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Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 238, 2020/2
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Sciences en danger, revues en lutte - p. 227-236 accès libre
  • Note du comité de rédaction : Perspective depuis les Cahiers d'Études africaines - p. 237-240 accès libre
  • Hommage à Yvette Trabut (1er septembre 1934-16 mars 2020) - Jean-Loup Amselle, Jacques Revel, Lucette Valensi p. 241-244 accès libre
  • Études et essais

    • Géographies de l'insoumission et variations régionales du discours nationaliste au Cameroun (1948-1955) - Yves Mintoogue p. 245-270 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir dressé un tableau de l'implantation, d'intensité très inégale, de l'UPC, l'Union des populations du Cameroun (le mouvement nationaliste camerounais), à la veille de son interdiction administrative en 1955, ce texte étudie les déclinaisons régionales du discours nationaliste durant les années de décolonisation du Cameroun. L'étude montre que ces variations s'expliquent par la manière dont les différents groupes subalternes qui avaient rejoint l'UPC se réappropriaient la revendication d'indépendance et l'articulait à l'historicité propre de leurs terroirs respectifs, ainsi qu'aux conflits et les luttes d'intérêts au niveau local. Il en ressort que les forces anticoloniales rassemblées au sein de l'UPC ne constituaient pas un bloc homogène ou monolithique ; elles étaient composées de groupes sociaux différents, avec leurs aspirations et leurs idiomes propres.
      ‪After drawing up a panorama of the establishment, of very unequal intensity, of the UPC, l'Union des populations du Cameroun (the Cameroonian nationalist movement), on the eve of its administrative ban in 1955, this text studies the regional variations of nationalist discourse during the years of decolonization in Cameroon. It shows that these variations are explained by the way the various subaltern groups which had joined the UPC reappropriated the claim of independence and articulated it with the proper historicity of their respective terroirs, as well as with conflicts and local interest struggles. Consequently, the anti-colonial forces gathered within the UPC did not constitute a homogeneous or monolithic block; they were made up of different social groups, with their own aspirations and idioms.‪
    • « Les nouveaux espaces de la contestation ? » : Facebook, opinion publique et émergence d'un espace démocratique au Burundi - Désiré Manirakiza p. 271-301 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une réflexion critique sur les médias sociaux comme outils de démocratisation de l'espace public. Il prend pour cas d'étude le Burundi de 2015. Alors que le président Pierre Nkurunziza voulait briguer un troisième mandat, en contradiction avec les prévisions des accords d'Arusha, la contestation de ce que ses opposants ont considéré comme un coup de force s'est faite dans la rue mais aussi dans les médias sociaux, surtout Facebook. L'article montre que, contrairement à un paradigme dominant au sein des études sur les médias sociaux qui a pris de l'ampleur au moment des printemps arabes, les médias sociaux ne sont pas tant des espaces où se développent et s'affûtent des débats démocratiques, car ils fonctionnent essentiellement comme des caisses de résonance d'opinions politiques et de lectures du monde social déjà présentes dans la société. Par ailleurs, ces médias ne sont pas uniquement investis par des individus ou des groupes qui s'opposent au pouvoir en place, mais aussi par des acteurs du régime et par leurs soutiens, de sorte que leur potentiel contestataire est aisément verrouillé, en contexte autoritaire, faisant frein au succès des mobilisations sociales populaires.
