lorsque les parties ont légitimement cru, en vertu de la règle de droit international privé d'un autre État concerné, que la situation était soumise à une autre loi, si l'application de la loi normalement compétente aboutissait à une violation inacceptable de leurs expectatives ou de la prévisibilité. Alors, la cour peut remplacer cette loi par celle envisagée par ces parties. Cette « exception de prévisibilité » a pour fonction de corriger un grave défaut de prévisibilité né de l'application de la loi normalement compétente pouvant mener à une situation boiteuse. Elle est fondée sur la justice du droit international privé car elle vise une certaine coordination des systèmes au moyen d'une règle générale donnant une certaine souplesse à la résolution des conflits de lois. Ancrée dans une optique tenant compte de la mondialisation, elle y donne une place accrue aux particuliers. Sur le plan des effets, elle se traduit par un pouvoir discrétionnaire donné au juge de relativiser l'application de la règle de conflit et d'inverser la hiérarchie des principes du droit international privé. À la différence de la clause d'exception, elle fait passer le principe de proximité après celui de la prévisibilité : la loi applicable en vertu de l'exception de prévisibilité n'a pas nécessairement ni objectivement les liens les plus étroits avec la situation. Elle correspond à celle subjectivement applicable selon les attentes des parties ou à celle ayant déjà entraîné des effets qu'il ne sied pas de remettre en cause. Pour limiter l'impact négatif de son utilisation, en raison de son caractère discrétionnaire, des conditions cumulatives sont exigées. Les particuliers doivent avoir légitimement mais erronément cru à la compétence d'une loi pour régir leur relation, selon le droit international privé d'un État étranger impliqué. Ne pas appliquer cette loi constituerait une violation inacceptable de leurs expectatives ou, plus généralement, de la prévisibilité. Une analyse comparative avec certaines notions connues permet de déduire que si la nature de l'exception de prévisibilité se rapproche de certaines d'entre elles (notamment la théorie des conflits de systèmes, la méthode de la reconnaissance, un système unilatéraliste subsidiaire de conflits), elle conserve ses particularités. Elle annonce peut-être l'avènement d'une nouvelle perspective de localisation subjective. En tout cas, les législateurs européens semblent avoir déjà considéré qu'elle présentait certains avantages dans la détermination du droit applicable aux effets des partenariats enregistrés.
      Born out of a deep internationalist perspective, section 9 of Book 10 of the Civil code of the Netherlands codified a new general exception to the application of a conflict rule. Under this “legal certainty exception”, a court may apply a law applicable under the private international law of a foreign State involved, in contravention to the law designated by the Dutch private international law, whenever doing otherwise would constitute an unacceptable violation of the legitimate expectations of the parties or of legal certainty. The legal certainty exception's function is to avoid a serious lack of foreseeability possibly leading to a limping situation, stemming from the application of the law normally applicable under the conflict of law rule of the forum. Such a general and exceptional rule based on conflict justice aims to coordinate conflicting systems of private international by allowing a measure of flexibility into the conflict of law resolution. Taking globalization into consideration, this rule gives a broader role to private parties. Its effect is to allow a court a discretionary power to put the conflict rule into perspective while upsetting the usual hierarchy of private international law principles. Unlike the escape clause, the legal certainty exception will give predominance to foreseeability over proximity. It will designate a law which is not necessarily the law having objectively the closest connection to the situation but the law applicable under the subjective expectations of the parties or the law whose effectivity should not be altered. In order to limit the disturbing impact of the legal certainty exception due to the discretionary nature of its intervention, cumulative conditions are required. The parties to the relationship must have erroneously, albeit legitimately, believed that a law applied under the private international law of a foreign State involved in such relationship. In addition, to ignore this state of fact would constitute an unacceptable violation of the legitimate expectations of the parties or of legal certainty. A comparative analysis between the legal certainty exception and other already known notions allows to state that while presenting some similarities with some of them (among them, the conflict of systems theory, the recognition method and a subsidiary unilateral system of conflict of laws) the legal certainty exception keeps its singularity. Such an exception may herald a new era where a subjective localization would prevail over the classical savignian approach. In any case, the European legislators seem to have already considered that such an approach should be welcome when patrimonial effects of registered partnerships are involved.
    • La procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires établie par le règlement UE n° 655/2014 : Aspects de droit international privé - Gilles Cuniberti, Sara Migliorini p. 31-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article présente les questions de droit international privé soulevées par la procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires instaurée par le règlement (UE) n° 655/2014. Après avoir présenté le champ d'application du règlement, il étudie les règles de compétence internationale directe, de conflit de lois et d'effet des décisions étrangères posées par ce nouvel instrument.
