Contenu du sommaire : La démocratie participative
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 175, 2020/4 |
Titre du numéro | La démocratie participative |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La démocratie participative au prisme de l'histoire - François Saint-Bonnet p. 5-15 En France, la démocratie politique a progressé aux dépens de la participation effective des individus. S'est progressivement imposé un modèle abstrait de citoyenneté dans lequel les détenteurs de la souveraineté ne la réalisent que de manière individuelle et silencieuse, en tirant le rideau de l'isoloir pour placer un bulletin dans une enveloppe. Les pratiques délibératives anciennes – états généraux, pétitions, assemblées primaires (électorales), etc. – ont disparu et, avec elles, une tradition participative modeste mais réelle.In France, political democracy has progressed at the expense of the actual participation of individuals. An abstract model of citizenship has been imposed, in which the holders of sovereignty exercise it only in a silent and individual fashion, by pulling the curtain of the voting booth and putting a bulletin in an envelope. Older deliberative forms—general assemblies, petitions, primary (electoral) assemblies, etc.—have disappeared and, with them, a modest but real participatory tradition.
- Le rejet du principe de représentation et l'impératif participatif : Fondements théoriques - Blaise Bachofen p. 17-30 Rousseau et Castoriadis s'appuient sur le postulat du libre arbitre ou de l'autonomie du sujet pour affirmer l'irrationalité de la renonciation volontaire à l'exercice de la liberté. Cette autonomie individuelle peut et doit selon eux se transposer à l'échelle collective. En s'interrogeant sur « ce qui fait qu'un peuple est un peuple », ils placent les théories de la démocratie représentative face à leurs présupposés problématiques. Voir dans les représentants des substituts qui expriment de façon fidèle et suffisante la volonté du peuple consiste tout à la fois à affirmer l'existence d'un peuple, doué d'une volonté identifiable, et à récuser la possibilité et même la nécessité de lui donner les moyens de la formuler lui-même.Rousseau and Castoriadis base their affirmation of the irrational character of a voluntary surrender of the exercise of freedom on the concept of free will or the autonomy of the subject. According to them, such individual autonomy can and must be transposed at the collective level. When asking “what is it that makes a people a people”, they confront the theories of representative democracy to their critical assumptions. Seeing in the representatives substitutes who express the will of the people means both affirming the existence of a people endowed with an identifiable will and rejecting the possibility—even the necessity—to give it the means to express it directly.
- De la démocratie participative, à la croisée des chemins - Marc Crépon p. 31-42 Les présentes réflexions ont pour objet de dégager la nécessité où se trouvent les gouvernements démocratiques de donner plus d'écoute à la contre-expertise des gouvernés, dans la perspective d'une démocratie plus participative. Il s'agit pour ces mêmes gouvernements d'échapper à une double impasse : celle, d'une part, du populisme qui prétend incarner la voix du peuple, sans l'écouter davantage ; celle, d'autre part, d'un pouvoir vertical, dont la hauteur est perçue comme une marque d'ignorance ou de mépris.The purpose of this paper is to stress the need for democratic governments to pay greater attention to the counter-expertise of the governed in order to move toward a more participatory democracy. Governments could thus avoid a double bind : on the one hand populism which pretends to embody the voice of the people, on the other a vertical power whose haughtiness is perceived as a sign of ignorance or contempt.
- Contre la démocratie participative - Pierre-Henri Tavoillot p. 43-55 La démocratie participative est à la mode pour résoudre la réelle crise de confiance qui traverse les systèmes représentatifs. Mais que contient cette exigence ? Participation de qui – quel peuple ou quels citoyens ? – et à quoi ? À la délibération publique, à la prise de décision, au contrôle de la reddition des comptes ? En vérité, l'appellation « participation » est très peu contrôlée. Ses contours sont flous, et, plus grave encore, son usage pourrait bien se révéler toxique, produisant pour le peuple, et sans qu'on y prenne garde, une dépossession supplémentaire plutôt qu'une reprise en main de son destin. Il serait en tout cas illusoire d'y voir la panacée pour renouer avec la confiance démocratique.Participatory democracy is in vogue as a method likely to overcome the real crisis of confidence affecting representative systems. But what does such a requirement mean ? Whose participation—which people or which citizens ? Participation to what ? To public deliberation, decision-making, the control of elected officials ? The truth is the term “participatory” is not clearly defined. Its outlines are vague and, more seriously, its usage could turn out to be toxic as it could unintentionally lead to a further dispossession of the people rather than a renewed control over its destiny. It would in any case be illusory to see it as the panacea to revive democratic confidence.
- Le référendum, angle mort du républicanisme à la française - Patrick Taillon p. 57-68 L'histoire de la pratique référendaire en France est un peu celle d'un rendez-vous manqué avec un univers intellectuel et institutionnel républicain pourtant a priori favorable aux valeurs sous-jacentes à la démocratie référendaire que sont la souveraineté du peuple et la participation des citoyens à la recherche collective de l'intérêt général et du bien commun. À l'exception notable de la période gaulliste, rares sont les moments où référendum et république ont fait bon ménage. Les obstacles conceptuels et contextuels qui expliquent cette méfiance de la tradition républicaine française à l'endroit du référendum ont certes évolué avec le temps, mais ils persistent néanmoins encore aujourd'hui, à l'heure où la démocratie référendaire est davantage revendiquée par des mouvements politiques alternatifs, qualifiés d'antisystèmes.The history of the use of the referendum in France looks like a missed encounter with a republican intellectual and institutional universe that seems a priori in tune with the underlying values of referendum democracy, such as the sovereignty of the people and the participation of citizens in the collective quest for the general interest and the common good. With the notable exception of the Gaullist period, rare are the occasions when referendum and republic have been in harmony. The conceptual and contextual obstacles that explain this mistrust of the French republican tradition in the referendum have evolved over time, but they persist to this day when referendum democracy has become a demand of alternative political movements usually seen as anti-establishment.
