Contenu du sommaire : Situations de violence et migration

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro vol. 36, no 1, 2020
Titre du numéro Situations de violence et migration
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier thématique

    • Éditorial : Situations de violence et migration - Marie-Antoinette Hily, Christian Poiret p. 7-9 accès libre
    • Autopsie d'une agence d'émigration : étude des pratiques administratives du département de la Alya de l'Agence juive pour Israël, 1948-1960 - Yann Scioldo-Zürcher p. 11-29 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Sohnout, l'agence d'immigration pour Israël, dont son département de la Alya, a organisé et coordonné au cours de la décennie 1950 la venue de plus d'1 million de personnes. Elle a, pour ce faire, créé une administration mondialisée qui a participé à la fois au « sauvetage » de populations menacées et à la promotion de la alya pour des personnes désireuses de tenter l'expérience sioniste, tout en leur imposant d'importantes contraintes, concernant notamment l'organisation du droit à migrer et la sédentarisation des personnes autorisées à s'installer dans le pays. Comment dès lors penser l'ambivalence des violences institutionnelles envers des populations migrantes désirées, nécessaires au développement économique et à la stabilité géopolitique de l'État, mais dont la prise en charge administrative les amenait à subir des situations sociales complexes, qui après 1954, ont conduit à la marginalisation géographique, sociale et professionnelle des nouveaux-venus ? Qu'est-ce que la pratique administrative de l'Agence juive nous apprend de la mise en œuvre d'une politique publique d'immigration d'envergure ?
      The Sohnout, the immigration agency for Israel, and its department of Aliyah, have organized and coordinated during the 1950s the migration of more than one million people. Following its aim, the Agency has created a globalized administration, that has participated in the “rescue” of threatened populations, promoted also the Aliyah for those wishing to try the experience of the migration in Israel, and in the same time, has imposed major constraints on the migrants, concerning especially the right to become migrant and their settlement once in the country. How can we study the ambivalence of the “State's violence” towards desired populations, able to participate in the economic development and the geopolitical stability of the State, but whose administrative management led them to be marginalized at the very moment of their departure? What does the Jewish Agency's administrative practice tell us about the implementation of a mass public immigration policy?
    • Migrations de la violence, violence en migration. Les vulnérabilités des populations centraméricaines en mobilité vers le Nord - Laurent Faret p. 31-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les trajectoires migratoires centraméricaines se déploient dans des espaces géographiques et sociopolitiques à risque, où les situations de danger et de vulnérabilités sont multiformes. À partir d'une lecture des expériences et des contextes de mobilité, l'auteur interroge les expressions de violence comme un des motifs de migration, comme une contrainte à la réalisation des projets migratoires et enfin comme un effet des politiques migratoires de contention. Il fait l'hypothèse que les formes des violences sont entrecroisées, souvent cumulatives, et que leur rémanence constitue aujourd'hui une composante des phénomènes migratoires dans la région. L'article vise à interroger comment un « continuum de violences » produit de la marginalité et génère des situations qui, à leur tour, alimentent des formes de vulnérabilités où les risques encourus sont banalisés alors même que la présence migratoire est socialement, juridiquement et politiquement sous-évaluée et invisibilisée.
      Central American migratory trajectories take place in risky geographical and socio-political spaces, where situations of danger and vulnerability are multifaceted. Based on an observation of experiences and contexts of mobility, the author examines expressions of violence as one of the motives for migration, as a constraint to the implementation of migration projects and finally as an effect of migration policies of contention. He assumes that the forms of violence are intertwined, often cumulative, and that their persistence constitutes a component of migration phenomena in the region today. The article aims to question how a “continuum of violence” produces marginality and generates situations that, in turn, fuel forms of vulnerability where risks are trivialized when the migratory presence is socially, legally and politically undervalued and invisibilized.
