Contenu du sommaire : Conflits sociaux et transformations des relations professionnelles en Italie et en France

Sollicité d'introduire le numéro par une analyse des rapports actuels entre le syndicalisme italien et la politique , l'auteur nous donne une fresque plus ambitieuse et qui entend retrouver les débats italiens de l'heure après une vaste enquête sur l'évolution générale du syndicalisme devant les choix d'objectifs politiques et de moyens d'action appropriés, tant aux États-Unis que dans les divers grands pays européens. Mettant en évidence l'imbrication de plus en plus poussée des syndicats avec les institutions gouvernementales, (pour ne pas dire intégration qui, en ce sens, emporterait déjà interprétation), il en analyse d'abord les conditions de progression pour ensuite systématiser les termes de l'échange entre les syndicats et le gouvernement appuyé sur les partis majoritaires. Les avantages pour les dirigeants de l'organisation syndicale, pour l'organisation, pour les travailleurs enfin sont soigneusement distingués, comme le sont les contributions du syndicat à l'ordre (public ou de l'entreprise) , à la production, voire à la consommation. Le cas italien est alors abordé, après un détour rapide sur les particularités communes aux syndicats proches des partis communistes en Italie et en France. Les formes d'action nouvelles du syndicalisme italien apparaissent à la fois s'inscrire dans une évolution générale et internationale et marquer un renversement, plus spécifique à l'Italie, entre l'époque où le devant de la scène était laissé aux partis et celle d'aujourd'hui où les syndicats se passent de leur médiation.

Le système centralisé de négociation fut remis en cause par la C.I.S. dès 1953 par le moyen des accords de productivité passés dans l'entreprise. D'abord réticentes, la C.G.I.L. et VU.I.L. devaient en admettre le principe peu après. Malgré l'obstacle majeur d'un manque de responsables compétents, les fédérations de la métallurgie poursuivirent l'expérience, pour lutter contre le centralisme de leur propre confédération d'abord, et pour tenir compte d'un mouvement revendicatif de base, fondé sur le poste et la vie de travail, ensuite. Conséquence inattendue des accords de productivité , le mouvement récent des délégués modifie l'équilibre des forces en présence et peut transformer le système italien des relations industrielles.

L'auteur qui a collaboré, en qualité d'expert près du Ministre du Travail à la négociation du contrat de la métallurgie en décembre 1969 , montre comment le renforcement de la démocratisation des organisations syndicales et la décentralisation progressive des structures de négociation ont pu modifier le système des relations professionnelles en Italie. Les aspects les plus significatifs de ces transformations sont, d'après lui, la reconnaissance du syndicat au sein de l'entreprise et l'importance accordée à celle-ci comme lieu de négociation. Un dernier trait caractérise le syndicalisme italien : le développement d'actions revendicatives dont l'objet déborde le cadre du travail (logement , santé, transport, retraite) et qui mettent en cause l'autorité politique ; ce qui entraîne non seulement une politisation nouvelle de l'action syndicale mais aussi des rapports nouveaux entre syndicats et partis poli- tiques

Depuis 1968 les actions revendicatives et les grèves se sont multipliées dans les entreprises italiennes. Si ces conflits ont pu modifier le système des relations professionnelles, notamment par une décentralisation de la négociation, ils ont aussi transformé profondément les formes de représentation ouvrière. Ce que l'on a parfois appelé le mouvement des délégués traduit une prise de conscience collective de la base et une volonté de participation directe aux luttes du mouvement ouvrier. Les auteurs, s'appuyant sur les résultats d'une enquête, retracent les origines de ce mouvement, décrivent ce que sont ces nouveaux délégués, et s'interrogent sur leurs rapports avec les organisations syndicales confrontées au dilemme de l'intégration au système ou de la visée révolutionnaire.