Contenu du sommaire : Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l'analyse électorale

Revue Maghreb-Machrek Mir@bel
Numéro no 243, 2020/1
Titre du numéro Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l'analyse électorale
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  • Dossier. Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l'analyse électorale

    • Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l'analyse électorale - Alia Gana, Gilles Van Hamme p. 5-10 accès réservé
    • Une analyse comparative des territorialités du vote au Maroc et en Tunisie : trajectoires politiques et électorales - Gilles Van Hamme, David Goeury, Maher Ben Rebah p. 11-39 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans certains pays du Nord de l'Afrique, les révolutions de 2011 ont donné un sens politique différent aux élections, puisque, comme cela a été le cas en Tunisie ou, pour un temps, en Égypte, elles décident directement de l'accès au pouvoir politique. Dès lors, les ressorts du vote au niveau collectif et individuel en ont été bouleversés, donnant plus de pertinence aux analyses électorales visant à comprendre les influences multiples et complexes qui orientent les choix des électeurs. S'inscrivant dans ce nouvel élan, nous avons mené des analyses conjointes sur les processus électoraux au Maroc, en Tunisie et en Égypte, à partir de 2011. Dans cet article, l'accent est mis sur la comparaison des territorialités du vote au Maroc et en Tunisie, qui sont les deux seuls pays à avoir connu une série d'élections concurrentielles ouvertes après 2013. On mettra en particulier en évidence certaines récurrences des territorialités du vote, notamment l'opposition entre l'urbain et le rural mais aussi entre le Nord et le Sud. On soulignera pourtant que ces récurrences reposent sur des ressorts très différents, contraints par des cadres et des contextes politiques nationaux voire régionaux, notamment du fait d'une rupture en 2011 nettement moins marquée au Maroc qu'en Tunisie. On montrera également que, dans les deux pays, le clivage religieux versus séculier est au cœur des recompositions du champ partisan et que la primauté de la mouvance islamiste est liée à la fois à la faible participation et à la difficulté des forces dites modernistes à s'organiser pour les élections de manière durable.
      In some North African countries, the 2011 revolutions have given a different political meaning to elections, since, as was the case in Tunisia or, for a time, in Egypt, they directly determine access to political power. As a result, the collective and individual motives of the voting have been disrupted, making electoral analyses aimed at understanding the multiple and complex influences that shape voters' choices more relevant. As part of this new momentum, we conducted joint analyses of electoral processes in Morocco, Tunisia and Egypt, starting in 2011. In this article, the focus is on comparing the territorial dimensions of the vote in Morocco and Tunisia, which are the only two countries to have experienced a series of open competitive elections after 2013. In particular, we will highlight a number of recurrences of the territorialities of the vote, notably the opposition between urban and rural but also between North and South. However, it should be stressed that these recurrences are based on very different factors, constrained by national or even regional political frameworks and contexts, particularly because of a much less marked political rupture in 2011 in Morocco than in Tunisia. It will also be shown that the religious versus secular divide is at the heart of the reconfiguration of the partisan field and that in both countries the primacy of the Islamist movement is due both to low electoral participation and to the difficulty of the so-called modernist forces to get organised for elections in a sustainable way.
    • Les élections, principal théâtre de la crise de l'État égyptien - Clément Steuer p. 41-55 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le système partisan représente un poste d'observation privilégié pour étudier la crise systémique de l'État égyptien. En même temps, il constitue une arène au sein de laquelle l'État cherche à résoudre cette crise à travers les élections, afin de trouver un nouveau modèle pour ses relations avec la société.L'ancien parti hégémonique (le parti national démocratique, PND) était entré en crise dès les années 1990, du fait de la montée en puissance de nouvelles élites sociales, principalement les hommes d'affaires. Parallèlement, les partis d'opposition étaient trop faibles pour attirer ces nouvelles élites, ou même pour jouer un rôle dans l'expression de la demande sociale. Ils se sont également avérés incapables de remplir le vide laissé par la dissolution du PND en 2011, laissant le champ libre à l'islam politique, malgré la croissance du corps électoral et la politisation du vote pendant la période 2011-2013. Mais soutenus principalement par les zones pauvres et marginalisées du Sud et des frontières du pays, les islamistes durent faire face à l'hostilité des populations du cœur de l'Égypte (Le Caire, Alexandrie, le Delta et le Canal) lorsqu'ils parvinrent au pouvoir en 2012.Depuis leur chute en 2013, le régime a essayé de mettre en place différents modèles de lien entre l'État et la société : formation d'une nouvelle élite à travers la création du Parti de l'Avenir de la Patrie, coalition nationale des partis séculiers existants, ou fusion desdits partis en trois ou quatre entités. Jusqu'à présent, toutes ces tentatives ont tourné court, et un nouveau modèle de relation entre l'État égyptien et sa société reste à trouver.