    • The Perception of Violence in Narratives of Central American Migrants at the Border between Mexico and the United States - Olga Odgers-Ortiz, Dick Cluster p. 53-73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La migration en provenance de l'Amérique centrale traversant le Mexique afin d'atteindre les États-Unis a acquis une visibilité grandissante. En arrivant à la frontière, les migrants se heurtent au mur, les contraignant à choisir entre s'installer provisoirement au Mexique en attendant d'être entendus par les autorités de l'immigration américaines, traverser subrepticement la frontière, ou bien redéfinir leur projet migratoire. Ils sont ainsi figés dans la mobilité. Cet arrêt imposé est l'occasion de réfléchir aux causes du départ, aux expériences vécues dans leur trajet, et aux possibilités s'ouvrant — ou se fermant — pour l'avenir. Les refuges créés à leur intention sont des lieux d'attente où se déploie ce travail de réflexion. En suivant l'approche des identités narratives, nous observons comment les migrants re-signifient la violence dans leur récit, que ce soit comme cause du départ, comme empreinte du voyage, ou relative aux démarches de demande d'asile. En la naturalisant, en l'acceptant comme « prix à payer », ou en se révoltant, la violence façonne leur réinterprétation du passé et leur projection vers l'avenir.
      Migration from Central America through Mexico to reach the United States has acquired increasing visibility. When migrants arrive at the border, they hit a wall that requires them to choose among waiting indefinitely in Mexico, crossing the border clandestinely, or redefining their project of migration. Thus they find themselves trapped within their own mobility. This imposed interruption, however, provides an opportunity for them to reflect on the causes of emigration, the lived experience of the journey, and possible futures that are opened up or shut down. The shelters created by civil society constitute spaces of waiting in which the work of reflection unfolds. Approaching our analysis from the perspective of narrative identities, we can see how these migrants, through their stories, resignify violence — whether as a cause of their emigration, or an imprint left by the trip, or in relation to processes of seeking asylum. Whether they naturalize the violence (accepting as the “price to pay”) or question it, the violence shapes their reinterpretation of the past and their projection into the future.
    • Parcours migratoires de femmes d'Afrique subsaharienne : les épreuves de la violence - Émilie Adam-Vézina p. 75-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comment rendre compte de l'expérience de la violence ? Dans le cadre d'une recherche doctorale, des enquêtes menées auprès de migrantes d'Afrique subsaharienne vivant avec le VIH-sida ont conduit à l'élaboration d'une définition opératoire, construite sur une base empirique distinguant violence généralisée, institutionnelle et interpersonnelle. Sans prétendre donner la bonne définition de la violence, ces distinctions permettent de révéler des processus sociaux qui structurent les trajectoires sociales et migratoires de ces femmes. Trois cas sont présentés qui illustrent la manière dont les violences pèsent sur la vie de ces femmes dans le pays d'origine, sur les routes migratoires et dans le pays d'immigration. Cette restitution permet d'en montrer les effets sur leur projet migratoire et leur état de santé.
      How to report on the experience of violence? Building on a doctoral research, this paper proposes a working definition of violence, which was empirically developed using surveys with migrant women from sub-Saharan Africa living with HIV/AIDS. The definition makes a distinction between generalized, institutional and interpersonal violence. Without claiming to give the right definition of violence, the proposed distinction enables the identification of the social processes that structure the social and migration trajectories of these women. Three cases are presented to illustrate the ways in which violence affects the lives of these women in the countries of origin, on the migration routes, and in the countries of immigration. Thus, these cases provide insight into the effects of violence on their migration plans and their health.
    • L'arme juridique en action aux confins de la France et de l'Italie - Oriana Philippe p. 95-106 accès libre
  • Varia

    • La frontière entre le Mexique et le Guatemala dans la presse quotidienne : mots de pouvoir et pouvoir des mots - Jean Clot p. 107-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors qu'il n'était que peu question de la frontière entre le Mexique et le Guatemala jusqu'aux années 1990, les médias et le monde politique lui ont accordé de plus en plus d'importance, ce qui a coïncidé avec l'augmentation des migrations internationales d'Amérique centrale vers les États-Unis. Nous proposons ici une analyse des manières de la dénommer et désigner dans les journaux issus de la presse quotidienne généraliste au Mexique et aux États-Unis. À travers une analyse catégorielle portant sur un corpus de sources journalistiques, nous identifions les thématiques dominantes et examinons comment le recours à certains termes, images et analogies forge des représentations sociales et participe à la construction d'une réalité géopolitique, spécialement en matière de sécurité frontalière et de contrôle des flux migratoires.