      ‪This papers sheds a critical light on social media as a tool for public space democratization. Burundi of 2015 is the empirical anchorage. While President Nkurunziza whishes to take a third term at the presidential office, going against Arusha's agreement, a protest against his decision was expressed both in streets an social media, mainly Facebook. On one hand, this paper highlights the fact that, contrarily to the leading literature on social media which rose during the Arab spring, social media are not spaces favoring democratic debates. Because they still work as duplicators of public opinions and social analysis already present in the society. On the other hand, those social media are not only used by individuals and groups opposing the ruling power. But they are also a mean for those who support such a power. Subsequently, the protest potential of opposing groups is countered back, in an authoritarian context, preventing from any success of a popular social mobilizations.‪
    • “I Went Back to my Old School” : Nostalgia, Migration and Return in Africa - Sabine Marschall p. 302-322 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ‪En examinant un cas d'étude de migrants africains qualifiés en Afrique du Sud, cet article porte sur une région géographique négligée au sein de la recherche internationale sur la migration. Contextualisée par rapport aux recherches plus larges sur l'expérience personnelle des migrants, l'étude actuelle se concentre sur le rôle de la mémoire personnelle et sociale en tant que vecteur négligé de l'expérience migratoire. D'autres études sur les migrants ont déjà exploré la mémoire en lien avec des tentatives de préserver l'identité culturelle ou de maintenir l'ambiance du foyer d'origine dans le pays hôte, mais cet article attire l'attention plutôt sur la mémoire dans le contexte du pays natal où le déclenchement de souvenirs s'effectue en fonction d'une performativité spécifique lors de visites de courte durée chez soi. La plupart des migrants de retour au pays passent du temps non seulement en famille mais aussi en se rendant dans des lieux significatifs, notamment — comme nous l'avons trouvé dans cette recherche — leurs anciennes écoles qui sont associées à la fois aux souvenirs d'enfance et au passé pré-migratoire. Basée sur des entretiens avec 40 participants de différents pays africains, cette recherche s'enrichit de concepts théoriques de la discipline des études de mémoire (Memory Studies), en particulier en ce qui concerne le lien entre mémoire et lieu. Pourquoi les migrants retournent-ils à leur ancienne école ? Comment la visite déclenche-t-elle des souvenirs qui affectent l'identité, l'amour-propre ou le sens de soi-même ? Cette étude a révélé que l'engagement multi-sensoriel avec l'environnement matériel et social de l'école, un microcosme de leur « monde chez soi » (« homeworld »), associé avec des souvenirs profondément ancrés, est vécu de manière affirmative et constructive (empowering) pour les migrants en répondant à des besoins psychologiques et en contribuant à un sentiment de continuité de leur identité face aux changements et défis liés à la migration.‪
      By examining a case study of skilled African migrants in South Africa, this paper focuses on a neglected geographical area within the international scholarship on migration. Contextualized in the wider scholarship on the personal life experiences of migrants, the current research focuses on the role of personal and social memory as a neglected dimension of the migration experience. Various studies explore memory in relation to migrants' attempts at preserving cultural identity and fostering home atmosphere in the host country, but this paper draws attention to memory in the homeland context, i.e. the activation of memories through specific performativity during temporary return visits. Many migrants on home visits not only spend time with family, but also return to significant places, most notably—as was found in this research—to their former school, a place associated with memories of childhood and the pre-migration past. The research is based on interviews with 40 participants from different countries across Africa. Drawing on theoretical concepts from the field of Memory Studies, notably the link between memory and place, the research analyses why migrants return to their old school, how the visit precipitates memories and affects their sense of identity. The study found that the multisensory engagement with the material and social environment of the school, a microcosm of their “homeworld,” associated with deep-seated embodied memories is experienced in affirmative and empowering ways, suggesting that it feeds psychological needs and contributes to a sense of identity continuity in the face of migration-related change and challenges.
    • Mythes et manuscrits : Notes sur quelques traditions orales dans le Sous (Maroc) - Marie-Christine Delaigue, Abdessalam Amarir p. 323-347 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les relations entre traditions orales et histoire sont complexes. Dans le sud du Maroc, l'analyse de quelques traditions montre que si ces récits ont surtout un rôle social qui légitime l'ordre et le pouvoir établi, ils s'enracinent aussi dans l'histoire locale que nous avons pu reconstituer en croisant les données fournies par les archives avec des recherches archéologiques. Ces traditions confèrent également à la population une identité commune qui la différencie de ses voisins et l'autorise à réclamer un territoire.
      ‪Relations between oral traditions and history are complex. In the south of Morocco, the analysis of a few traditions shows that if these stories display above all a social function that legitimates the established order and power, they also root into a historic reality which is better understood thanks to the crossing of archival data and archaeological investigations. These traditions also set up a common identity that differentiates this group from its neighbors and authorize them to claim the space concerned.‪
    • La conquête de la Côte française des Somalis et le « massacre des Kabbobás » (1943) - Simon Imbert-Vier p. 349-369 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que l'historiographie présente l'occupation de la Côte française des Somalis comme pacifique, un épisode de grande violence en 1943 permet de reconsidérer la construction de la colonie en mettant en évidence l'importance de la coercition exercée sur les populations civiles par les troupes chargées du contrôle du territoire. Cet article propose de reconsidérer les événements survenus dans l'intérieur de la colonie, entre la mort de l'administrateur Bernard en 1935 et l'occupation de la région d'Afambo en 1943, comme l'histoire d'une conquête. Il s'interroge aussi sur les conditions dans lesquelles s'instaure, durant la Seconde Guerre mondiale, une oppression non contrôlée de populations en situation coloniale.