      The party system represents a privileged observation post for studying the systemic crisis of the Egyptian state. At the same time, it constitutes an arena in which the state seeks to resolve this crisis through elections, in order to find a new model for its relations with society.The former hegemonic party (the National Democratic Party, NDP) had entered into crisis as early as in the 1990s, due to the rise of new social elites, mainly businessmen. At the same time, the opposition parties were too weak to attract these new elites, or even to play a role in expressing social demand. They also proved unable to fill the vacuum left by the dissolution of the NDP in 2011, leaving the field open to political Islam, despite the growth of the electorate and the politicisation of the vote during the period 2011-2013. But supported mainly by the poor and marginalised areas in the South and along the country's borders, Islamists had to face hostility from the people in the heart of Egypt (Cairo, Alexandria, the Delta and the Canal) when they came to power in 2012.Since their fall in 2013, the regime has tried to set up different models for linking the state and society: the formation of a new elite through the creation of the Future of the Homeland Party, a national coalition of existing secular parties, or the merging of the aforesaid parties into three or four entities. So far, all these attempts have failed, and a new model for the relationship between the Egyptian state and its society has yet to be found.
    • La fin des notabilités urbaines ? Opinions, engagements et votes des citoyens urbains marocains. Entre nouvelles formes militantes et désaffiliation politique. Leçons de cinq observatoires urbains - Olivier Deau, David Goeury p. 57-75 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Nous posons l'hypothèse que les grandes politiques urbaines d'accès à un logement réglementaire et d'implantation d'infrastructures de base dans les quartiers les plus pauvres ont graduellement disqualifié les figures de notabilités politiques traditionnelles, épuisant leur rôle d'intermédiaire entre les habitants et les ressources publiques, sans pour autant que d'autres formes de socialisation politique, notamment à travers le développement de la sphère associative, produisent des citoyens électeurs. Dès lors, les villes marocaines seraient des lieux de désaffiliation citoyenne où le chômage, le mal-emploi et les dysfonctionnements du système éducatif freinent le développement d'organisations civiques structurées (syndicats, partis ou associations).Pour discuter cela, nous mobilisons un travail d'analyse autour de cinq observatoires localisés en zone urbaine`renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note"b1`/renvoib : l'arrondissement Agdal Hay Riyad à Rabat, le quartier Mhamid à Marrakech, les cités Essalam et El Haoula à Agadir, les villes d'Inezgane et de Tiznit. Nous avons croisé l'approche monographique avec une enquête auprès de 514 personnes de plus de 21 ans pour mieux saisir les relations établies sur ces territoires entre citoyens et élus.
      In Morocco, national urban policies leaning toward housing and basic infratructures' improvements in the poorest neighbourhoods have gradually disqualified the traditional figures of notability, fading away the patronage relation between the inhabitants and their elected representatives, once able to mobilize public resources at the benefit of their voters. In the meantime other forms of political socialization, particularly through the development of civil society's organisations have remained weak. From then on, Moroccan cities would become a space for disaffiliation of the Moroccan citizens. The unemployment – or underemployment – but also the dysfunctions of the educational system jeopardize the development of civic organizations (unions, parties or associations).To discuss this, we mobilize analytical work around five observatories located in urban areas: the Agdal Hay Riyad district in Rabat, the Mhamid district in Marrakech, the districts of Essalam and El Haoula in Agadir, the cities of Inezgane and Tiznit. We have crossed a monographic approach with a conducted survey over 514 people aged more than 21 in order to discuss the evolving relation between the Moroccan citizens and their elected representatives in these urban areas.
