Contenu du sommaire : Genre, langue et politique

Revue Cahiers du genre Mir@bel
Numéro no 69, 2020
Titre du numéro Genre, langue et politique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier. Genre, langue et politique. Le langage non sexiste en débats

    • Introduction. Le langage inclusif est politique : une spécificité française ? - Marie Loison-Leruste, Gwenaëlle Perrier, Camille Noûs p. 5-29 accès libre
    • Queeriser la langue, dénaturaliser le genre - Mona Gérardin-Laverge p. 31-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore la question du pouvoir politique de certaines pratiques féministes de la langue, comme le langage non sexiste et la queerisation de la langue. Après avoir présenté différentes voies ouvertes, au sein des travaux sur le genre et le langage, pour renoncer à une approche purement référentielle du langage et penser son rôle dans la construction des rapports de genre, il s'interroge sur la manière dont certaines pratiques linguistiques peuvent contribuer à naturaliser le genre. À partir de là, il interroge le pouvoir transformateur des pratiques féministes et queer de la langue en explorant leur capacité à dénaturaliser le genre.
      This article explores the question of the political agency of certain feminist practices in language, such as non-sexist language and the queering of language. Following a presentation of different avenues of research on gender and language to break away from a purely referential approach to language and think about its role in the construction of gender relations, it explores how certain linguistic practices can contribute to the naturalization of gender. It then questions the transformative power of feminist and queer practices of language by exploring their capacity to de-naturalize gender.
    • Jardin à la française ou parc à l'anglaise ? Les idéologies linguistiques : des freins au langage non sexiste - Ann Coady p. 59-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine deux idéologies linguistiques qui semblent agir comme un frein à l'adoption du langage non sexiste en France – d'une part l'idéologie d'une langue standard et de l'autre l'idéologie de la langue comme ciment de la nation. Nous employons les techniques de la linguistique de corpus et de l'analyse critique du discours (CDA) pour analyser un corpus d'articles de la presse écrite française et britannique. Cette approche comparative nous permet de placer le débat dans son contexte culturel et historique, ainsi que de dégager les conditions nécessaires pour la création et l'institutionnalisation de ces idéologies linguistiques.
      This article examines two language ideologies that seem to act as an obstacle to the adoption of non-sexist language in France – on the one hand, the ideology of a standard language and on the other, the ideology of language as the glue that holds the nation together. A corpus of articles from French and British newspapers is analyzed using corpus linguistics methods and a CDA framework. This comparative approach allows the debate to be understood in its cultural and historical context, as well as the necessary conditions for the institutionalization of these language ideologies to be identified.
    • Langage non sexiste et antiféminisme en Allemagne - Jutta Hergenhan, Adeline Ecochard, Mathilde Durand p. 85-107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le début de l'année 2018, le langage non sexiste constitue l'une des principales polémiques qui ébranlent l'opinion publique en Allemagne. Outre les arguments linguistiques, cette polémique comporte de nombreuses références aux discours antiféministes et « antigenre ». Il semblerait donc que les débats sur le langage non sexiste soient bien plus étroitement liés qu'il n'y paraît aux débats actuels sur les politiques d'égalité des sexes. Notre analyse d'une sélection des principales prises de position contre le langage non sexiste, publiées principalement dans la presse écrite libérale et conservatrice, souligne la nécessité d'approfondir davantage les liens entre ces discours et l'antiféminisme actuel.
      Since the beginning of 2018, non-sexist language has been one of the main controversies in the German public opinion. In addition to linguistic arguments, this controversy involves frequent allusions to anti-feminist and “anti-gender” discourses. It thus appears that the debates on non-sexist language are much more closely related than it seems to current debates on gender equality policies. Our analysis of a selection of the main arguments against non-sexist language, published mainly in the liberal and conservative press, highlights the need to further explore the links between these discourses and contemporary antifeminism.
    • Itinéraire d'une universitaire engagée. Éliane Viennot et le langage non sexiste. Entretien - Gwenaëlle Perrier, Marie Loison-Leruste p. 109-129 accès libre
    • « Droits humains » vs « droits de l'Homme ». Arguments en faveur de l'inclusivité du langage des droits - Charles Bosvieux-Onyekwelu p. 131-150 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution se propose d'éclairer le problème que les locuteurs et les locutrices français·e·s rencontrent pour désigner ce que l'anglais dénomme « human rights ». L'utilisation du masculin générique (« droits de l'Homme » équivalant à l'humanité tout entière) est aujourd'hui contesté par les partisan·e·s d'une écriture inclusive, qui cherchent à rendre les femmes plus visibles afin que celles-ci puissent bénéficier plus amplement desdits droits humains. L'auteur revient sur les raisons et sur les circonstances historiques qui ont conduit l'expression « droits de l'Homme » à être utilisée comme un masculin « neutre », avant de se concentrer sur les expressions contemporaines (en France, au Québec et en Suisse) de la dénonciation de l'universalité des « droits de l'Homme » revendiquée par les tenant·e·s du conservatisme linguistique.
      This paper aims to provide some insight into the problem that French speakers face when it comes to what is referred to in English as “human rights.” The use of the generic masculine droits de l'Homme (literally translated by “Man's rights”), to designate the whole of humanity is now being challenged by advocates of inclusive language, who seek to make women more visible so that they can benefit more fully from the said human rights. The author reviews the reasons and historical circumstances that led the expression droits de l'Homme to be used as a “neutral” masculine, before focusing on contemporary expressions (in France, Quebec and Switzerland) of the denunciation of the universality of the droits de l'Homme advocated by supporters of linguistic conservatism.
    • La normalisation étatique de l'inclusivité du langage : Retour sur les différences franco-québécoises - Benjamin Moron-Puech, Anne Saris, Léa Bouvattier p. 151-176 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution mène une comparaison des normes d'inclusivité du langage édictées en France et au Québec par les actaires étatiques. Cette comparaison relativise l'idée que le Québec serait bien plus en avance. Elle révèle au contraire de très grandes similitudes dans ces normes étatiques, qui sont apparues à des dates proches et ont des contenus similaires. Des différences existent mais moins sur les normes d'inclusivité édictées – les autorités québécoises ne produisant par exemple pas des normes « plus inclusives » que les autorités françaises –, que quant aux institutions qui produisent ces normes. Ainsi, alors qu'au Québec existe un consensus pour confier à l'organe linguistique le soin de poser les normes d'inclsuvité du langage (l'Office québécois de la langue française), il y a au contraire en France une forte concurrence – appelée à perdurer – entre les acteurs ministériels et les personnes publiques en charge de la langue ou de l'égalité homme/femme (Premier ministre, Académie française, Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes).
      This paper proposes a systematic comparison of language inclusiveness standards established in France and Quebec by governmental agents. This comparison enables to put into perspective the widely shared idea that Quebec is far more advanced than France on this issue. On the contrary, the comparison reveals great similarities in state standards concerning the use of inclusive language. Differences do exist, but not so much in the substance of the norms as in the interactions between the institutions that enact them.
    • Le genre de la nation et le x de la question : Controverses linguistiques dans le contexte politique brésilien - Diego Paz, Larissa Pelúcio, Rodrigo Borba p. 177-203 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à analyser le contexte de guérilla linguistique autour du genre dans le Brésil contemporain. Deux phénomènes nous intéressent : d'une part, l'utilisation du titre de presidenta par Dilma Rousseff, une stratégie de féminisation d'un terme et d'une position politique historiquement masculine ; puis l'utilisation de la lettre x comme terminaison de genre neutre, une stratégie de rupture du système linguistique hétérocispatriarcal et binaire du portugais qui est devenu visible dans l'espace public ces dernières années. Ces phénomènes nous permettent d'entrevoir que « le x de la question », dans le cas du Brésil, n'est que l'expression d'une panique morale vis-à-vis de la puissance politique du concept de genre.
      This article aims to analyze the context of linguistic guerrilla on gender in contemporary Brazil. It focuses on two phenomena: on the one hand, Dilma Rousseff's use of the title presidenta, a strategy of feminization of a historically masculine term and political position; and on the other hand, the use of the letter x as a neutral gender ending, a strategy of rupture in the heterocispatriarchal and binary linguistic system of Portuguese that has become visible in public space in recent years. These phenomena enable us to perceive that “the ‘x'of the question,” in the case of Brazil, is merely the expression of a moral panic over the political potency of the concept of gender.
    • `ibHen`/ib et la quête de l'égalité en Suède - Nathalie Le Bouteillec p. 205-229 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'égalité des sexes est depuis longtemps au cœur des préoccupations politiques, sociales et éducatives suédoises. Elle est d'une certaine manière au cœur du contrat social suédois. Pourtant, dans le domaine linguistique, la situation est différente car la langue suédoise renferme des asymétries qui conduisent à des discriminations. Cet article se propose d'étudier différentes initiatives visant à modifier les pratiques linguistiques afin de tendre à une simplification des usages de la langue suédoise et à favoriser l'égalité entre les citoyen·ne·s. Il analyse plus particulièrement les différentes revendications en faveur du pronom hen, pronom qui désigne la troisième personne du singulier sans indiquer le sexe de la personne désignée, jusqu'à sa diffusion en 2012.
      Gender equality has long been at the heart of Swedish political, social and educational concerns. In a way, it is at the heart of the Swedish social contract. However, the situation is different in the field of language, because the Swedish language includes asymmetries that lead to discrimination. This article proposes to study different initiatives aimed at modifying linguistic practices in order to simplify the use of the Swedish language and to promote equality among citizens. It analyzes more particularly the various claims in favor of the pronoun hen, a pronoun that designates the third person singular without indicating the sex of the designated person, until its widespread use in 2012.
  • Hors-champ

