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Revue Revue Française de Science Politique Mir@bel
Numéro vol. 70, no 3-4, juin 2020
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • La « fraude sociale » en questions : La naturalisation d'une thématique politique au prisme des questions à l'assemblée nationale (1986-2017) - Vincent Dubois, Marion Lieutaud p. 341-371 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cet article vise à rendre compte d'une évolution rigoriste dans les débats politiques sur les questions sociales et d'emploi, consistant plus précisément à promouvoir un contrôle plus strict des bénéficiaires d'aides sociales. Il repose sur l'analyse des questions parlementaires à l'Assemblée nationale, de 1986 à 2017 (n = 1 108). Rares, voire inexistantes, au début de la période, les questions sur les abus dont se rendraient coupables les bénéficiaires de prestations sociales et les modalités de leur contrôle ont augmenté jusqu'à devenir une thématique à part entière du débat politique. L'évolution de leur formulation révèle un durcissement progressif des prises de position, plus particulièrement à l'égard des fractions les plus démunies de l'espace social, et un affaiblissement concomitant des discours critiques à l'égard de telles tendances. On s'interroge en conclusion sur la manière dont la naturalisation de cette thématique dans les débats politiques a pu accompagner le renforcement des dispositifs de contrôle des « assistés ».
      This article seeks to describe the political shift towards increasingly intransigent views on social and employment issues, and, more precisely, the promotion of surveillance and stricter control of welfare recipients. It is based on the analysis of parliamentary questions posed in the French National Assembly from 1986 to 2017 (n = 1 108). At the beginning of the period studied, questions about welfare fraud were rare – in fact, almost non-existent – as were suggestions to increase the monitoring of recipients. Over the years, however, these issues gained in prominence, ultimately becoming a key element of political debate. This evolution revealed a gradual hardening of positions, particularly with regard to the most precarious segments of society, and a concomitant weakening of any discourse that might be critical of such trends. In conclusion, we examine how the widespread dissemination of this issue in political debates went hand-in-hand with increased and stricter control over welfare recipients.
    • Les sommets du Palais : Analyser l'espace parlementaire avec des cartes auto-organisatrices - Julien Boelaert, Étienne Ollion p. 373-398 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les élections législatives de 2017 ont été marquées par un renouvellement inédit sous la Ve République avec l'arrivée d'élus aux profils rares. Comment se sont-ils adaptés à cet espace très codifié ? La réponse à cette question est difficile car l'activité parlementaire a des facettes multiples que les méthodes classiques peinent à restituer ensemble. Afin de décrire ces formes d'engagement parlementaire relationnellement et dans leur diversité, cet article introduit une méthode de réduction de dimensionnalité : les cartes auto-organisatrices (Self-Organizing Maps, ou SOM). Il en expose les principes et en démontre l'intérêt en pratique à partir du cas de l'engagement parlementaire des élus de 2017. Une comparaison avec l'analyse géométrique de données souligne l'intérêt des SOM qui permettent une analyse fine des types de praxis parlementaire. Plus généralement, le texte montre que les SOM peuvent être un outil statistique utile, que ce soit pour réduire et visualiser une masse de données, ou pour représenter un espace social.
      The 2017 legislative elections brought an unprecedented breath of fresh air into the Fifth Republic, marking the arrival of many new faces in politics. How did these newly elected officials, many of whom were unusual recruits, adapt to such a highly codified space ? This question is difficult to answer, given that parliamentary activity has many facets that traditional research methods struggle to account for in a global fashion. In order to describe the diverse forms of parliamentary engagement from a relational perspective, this article introduces the concept of self-organizing maps (SOMs) to reduce dimensionality. After explaining the principles of SOMs, this article will highlight their value in analyzing the parliamentary engagement of the new crop of legislators elected in 2017. Comparing SOMs with a geometrical data analysis underscores the former's value with regard to permitting a granular analysis of parliamentary praxis. More broadly, this text will demonstrate that self-organizing maps can be a useful statistical tool, whether they are employed to reduce and visualize a large data set or to represent a social space.
