Contenu du sommaire : Les nouveaux féminismes
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 173, 2020/2 |
Titre du numéro | Les nouveaux féminismes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Féminisme pluriel - Michelle Perrot p. 5-13 La force unifiante du singulier de « féminisme » recouvre bien des diversités, des divergences, voire des oppositions radicales. Sur la maternité, la contraception et l'avortement, la prostitution, la galanterie, la laïcité, le voile, etc., les féministes ont eu (et ont) des positions différentes, liées à la diversité des contextes sociaux et nationaux, autant qu'aux itinéraires personnels et aux choix existentiels. En France, différentialistes et universalistes se sont affrontées jusque dans le débat sur la parité. Sans tenter un inventaire exhaustif d'une histoire mouvementée, cet article s'interroge sur les objets, les formes et les raisons de ces disparités, qui confluent néanmoins dans la puissance du mouvement pour l'égalité et la liberté des femmes ainsi que dans la remise en cause de « la domination masculine ».The unifying power of the word “feminism” encompasses many differences, divergences, even radical oppositions. Concerning motherhood, contraception and abortion, prostitution, gallantry, secularism, the veil and more, the various trends of feminism have had (and still have) different points of view, depending on the different social and national contexts as well as on personal life stories and existential choices. In France, differentialist and universalist feminists have collided even on the debate over parity. The article does not attempt to present an exhaustive inventory of a turbulent story, but it questions the objects, the forms and the reasons of such disparities, which have, however, merged into a powerful movement in favour of women equality and liberty and against “male domination”.
- Intersectionnalité : le nom d'un problème - Alexandre Jaunait p. 15-25 Formulé par Kimberlé Crenshaw à la fin des années 1980 dans le sillage du Black feminism états-unien, le concept d'intersectionnalité a été multiplement réapproprié au gré de sa circulation internationale depuis lors, participant du renouvellement de l'analyse sociologique de la domination. Si cette notion reste toujours fortement critiquée, elle n'en demeure pas moins incontournable, permettant d'interroger à nouveaux frais les frontières entre le politique et le sociologique.Forged by Kimberlé Crenshaw, at the end of the 1980s, in the wake of the Black feminist movement in the United States, the concept of intersectionality has since then been appropriated in multiple forms as it circulated internationally, and it has participated in the renewal of the sociological analysis of domination. Even if it has been strongly criticised, this notion cannot be overlooked as it leads to new ways of questioning the frontiers between political and sociological approaches.
- Droit et féminisme : les hésitations du Parlement français - Diane Roman p. 27-38 Sous la pression sociale et la mobilisation féministe, le Parlement français a adopté de nombreuses lois, depuis le milieu des années 1990, en vue de lutter contre la violence à l'égard des femmes, améliorer l'égalité professionnelle et combattre les discriminations. Peut-on pour autant considérer que le droit français a intégré les acquis du féminisme ? Entre affirmation de l'égalité femmes-hommes, adoption de dispositifs de parité et reconnaissance des enjeux de genre, les mesures adoptées posent question, tant au regard de leur effectivité que de leur ambition.Since the 1990s, due to social pressure and the mobilisation of the feminist movement, the French Parliament has adopted numerous laws regarding violence against women, professional equality and discrimination. Yet, can we consider that French law has integrated the gains of feminism? From the affirmation of equality between women and men, the adoption of parity mechanisms and the acknowledgment of the stakes linked to gender, the measures adopted raise a number of questions regarding their efficiency and ambition.
- Genre et violence : quels enjeux ? - Pauline Delage p. 39-49 À la faveur du mouvement #MeToo, la question des violences fondées sur le genre est placée sur le devant de la scène médiatique et politique. Pourtant, elle a été pensée et traitée grâce aux mobilisations féministes, relayées ensuite par les pouvoirs publics et une diversité d'acteurs et d'actrices issus de différents univers professionnels. En revenant sur l'institutionnalisation de ce type de violences comme objets de politiques publiques, cet article propose d'interroger le renouvellement de l'articulation, théorique et pratique, entre le genre et la violence.Thanks to the #Me
Too movement, the question of gender-based violence has come under the media and political spotlight. However, it has been framed and addressed thanks to the feminist mobilisations, then taken up by the authorities and a number of actors and actresses from various professional milieus. Reconstructing the institutionalisation of this type of violence as an object of public policy, the article proposes to question the new theoretical and practical articulation between gender and violence. - La justice à l'épreuve des violences au sein du couple : Genèse d'une nouvelle politique publique - Isabelle Rome p. 51-61 Les violences conjugales sont au cœur des combats féministes, faisant désormais l'objet d'une mobilisation sans précédent au sein de la société française. À travers des manifestations et des écrits, ou par le biais des réseaux sociaux, cette dernière met en cause les pouvoirs publics, qu'elle accuse souvent d'inaction dans ce domaine. La justice ne peut rester sourde à cette interpellation. Par une politique volontariste initiée en 2019, le ministère de la Justice s'est notamment engagé dans une démarche de concertation avec la société civile. Quelles en sont les ressorts, les limites, et les espoirs ?The issue of conjugal violence is at the core of the feminist struggle and has led to an unprecedented mobilisation within French society. Through demonstrations and writings, or the use of social networks, public authorities have been challenged and often accused of inaction in that regard. Justice cannot ignore such a challenge. Through an assertive policy initiated in 2019, the ministry of Justice has pledged to engage in an open dialogue with civil society. What are the driving forces, the limits and the hopes of such a dialogue?