      This Article discusses the issues of private international law raised by the European Account Preservation Order procedure established by Regulation (EU) n° 655/2014. After presenting the scope of the Regulation, it addresses the issues of jurisdiction, choice of law, and enforcement of judgments arising under the new instrument.
    • La nouvelle législation allemande sur le mariage et le droit international privé - Christian Kohler p. 51-58 accès libre
  • Jurisprudence

    • Le code communautaire des visas contre le droit d'asile : (CJUE 7 mars 2017, aff. C-638/16 PPU, AJDA 2017. 497 ; ibid. 1106, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère, C. Gänser et P. Bonneville ; D. 2017. 570 ; ibid. 2018. 313, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; Constitutions 2017. 299, chron. L. Imbert) - Karine Parrot p. 59-79 accès libre avec résumé
      Les États membres ne sont pas tenus, en vertu du droit de l'Union, d'accorder un visa humanitaire aux personnes qui souhaitent se rendre sur leur territoire dans l'intention de demander l'asile, mais ils demeurent libres de le faire sur la base de leur droit national. Le droit de l'Union fixe uniquement les procédures et conditions de délivrance des visas pour les transits ou les séjours prévus sur le territoire des États membres d'une durée maximale de 90 jours. Dès lors une demande de visa déposée dans l'intention d'introduire, dès l'arrivée sur le territoire de l'État membre, une demande de protection internationale et, par suite, de séjourner dans ledit État membre plus de 90 jours, ne relève pas de l'application du communautaire des visas mais du seul droit national (1). X et X c/ État belge
    • Des conflits de lois en matière de preuve : (Civ. 1re, 17 mai 2017, n° 16-14.384) - Éric Fongaro p. 80-87 accès libre avec résumé
      Un contrat de prêt étant soumis à la loi suisse, l'article 8 du code civil suisse relatif à la preuve, d'application générale, impose à chaque partie, sauf disposition contraire, de prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (1). Après avoir, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, apprécié la teneur et la portée de la loi suisse et estimé que la consultation d'un avocat notaire produite par le demandeur au pourvoi était dépourvue de force probante, les juges du fond en ont déduit que la réalité du prêt n'était pas établie (2).
    • Réserve héréditaire et principes essentiels du droit français : (Civ. 1re, 27 sept. 2017, n° 16-13.151 et n° 16-17.198, D. 2017. 2185, note Johanna Guillaumé ; AJ fam. 2017. 595 ; ibid. 510, obs. A. Boiché ; ibid. 598, obs. P. Lagarde, A. Meier-Bourdeau, B. Savouré et G. Kessler ; RTD civ. 2017. 833, obs. L. Usunier ; JCP 2017. 1230, note C. Nourissat et M. Revillard ; JCP N 2017. 1305, note E. Fongaro ; Defrénois, 2017, n° 22, p. 1, obs. M. Grimaldi ; ibid. p. 26, note M. Goré ; RLDC 2017, n° 153, 30, note S. Torricelli-Chrifi) - Bertrand Ancel p. 87-98 accès libre avec résumé
      Une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels (1) (1re et 2e espèce). La loi étrangère qui ne connaît pas la réserve héréditaire et a permis au de cujus de disposer de tous ses biens en faveur de son épouse, sans en réserver une part à ses enfants, ne heurte pas l'ordre public international français dès lors qu'il n'est pas soutenu que son application laisserait l'un ou l'autre de ceux-ci dans une situation de précarité économique ou de besoin, alors que le défunt résidait de longue date dans un pays étranger avec lequel il a multiplié les liens d'ordre personnel et familial aussi bien que d'ordre professionnel et patrimonial (2) (1re et 2e espèce). Aux termes de l'article 62 de la Constitution, la disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel dès lors que celui-ci n'a pas usé du pouvoir de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets ou de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration (3) (2e espèce). Le droit de prélèvement en vigueur au moment du décès de leur père n'ayant conféré aux demandeurs aucun droit héréditaire définitivement reconnu, ceux-ci ne disposaient pas de biens au sens de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'étaient donc pas fondés à exciper d'une atteinte à leur droit de propriété (4) (2e espèce).
