Contenu du sommaire : La qualification du travail

Les systèmes d'évaluation de la qualification du travail ont été introduits en France et en Europe bien longtemps après leur utilisation aux États-Unis. Il est intéressant de s'interroger sur le rôle et la signification de cette technique de détermination de la hiérarchie des salaires dans les politiques salariales des entreprises. Alors que les discours des dirigeants patronaux et des experts en organisation mettent l'accent sur l'objectivité, la rigueur quasi scientifique, l'équité de la méthode, sa contribution au progrès et à la paix sociale, la pratique réelle de la Job Evaluation en met en évidence le côté arbitraire. Cependant, cette technique a joué un grand rôle dans la rationalisation de la gestion du personnel ouvrier, en facilitant l'adaptation de l'entreprise à l'évolution technique et économique et en donnant des arguments pour légitimer la structure hiérarchique de l'entreprise.

Depuis l'automne chaud italien de 1969, des mouvements d'OS partis de la base et reprenant les thèmes des Quaderni Rossi défendent des revendications nouvelles qui se réfèrent à une conception égalitaire des classifications professionnelles. Des accords ont dû être négociés prouvant que les syndicats assimilent peu à peu ces préoccupations. Le patronat éclairé cherche à s'adapter à ce mouvement en recherchant de nouveaux critères de définition des capacités professionnelles qui soient utilisables pour élaborer de nouvelles grilles de qualification et aménager la formation professionnelle. Deux recherches sont présentées, l'une inspirée de la théorie de l'information, l'autre de la théorie des jeux , qui s'efforcent d'absorber dans une nouvelle pratique de l'organisation du travail , les contraintes sociales nées de ces mouvements ouvriers.

La notion de qualification note la coïncidence d'un poste de travail et d'un ordre de travailleurs. Ces deux déterminations ne peuvent ni être confondues, ni être considérées comme indépendantes et quelconques. On ne peut non plus réduire l'une à l'autre par l'intermédiaire d'une formule de correspondance a priori. Le rapport de ces deux déterminations conjointes exige, pour être compris, qu'on fasse intervenir l'ensemble du système de travail caractéristique de notre forme sociale, et d'abord les mécanismes de distribution des forces de travail dans les postes, et entre la préparation au travail et son exercice.

Les méthodes de mesure de la qualification du travail sont appliquées aux ingénieurs et cadres avec une ampleur d'autant plus insoupçonnée que leur principe semble moins compatible avec les exigences de carrière qui sont une des caractéristiques majeures de cette catégorie. L'examen de cette contradiction permet de présenter quelques hypothèses sur les fonctions de ces méthodes , leur rôle de légitimation de la hiérarchie dans l'entreprise, et les clivages qu'elles font apparaître parmi les ingénieurs et cadres.

La rationalisation économique de l'organisation de l'hôpital conduit à une redéfinition des qualifications du personnel hospitalier. Cette évolution est marquée par l'éclatement de l'acte médical en diverses fonctions. Ceci modifie les qualifications antérieures et en crée de nouvelles. Ceci met d'autre part en cause la cohérence des critères retenus pour définir les différentes fonctions et modifie les déroulements de carrière. Les nouveaux rapports de force qui s'établissent entre catégories professionnelles et entre personnel et administration interviennent dans les solutions adoptées.

En réunissant quelques-uns des chercheurs dont les travaux actuels abordent — de façon plus ou moins directe — le problème de la qualification, Sociologie du Travail n'avait d'autre ambition que d'élargir, par rapport aux articles qui précèdent, la présentation des divers types de problématiques, les angles d'approche, les modes d'analyse qui sont en œuvre dans ce domaine. Les confronter réellement, dans ce qu'ils ont de complémentaire autant que dans ce qui les rend inconciliables, ne peut se faire ni sous cette forme, ni dans cet espace. Ce débat n'a donc ici d'autre conclusion, en poursuivant la remarque finale de l'un des participants, que de manifester l'évolution de la façon dont la sociologie du travail traite de cette notion : non seulement , ce qui apparaît le plus nettement, les contenus ne sont plus les mêmes, mais diffèrent également — ce que la transcription ici présentée masque quelque peu — la méthode et la position du chercheur par rapport à son objet. C'est même ce qui apparaît commun — et cela seul peut-être — aux participants à ce débat.