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Revue | Annales historiques de la Révolution française |
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Numéro | no 400, avril-juin 2020 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Édito
- Sciences en danger, revues en lutte - p. 3-12
Articles
- « Gian Giacomo » Rousseau et la subversion des sujets : remarques sur les premières traductions italiennes du Contrat social - Marco Menin p. 13-30 L'article explore les implications philosophiques et politiques des premières traductions italiennes du Contrat social de Rousseau, publiées au moment des campagnes d'Italie (1796-1799). L'objectif est de montrer comment ces traductions jouèrent un rôle déterminant dans la réception – mais également dans la « censure » – de certaines problématiques de la réflexion politique de Rousseau, surtout pour celles qui concernent la notion de sujet, véritable clé de voûte de la philosophie de l'auteur du Contrat social. L'interprétation et la traduction du terme sujet impliquent la confrontation entre deux paradigmes historiographiques contrastés : Rousseau le théoricien de la subjectivité politique versus le « Rousseau totalitaire », ennemi de l'autonomie, politique et morale, du sujet.This article explores the philosophical and political implications of the first Italian translations of Rousseau's Social Contract, published at the time of the Italian campaigns (1796-1799). The writer's aim is to show how these translations played a decisive role in the reception - and in the « censorship » - of certain issues in Rousseau's political reflections, especially those dealing with the notion of subject, which was the keystone of his philosophy in the Social Contract. The interpretation and translation of the term « subject » implies a confrontation between two contrasting historiographical paradigms : Rousseau the theoretician of political subjectivity as opposed to the « totalitarian Rousseau », enemy of the political and moral autonomy of the subject.
- Saint-Just amateur de théâtre d'après un poème inconnu, les vers à M. Dorfeuille - Anne Quennedey p. 31-50 Saint-Just a composé en 1789 un poème intitulé Vers à M. Dorfeuille, après lui avoir vu jouer Oreste d'Andromaque. Ce poème est un éloge du comédien Philippe-Antoine Dorfeuille que celui-ci a publié en 1791 dans sa Lanterne magique patriotique dans le but de laver l'affront qu'avait représenté l'échec de ses deux tentatives pour entrer à la Comédie-Française. Les registres de ce théâtre permettent de dater précisément ce poème qui fut écrit très peu de temps après la représentation du 26 février 1789. Des recoupements avec Organt ainsi qu'avec une autre pièce de vers de Saint-Just, l'Épigramme sur le comédien Dubois, autorisent à considérer que Saint-Just est bien l'auteur des Vers à M. Dorfeuille. Ce poème apporte des informations sur la période de la vie de Saint-Just qui précède immédiatement la Révolution. Du point de vue littéraire, sa découverte invite à reconsidérer le jugement qui a été porté sur cette production de la prime jeunesse de Saint-Just que sont ses œuvres poétiques.In 1789, Saint-Just composed a poem entitled Vers à M. Dorfeuille, après lui avoir vu joué Oreste d'Andromaque. This poem is a paean to the actor Philippe-Antoine Dorfeuille, published in 1791, in his Lanterne magique patriotique to mitigate the affront of his two failed attempts to enter the Comédie-Française. The registers of this theatre make it possible to date the poem precisely, which was written soon after the performance on 26 February 1789. Crosschecking with Organt, as well as with another collection of verses by Saint-Just, the « l'Épigramme sur le comédien Dubois » indicates that St. Just could well be the author of the Vers à M. Dorfeuille. This poem provides information on the period of Saint-Just's life immediately preceding the Revolution. From a literary point of view, its discovery invites a reconsideration of the judgment made on this production of Saint-Just's early youth - his poetic works.
- « Pour la patrie et la religion », une révolte en Corse sous la République directoriale : la Crocetta (décembre 1797 - février 1798) - Ange-François Pietri p. 51-72 En Corse, en décembre 1797, une coalition de mécontents entreprend de combattre les républicains insulaires, au nom de la patrie opprimée et de la religion outragée. Pendant près de trois mois les républicains craignent une révolte générale, avant que des renforts leur parviennent et que l'insurrection s'épuise d'elle-même. La révolte de la Crocetta est bien connue des historiens de l'île. Pourtant, peu d'études lui ont été consacrées, laissant libre cours à diverses interprétations. Révolte antifrançaise pour certains, grande croisade religieuse pour d'autres, l'événement est souvent présenté comme une anecdote. Un retour aux textes de la période permet de remettre en question ces lectures. Souvent associée aux révoltes qui agitent la péninsule italienne et l'ancien comté de Nice à la même époque, la Crocetta apparaît comme un mouvement au caractère « contre-révolutionnaire » très relatif. Loin d'être une contestation de fond du régime républicain, elle est le produit de plusieurs décennies d'affrontements entre familles de l'île, que l'État central, mal informé de la situation locale, se montre incapable de réguler.In Corsica, in December 1797, a coalition of discontents undertook to fight the island Republicans in the name of the oppressed patrie and outraged religion. For nearly three months, the Republicans feared a general revolt, before reinforcements reached them and the insurrection exhausted itself. The Crocetta revolt is well known to historians of the island. Yet few studies have been devoted to it, leaving room for diverse interpretations. An anti-French revolt for some, a great religious crusade for others, the event is often presented as an anecdote. A return to the texts of the period challenges these interpretations. Often associated with the revolts that agitated the Italian peninsula and the former comté of Nice in the same period, the Crocetta appears as a movement with a highly relative « counter-revolutionary » character. Far from being a fundamental challenge to the Republican regime, it was a product of several decades of clashes between families on the island, which the central state, ill-informed of the local situation, was unable to regulate.
