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Revue Le Moyen Age Mir@bel
Numéro tome 126, no 1, 2020
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Une réforme politique ancrée dans la longue durée : le Grand atour de Metz (1405) - Dominique Adrian p. 9-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1405, le gouvernement patricien messin est renversé par des contestataires qui remplacent les patriciens exilés, tout en réformant les institutions municipales. Cette réforme est beaucoup plus limitée que celles qui, dans les villes germanophones de l'Empire, conduisent à la création de régimes fondés sur la représentation de corps de métier. Pourtant, elle témoigne d'une réflexion sur la légitimation politique et sociale : la longue charte connue comme « Grand atour » qui lui donne une mise en forme écrite commence par une critique radicale du gouvernement patricien, puis énumère une longue série de mesures de détail qui vise certainement à rendre acceptables les mesures prises. Le retour à l'ordre ancien, avec répression violente, a lieu dès 1406, mais la mémoire des événements et du texte reste vivace pendant au moins un siècle, ce dont témoigne une transmission manuscrite révélatrice des usages de long terme de ce texte contestataire.
      In 1405, the patrician government of Metz was overthrown by protesters who took the place of the exiled patricians, while reforming the municipal institutions. This reform was much more limited than those that, in the German-speaking cities of the Empire, led to the creation of regimes based on the representation of guilds. Nevertheless, it demonstrated a broad rethinking of political and social legitimization: the long charter known as the Grand Atour, which gave a written form to this process, begins with a radical criticism of the patrician government and then lists a long series of minor measures that are intended to make the measures taken appear acceptable. The return to the old order, with violent repression, took place as early as 1406, but the memory of these events and this text remained alive for at least a century, as proved by a manuscript transmission which brings to light the long-term uses of this oppositional text.
    • Chius ki le cuer a irascu - Gabriele Giannini p. 27-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La plainte funèbre Chius ki le cuer a irascu, écrite pour l'évêque de Cambrai Enguerrand de Créquy, décédé en 1285, n'est probablement pas un chef-d'œuvre du genre déploratif, mais recèle plusieurs motifs d'intérêt. D'abord, la pièce est l'une des rares déplorations en langue d'oïl consacrées à un haut prélat. Ensuite, elle permet d'observer le rimeur anonyme aux prises avec un défunt dont l'épiscopat fut turbulent et la réputation sulfureuse, donc sa démarche prudente, la place accordée à l'exhortation aux suffrages et les stratégies adoptées pour rendre cet appel recevable et efficace. Enfin, l'examen de la carrière des dignitaires ecclésiastiques interpellés dans la plainte, dont une nouvelle édition est proposée, permet de conclure que celle-ci était destinée au premier cercle du défunt prélat, émanait vraisemblablement du même cénacle et a été composée entre les anciens diocèses de Cambrai et de Thérouanne.
      The eulogy Chius ki le cuer a irascu, written for the bishop of Cambrai, Enguerrand de Créquy, who died in 1285, is probably not a masterpiece of the genre but it is of interest for several reasons. First, the work is one of the few deplorations in langue d'oïl dedicated to a high prelate. Second, it allows us to observe the anonymous poet treating the subject of a deceased man whose episcopate was turbulent and whose reputation was scandalous, which explains his cautious approach, the place that he gives to the exhortation to pray for the dead, and the strategies adopted to make this appeal admissible and effective. Finally, an examination of the careers of the ecclesiastical dignitaries mentioned in the complaint, of which we provide a new edition, leads to the conclusion that it was intended for the inner circle of the deceased prelate, that it probably arose from the same group, and that it was composed between the former dioceses of Cambrai and Thérouanne.