- Le féminisme et le corps des femmes - Camille Froidevaux-Metterie p. 63-73 Dès l'origine, le corps des femmes a été placé au cœur des combats féministes. Il a toutefois été progressivement désinvesti jusqu'à disparaître comme objet de luttes. Si le mouvement #MeToo a fait l'effet d'une déflagration, c'est parce qu'il a mis au jour ce scandale que les femmes étaient restées des corps à disposition par-delà leur émancipation. Le moment important où nous sommes de réappropriation de la corporéité dans ses dimensions les plus intimes nous impose de relancer le projet d'un féminisme phénoménologique (c'est-à-dire incarné) initié par Simone de Beauvoir.From the start, the woman's body has been at the centre of feminist struggles. However, it has gradually been ignored and has now totally disappeared as a subject of struggle. The #MeToo movement has caused a massive deflagration precisely because it has highlighted the scandal that, despite their emancipation, women remained a body to be disposed of. In the present important moment of reappropriation of corporeality in its most private dimensions, we must relaunch the project of a phenomenological (i.e. embodied) feminism initiated by Simone de Beauvoir.
- Temps, famille, discriminations professionnelles - Brigitte Grésy p. 75-87 La prise en compte de l'exercice de la parentalité n'est toujours pas à l'agenda dans les entreprises. Les pères en sont dissuadés tandis que les mères sont sanctionnées. Et le double déplacement n'a pas eu lieu : les femmes sont allées en masse dans le monde du travail mais les hommes n'ont pas investi la sphère privée, et la norme est encore une priorisation professionnelle masculine. Les chiffres sont là pour montrer cet inégal partage des responsabilités familiales et domestiques. Or c'est là la cause essentielle des inégalités structurelles entre les femmes et les hommes, et du sexisme qui leur est associé. Pour remédier à ces problèmes, il faut jouer sur le temps et sur l'implication des pères dans la parentalité tout au long de la vie, en allongeant le congé de paternité et en créant un nouveau droit individuel à la parentalité, pour prendre en compte non seulement les enfants mais aussi les proches avec lesquels les salarié.e.s sont en relation d'interdépendance.Considering the exercise of parenting is not yet on the agenda of most businesses. Fathers are discouraged while mothers are penalised. And the expected dual movement has not occurred : women have entered the world of work en masse while men have not invested the private sphere, and masculine professional priority remains the norm. The data illustrates this unequal division of familial and domestic responsibilities. Yet, this is the main cause of structural inequalities between men and women, and of the sexism that accompanies them. To remedy this problem, one must act on time and the implication of men in the exercise of parenting all along their lives, by extending parental leave and creating a new individual right to parenting that involves not only the children but also the relatives with whom employees are in a relation of interdependence.
- La mythologie de l'égalité : entre valeur républicaine et féminisme de l'altérité - Réjane Sénac p. 89-100 L'égalité femmes-hommes est désormais un sujet politique incontournable. Sa proclamation, le 25 novembre 2017, comme grande cause du quinquennat par le président Macron participe d'un récit politique l'érigeant en valeur de la République française. Cela signifie-t-il que, dans la France du début du xxie siècle, le féminisme est devenu un consensus, ou n'est-il pas plutôt une novlangue ? Nous répondrons à cette interrogation en questionnant l'actualité et l'actualisation de la cohabitation paradoxale de deux mythes entremêlés, l'égalité et la complémentarité femmes-hommes.Gender equality has become an inescapable political issue. Promulgating it on November 25th, 2017, as a major cause of his five-year term, President Macron wove a political tale that promotes it as a value of the French Republic. Does this mean that in France, at the beginning of the 21st century, feminism has become a consensus, or has it rather become an element of Newspeak? The article addresses this issue by questioning the topicality, even the modernity, of the paradoxical cohabitation of two intertwined myths, i.e. gender equality and complementarity.
- Les nouveaux débats féministes - Marie Scot p. 101-116 Dans les années 1970-1980, de nouveaux courants féministes critiques – Black feminism, féminismes postcolonial et décolonial, féminismes religieux – ont dénoncé l'ethnocentrisme du féminisme « occidental », inattentif à la diversité des situations des femmes et insensible aux discriminations raciales et sociales. Ils ont critiqué son institutionnalisation, sa dépolitisation et son renoncement à une critique radicale et globale de toutes les formes de domination (sexuelle, raciale, économique et sociale). Invitant à décentrer le point de vue, ils ont appelé à « décoloniser » le féminisme. Invitant à conceptualiser l'imbrication d'identités plurielles et l'enchevêtrement des expériences d'oppression (intersectionnalité), ils ont contribué à l'articulation des luttes féministes avec celles d'autres mouvements sociaux (antiracisme, écologie, altermondialisme).In the 1970s and 1980s, new critical feminist currents—Black feminism, postcolonial and decolonial feminisms, religious feminisms—have exposed the ethnocentrism of “Western” feminism, its lack of attention for the diversity of the situations women experienced and its insensibility to social and racial discriminations. They have criticised its institutionalisation, its depoliticisation and its abandonment of a radical and global critique of all forms of domination (sexual, racial, economic and social). Proposing to decentre viewpoints, they have called for the “decolonisation” of feminism. Proposing to conceptualise the imbrication of plural identities and the entanglement of the experiences of oppression (intersectionality), they have contributed to an articulation of feminist struggles and other social movements (antiracism, ecology, alter-globalist movement).
- Repères étrangers : (1er octobre – 31 décembre 2019) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 117-140
- Chronique constitutionnelle française : (1er octobre – 31 décembre 2019) - Jean Gicquel, Jean-Éric Gicquel p. 141-172