Contenu du sommaire : Innover sans changer

Revue Monde Chinois Mir@bel
Numéro no 61, 2020/1
Titre du numéro Innover sans changer
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial. L'innovation en Chine : réalités et problèmes - Jean-Yves Heurtebise, Jean-Paul Maréchal p. 5-7 accès libre
  • Dossier. Innover sans changer : succès et dilemmes de l'innovation en Chine

    • L'envol du panda ? Aviation civile chinoise et innovation - Jean-Paul Maréchal p. 9-38 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      L'objet de cet article est d'analyser la stratégie chinoise de rattrapage technologique dans le domaine de l'aviation civile. Nous procéderons en cinq étapes. On débutera par un retour sur les premières décennies de l'histoire aéronautique chinoise. Puis on analysera la politique industrielle qui, à partir des années 1990, a mené à la constitution des deux champions nationaux que sont AVIC et COMAC. Dans un troisième temps on décryptera le programme phare qu'est le C919. Dans un quatrième, on étudiera la place de la production chinoise dans le marché mondial. Pour finir, on fera le point sur la réalité du « pillage » technologique chinois dans le domaine de la construction aéronautique.
      The subject matter of this article is to analyse the Chinese technological catchup-strategy in the field of civil aircraft industry. The five parts of this article are respectively dedicated to : the first steps of the Chinese aircraft industry, the industrial policy decided in the early 90s that led to the creation of the two main Chinese aircraft companies: AVIC and COMAC, the C919 program that is the current leading civil aeronautical program in China, the potential share of the Chinese aircraft production in the world market and, finally, the way China acquires foreign scientific and technological knowledge.
    • Entre résilience et rupture : l'émergence d'un nouveau modèle technologique chinois ? - Océane Zubeldia p. 39-53 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Depuis son arrivée au pouvoir en 2013 le Président chinois Xi Jinping a placé l'innovation technologique au centre de la stratégie chinoise. Pour stimuler son développement, l'industrie du numérique est fortement sollicitée par l'appareil étatique et sert de puissant levier tant sur le marché intérieur (contrôle de la données) que sur l'influence géopolitique (« routes de la soie digitalisée » en Asie, Europe, et Afrique). Les politiques publiques et les dynamiques privées soutiennent la modernisation de l'Armée populaire de libération (APL) qui a désormais la capacité opérationnelle de bouleverser l'équilibre stratégique de l'Asie du sud-est et de faire face aux Etats-Unis. La Chine est-elle pour autant un acteur capable de ruptures technologiques ou adapte t'elle son modèle ?
      Since he came to power in 2013, China's President Xi Jinping putted technological innovation at the heart of China's strategy. In order to stimulate its development, the digital industry is heavily called upon by the state and serves as a powerful lever on the internal market (data control) as much as on geopolitical influence (“Digital Silk Road” in Asia, Europe, and Africa). Public policy and dynamics in the private sector provide their support to the modernisation of the People's Liberation Army (PLA), which now has the operational ability to disrupt the strategic balance in South-East Asia and to face the United-States. Does this mean China is a player capable of making technological breakthroughs or is it adapting its model?