    • Un culte du chef ? : Culture militaire et verticalité organisationnelle au front national - Félicien Faury, Guillaume Letourneur p. 399-420 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La structure verticale et le fonctionnement autoritaire du Front national (FN) sont régulièrement attribués à un « culte du chef » supposé animer ses membres, dont on peine à discerner les fondements. Dans une démarche sociologique, cet article propose d'analyser les soubassements socioculturels de la hiérarchie partisane frontiste. À partir de l'étude de milieux partisans dans des territoires contrastés, le texte montre que cette verticalité organisationnelle trouve une de ses conditions de possibilité dans une « culture militaire » dominante au sein du parti. La surreprésentation et la valorisation des mondes militaires au FN impliquent la diffusion d'un certain rapport à l'autorité qui vient légitimer le fonctionnement très hiérarchisé du parti. Cette culture militaire se traduit également par le peu de place accordé aux critiques internes de l'autorité du chef, et de ce fait par la récurrence, caractéristique de ce parti, des scissions et des exclusions militantes.
      The hierarchical scheme of far-right political organizations such as the Front National (FN) is usually attributed to a cult of personality or a desire for authority among its members. From a sociological perspective, this article will reflect on the socio-cultural bedrock of the FN partisan hierarchy. Based on the study of politically engaged circles in a number of different territories, this article argues that the vertical organization of the FN is made possible by a pervasive military culture within the party. The over-representation of party members with a military background implies a special relationship to authority, which in turn helps to maintain and justify the FN's hierarchical structure. One of the consequences of this military culture is that internal criticism of leadership and authority are rare, which conversely explains the repeated partisan splits and exclusions that are characteristic of this party.
    • Des coalitions au consensus politique ambigu : aux origines du revenu minimum au Brésil - Carla Tomazini p. 421-441 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'ambiguïté est aujourd'hui une variable indispensable à la compréhension des mécanismes de « mise en consensus » dans l'adoption des politiques publiques. De plus en plus utilisée pour l'analyse de l'action publique, la notion de « consensus ambigu » peut cependant perdre sa valeur analytique dès lors qu'elle recoupe des catégories opposées (tantôt les alliances et les accords, tantôt les oppositions et les désaccords profonds). Si l'ambiguïté ne se réduit pas à un simple dépassement des clivages partisans, que révèle-t-elle de singulier quant à la dynamique partisane ? Et comment le Politics participe-t-il de la mise en consensus des Policies ? En analysant la fabrique du revenu minimum au Brésil dans les années 1990, l'hypothèse développée ici est que « l'ambiguïté consensuelle » opère à trois niveaux distincts : à un niveau axiologique, au niveau des clivages partisans et à celui des stratégies électorales. L'article propose de suivre le processus complexe de mise en place de programmes de revenu minimum dont le fameux programme Bolsa Família, instauré en 2004, est une des résultantes.
      Ambiguity has now become an indispensable element to understand how consensus-building mechanisms facilitate the adoption of public policies. Increasingly used in analyses of public action, the concept of « ambiguous consensus » can nevertheless lose some of its analytical value when it cuts across opposing categories (first alliances and agreements, for instance, and then oppositions and profound disagreements). If ambiguity is not reduced to the mere transcendence of partisan differences, what does it reveal about the uniqueness of partisan dynamics ? And how do « politics » contribute to the consensus-building required for policies to ultimately be adopted ? Through an analysis of how basic income programs were developed in Brazil in the 1990s, we shall argue that « consensual ambiguity » operates at three different levels : at an axiological level, at the level of partisan differences, and at the level of electoral strategies. This article will look at the complex process of implementing basic income programs in Brazil, including the famous Bolsa Família set up in 2004.
