Contenu du sommaire : Dossier : Les partis politiques à l'étranger

Revue Revue internationale de politique comparée Mir@bel
Numéro vol. 26, no 2, 2019
Titre du numéro Dossier : Les partis politiques à l'étranger
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Comment et pourquoi mobiliser les émigrés ? Approche comparée des partis politiques à l'étranger. Avant-propos - Tudi Kernalegenn, Émilie Van Haute p. 7-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les littératures sur les partis politiques et sur le transnationalisme ne se sont presque jamais croisées. Les partis politiques à l'étranger constituent donc un angle mort académique. L'introduction présente une vue d'ensemble des principales questions et débats théoriques, souligne les lacunes existantes et valorise l'importance d'une meilleure compréhension du phénomène croissant des partis politiques à l'étranger. Elle soutient que les partis à l'étranger sont les acteurs d'une nouvelle arène pour la citoyenneté et la politique partisane. La généralisation du vote à l'étranger et le développement d'institutions représentatives des émigrés ont transformé et renforcé les liens civiques et politiques entre les États et leur diaspora. Cela a également créé de nouvelles opportunités pour les entrepreneurs politiques et les partis politiques, avec pour mission de toucher les citoyens vivant à l'étranger. Les partis à l'étranger se caractérisent toutefois par une grande diversité de formes et de fonctions, comme le met en exergue une proposition de typologie. L'introduction esquisse enfin la structure générale du dossier et décrit comment les divers articles s'inscrivent dans cette question générale.
    The literatures on political parties and on transnationalism have rarely crossed paths. Political parties abroad therefore constitute a gap in our knowledge. This introduction presents an overview of the main theoretical questions and debates, emphasizes the existing gaps, and stresses the importance of a better understanding of the growing phenomenon of political parties abroad. It argues that parties abroad are the actors of a new arena for citizenship and party politics. The generalization of overseas voting and the development of representative institutions for emigrants has transformed and reinforced the civic and political links between states and their diaspora. This has also created new opportunities for political entrepreneurs and political parties, with the aim of reaching out to citizens living abroad. Parties abroad, however, are characterized by a great diversity of forms and functions, as highlighted by a prospective typology. Finally, the introduction sketches the overall structure of the special report and outlines how the various papers relate to this general question.
  • « Faire parti » à distance. Partis politiques tunisiens pro- et anti- régime Ben Ali en France - Mathilde Zederman p. 33-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En s'appuyant sur la comparaison entre deux partis politiques tunisiens agissant en France sous le régime autoritaire de Ben Ali (1987-2011) – le principal parti politique d'opposition en exil (le parti islamiste Ennahda), et le parti-État de Ben Ali (le Rassemblement Constitutionnel Démocratique, RCD) –, cet article interroge ce que peut signifier « faire parti », lorsque les activités partisanes sont délocalisées hors des frontières nationales. Il met en lumière la nécessité d'étudier les opportunités et les contraintes qui influent sur les spécificités des formes et des trajectoires des partis à l'étranger. En examinant l'influence du contexte sur leurs possibilités d'émergence et d'action, l'article montre que leur expérience partisane est tributaire des contraintes juridiques, institutionnelles, politiques non seulement du pays de résidence, mais aussi du pays d'origine. On observe que certaines opportunités et contraintes sont les mêmes pour tous les partis politiques étrangers, mais d'autres sont propres à chacun, et que le lien étroit entre les stratégies et moyens d'organisation et le contexte est notamment déterminé par l'identité et l'identification politiques des partis.
    Based on the case study of two different Tunisian political parties acting in France under Ben Ali's authoritarian regime (1987–2011)—the main opposition party in exile (the Islamist party Ennahda) and Ben Ali's party-state (the Rassemblement Constitutionnel Démocratique, RCD, or Democratic Constitutional Rally)—this article explores what it means to “be a party” while partisan activities are delocalized abroad. It shows the necessity of studying the opportunities and constraints that shape the specificities of the formation and trajectories of political parties abroad. It argues that the characteristics of both the long arm of the Tunisian regime and the fluctuations of the French national environment played a determining role, each exerting an influence on the possibilities of the development of political parties abroad. This article shows that some opportunities and constraints were similar across both political parties, while some were specific to one, and that the strong link between the strategies, means of organization, and context was determined by the political parties' identity and identification.