    • L'expertise de la signature du roi Louis XI à l'aide des méthodes judiciaires - Ekaterina Nosova p. 45-57 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lors de la description et du catalogage des documents, les autographes des monarques doivent souvent être vérifiés en raison de la pratique consistant à avoir des secrétaires qui peuvent signer des documents au nom du roi. L'un des premiers rois de France à avoir eu de tels administrateurs fut Louis XI. Comme les secrétaires de la main étaient des calligraphes qualifiés, la tâche semble difficile et nécessite la mise au point d'un appareil de recherche traditionnel. Nous avons essayé d'utiliser les méthodes d'expertise judiciare. La marque de l'imitation de l'écriture d'une autre personne est la diminution de la coordination des mouvements, qui se manifeste par la sinuosité et l'angularité des traits, la prédominance des attachements sur l'écriture conjointe, les débuts et les fins de traits émoussés, les arrêts injustifiés de la plume, ainsi que les pressions indifférenciées. En examinant les autographes de Louis XI provenant des Archives historiques et scientifiques de l'Institut d'histoire à Saint-Pétérsbourg on a découvert tous ces signes, ce qui indique que les signatures n'ont pas été exécutées par le roi lui-même.paléographie
      When describing and cataloging documents, kings' autographs often need to be verified because of the practice of allowing secretaries to sign documents on behalf of the king. One of the first kings in France to have these “secrétaires de la main” was Louis XI. Since the secretaries were skilled calligraphers, the task of identifying their work is difficult and requires the use of an established research apparatus. We tried applying methods adopted from forensic science. One of the clearest signs of a writer imitating the handwriting of another person is a decrease in the coordination of movements, which is manifested in the sinuosity and angularity of strokes, the predominance of attachments over the conjoint execution of letters, blunt beginnings and endings of strokes, unwarranted stops of the pen, as well as undifferentiated pressure. When considering the autographs of Louis XI from the Scientific and Historical Archive of the Saint Petersburg Institute of History, all these signs were found, which indicates that the signatures were not executed by the king himself.
    • Le pouvoir transitif de la Vierge : le chemin du salut dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci - Jerry Root p. 59-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, j'explore des exemples textuels et visuels de l'intercession de la Vierge dans Les Miracles de Nostre Dame pour souligner l'importance de la participation du pénitent dans son chemin vers le salut. Le Trône du Salomon du frontispice du ms. Paris, BnF, Naf. 24541 représente bien cet équilibre entre le pouvoir divin de la Vierge et la participation de l'homme. Cette image peut nous servir de figure pour toute la collection des miracles et pour le chemin du salut de l'individu. D'une manière néoplatonicienne les marches de l'escalier, comme les miracles qui vont suivre, constituent les étapes du chemin. Pour participer dans le mouvement vers Dieu que l'image de la Vierge promet, le pénitent doit gravir ces marches. Ce pénitent, tout comme les lecteurs et les spectateurs des manuscrits, partagent le désir, exprimé par Gautier de Coinci vers la fin des Miracles, de participacïon dans la grande maison de Dieu.
      In this article I explore textual and visual examples of the intercession of the Virgin in Les Miracles de Nostre Dame in order to emphasize the importance of the participation of the penitent in the path to salvation. The Throne of Solomon on the frontispiece in the ms. Paris, BnF, Naf. 24541 clearly illustrates this balance between the divine power of the Virgin and the participation of the penitent. This image could serve as a figure for the whole collection of miracles and the path to salvation for the individual. In Neoplatonic fashion, the steps of the stairway, like the miracles that will follow, constitute the stages of the path. In order to participate in the movement toward God that the Virgin's statue promises, the penitent must climb these steps. This penitent, along with the readers and viewers of the manuscripts, shares the desire, expressed by Gautier near the end of the Miracles, for participacïon in the great house of God.
    • Un cas d'appropriation temporelle d'une doctrine canonique : l'argument de la necessitas comme justification de l'exception en matière fiscale - Julien Le Mauff p. 83-98 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Connu à partir du xiiie siècle dans la pratique fiscale temporelle, particulièrement en Angleterre et en France, l'usage de la nécessité dans les discours de justification de décisions exceptionnelles est précisément inauguré par Henri III Plantagenêt. Or, la levée fiscale décidée par celui-ci en 1225 et justifiée par la nécessité est précédée d'une intervention d'Honorius III, qui recourt au même argument, et apparaît comme source d'inspiration décisive pour le pouvoir royal. De fait, l'argument de la necessitas comme justification de l'exception est ancré dans une doctrine canonique qu'illustrent le principe necessitas non habet legem, la théorie canonique de la dispense, ou encore diverses occurrences antérieures dans les discours pontificaux. Aussi la taxation de 1225 fait-elle apparaître un véritable mécanisme d'appropriation d'une doctrine canonique par la pratique temporelle, sous l'influence directe de la papauté.
      The use of necessity in discourses aimed at justifying exception is well known among decisions made by secular powers from the thirteenth century onward. Such a practice existed in England and France, and specifically emerged under Henry III of England. However, his decision to levy taxes in 1225, justified by necessity, was inseparable from a papal intervention by Honorius III, who used this argument in a letter and appears to have been a decisive inspiration for Henry. Indeed, the use of necessitas to justify exception is rooted in canonical doctrine, as illustrated by the well-known principle necessitas non habet legem, the theory of dispensation, and previous occurrences in papal sources. The royal taxation of 1225 therefore reveals a mechanism of appropriation of a canonical doctrine by secular power, under the direct influence of the Pope.
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