Résumé. — L'auteur étudie successivement les communautés religieuses et l'équilibre de l'Etat libanais. Il distingue d'abord les communautés chrétiennes au nombre de cinq : les Maronites forment le contingent le plus nombreux, 29 % de la population totale, le plus attaché à l'Occident et le plus entreprenant ; le Mont Liban en constitue le noyau à partir duquel un essaimage s'est opéré dans toutes les directions. Les Grecs orthodoxes représentent 10 % de la population ; ils sont fortement orientaux, socialement formés d'une grande bourgeoisie d'argent, citadine, et d'un petit peuple pauvre. Tandis que les Maronites sont des montagnards, les Grecs orthodoxes sont des citadins. Les Grecs catholiques, avec 6 % de la population totale, ne diffèrent pas sur le fond des Grecs orthodoxes. Les Arméniens, 6 %, se rattachent pour 80 % à l'Eglise arménienne grégorienne et pour 20 % à l'Eglise arménienne catholique. Energiques et travailleurs, leur répartition géographique est simple (grosse concentration à Beyrouth). Les autres communautés chrétiennes (Syriens orthodoxes, Jacobites, Syriens catholiques, les latins et les protestants) forment moins de 1 % de la population libanaise. Les communautés islamiques, mis à part les Kurdes et les Alaouites, sont au nombre de trois. Les Sunnites (20 % de la population) sont des Musulmans proprement dits et le rêve de la communauté est de voir un jour l'unification du monde arabe. Les liens qui l'unissent politiquement au Liban sont donc faibles. Les classes sociales y sont très tranchées et leur domaine géographique est le littoral et les villes (ils forment 34 % de la population de Beyrouth). Les Métoualis (20 %) font en réalité figure de parents pauvres. Dans le domaine religieux ce sont des chiites et leur domaine géographique est le Liban méridional. Les Druzes (6 %) sont eux aussi des chiites, mais ce sont des montagnards actifs, belliqueux et pleins d'audace, localisés dans le Liban méridional, et emigrant facilement. Les communautés libanaises sont donc en fait non seulement de véritables communautés religieuses mais aussi de véritables nations et des fédérations de familles patriarcales. Autre aspect sociologique, la séparation la plus fondamentale s'établit entre les communautés anciennement maîtresses du pouvoir (Sunnites, Grecs orthodoxes) liées aux villes, au littoral et aux grands axes de circulation, et les communautés réfugiées (Maronites, Druzes, Métoualis). Parmi ces dernières, seules celles qui ont trouvé à l'extérieur ou chez les émigrés un appui politique ou financier (Maronites, Druzes) demeurent vivantes. Dans la deuxième partie, l'auteur étudie l'équilibre de l'Etat libanais. Il évoque les données de l'histoire depuis les Phéniciens, jusqu'à la constitution du Petit Liban en 1861 et analyse les problèmes du Liban actuel (le Grand Liban), création des traités de paix qui ont suivi la Première Guerre mondiale : le problème démographique (plus fort accroissement naturel des communautés islamiques, mais plus forte émigration des communautés chrétiennes — en particulier vers l'Amérique et l'Afrique — , accroissement à l'intérieur du Liban du pourcentage des Arabes); le problème politique, résolu par une représentation politique et administrative proportionnelle aux communautés ; les problèmes d'avenir. Le Liban, carrefour de l'Occident et de l'Orient, maître d'une section importante du littoral méditerranéen, à la jonction de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique, est un lieu névralgique dont ne peuvent se désintéresser les grandes puissances. Pour l'instant, le Liban s'accommode de cette situation et le passage du pipeline sur son territoire lui vaut abondance de dollars et de livres sterlings.