    • Non-justiciabilité des dommages de guerre et exception de Crown Act of State : (Cour suprême du Royaume-Uni, 17 janv. 2017 [2017] UKSC 1) - Horatia Muir Watt p. 99-104 accès libre avec résumé
      M. Rahmatullah est un ressortissant pakistanais, qui a été capturé par les forces britanniques en Irak le 28 février 2004, puis transporté aux États-Unis le même jour et ensuite envoyé vers un centre de détention en Afghanistan le 29 mars 2004 ; il y est resté dix ans, jusqu'à sa libération le 15 mai 2014. Il porte son action contre le ministère britannique de la Défense et le Foreign and Commonwealth Office, d'abord à raison du traitement qu'il a reçu pendant qu'il était à la charge du Royaume-Uni, et ensuite en alléguant la complicité du Royaume-Uni dans la détention et le traitement dommageable qu'il aurait subi aux États-Unis. Le gouvernement britannique invoque l'exception du Crown Act of State. La Cour d'appel avait écarté cette exception et jugé le recours recevable. La Cour suprême statue ici sur le recours du gouvernement britannique et infirme la décision de la cour d'appel. L'action est donc irrecevable. Rahmatullah (n° 2), Mohammed et autres v. Ministry of Defence (Le texte anglais du jugement est accessible sur le site )
    • Compétence juridictionnelle en matière de cyber-délits : le cas des pratiques restrictives de concurrence - Tristan Azzi p. 105-114 accès libre avec résumé
      L'article 5-3° du règlement Bruxelles I doit être interprété, aux fins d'attribuer la compétence judiciaire conférée par cette disposition pour connaître d'une action en responsabilité pour violation de l'interdiction de vente en dehors d'un réseau de distribution sélective résultant de l'offre, sur des sites Internet opérant dans différents États membres, de produits faisant l'objet dudit réseau, en ce sens que le lieu où le dommage s'est produit doit être considéré comme étant le territoire de l'État membre qui protège ladite interdiction de vente au moyen de l'action en question, territoire sur lequel le demandeur prétend avoir subi une réduction de ses ventes (1).
    • Précisions sur la résidence habituelle et la procédure de retour de l'enfant dans le règlement Bruxelles II bis : (CJUE 8 juin 2017, aff. C-111/17 PPU, D. 2017. 1250 ; AJ fam. 2017. 493, obs. A. Boiché ; RTD eur. 2017. 849, note V. Egéa ; Dr. fam. n° 10, oct. 2017. Comm. 219, note A. Devers ; Procédures n° 8-9, août 2017. Comm. 192, obs. C. Nourissat ; Europe n° 8-9, août 2017. Comm. 336, obs. L. Idot) - Christelle Chalas p. 115-125 accès libre avec résumé
      L'article 11, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale […], doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle au principal, dans laquelle un enfant est né et a séjourné de manière ininterrompue avec sa mère pendant plusieurs mois, conformément à la volonté commune de ses parents, dans un État membre autre que celui où ces derniers avaient leur résidence habituelle avant sa naissance, l'intention initiale des parents quant au retour de la mère, accompagnée de l'enfant dans ce dernier État membre ne saurait permettre de considérer que cet enfant y a « sa résidence habituelle », au sens de ce règlement. En conséquence, dans une telle situation, le refus de la mère de retourner dans ce même État membre accompagnée de l'enfant ne saurait être considéré comme « un déplacement ou non-retour illicites » de l'enfant, au sens dudit article 11, § 1. OL c/ PQ
    • Persistance du contentieux international de la rupture de relations commerciales établies : (Com. 21 juin 2017, n° 16-11.828, D. 2017. 2070, obs. L. d'Avout ; Com. 20 sept. 2017, n° 16-14.812, D. 2017. 1841 ; ibid. 2444, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; Civ. 1re, 11 oct. 2017, n° 16-25.259, D. 2017. 2106 ; JCP 2017. 1279, note L. Idot) - Dominique Bureau p. 126-137 accès libre avec résumé
      Manque de base légale l'arrêt qui, pour estimer la loi française applicable à une action fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, retient que la responsabilité encourue sur le fondement de cet article est de nature délictuelle et que la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle est celle de l'État du lieu où le fait dommageable s'est produit, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la clause du contrat qui désignait la loi néerlandaise n'était pas rédigée en des termes suffisamment larges pour s'appliquer au litige (1) (1re espèce). Aux termes de l'article 7 § 2 Bruxelles I bis, tel qu'interprété par la CJUE (aff. C/196/15, Granolo SpA), une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle, s'il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d'éléments concordants ; en l'état de ses constations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'une relation contractuelle tacite, la cour d'appel a pu retenir que l'action relevait de la matière contractuelle et, les marchandises étant livrées en Belgique, déclarer le Tribunal de commerce de Paris incompétent (2) (2e espèce). L'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de faire application d'une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties ? En cas de réponse affirmative à la première question, l'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national, saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de faire application d'une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties, y compris dans le cas où ladite clause ne se référerait pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence ? L'article 23 du règlement n° 44/2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet au juge national, saisi d'une action en dommages-intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'écarter une clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat liant les parties dans le cas où aucune infraction au droit de la concurrence n'a été constatée par une autorité nationale ou européenne ? (3) (3e espèce).
