Contenu du sommaire : À quoi sert un congrès politique ?
Revue | Mil neuf cent |
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Numéro | no 38, 2020 |
Titre du numéro | À quoi sert un congrès politique ? |
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- Avant-propos - Christophe Prochasson p. 3-5
Dossier
- Ce que signifie le congrès de Tours (1920) - Emmanuel Jousse p. 7-30 De l'aveu des historiens comme des contemporains, le congrès de Tours n'a fait que sanctionner une scission déjà opérée entre partisans et adversaires de l'adhésion à la IIIe Internationale. Il est représentatif des autres congrès de partis politiques, dont les enjeux réels semblent décidés hors des débats publiés. En replaçant la rupture de 1920 dans un jeu de temporalités et d'échelles plus large, cet article montre que ses mécanismes sont établis par des pratiques politiques et militantes anciennes, et que ses résolutions sont bornées par des décisions prises autant par l'Internationale communiste que par les fédérations locales. C'est moins pour ce qu'il décide que ce pour qu'il fait et ce qu'il dit que l'« événement-congrès » prend sa signification.According to historians as well as contemporaries of the Tours Congress, the latter merely confirmed the split between those who adhered to the Third International and those who didn't. As such, it mirrors the congresses of other political parties, whose real stakes seem to be decided outside of the recorded debates. This article attempts to replace the 1920 split within a larger historical framework in order to show that the Congress' mechanisms were established by old political and militant practices. What is more, its resolutions were framed by decisions taken both by the Communist International and local organizations. What matters most in order to grasp the meaning of this “Congress Event” is what was said and done rather than the decisions that were taken.
- Cadre national, réseaux internationalistes et cartes mentales du monde au congrès de Tours - Sophie Cœuré p. 31-61 Le congrès socialiste tenu à Tours en décembre 1920 a été étudié et remémoré comme le moment de la naissance du Parti communiste français. L'objectif de cet article est de proposer une réflexion sur ce francocentrisme, puis d'apporter des propositions pour rouvrir, cent ans plus tard, les perspectives heuristiques de son étude à l'échelle internationale et transnationale. Il s'agira tout d'abord de comprendre la forme nationale et métropolitaine du congrès, puis d'analyser les pratiques nouvelles et anciennes de l'internationalisme qui le préparèrent et l'accompagnèrent de manière clandestine ou ouverte, en s'appuyant notamment sur de nouvelles archives. Enfin, on reviendra aux mots et aux discours formant des cartes mentales du monde et articulant les représentations des questions internationales et de l'influence de Moscou avec l'image du « socialisme français ».The socialist congress held in Tours in December 1920 is studied and remembered as the moment when the French Communist Party was born. The goal of this article is to reflect over Franco-centrism and to open up, on its hundredth anniversary, new heuristic perspectives for its study on an international and transnational level. First, we need to make sense of the Congress' national and metropolitan shapes. Then, we must analyze the old and new internationalist practices that prepared and accompanied it, be it openly or covertly, by taking a look at new archives. Finally, we will return to the words and discourses that formed those mental world maps and at the same time articulated a certain view of international questions and Moscow's influence with the image of “French socialism”.
- Soi-même et les autres : Contextes d'expérience et identité militante au congrès de Tours - Benoît Kermoal p. 63-81 Lors du congrès de Tours, les délégués en provenance de tous les départements ont pu prendre la parole durant les deux premiers jours. Ces interventions montrent la perception que l'on avait dans les territoires de l'avenir du socialisme et permettent de saisir au plus près le contexte de la scission entre socialistes et communistes. La profusion des sentiments exprimés renforce l'impression de vivre un moment décisif que l'on ne comprend pas forcément sur le moment. La multiplicité des contextes d'expérience, marquée par la Première Guerre mondiale, entraîne des incidents violents, provoqués par les délégués du Finistère ; ils sont analysés dans cet article afin de mieux comprendre les ressorts de l'identité militante qui oscille entre les références au passé et les aspirations nouvelles.During the Tours Congress, delegates from all French departments were able to speak publicly over the first two days. These speeches showed the perception that people had of the future of socialism in these territories and allow us to understand more clearly the context that presided over the split between socialists and communists. The many feelings expressed reinforces the impression that the participants lived a decisive moment even though they failed to understand it at the time. The multiple contexts of experience, marked by the First World War, led to violent episodes provoked by the delegates from the Finistère department. The latter are analyzed in this article so as to better grasp the workings of activist identity, caught between references to the past and new aspirations.
- Les Internationales de la jeunesse et la naissance des partis communistes (1919-1921) - Patrizia Dogliani p. 83-98 La naissance du communisme en Europe ne peut être réduite au dialogue entre le Komintern et les partis socialistes nationaux, plus ou moins sommés d'adopter les 21 conditions. Le processus revêt un caractère sociologique important, car il est porté en partie par les jeunes générations marquées par la guerre. Cet article éclaire le rôle joué par les organisations de jeunesse socialistes, et la formation d'une Internationale des jeunes communistes en 1919. Les mouvements de jeunesse sont le creuset de nouvelles formes de mobilisation politique, tout en reproduisant à leur échelle les divisions entre socialistes et communistes.The birth of communism in Europe can't be reduced to the dialog between the Komintern and national socialist parties, which were more or less ordered to adopt the 21 conditions. The process is of an eminently sociological nature, because it was partly supported by the younger generations who were marked by the War. This article sheds a light on the role played by Socialist Youth organizations, and the creation of a Young Communist International in 1919. Youth movements were the cradle for new forms of political mobilization, just as they reproduced, at their level, the divisions between socialists and communists.