- Le débat public face aux « colères internet » - Clément Mabi p. 69-76 Internet et le Web encouragent-ils le débat public ? Là où nous posons trop fréquemment un regard binaire à leur endroit, les jugeant bénéfiques soit pour la démocratie, soit pour les visées populistes, une remise en contexte social de l'usage des technologies numériques permet de dépasser cette dichotomie. L'article défend l'idée que ces espaces communicationnels ne présentent pas stricto sensu une représentation fidèle du monde social mais plutôt son miroir déformant, qu'il convient d'étudier sous différents angles avant de se laisser aller à des jugements hâtifs et englobants sur leur vertu démocratique.Have social media and the web encouraged public debate ? There has too frequently been a tendency to consider the new digital technologies with a binary approach, judging them beneficial either for democracy or for populist goals, but such a dichotomy can be overcome through the social contextualisation of the use of these technologies. The author argues that these communication spaces do not offer a faithful representation of the social world, but are rather a distorting mirror that we should analyse from different angles before rushing to hasty and global judgments regarding their democratic virtue.
- Assemblée citoyenne et référendum : quelques exemples étrangers à méditer - Marthe Fatin-Rouge Stéfanini p. 77-88 Face aux critiques que suscitent les référendums, les assemblées citoyennes sont présentées comme un nouveau remède à la crise de la démocratie représentative reposant sur une volonté de fonder la légitimité des décisions politiques sur la délibération plutôt que sur l'expression d'une majorité. Toutefois, loin d'être incompatibles avec les processus référendaires, elles peuvent les compléter utilement afin de renforcer la légitimité démocratique des choix qui seront effectués par les citoyens.In answer to the criticism addressed to the referendum, citizens assemblies are presented as a new remedy to the crisis of representative democracy, based on the desire to build the legitimacy of political decisions on deliberation rather than on the expression of a majority. However, far from being incompatible with the referendum process, they can usefully complement it in order to strengthen the democratic legitimacy of the choices expressed by the citizens.
- La production participative dans l'élaboration des politiques publiques - Tanja Aitamurto, Isabelle Richet p. 89-100 Les gouvernements font un usage croissant de la « production participative » (crowdsourcing) pour mobiliser les citoyens et leurs connaissances. Cet outil qui permet de déployer sur internet une collaboration à grande échelle constitue une innovation démocratique pour l'élaboration des politiques publiques. L'article analyse les caractéristiques, les avantages et les difficultés qu'il présente en s'appuyant sur des exemples concrets.Governments increasingly deploy crowdsourcing in policymaking to find knowledge for policies and to engage the public. This article discusses crowdsourcing as a large-scale online collaboration method, situating it as a democratic innovation in policymaking. The features, benefits and challenges of crowdsourced policymaking are reviewed by using practical cases as examples.
- Remettre le citoyen au cœur de la décision publique - Christian Leyrit p. 101-112 Comment rendre plus légitimes les décisions publiques, concernant notamment les projets d'équipement et d'aménagement du territoire ? Comment remettre les citoyens au cœur de la décision publique ? Leurs frustrations sont importantes, et leur demande de participation d'autant plus forte que le modèle politique apparaît en crise. Ils attendent et exigent la mise en place d'une nouvelle gouvernance publique, fondée non plus sur les rapports de force mais sur une co-construction de l'intérêt général. Puisse l'ensemble des responsables politiques, sociaux, économiques et associatifs, s'engager dans cette voie, seule à même de restaurer la confiance et de reconstruire le lien social.How can political decisions regarding equipment and territorial development be more legitimate ? How can citizens be put back at the centre of the policymaking process ? They express great frustration, and their demand for participation is enhanced by the fact that the political system seems to be in crisis. They expect and demand the establishment of a new form of public governance based on a co-construction of the general interest rather than on the balance of forces. It is to be hoped that all political, social, economic and associations leaders will answer their demand, which is the only way to restore confidence and strengthen social cohesion.
- Le grand débat national : la démocratie participative à grande échelle - Pascal Perrineau p. 113-129 Le processus du « grand débat national » a été inventé en décembre 2018 pour tenter de trouver une issue à la crise des « gilets jaunes ». Cette expérience de démocratie participative à très grande échelle est une première mondiale impliquant environ deux millions de citoyens qui, pendant deux mois (15 janvier-15 mars 2019), ont débattu et proposé des perspectives sur quatre grands thèmes proposés par le président de la République. Au-delà de l'expérience démocratique en tant que telle, les effets de ce grand débat sur la vie politique française ont été modestes.The process of the “Great National Debate” was invented in December 2018 as a way out of the crisis of the “Yellow Vests” movement. This experience of participatory democracy on a large scale was a world first as it implied about two million citizens who, during two months (from January 15th to March 15th, 2019), discussed and offered perspectives on four main issues listed by the president of the Republic. Beyond the democratic experience as such, the impact of this great debate on French political life have been quite limited.
- Trente ans d'élections en Afrique : bilan et défis nouveaux - Pierre Jacquemot p. 131-145
- Repères étrangers : (1er avril – 30 juin 2020) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 147-155
- Chronique constitutionnelle française : (1er avril – 30 juin 2020) - Jean Gicquel, Jean-Éric Gicquel p. 157-185