    • La résidence de l'enfant du divorce face à la demande de modification de la décision relative à la garde et aux aliments : (CJUE, 1re ch., 15 févr. 2017, aff. C-499/15, Europe n° 4, avr. 2017. Comm. 164, note L. Idot ; Procédures n° 4, avr. 2017. Comm. 65, note C. Nourissat) - Natalie Joubert p. 138-143 accès libre avec résumé
      L'article 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 et l'article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 doivent être interprétés en ce sens que, dans une affaire telle que celle en cause au principal, les juridictions de l'État membre qui ont adopté une décision passée en force de chose jugée en matière de responsabilité parentale et d'obligations alimentaires concernant un enfant mineur ne sont plus compétentes pour statuer sur une demande de modification des dispositions arrêtées par cette décision, dans la mesure où la résidence habituelle de cet enfant est située sur le territoire d'un autre État membre. Ce sont les juridictions de ce dernier État membre qui sont compétentes pour statuer sur cette demande. W., V. c/ X. (Les motifs décisoires de cet arrêt sont accessibles sur le site )
    • L'ouverture de l'adoption à la mère d'intention d'un enfant issu d'une gestation pour autrui : (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.901 et 16-50.015, n° 16-16.455, n° 16-16.495, n° 15-28.597, n° 16-20.052, D. 2017. 1737, note H. Fulchiron ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2017. 482 ; ibid. 375, point de vue F. Chénedé ; ibid. 431, point de vue P. Salvage-Gerest ; JDI 2017. 1291, note J. Guillaumé ; Civ. 1re, 29 nov. 2017, n° 16-50.061, D. 2017. 2477 ; AJ fam. 2018. 122, obs. A. Dionisi-Peyrusse) - Sylvain Bollée p. 143-149 accès libre avec résumé
      La convention de gestation pour autrui conclue ne fait pas obstacle à la transcription d'actes de l'état civil étrangers dès lors qu'ils ne sont ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, s'agissant de la désignation du père (1er arrêt, 6e arrêt). La transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil français n'est pas subordonnée à une expertise judiciaire, et le jugement étranger énonçant que le patrimoine génétique du père a été utilisé a à cet égard, en l'absence d'éléments de preuve contraire, un effet de fait (4e arrêt). Concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de l'article 47 du Code civil, est la réalité de l'accouchement (1er arrêt, 4e arrêt, 6e arrêt). Le refus de transcription de la filiation maternelle d'intention, lorsque l'enfant est né à l'étranger à l'issue d'une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu'il tend à la protection de l'enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du code civil. Ce refus de transcription ne crée pas de discrimination injustifiée en raison de la naissance et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, au regard du but légitime poursuivi. En effet, d'abord, l'accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n'est pas remis en cause par les autorités françaises, qui délivrent des certificats de nationalité aux enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger. Ensuite, en considération de l'intérêt supérieur des enfants déjà nés, le recours à la gestation pour autrui ne fait plus obstacle à la transcription d'un acte de naissance étranger, lorsque les conditions de l'article 47 du Code civil sont remplies, ni à l'établissement de la filiation paternelle. Enfin, l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l'épouse de leur père (1er arrêt, 4e arrêt). Le recours à la gestation pour autrui à l'étranger ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant (2e arrêt). Selon l'article 348 du code civil, lorsque la filiation de l'enfant est établie à l'égard de son père et de sa mère, ceux-ci doivent consentir l'un et l'autre à l'adoption. Viole les articles 341 et 368 du code civil la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'adoption, retient que le consentement initial de la mère biologique, dépourvu de toute dimension maternelle subjective ou psychique, prive de portée juridique son consentement ultérieur à l'adoption de l'enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s'entendre que comme celui d'une mère à renoncer symboliquement et juridiquement à sa maternité dans toutes ses composantes et, en particulier, dans sa dimension subjective ou psychique, alors qu'elle a constaté l'existence, la sincérité et l'absence de rétractation du consentement à l'adoption donné par la mère de l'enfant (2e arrêt). Saisie d'une demande d'annulation d'un acte dressé par l'officier de l'état civil consulaire français dans ses registres, sur le fondement de l'article 48 du code civil, la cour d'appel qui constate qu'ont été produits au consulat de France de faux documents de grossesse et un faux certificat d'accouchement, les échographies et examens médicaux de la mère porteuse ayant été modifiés afin qu'ils confirment une grossesse de l'épouse, en déduit exactement, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante relative à la possession d'état de l'enfant ou à la réalité de la filiation biologique paternelle, que l'acte de naissance dressé sur les registres consulaires est entaché de nullité (3e arrêt). En l'absence de procédure de réexamen en vigueur au jour de l'arrêt attaqué, la demande de transcription des actes de naissance se heurtait à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision irrévocable de la cour d'appel, que le juge des référés ne saurait méconnaître (5e arrêt).
  • Documentation

  • Bibliographie