      ‪While the historiography describes mostly a peaceful occupation of French Somaliland, a 1943 violent event allows another reading of this colony construction by highlighting the important coercion imposed to civilians by military troops in charge of controlling the territory. This text proposes a new reading of the events which took place within the hinterland of the colony, between the death of the civil servant Albert Bernard in 1935 and the occupation of the Afambo area in 1943, as the history of a conquest. It also analyses a situation of an uncontrolled oppression of civilian inhabitants in colonial situation during World War Two.‪
  • Notes et documents

    • L'identité des Pamzoallumbu ou Pangelungus du royaume Kongo : Essai d'interprétation du sens et du contexte d'un terme au XVIe siècle - Igor Matonda p. 371-406 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article cherche à contester l'interprétation de François Bontinck qui proposa en 1980 une relation entre le terme « Pamzelunguos » et l'ethnonyme Basolongo en postulant que la rébellion de 1491 des soi-disant « Mundequetes », sous le roi Zinga Kuwu, était le fait de ces fameux « Pamzelunguos », ennemis du roi Affonso 1er. Notre point de vue, après avoir approfondi cette question, est que les auteurs des deux rebellions ne seraient pas les mêmes. Nous mettons cela en évidence en nous attardant sur le terme « Pamzelunguos ». Ce terme se rapporterait plutôt à un groupe kongo dissident lors du règne d'Affonso 1er. L'interprétation que nous proposons sur l'étymologie de ce terme offre des perspectives larges sur les conséquences politiques au sein de ce royaume Kongo lors des guerres civiles après la mort du roi Zinga Kuwu. À travers une approche mêlant la linguistique historique, l'étude de la cartographie ancienne et la critique historique, nous revisitons l'histoire du royaume Kongo au début du XVIe siècle.
      ‪This article seeks to challenge the interpretation of François Bontinck who proposed in 1980 a relation between the term “Pamzelunguos” and the ethnonym Solongo. He postulated that the rebels of 1491 under King Zinga Kuwu reign, called Mundequetes, would be identified with the famous Pamzelunguos, rebels and enemies to King Affonso I. Our point of view is that the authors of the two rebellions would not be the same. We highlight this by dwelling on the term “Pamzelunguos”. This term refers rather to a group of Kongo's dissident during the reign of Affonso I. The interpretation we propose on the etymology of this term offers broad perspectives on the political consequences within this Kongo Kingdom during civil wars after the death of the King Zinga Kuwu. Through an approach combining historical linguistics, the study of ancient maps and historical criticism, we revisit the history of the Kongo Kingdom at the beginning of the 16th century.‪
    • Échanges et économie politique de la traite atlantique entre le Loango et ses circonvoisins du XVIIe au XIXe siècle - Jean Félix Yekoka p. 407-430 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article revisite l'économie du Loango, dans le cadre des échanges de longue distance et du commerce négrier. Il s'attache à montrer que, pendant longtemps, cet État côtier, alors vassal du Kongo, a entretenu des relations commerciales solides avec ses voisins de la vallée du Niari et du Pumbo, dans le Stanley-Pool actuel. Basés sur des produits prisés, ces échanges furent le monopole des notables, maîtres de filières commerciales. Avec la traite négrière qui fit son entrée au Loango dès le XVIIe siècle, les produits de traite s'insérèrent avec autorité dans les circuits commerciaux traditionnels. Cette nouvelle économie bouscula les mentalités endogènes, l'être humain devenant l'article de commerce le plus prisé par les Européens qui établirent leur quartier général le long de la côte du Loango.
      ‪This paper reviews the economy of Loango, in the context of international and slave trade. It seeks to show that for a long time, this coastal state, which was at that time a vassal of the Kongo, had a strong trading relationship with its neighbours in the Valley of Niari and Pumbo, in the current Stanley-Pool. Based on popular products, these exchanges were monopolised by the notables, who were masters of the sale' channels. In the 17th century, with the introduction of the slave trade in Loango, trading products were incorporated as part of traditional trade channels with authority. As a result of this new economy, endogenous mentalities were shaken, human being became the most popular products of trade among Europeans, who settled their headquarters on the Loango coast.‪
  • Analyses et comptes rendus