Contenu du sommaire : Le retour de la Rust Belt à l'épreuve des populismes

L'élection présidentielle de 2016 et la victoire inattendue de Donald Trump ont brutalement replacé la Rust Belt au cœur du jeu électoral américain. Dans cette région marquée par la désindustrialisation, le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie étaient jusque-là considérés comme de solides bastions démocrates, ce que l'histoire a invalidé de justesse, certes, mais avec des conséquences décisives. Cet article analyse la double résurrection de la Rust Belt, électorale d'une part, mais aussi socio-économique. Il fait état de la double polarisation socio-économique et électorale qui frappe également le pays tout entier et s'interroge sur les conditions d'une reconquête électorale par les Démocrates lors des scrutins à venir et les problèmes d'orientation stratégique qui en découlent, entre reprise de la Rust Belt et conquête de la Sun Belt, aux électorats assez nettement différents. Il explique enfin qu'une analyse sociopolitique de la Rust Belt ne peut se limiter, comme c'est trop souvent le cas, aux grandes métropoles : elle doit passer par le grain plus fin des comtés et, par conséquent, par un prisme quantitatif. Un lien structurel entre les deux Belts est une stratégie à destination des comtés suburbains.

Cet article cherche à détailler la crise des « morts de désespoir », notamment l'épidémie d'opioïdes, et ses conséquences politiques dans les comtés ruraux de Pike et Wayne, Pennsylvanie, qui font partie de la Rust Belt et du nord des Appalaches. Au prisme des témoignages des résidents de Pike et Wayne recueillis pendant 40 entretiens semi-guidés effectués entre l'élection présidentielle de 2016 et l'été 2019, cet article montre les réussites et les insuffisances des actions gouvernementales à différents niveaux (local, de la Pennsylvanie, et fédéral). Cet article conclut que des comtés ruraux, comme Pike et Wayne, doivent répondre directement aux problèmes de la communauté locale, tels que la stigmatisation et le manque de transports publics, compte tenu de la réponse fédérale insuffisante aux éléments socio-économiques de l'épidémie.

Cet article invite à débanaliser la notion de ‘Rust Belt' à travers une approche comparative, en mode micro et transnational, des villes de Cleveland, symbole américain de la Rust Belt, et de Bradford, ancienne grande cité textile d'Angleterre. Il analyse la manière dont la désindustrialisation dans chaque ville a été parcourue de dynamiques ethno-raciales, liées à la fuite des blancs dans les banlieues résidentielles à Cleveland et à l'immigration pakistanaise à Bradford. Affaire de réputation puisque la désindustrialisation alimente un puissant discours stigmatisant de l'extérieur, l'évolution de chaque ville ces dernières décennies a été liée à des thématiques d'actualité telles que la question environnementale (pollution du fleuve Cuyahoga et du lac Érié à Cleveland) et celle de l'Islam et de l'intégration des musulmans (affaire des Versets sataniques à Bradford).

Nous voulons montrer comment les leaders populistes utilisent les organisations internationales à leur avantage personnel et pour défendre les intérêts de leur pays. Nous partons pour cela d'une comparaison entre Donald Trump et des dirigeants d'Alternative für Deutschland, Bernd Lucke, Beatrix von Storch, Jörg Meuthen. Tous utilisent les organisations internationales comme un levier pour faire entendre leur message et poursuivre une stratégie électoraliste. Mais l'action de Trump repose sur ses pouvoirs en tant que chef de l'exécutif du pays le plus puissant du monde et sur sa capacité à intervenir directement à l'ONU, au sein de l'OTAN et sur l'OMC, tandis que les leaders de l'AfD doivent passer par les contraintes du travail parlementaire au Parlement européen et tenter de nouer des alliances avec d'autres partis populistes. Leurs possibilités d'action restent cependant limitées et prennent souvent des aspects destructifs plus que constructifs.