- L'esprit public dans les départements annexés de l'Apennin ligure : de la soumission aux lois à l'attachement au gouvernement - Maeva Le Roy p. 73-98 La mise en place de la Première République française s'est accompagnée d'une politique destinée à diriger « l'esprit public ». Dans les années qui ont suivi, des administrateurs locaux ont été chargés de rédiger des rapports sur cette catégorie administrative. Sous l'Empire napoléonien, cette politique a été appliquée aux départements annexés. À partir de l'apparente plasticité de la catégorie « esprit public », on interroge le sens que lui ont attribué les divers administrateurs, et les outils qu'ils ont utilisés pour l'objectiver. Le cas des trois départements italiens des Apennins, de Gênes et du Taro permet de rendre compte de la manière dont cette politique, forgée en France sous la République, a été adaptée dans un contexte d'annexion et hors du système républicain. Interroger les usages de la catégorie « esprit public » permet de révéler la manière dont les administrateurs ont appréhendé la société sur laquelle reposaient leurs enquêtes.The establishment of the First French Republic was accompanied by a policy designed to direct the « esprit public ». In the years that followed, local administrators were given the task of drafting reports using this administrative category. Under the Napoleonic Empire, this policy was applied to the annexed departments. From the apparent plasticity of the « esprit public » category, the author examines the meaning attributed to this term by divers administrators, and the tools they used to objectify it. The case of the three Italian departments of the Apennines, Genoa, and Taro makes it possible to account for the way in which this policy, forged in France under the Republic, was adapted in a context of annexation and outside the republican system. By investigating the uses of the « esprit public » category it is possible to show how administrators understood the society on which their surveys were based.
- Élites et transition : le cas de Montlosier - Karine Rance p. 99-123 Cette analyse s'inspire des Democratic Studies, qui ont questionné depuis 1989 le rôle des élites (entendues comme détentrices du pouvoir politique, économique, intellectuel, militaire, administratif, etc.) dans les processus de transition politique. Pour John Higley et Jan Pakulski, le degré de fragmentation et de différenciation des élites, ainsi que leur mobilité constituent les ressorts majeurs des modalités du processus transitionnel. Ce modèle permet de renouveler la lecture de la transition entre Révolution, Empire et Restauration, ce qui sera fait ici à travers le cas du comte de Montlosier (1755-1838). Celui-ci a été très tôt convaincu de la nécessité de constituer un corps voué au service de l'État pour stabiliser le régime : dans sa réflexion théorique comme dans sa trajectoire, il a défendu l'idée d'une noblesse ouverte dans son recrutement, spécialisée dans la haute fonction publique, tandis que la bourgeoisie se consacrerait au négoce et à l'industrie. La spécialisation des élites permettrait à son avis de restaurer une monarchie tempérée, d'en assurer la stabilité et de rétablir la cohésion sociale. Cette position, qui devait permettre à la noblesse de perdurer dans la société post-révolutionnaire, donne sens aux ralliements successifs de Montlosier, entre monarchiénisme, émigration, Consulat, Empire et Restauration.This analysis is inspired by Democratic Studies, which since 1989 have questioned the role of elites - understood as holders of political, economic, intellectual, military, administrative power - in the process of political transition. For John Higley and Jan Pakulski, the degree of fragmentation and differentiation of the elites, as well as their mobility, constitute the major mechanisms of the transitional process. This model makes it possible to renew the reading of the transition between Revolution, Empire and Restoration, undertaken here using the case of the Comte de Montlosier (1755-1838). He was convinced very early of the need to establish a corps dedicated to State service to stabilize the regime ; in his theoretical reflections no less than in his trajectory, he defended the idea of a nobility open in its recruitment, specialized in the high civil service, while the bourgeoisie would devote itself to trade and industry. The specialization of the elites would, in his opinion, allow the restoration of a moderate monarchy, ensure its stability, and restore social cohesion. This position, which was to allow the nobility to survive in post-Revolutionary society, gives meaning to Montlosier's successive stances, between monarchy, emigration, Consulate, Empire and Restoration.
- « Gian Giacomo » Rousseau et la subversion des sujets : remarques sur les premières traductions italiennes du Contrat social - Marco Menin p. 13-30
Échos révolutionnaires
- Mettre en scène la Révolution française en BD. Entretien avec Florent Grouazel et Younn Locard - Paul Chopelin, Florent Grouazel, Younn Locard p. 125-150
Regards croisés
- Révolution française et sciences sociales - Frédérique Matonti, Arnault Skornicki, Déborah Cohen, Jacques Guilhaumou, Hannah Callaway, Gaïd Andro, Clyde Plumauzille p. 151-174
Hommages
- Charlotte Goëtz (1941-2019) - Jacques De Cock p. 175-176
- Claude Wanquet (1937-2020) - Bernard Gainot p. 177-180
Positions de thèse
- Défendre une République de droit naturel. Prieur de la marne et ses missions, 1792-an III - Suzanne Levin p. 181-192
- Robespierre, le poids des mots, le choc de l'échafaud. L'image de Robespierre dans le discours politique de la restauration à la fin du XIXe siècle - Marion Pouffary p. 193-200
- Compte rendu - p. 201-271