    • Les biotechnologies en Chine : investissement stratégique et massif dans l'édition du génome - Agnès Ricroch p. 54-69 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La Chine investit stratégiquement et massivement de l'argent dans un nouveau domaine biotechnologique : l'édition (ou réécriture) du génome. L'édition du génome avec les « ciseaux moléculaires » impliquant un système CRISPR-cas1 permet depuis 2012 de modifier de façon précise l'ADN d'un organisme, animal, végétal ou microorganisme pour lui conférer des nouvelles propriétés. Ces organismes issus de l'édition du génome, dits organismes édités, ne sont pas classés comme des OGM dans la plupart des pays, l'Europe ne s'est pas encore prononcée pour leur classement en OGM ou pas2. En Chine, le 12e plan quinquennal de développement des industries émergentes stratégiques, publié par le Conseil des affaires d'État, en décembre 2012, fixe des objectifs quantifiables dans les domaines des biotechnologies médicale, agricole, et industrielle à échéance de 2015 et 2020. La Chine investit surtout dans l'agriculture et ses utilisations avec CRISPR-cas avec l'acquisition en 2017 de Syngenta, une des quatre plus grandes industries agro-chimiques. Pour fournir suffisamment de nourriture à sa population de 1,4 milliard de personnes avec des ressources naturelles limitées, la Chine pourrait un jour avoir besoin de plantes éditées. En 2013, le financement public chinois de la recherche agricole a approché 9 milliards d'euros. Les chercheurs chinois en 2014 sont pionniers dans la création avec CRISPR-cas de la première plante agricole, le blé rendu résistant à une maladie fongique, l'oïdium. Ils sont aussi pionniers pour la thérapie génique germinale sur des embryons humains non viables en 2015. Ils explorent la modification du génome humain en médecine avec beaucoup d'essais cliniques principalement pour étudier le cancer et créent dans ce but des singes édités comme modèles pour l'étude des maladies humaines. Des dérives éthiques de modification génétique par CRISPR-cas de la lignée germinale du génome humain de deux jumelles résistantes au SIDA par une équipe chinoise en 2018 ont soulevé une opposition dans la communauté internationale. Les chercheurs chinois appliquent également l'éditeur CRISPR-cas à grande échelle chez les animaux notamment pour humaniser des organes de porcs pour les xénogreffes (greffes chez l'homme) mais aussi pour la médecine vétérinaire. Un nouvel équilibre des forces géopolitiques est apparu dans l'édition du génome, la Chine est le pays qui dépose le plus grand nombre total de brevets par an et a pris l'avantage sur les États-Unis dès 2016. La Chine (surtout les laboratoires des académies des sciences) occupe la première place dans les secteurs industriel et agricole (végétal et animal) ; les laboratoires américains étant en tête en matière d'améliorations techniques et dans le domaine médical. La Chine et les Etats-Unis, qui ont déjà leur réglementation, investissent le plus dans ce récent domaine biotechnologique. Cependant, la réglementation en Chine des produits ou aliments édités issus de ces nouvelles biotechnologies génétiques utilisant l'ingénierie CRISPR-cas n'est pas encore connue.
      China is strategically and massively investing financial funds in a new biotechnological field: genome editing (or rewriting). Genome editing with “molecular scissors” involving a CRISPR-cas system has since 2012 made it possible to precisely modify the DNA of an organism, animal, plant or microorganism to provide it new traits. These organisms resulting from the genome editing, the so called edited organisms, are not classified as GMOs in most countries, and Europe has not yet decided whether they should be classified as GMOs or not. In China 12th Five-Year Plan for National Strategic Emerging Industries published by the State Council in December 2012, sets quantifiable objectives in the fields of medical, agricultural and industrial biotechnology for 2015 and 2020. China is investing primarily in agriculture and its uses with CRISPR-cas with the 2017 acquisition of Syngenta, one of the four largest agrochemical industries. To provide enough food for its population of 1.4 billion people with limited natural resources, China may one day need edited plants. In 2013, China's public funding for agricultural research approached 9 billion euros. Chinese researchers in 2014 are pioneering the creation with CRISPR-cas of the first agricultural plant, wheat varieties made resistant to a fungal disease, powdery mildew. They are also pioneers in germline gene therapy on non-viable human embryos in 2015. They are exploring the modification of the human genome in medicine with many clinical trials mainly to study cancer and are creating for this purpose monkeys edited as models for the study of human diseases. Ethical drifts of genetic modification by CRISPR-cas of the germline of the human genome of two AIDS-resistant twins by a Chinese team in 2018 have raised international opposition in the international community. Chinese researchers are also applying the CRISPR-cas editor on a large scale in animals, in particular to humanize pig organs for xenografts (transplants to humans) but also for veterinary medicine. A new balance of geopolitical forces has appeared in the genome edition, with China being the country that files the highest total number of patents per year and has taken the lead over the USA as of 2016. Especially the laboratories of the academies of science of China are in the lead in the industrial and agricultural (plant and animal) sectors; American laboratories are in the lead in technical improvements and in the medical field. China and the USA, which already have their own regulations, are investing the most in this recent area of biotechnology. However, the regulation in China of the products or edited foods resulting from these new genetic biotechnologies using CRISPR-cas engineering is not yet known.
