- Introduction : Humanité et animalité : séparation, fusion ou confusion ? - Salvador Juan p. 25-39

- « Au fil du temps, nous nous sommes détachés de la nature » - Marylène Patou-Mathis, Salvador Juan p. 41-49

- Entre émotion et raison, une mise à l'épreuve de l'animalisme - Hélène Houdayer p. 51-83
Nous proposons une lecture du mouvement animaliste à partir de ses fondements éthiques : la fin de la souffrance animale, l'égalité entre les espèces, la libération des bêtes du joug humain. Cela nous conduit à envisager un ensemble de mouvements sociaux dont celui porté par les antispécistes, associés à des pratiques de terrain. De nouvelles sensibilités, source de divergences entre les acteurs, se dessinent et nous conduisent à nous interroger sur les dimensions de notre humanité. Les relations avec les animaux peuvent-elles nous en apprendre davantage sur le rapport nature/culture ? La rationalité des acteurs est mise à l'épreuve par les sentiments inhérents à la cause, permettant de dégager des formes ambivalentes au sein du mouvement animaliste.
We suggest a reading of the animalist movement based on its ethical foundations: the end of animal suffering, the equality between species, the release from the human yoke. This leads us to consider social movements, including antispeciesism, associated with field practices. New sensibilities, source of divergence between the stakeholders, lead us to question our dimensions of humanity. Can relations with animals teach us more about the relationship between nature and culture? The rationality of the stakeholders is challenged by inherent feelings to the cause allowing to identify ambivalent forms within the animalist movement.
- Cimetières pour les animaux de compagnie et micro-rites funéraires : Quelles frontières entre humains et animaux ? - Nadia Veyrié p. 85-105
Dans cet article, nous étudierons les liens d'attachement des hommes envers les animaux de compagnie après leur mort au travers des cimetières qui leur sont réservés en France. Que signifie ce choix ? S'agit-il de rites funéraires ? Au vu de cet attachement post mortem, les frontières entre humanité et animalité sont-elles déplacées, voire poreuses ? En premier lieu, nous contextualiserons ce travail en précisant comment une sensibilité s'est construite envers les animaux devenus « de compagnie » grâce au mouvement singulier de la protection animale et des lois mises en œuvre dès le XIXe siècle. Ensuite, à l'appui de l'étude de deux différents cimetières des animaux – celui fondateur d'Asnières et celui de Grimbosq en Normandie –, nous interrogerons aujourd'hui la nature de l'attachement des hommes envers leurs animaux. Nous évoquerons la manifestation de ce qui nous semble être des micro-rites funéraires. Enfin, cette pratique semble être un analyseur de notre rapport à la mort, au deuil et aux rites funéraires comme piliers de l'humanité. En réalité, le devenir de la dépouille mortelle des animaux de compagnie dans ces cimetières témoigne-t-il uniquement d'un anthropomorphisme et/ou d'une tout autre manifestation de la sensibilité dans notre société ?
In this article, we will study the human attachment towards their pets after their death through cemeteries reserved for them in France. What does this choice mean? Are these funeral rites? In view of this post mortem attachment, are the boundaries between humanity and animality displaced or even porous? At the beginning, we will contextualize this work by specifying how a sensitivity was built towards animals “of company” (pets) thanks to the singular movement of animal protection and the laws implemented since the 19th century. Then, in support of the study of two different pet cemeteries – the first one of its kind in Asnières and the pet cemetery of Grimbosq in Normandy – we will evoke the nature of the human attachment towards their pets, the manifestation of what seems to us to be funeral micro-rites. Finally, this practice seems to be an analyzer of our relationship to death, mourning and funerary rites as pillars of humanity. Does the fate of the mortal remain of pets in these cemeteries reflect only an anthropomorphism and/or other manifestation of sensitivity in our society?
- L'utilitarisme de la sociobiologie et l'individualisme somatique de l'utilitarisme - Salvador Juan p. 107-135
Marshall Sahlins a montré, en 1976, la lignée utilitariste qui fonde la sociobiologie, ainsi que le grand mouvement culturel de rapprochement anthropomorphique de l'animalité et de l'humanité, tout en dénonçant les analogies langagières que proposait Wilson ; il est manifeste que, des années 1990 jusqu'à nos jours, l'avenir lui a donné amplement raison. Comme il l'écrivait déjà à cette époque, la tendance anthropomorphique de la sociobiologie passe par l'utilisation, pour désigner des pratiques animales, de termes tels que : castes, esclaves, despotes, innovations culturelles, agriculture, impôts, etc. La réalité actuelle va même bien au-delà de ses prophéties ; c'est précisément ce qu'il nous semble intéressant de montrer dans le cadre du présent article. Après un bref rappel du statut de la nature et de l'animal chez les fondateurs de l'utilitarisme et les auteurs que ce paradigme influencera, nous citons différents travaux actuels qui, selon l'heureuse formule de Sahlins, transmutent l'altruisme social en égoïsme génétique. Enfin, nous plongeons dans les controverses récentes que l'individualisme soulève en opposition aux approches durkheimienne et bourdieusienne, tout en montrant son appui sur un regard néo-naturaliste.
In 1976, Marshall Sahlins showed the utilitarian lineage that founded sociobiology, as well as the great cultural movement of anthropomorphic rapprochement between animality and humanity, while denouncing the language analogies proposed by Wilson; it is obvious that, from the 1990s to today, the future has given him ample reason. As he already wrote at that time, the anthropomorphic tendency of sociobiology involves the use of terms such as castes, slaves, despots, cultural innovations, agriculture, taxes, etc., to describe animal practices. The current reality goes far beyond his prophecies; this is precisely what seems interesting for us to show in this article. After a brief reminder of the status of nature and animals among the founders of utilitarianism and the authors that this paradigm will influence, we present various current works which, according to Sahlins' highly relevant formula, transmute social altruism into genetic egoism. Finally, we plunge into the recent controversies that individualism raises in opposition to the Durkheimian and Bourdieusian approaches, while showing its support for a neo-naturalist perspective.
- Prolégomènes à une analyse des points de vue antispécistes et véganes - Patrice Régnier, Stéphane Héas p. 137-164
L'engouement médiatique actuel autour des questions de morale animale et humaine concerne des groupes, si ce n'est une population, se définissant comme antispécistes, ou encore véganes. Loin d'être spontanées dans le champ social, ces dynamiques récentes s'expliquent massivement par le processus de civilisation au sein duquel les violences et leur tolérance sont structurées. Ainsi, les débats, controverses et actions en cours impliquent une évolution des mœurs couplée à des stratégies élaborées que l'entreprenariat de la morale permet d'analyser. Les discours et les actions antispécistes et véganes, dans toute leur variété, témoignent d'un positionnement particulièrement anthropocentré et d'une logique anthropomorphiste esquissés ici.
The current media hype around moral questions of humans and animals is lead by people considering themselves as antispeciesists or vegans. Far from being a spontaneous apparition in the social field, these recent dynamics can massively be explained through the process of civilization, in which violence and its acceptance are structured. Thus, the current debates, controversies and actions involved suggest an evolution of morals coupled with elaborated strategies that the moral entrepreneur is able to analyze. Antispeciesist and vegan discourses and actions generally bear witness to a particular anthropocentrist position and an anthropomorphist logic that is outlined here.