  • Le vote de la communauté algérienne à l'étranger : Quels enjeux pour les partis politiques ? - Belkacem Benzenine p. 57-81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis la réforme du code électoral en 1996, la communauté algérienne à l'étranger participe aux élections législatives pour élire ses représentants. Bien qu'il s'agisse de huit sièges seulement réservés aux Algériens à l'étranger, ces élections ont permis pour la première fois aux partis politiques de solliciter les voix de la communauté algérienne établie à l'étranger. L'objectif de l'article est de mettre l'accent sur la représentation des partis politiques algériens à l'étranger en tenant compte des résultats des élections législatives organisées depuis 1997. Le nombre important d'électeurs algériens à l'étranger (presque un million) constitue pour les partis politiques, malgré le nombre restreint de sièges à pourvoir, une opportunité de se rapprocher des citoyens algériens à l'étranger. L'organisation de ces élections depuis vingt ans montre qu'il est question d'une représentation partisane très diversifiée, mais qui reflète les clivages entre partis politiques algériens. Quels sont les enjeux qui se profilent derrière la décision d'associer les Algériens à l'étranger à voter aux élections législatives ? Quelle est la stratégie mise en œuvre par les partis politiques pour gagner les voix des électeurs algériens établis à l'étranger ? Quels sont les enjeux qui mobilisent les partis politiques algériens à solliciter leurs voix ? Comment la compétition partisane se déroule-t-elle dans un territoire étranger ?
    Since the reform of the electoral code in 1996, the Algerian community abroad has participated in the election of its representatives. Although only eight seats are reserved for Algerians abroad, these elections enabled political parties to solicit the votes of the Algerian diaspora for the first time. The aim of this paper is to highlight the relation between the representation of Algerian political parties abroad and the results of the parliamentary elections held since 1997. The number of Algerian voters abroad is significant, approaching one million. This is an opportunity for political parties, despite the limited number of seats, to get closer to Algerian citizens abroad. The organization of these elections, which have existed for over twenty years now, shows that this is a question of highly diversified partisan representation, which reflects the divisions between Algerian political parties. What are the implications of the decision to include Algerians abroad in legislative elections? What strategies do political parties use to gain the votes of Algerians living abroad? What are the issues that mobilize Algerian political parties to solicit their votes? How does partisan competition take place in a foreign country?
  • Le champ politique camerounais « à l'étranger » au travers des rivalités entre partis politiques - Moïse Tchingankong Yanou p. 83-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'octroi du droit de vote à distance, le 13 juillet 2011, aux Camerounais vivant hors du territoire national est un tournant paradigmatique dans la vie politique au Cameroun. C'est une option politique du gouvernement qui fait émerger une compétition entre partis politiques camerounais, à travers leurs représentations étrangères qui assurent à l'extérieur une présence continue mais aussi à travers leurs cadres qui s'y rendent de manière ponctuelle. Si, dans l'ensemble, il s'agit d'une transnationalisation du jeu politique électoral qui démontre la recomposition du système des partis, cette dynamique de déterritorialisation de la concurrence partisane consacre cependant une continuité dans ce qu'il convient de retenir des partis politiques en tant qu'objet d'étude : ils demeurent des entreprises politiques engagées dans une compétition pour l'acquisition ou la conservation du pouvoir dans de l'État-nation. C'est ce qui ressort de l'analyse comparative entre le RDPC, parti au pouvoir, et le MRC, parti d'opposition, dont la conquête des voix de l'électorat émigré en Europe révèle leurs stratégies partisanes différenciées de compétition pour l'exercice du pouvoir au Cameroun.