- « Congrès de couloir » ou « congrès de tribune » ? : Les congrès du Parti communiste de Grande-Bretagne (1920-1943) - Kevin Morgan, Emmanuel Jousse p. 99-120 La fondation du Parti communiste de Grande-Bretagne (CPGB) ne provoque pas de scission dans le Parti travailliste, et il n'existe pas de congrès de rupture comparable à celui de Tours. Plus généralement, le congrès tel que le mouvement communiste le met en scène, ressemble peu aux conferences du mouvement britannique d'avant-guerre. Cet article montre que les congrès du CPBG de l'entre-deux-guerres oscillent entre des « congrès de couloir », où les décisions sont prises dans les coulisses, et des « congrès de tribune » qui doivent montrer l'unité du parti. La succession de ces événements révèle donc les modes d'implantation et d'organisation du CPGB, mais aussi ses limites, entre l'obéissance au Komintern et le culte du chef autour de son leader, Harry Pollitt.The creation of the Communist Party of Great Britain (CPGB) did not entail a split within the Labor Party, and there was no congress during which such a split could occur like with the Tours Congress. More generally speaking, congresses, as the communist movement conceived and staged them, did not really resemble any of the conferences of the British pre-war movement. This article aims at showing that the CPGB's congresses of the inter-war years wavered between what could be termed “hallway congresses” and “tribune congresses” meant to portray the party's unity. The succession of these events reveals, therefore, the ways in which the CPGB established and organized itself, but also its limitations, caught up as it was between its fidelity to the Komintern and the personality cult that surrounded its leader, Harry Pollitt.
- Espaces de décision politique et d'expression performative : Les congrès des partis ouvriers dans la République de Weimar - Marcel Bois, Elisa Marcobelli p. 121-147 Au moment de la fondation du Parti communiste en Allemagne en 1918-1920, le congrès est une institution incontournable du mouvement ouvrier depuis longtemps – le milieu du xixe siècle. Ces congrès obéissent à des règles d'organisation, de fonctionnement et de localisation ou à des rituels fixés par une riche culture politique. En comparant les congrès tenus par la gauche allemande pendant la République de Weimar (SPD, USPD, KPD), cet article montre à la fois les continuités de cette tradition, mais aussi la façon dont chaque parti la modifie en fonction de son évolution propre après 1918. Sous la République de Weimar, les congrès allemands conservent une fonction de représentation – celle de l'unité –, mais témoignent aussi de l'épuisement démocratique et de la bureaucratisation des forces politiques de l'époque.When the Communist Party of Germany was founded in 1918-1920, congresses had been an essential component of the workers' movement for a long time – since the middle of the 19th century. These congresses followed specific organization, functioning and location rules or rituals fixed by a very rich political culture. By comparing the congresses held by the German left during the Weimar Republic (SPD, USPD, KPD), this article shows that this tradition was upheld, but also how each party modified it depending on its own evolution after 1918. Under the Weimar Republic, German congresses maintained a function of representation – that of party unity – but they also bear witness to the waning of democratic practices and the increasingly bureaucratic nature of the political forces of the time.
- Ce que signifie le congrès de Tours (1920) - Emmanuel Jousse p. 7-30
Études
- Angelo Tasca entre mythe et utopie : Du « mythe négatif » de la guerre à l'utopie de la révolution communautaire (1914-1944) - Catherine Rancon p. 149-166 La réflexion d'Angelo Tasca (1892-1960), communiste puis vichyssois, illustre le lien et le glissement possible entre les notions de mythe et d'utopie. Tasca usa d'abord et surtout du mythe sorélien, voyant dans la guerre le « mythe négatif » du prolétariat, puis cherchant un mythe à même de soutenir la révolution communiste. C'est alors qu'il vit dans la construction du socialisme en Russie la potentielle «utopie scientifique du xxe siècle». L'utopisme imprègne sa réflexion des années 1930-1940, des plans gouvernementaux qu'il invita les socialistes à proposer « comme si » ils étaient au pouvoir au projet de révolution communautaire qu'il exposa à Vichy. S'éloignant de la pensée de Georges Sorel, il revêtait ces projets utopiques, dont la faisabilité importait moins que leur faculté de mobilisation, de certains aspects du mythe.The reflection of Angelo Tasca (1892-1960), a communist who became a supporter of the Vichy regime, illustrates the possible shift from myth to utopia. Tasca relied, first and foremost, on the Sorelian myth which saw the war as the proletariat's “negative myth”, then tried to find a myth that could accompany the communist revolution. At that time, he realized that the construction of socialism in Russia was, in his words, a “20th century scientific utopia”. His thought was imbued with utopianism during the 1930s and 1940s, from the governmental plans, which he called on socialists to put forward “as if” they were in power, to his project of a communitarian revolution, which he exposed in Vichy. He gradually moved away from the reflection of Georges Sorel, all the while draping these utopian projects – whose feasibility mattered less than their ability to mobilize people – in certain aspects of the Sorelian myth.
- Angelo Tasca entre mythe et utopie : Du « mythe négatif » de la guerre à l'utopie de la révolution communautaire (1914-1944) - Catherine Rancon p. 149-166
Lectures
- Lectures - p. 167-180