Instituant la question prioritaire de constitutionnalité, sans égard pour le contrôle de compatibilité de la législation française avec le droit communautaire, la loi organique du 10 décembre 2009 a laissé s'ouvrir un conflit qui s'est développé en trois actes. La Cour de cassation, d'abord, à propos de l'article 78-2, alinéa 4, du code de la procédure pénale, interroge la Cour de justice de l'Union européenne sur la conformité au droit de l'Union d'un mécanisme qui réaliserait une préemption du contrôle de conventionalité (et donc de l'eurocomaptibilité) par le contrôle de constitutionnalité, tandis que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État affirment au contraire l'autonomie tant de la QPC que du contrôle de conventionalité et du recours préjudiciel de l'article 267 TFUE. Dans un second acte, en réponse à la Cour de cassation, la Cour de justice, sans trancher le désaccord des juridictions françaises, juge néanmoins préférable l'interprétation du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État qui est en consonance avec les exigences communautaires et déclare l'article 78-2, alinéa 4 du code de procédure pénale incompatible avec le droit de l'Union. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation prolonge alors le drame par un troisième acte où elle proclame l'autonomie de contrôle de l'eurocompatibilité qu'il lui appartient d'exercer en laissant inappliquées les dispositions prévoyant la priorité d'examen de la question de constitutionnalité et sans assurer, faute de compétence, la protection juridictionnelle conservatoire des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union. L'épilogue que l'on peut espérer est suggéré par une décision du 16 décembre 2010, dans laquelle le Conseil constitutionnel esquissant un modèle de coordination ou de « dialogue des juges » autolimite sa compétence en réservant le contrôle du respect des droits fondamentaux à la Cour de justice lorsque la disposition critiquée n'est que la transposition d'une directive européenne.
By instituting and prioritising a special review of the Constitutionality of legislation, without regard for existing judicial review of its compatibility with European Law, the French Law of November 10th 2009 opened the door for a conflict which was to develop in three acts. First, on the subject of article 78-2 of the Code of Criminal Procedure, the Cour de cassation asked the European Court of justice whether in the light of European Union Law, judicial review of Constitutionality could pre-empt a review of Conventionality (and thus of Euro-compatibility). Meanwhile, both the Constitutional Council and the Conseil d'État asserted the autonomy respectively of the QPC (« question prioritaire de constitutionnalité »), judicial review of conventionality, and the preliminary ruling of article 267 TFEU. In a second act, in response to the Cour de cassation, the Court of justice avoided deciding the French inter-institutional dispute, but expressed preference nevertheless for the interpretation of the two Councils over that of the Cour de cassation, before declaring the relevant provision of the Code of Criminal Procedure incompatible with European Union Law. The Grand Chamber (Assemblée plénière) of the Cour de cassation then added a third act to the drama by proclaiming the autonomy of that court's own review of Euro-compatibility, which it was bound to exercise, making the provisions on the QPC ineffective, and declining to ensure judicial protection of rights arising under European law, for lack of jurisdiction. The epilogue one might have hoped for is suggested by a decision of 16th December 2010, by which the Constitutional Council, designing a form of inter-institutional cooperation, exercised institutional self-restraint by reserving the protection of fundamental rights to the Court of justice in the event such rights arise under the legislative transposition of a European Directive.