    • The Technological transfer channels and innovation between Italy and China: The case of Guangdong - Francesco Roma, Claudio Petti p. 70-83 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Le but de cet article est d'explorer les pratiques innovantes des entreprises étrangères en Chine, à la lumière des canaux de transfert de technologie utilisés. Cette étude a été réalisée grâce à l'analyse de trois entreprises italiennes de la province du Guangdong. Les données ont été recueillies par le biais d'entretiens directs et de contacts de suivi supplémentaires. Les analyses ont mis en évidence certains facteurs influençant le transfert international de technologie en termes d'entrave ou de facilitation du transfert, qui relèvent soit des réglementations strictes et des atteintes à la propriété intellectuelle, soit la capacité d'absorption locale. Les résultats ont révélé comment les lois, les réglementations et le régime des DPI (droits de propriété intellectuelle) ont un impact significatif sur les activités technologiques et d'innovation. Certaines recommandations sont ainsi fournies pour améliorer l'efficacité de ces canaux et essayer de surmonter les obstacles au transfert international de technologie, ainsi que pour améliorer les modèles et activités d'innovation suivies par les entreprises étrangères, en particulier celles qui opèrent dans le Guangdong.
      The purpose of this article is to explore foreign enterprises' innovation practices in China, in light of the effectiveness of the technology transfer channels used. Such exploration was carried out through the analysis of three case studies of Italian companies in Guangdong Province. Data were collected through direct interviews and further follow-up contacts. Analyses pointed out some factors influencing the international transfer of technology in terms of hampering or facilitating the transfer, which are, as for the first event, stringent regulations and intellectual property infringement, and local absorptive capacity in the second event. Findings revealed how laws, regulations and IPR (intellectual property rights) regime still have a significant impact on their technological and innovation activities. In these regards, some recommendations are provided in this article to improve the effectiveness of these channels and try to overcome the barriers to international technology transfer, as well as to leverage the innovation models and activities followed by foreign enterprises, with particular reference to those operating in Guangdong.
    • Innovation, histoire et géopolitique en « Chine » : revanche technologique, mimétisme impérialiste et techno-autoritarisme - Jean-Yves Heurtebise p. 84-99 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La Chine a souvent paru aux yeux des Occidentaux sous différentes couleurs et de différentes manières – celles-ci souvent induites par le discours des Chinois sur la Chine même. Les projections changent avec le temps : au mythe de la Chine comme ultime puissance révolutionnaire grâce au maoïsme des années 1960 et 1970 a succédé le nouveau mythe de la Chine comme eldorado des entreprises étrangères, récemment ancré sur le rêve chinois de la Chine comme grande puissance innovante en 2049. Le premier but de cet article est de proposer un regard sur ces prospectives de long terme et de mettre en évidence les limites et blocages de divers ordres au regard desquels ces prédictions semblent relever souvent plus de la science-politique-fiction que du planning rationnel. Plus encore, le point fondamental de cet essai est de s'interroger sur les buts mêmes d'une telle innovation : une innovation au service du techno-autoritarisme est-elle un objectif scientifique acceptable ?
      China has often appeared in the eyes of Westerners through different hues and in different shapes – these images often triggered by Chinese discourses on China itself. Projections change over time: the myth of China as the ultimate revolutionary power due to Maoism in the 1960s and 1970s was succeeded by the new myth of China as an eldorado of foreign companies recently anchored on the Chinese dream of China as a great innovative powerhouse in 2049. The aim of this article is to offer a look at these long-term prospects and to highlight the limits and blockages of various orders in the light of which these predictions often seem closer to science-political-fictions than to rational planning. What is more, the fundamental point of this essay is to question the very goals of such an innovation: an innovation serving techno-authoritarianism is it still an acceptable scientific objective?
  • Varia

    • Présence chinoise dans les balkans occidentaux : concurrence, complémentarité, coopération - Xavier Richet p. 100-122 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cette contribution examine la présence chinoise dans la région des Balkans occidentaux – pays en voie d'adhésion à l'Union européenne – les motivations, les modes d'entrée et les réalisations des entreprises chinoises qui y sont présentes. L'impact de cette présence est analysé à la fois dans ses aspects économiques – commerce, investissement, construction d'infrastructures – et géostratégiques, en particulier son impact sur l'intégration de ces pays dans l'Union européenne, sur les alternatives qu'elle propose face au processus d'intégration conduit par l'Union européenne.
      This contribution examines the Chinese presence in the Western Balkans region – where five countries are in the process of joining the European Union – the motivations, the methods of entry and the achievements of the Chinese companies which are present there. The impact of this presence is analyzed both in its economic aspects – trade, investment, construction of infrastructure – and geostrategic, in particular its impact on the integration of these countries in the European Union, on the alternatives that it proposes in the face of the integration process led by the European Union.
  • Notes de lecture