    The granting of the right to vote to Cameroonian emigrants in July 2011 has brought out a competition between Cameroonian political parties, through their foreign representations that ensure a continuous presence but also through their leaders who go there regularly. It is a transnationalization of the political game that demonstrates the reorganization of the party system in Cameroon. However, it testifies the continuity of political parties as an object of study: they remain political enterprises engaged in a competition for the acquisition and the conservation of power. This is apparent from the comparative analysis between the CPDM, the ruling party, and the opposition MRC, whose conquest of the voices of the emigrant electorate in Europe reveals their differentiated partisan strategies in the competition for the exercise of power in Cameroon.
  • Le Parti communiste d'Espagne et l'immigration « économique » (1956-1980) - Natacha Lillo p. 107-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article montre qu'entre la Libération en 1944 et sa légalisation en 1977, le Parti communiste d'Espagne (PCE) a utilisé la France comme base arrière indispensable lui permettant de se reconstruire dans la péninsule. À partir de la fin des années 1950, l'arrivée de saisonniers puis d'une très importante vague migratoire en provenance d'Espagne a conduit ses militants à entamer un travail de conscientisation envers eux, notamment à travers la Confédération générale du Travail (CGT). L'article met en évidence que, dans un premier temps, il s'agissait de leur présenter le droit du travail français puis, au-delà, de les informer des vicissitudes de l'Espagne franquiste afin de tenter de les recruter, en utilisant des vecteurs culturels (cours d'alphabétisation, projections de films, conférences, etc.). Si nombre de militants se sont attelés à ces tâches avec entrain, l'exemple de la préparation du meeting de Dolores Ibárruri, la mythique « Pasionaria », et de Santiago Carrillo, le secrétaire général du parti, en proche banlieue parisienne en juin 1971, montre que des efforts restaient à faire dans plusieurs régions françaises.
    This paper shows that between the Liberation in 1944 and its legalization in 1977, the Communist Party of Spain (PCE) used France as an indispensable backbone for rebuilding itself on the peninsula. From the end of the 1950s, the arrival of seasonal workers and then a very important migratory wave from Spain led its activists to work toward raising the awareness of Spanish migrants, particularly through the General Confederation of Labor (CGT). The paper stresses that initially the aim was to give them information about French labor law and then to inform them about the vicissitudes of Franco's Spain, in order to try to recruit them. Several cultural vectors were used in that perspective (including literacy courses, film screenings, and conferences). While many activists tackled these tasks with enthusiasm, the example of the preparation of the meeting of Dolores Ibárruri, the mythical “Pasionaria,” and Santiago Carrillo, the secretary general of the party, in a Parisian suburb in June 1971, show that efforts still needed to be made in several French regions.
  • Quand la greffe prend. EAJ-PNV s'étend au-delà de la frontière - Jean-Marie Izquierdo p. 133-158 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Comment le Parti nationaliste basque (EAJ-PNB), parti d'origine espagnole, s'est étendu sur le territoire français ? Cet article met en évidence comment, très progressivement, EAJ-PNB est devenu un acteur de la vie politique basque à part entière en France. L'article montre que la proximité d'un pouvoir autonome puissant en Pays basque espagnol, simultanée à une forme de décentralisation naissante en Pays basque français, constitue un terrain favorable au développement de stratégies multiniveaux d'un tel parti. Surtout, en Espagne, EAJ-PNB s'est imposé comme le parti dominant du système politique basque, ce qui le légitime à conduire le projet de construction nationale au-delà d'une frontière européenne perméable à cette notion.
    How did the Basque Nationalist Party (EAJ-BNP), a party of Spanish origin, spread to French territory? This article emphasizes that, very gradually, EAJ-BNP has become a full-fledged player in Basque political life in France. It shows that the proximity of a powerful autonomous power in the Spanish Basque Country, combined with an emerging form of decentralization in the French Basque Country, constitutes a favorable ground for the development of the party's multi-level strategies. Above all, in Spain, the EAJ-PNB has established itself as the dominant party in the Basque political system, which legitimizes it in leading the national construction project beyond a European border that is permeable to this notion.