    • La démocratie de l'abstention en situation autoritaire : retour sur les élections législatives et locales de 2017 en Algérie - Belkacem Benzenine p. 77-96 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les élections législatives organisées en mai 2017 en Algérie ont enregistré le taux de participation le plus faible depuis 1962. Bien que la plupart des partis aient présenté des candidats à ces élections et en dépit de la forte campagne médiatique menée par les autorités, de la mobilisation des institutions gouvernementales et même des mosquées, le taux de participation n'a atteint que 35 %. Même si la participation est plus importante lors des élections locales de novembre 2017, la forte abstention enregistrée lors des scrutins de 2017 est significative d'un changement dans les comportements électoraux des Algériens.Malgré l'absence d'une campagne de boycott organisée, les appels lancés à travers les réseaux sociaux ont largement contribué à dissuader les Algériens à prendre part aux élections. Quelles sont les raisons de l'abstention des électeurs algériens ? En quoi l'abstention constitue-t-elle un enjeu pour le pouvoir algérien ? Quel est l'impact de l'abstention sur la vie politique ? C'est à ces trois questions que propose de répondre cet article. Après un examen du contexte politique dans lequel se déroulent les consultations électorales de l'année 2017, nous étudierons les facteurs de l'abstention et analyserons les dimensions géographiques de la participation.L'analyse est basée sur des entretiens auprès de citoyens algériens ayant choisi de s'abstenir lors des élections législatives et locales de 2017. Elle s'appuie également sur un corpus de presse traitant, d'un côté, les appels à une participation massive émanant du gouvernement et ses soutiens (partis, syndicats, société civile) et, de l'autre, les appels de quelques partis et personnalités politiques au boycott de ces élections.
      Algeria's legislative elections of May 2017 recorded the lowest turnout since 1962. Although most parties fielded candidates in these elections, and despite the strong media campaign conducted by the authorities, the mobilisation of government institutions and even mosques, the turnout was only 35 %. Even if participation is higher in the November 2017 local elections, the high abstention rate observed in the 2017 elections is indicative of a change in the electoral behaviour of Algerians.Despite the absence of an organized boycott campaign, calls made through social networks largely contributed to dissuade Algerians from taking part in the elections. What are the reasons for Algerian voters' abstention? In what way is abstention an issue for the Algerian government? What is the impact of abstention on political life? These are the three questions that this article proposes to answer. After a review of the political context in which the 2017 electoral consultations will take place, we will study the drivers of abstention and analyze the geographical dimensions of participation.The analysis is based on interviews with Algerian citizens who have chosen to abstain in the 2017 legislative and local elections. It is also based on a corpus of press reports dealing, on the one hand, with calls for massive participation from the government and its supporters (parties, trade unions, civil society) and, on the other hand, calls from some political parties and personalities to boycott these elections.
    • L'impossible transition politique libyenne : intérêts croisés des acteurs libyens dans les processus électoraux - Soraya Rahem p. 97-110 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les précédents échecs de la communauté internationale pour rétablir la stabilité et relancer un processus politique en Libye nécessitent un retour sur l'origine des rivalités qui se jouent actuellement. Une analyse des dynamiques socio-politiques libyennes depuis la première guerre civile, au prisme des processus électoraux, permet ainsi de comprendre pourquoi la transition politique libyenne n'a pas permis au pays de se stabiliser. Le processus de rupture engagé après l'effondrement de l'État, les luttes intestines et l'impossible consensus sont autant d'obstacles au bon déroulement de la transition démocratique et de la décentralisation politique. Les rivalités révélées lors des différentes élections législatives ont achevé de marquer l'enlisement de la construction de l'État à travers la mise en place d'organes provisoires successifs. Comment l'analyse de la transition politique libyenne, au prisme des processus électoraux, nous permet de comprendre l'évolution des dynamiques socio-politiques et les rivalités de pouvoir dans le contexte post-2011 ? Comment l'organisation successive d'élections cristallise-t-elle le conflit en exacerbant la compétition pour le pouvoir ? Dans quelle mesure la transition politique dont l'objectif initial était l'instauration d'un système démocratique s'est-elle finalement transformée en enjeu sécuritaire majeur suscitant l'intérêt de la communauté internationale ?
      The previous failures of the international community to restore stability and relaunch a political process in Libya require a return to the origins of the rivalries that are currently playing out. An analysis of Libyan socio-political dynamics since the first civil war, through the prism of electoral processes, helps to understand why the Libyan political transition has not stabilized the country. The process of rupture after the collapse of the state, the internal struggles and the impossible consensus are all obstacles to the good progress of the democratic transition and political decentralization. Rivalries revealed during the various elections completed to mark the stagnation of the construction of the State through the establishment of successive provisional political bodies. How the analysis of the Libyan political transition, through the prism of electoral processes, allows us to understand the evolution of the socio-political dynamics and rivalries of power in the post-2011 context? How the political transition whose initial aim was the establishment of a democratic system has finally transformed into safe major issue arousing the interest of the international community?
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