    • Du vote professionnel à la grève : Les inégalités de participation en entreprise - Pierre Blavier, Tristan Haute, Étienne Penissat p. 443-467 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que les pratiques de participation des salariés en entreprise ont souvent été analysées de manière séparée, cet article propose d'investiguer, dans le cas du secteur privé en France, les articulations entre ces pratiques, du vote professionnel à la grève, mais aussi d'en restituer les déterminants et les évolutions récentes en s'appuyant sur les données de l'enquête « Relations professionnelles et négociations d'entreprise » (REPONSE). La majorité des salariés n'est que très peu engagée en entreprise, tandis qu'une minorité y est très engagée. Ces deux pôles renvoient à la conjugaison de deux mécanismes : « l'exclusion de fait », définie comme le fait de ne pas pouvoir participer du fait de l'absence de scrutin ou d'action collective organisée, et « l'auto-exclusion ». La première apparaît fortement dépendante des logiques de fonctionnement du champ économique. En revanche, ce sont surtout les caractéristiques des salariés qui déterminent l'auto-exclusion : les plus précaires et les cadres participent moins, notamment lors des élections professionnelles. Par ailleurs, la participation en entreprise a connu un déclin généralisé depuis le début des années 2000 même si des dynamiques conflictuelles se développent au sein de certaines fractions du salariat.
      Although the practices of employees with regard to internal corporate affairs and collective bargaining have been studied independently, this article shall investigate, in the case of the French private sector, how these different practices – ranging from workplace elections to strikes – intersect and connect. It shall also uncover their determinants and recent evolution by analyzing answers to the « REPONSE » survey [Relations professionnelles et négociations d'entreprise/Employement Relations and Collective Bargaining]. The majority of employees are little mobilized in the company, while a minority is very involved in protest mobilizations in particular. These two extremes point to the existence of two mechanisms : « de facto exclusion », defined as the inability to participate given the absence of a ballot or other organized collective action, and « self-exclusion ». The former appears to be highly dependent on the internal logic of the economic field. On the contrary, self-exclusion is primarily determined by the individual characteristics of employees themselves : more precarious employees and more senior executives managers tend to have limited participation, especially during workplace elections. In addition, participation within the corporate sphere has been subject to decline since the beginning of the 2000s, even as conflict has grown within certain segments of the salaried workforce.
  • Note de recherche

    • In absentia : Le vote par procuration, une participation électorale à distance ? - Baptiste Coulmont p. 469-488 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le vote par procuration s'est diffusé au cours des dernières décennies. À partir de l'Enquête participation électorale (Insee, 2017), j'établis que cette modalité alternative au vote direct renforce la participation électorale des classes supérieures et donc les inégalités de participation électorale. Les jeunes adultes s'investissent plus dans la procuration alors même qu'ils forment les cohortes importantes d'abstentionnistes. Le vote par procuration, du moins lors de la séquence électorale de 2017, rend compte de la surparticipation des cadres et des plus diplômés : sans la procuration, leur taux de participation est égal à celui des catégories intermédiaires. Mobilité et ressources sociales sont en interaction : le vote par procuration est la modalité à laquelle ont recours des électeurs mobiles du haut de l'échelle des ressources sociales, la mobilité des moins dotés ayant pour conséquence l'abstention. La procuration rend ainsi possible une participation électorale « à distance ».
      Proxy voting has become more widespread in recent decades. Based on the Enquête participation électorale [Study of Electoral Participation] published by INSEE in 2017, we shall argue that this alternative to direct voting strengthens electoral participation among the upper classes, and thus also perpetuates voting-based inequalities. Young adults are more likely to participate in proxy voting, even though they also form an important non-voting block. Proxy voting – at least if the 2017 elections are to be viewed as a reference point – accounts for the over-representation of executives and highly educated individuals. In fact, if proxy voting is not included, the voting rate for this group is equivalent to that of those in intermediate sociodemographic categories. Mobility and social resources intersect here : proxy voting is a means used by highly mobile voters with the most social resources, whereas a lack of mobility among lower classes often leads to abstention. Proxy voting thus makes a certain kind of « remote » electoral participation possible.
  • Chronique bibliographique : varia