    • La construction d'une pratique politique intersectionnelle dans les luttes des travailleuses domestiques au Brésil - Louisa Acciari, Valeria Ribeiro Corossacz p. 231-254 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose une analyse des luttes des travailleuses domestiques au Brésil, à partir de deux recherches de terrain. Nous considérons l'imbrication du racisme, du sexisme et de l'inégalité de classe dans leurs vies et luttes, et dans leur rapport avec les mouvements noir, féministe et les syndicats de travailleurs. Si cette imbrication des rapports sociaux produit des formes d'oppression multiples, elle est également un ressort pour les luttes collectives des travailleuses domestiques leur permettant de former des alliances qui ont mené à la promulgation d'une loi garantissant des droits à la catégorie en 2015. Cependant, le caractère intersectionnel de leurs revendications a également produit des tensions et des conflits avec leurs alliés, limitant la portée de leur succès.
      This article provides an analysis of the struggles of women domestic workers in Brazil, based on two field studies. We examine the imbrication of racism, sexism and class inequality in their lives and struggles, and in their relationship with the black and feminist movements and workers' unions. While this intersection of social relations produces multiple forms of oppression, it is also a force for the collective struggles of domestic workers, enabling them to form alliances that led to the enactment of a law guaranteeing the category's rights in 2015. However, the intersectional nature of their claims has also led to tensions and conflicts with their allies, which limit the scope of their success.
  • Notes de lecture