  • En Marche Français expatriés ! L'émergence d'un nouvel acteur politique parmi les Français établis à l'étranger - Tudi Kernalegenn, Cédric Pellen p. 159-186 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les émigrés français disposent de 11 députés, de 12 sénateurs, d'une assemblée consultative et de 443 conseillers consulaires pour les représenter. Ce tissu de mandats a participé à l'émergence d'un espace politique français hors de France que les partis politiques français ont progressivement investis. Quelques semaines après son lancement, La République En Marche (LREM) s'est ainsi attachée à développer ses structures à l'étranger dans la perspective des élections de 2017. Avec succès puisque, lors de celles-ci, le parti d'Emmanuel Macron obtient un soutien électoral encore plus fort hors de France qu'en métropole et rafle 10 des 11 postes de députés. En s'intéressant aux modalités, dynamiques et configurations de l'implantation de LREM à l'étranger, l'article analyse comment le parti est parvenu à s'imposer comme l'acteur dominant de l'espace politique français hors de France lors des élections de 2017.
    French emigrants have eleven deputies, twelve senators, an advisory assembly, and 443 consular councilors to represent them. This network of mandates has contributed to the emergence of a French political space outside of France in which French political parties have gradually invested. A few weeks after its launch, in the run-up to the 2017 elections, La République en Marche (LREM) thus endeavored to develop its structures abroad. This proved successful, with Emmanuel Macron's party winning even stronger electoral support outside of France than in metropolitan France, obtaining ten of the eleven deputies. By focusing on the modalities, dynamics, and configurations of the establishment of LREM abroad, this article analyzes how the party managed to establish itself as the dominant player in the French political space outside of France during the 2017 elections.
  • Une communauté qui n'est plus en transition. Le cas de l'organisation des partis roumains à l'étranger - Sergiu Gherghina, Sorina Soare p. 187-212 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Si nous prenons en considération la définition classique du parti en tant qu'« ensemble de communautés, une réunion de petits groupes disséminés à travers le pays (sections, comités, associations locales, etc.) liés par des institutions coordinatrices » (Duverger, 1951, éd. 1992, p. 34), le processus de déterritorialisation de la citoyenneté a potentiellement des conséquences sur le territoire que les organisations des partis prennent en considération afin de mobiliser le soutien populaire. Dans ce contexte, l'article analyse les conséquences de l'extension des droits électoraux des citoyens non résidents roumains au niveau de l'organisation des partis nationaux. L'article s'intéresse, tout d'abord, à la dimension chronologique en se demandant quand et dans quel contexte les partis roumains ont commencé à s'organiser à l'étranger. En même temps, l'analyse se penche également sur la dimension pratique, à savoir les activités que ces organisations déploient dans leurs structures à l'étranger. À partir d'une étude qualitative, les stratégies organisationnelles de quatre partis parlementaires sont analysées. La principale conclusion est que les organisations extraterritoriales des partis politiques roumains sont « les enfants de la réforme de 2008 », mais leur registre d'activités reste limité aux fonctions de mobilisation électorale.
    According to the classic definition of a party as a group of communities, an assembly of small groups scattered across the country linked by coordinating institutions, the process of the deterritorialization of citizenship has potential consequences on the territory in which party organizations mobilize popular support. This article aims to analyze the consequences of extending electoral rights to non-resident Romanian citizens in national parties' organizations. It looks first at the chronological dimension of this process with the aim of identifying when and why Romanian parties started to organize themselves abroad. In parallel, the article aims to unwrap the practices of these party organizations; more specifically, it aims to analyze the range of activities these organizations deploy in the different host countries. Based on a qualitative study, it focuses on four parliamentary parties. The main conclusion is that Romanian parties' extraterritorial organizations can be considered “the direct result of the 2008 electoral reform,” but that their sphere of activity remains limited to electoral mobilization.