      Since the 1990s, the border between Mexico and Guatemala has received increasing attention of the media and the political sphere, which coincides with the growing international migration from Central America to the United States. This article focuses on the process of naming and designation of this border in the online newspapers, especially the mainstream media from Mexico and the United States. It identifies dominant themes through a categorical analysis of a corpus of media articles, and discusses how the use of certain terms, images and analogies shapes social representations and participates in the construction of a reality which is not unrelated to geopolitical interests, in particular on security and control of migratory flows.
    • Migration Policies and Threat-based Extraversion. Analysing the Impact of European Externalisation Policies on African Polities - Ferruccio Pastore, Emanuela Roman p. 133-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À la suite de la crise de 2015-2016, l'Union européenne et ses états membres ont attribué un degré de priorité croissant à la dimension extérieure de leurs politiques migratoires. L'impact de cette évolution sur les sociétés et les systèmes politiques des pays non européens concernés, spécialement en Afrique sub-saharienne, a été jusqu'à présent négligé par la recherche. Les auteurs abordent le thème à partir du concept d'« extraversion », développé par Jean-François Bayart pour analyser les stratégies d'intermédiation des dirigeants politiques post-coloniaux finalisées à l'exploitation des ressources naturelles. À travers le concept d'extraversion basée sur les menaces (threat-based extraversion), les auteurs analysent la façon dont les gouvernants des états d'origine et de transit capitalisent sur des perceptions fortement sécuritisées des migrations africaines, en se posant comme exécuteurs délégués des politiques restrictives inspirées par les pays européens de destination. L'article identifie les effets pervers potentiels de cette nouvelle forme d'extraversion et esquisse un agenda de recherche future.
      Following the crisis of 2015-2016, the European Union and its member states have increasingly prioritised the external dimension of their migration policies. The impact of such key policy development on non-European polities, especially African ones, has so far been neglected by research. Building upon the work of Jean François Bayart, the authors analyse this emerging configuration through the concept of “extraversion”, by expanding its original focus on the intermediation role of post-colonial African leaderships in the exploitation of natural resources by foreign actors. In what the authors call “threat-based extraversion”, governments of non-European migration-sending (and/or transit) states capitalise on securitised international perceptions of migration by positioning themselves as proxy implementers of restrictive migration policies dictated by potential destination states in Europe. The article identifies some potential perverse effects of threat-based extraversion and sketches an agenda for future research.
    • French Lao and their transnational humanitarian activities in Laos: between illusions and disillusionment - Isabelle Wilhelm p. 153-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les études sur les Lao installés à l'étranger depuis les événements de 1975 se sont focalisées sur leur intégration dans les sociétés d'installation et sur la transmission intergénérationnelle. Cet article présente la particularité de s'intéresser aux liens qu'ils maintiennent avec leur pays d'origine, à partir de l'étude des activités transnationales de type humanitaire initiées par des Lao de France. Il repose sur une ethnographie multi-située effectuée auprès d'associations qu'ils ont créées afin de soutenir la population du Laos. Fondé sur le concept d'« asymétries » de Carling (2008), cet article propose une analyse des relations entre ces « développeurs » et les « bénéficiaires » des projets des associations. Les motivations et les objectifs des Lao de France impliqués dans les projets se fondent sur des illusions qui se heurtent à un accueil ambigu sur le terrain. Les incompréhensions qui en découlent génèrent un désenchantement et des jugements mutuels.
      The studies on overseas Lao who left Laos after the 1975 political events have generally focused on these migrants' social incorporation in their receiving countries and on the dynamics of their intergenerational transmission. On the contrary, the present article explores the links that these migrants maintain with Laos, by examining the case of French Lao and their transnational humanitarian activities. It is based on a multi-sited ethnography conducted with the associations they created to support the population of Laos. Adopting Carling's concept of “asymmetries” (2008), it analyses the relationships between these “developers” and the “beneficiaries” of the associations' projects. The French Lao' involvement stems from their illusions that run up against the ambivalent welcome they receive in the field. The subsequent misunderstandings between them and the local population generate disillusionment and critical, mutual evaluations.
  • Notes de lecture