Contenu du sommaire : La sociologie de l'entreprise à l'épreuve des transformations contemporaines

Revue Sociologies pratiques Mir@bel
Numéro Hors-série no 3, février 2021
Titre du numéro La sociologie de l'entreprise à l'épreuve des transformations contemporaines
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - Florence Osty, Laurence Servel p. 1-8 accès libre
  • Pour un nouveau retour sur l'entreprise comme catégorie pertinente de l'analyse sociologique - Laurence Servel p. 9-23 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose de réinterroger le cadre de la sociologie de l'entreprise pour montrer son actualité. Il s'attache à retracer les conditions de naissance de la sociologie de l'entreprise en France dans les années 1980 et pointe les éléments de contexte qui ont permis sa construction, en particulier l'importance nouvelle accordée à la recherche et à l'innovation. Il identifie également quelques-uns de ses traits, lesquels la constituent de manière distinctive par rapport à la sociologie du travail mais aussi par rapport à la sociologie des organisations. Ainsi, proposant de considérer l'entreprise comme une institution, produit de la société mais aussi productrice de société, la sociologie de l'entreprise se fait également sociologie dans l'entreprise en accordant une place centrale à la question de l'intervention. Plus de trente ans après sa naissance, et en dépit de périodes d'éclipse certaines, la sociologie de l'entreprise apparaît porteuse d'un regard spécifique qui la rend toujours contemporaine. Cinq facteurs de renouveau lui sont en effet particulièrement favorables.
    This article aims to present the way the sociology of firms framework has been constructed and the way it is nowaydays revitalized. It examines the conditions in which the sociology of firms has emerged in France during the 1980s, in particular thanks to a background encouraging research and innovation. Different from the sociology of labor and the sociology of organizations, the sociology of firms has considered firms as institutions. From this point of view, firms are made by the society but are also able to produce society. The sociology of firms is also very interested in how the sociologist can lead an intervention into firms. More than thirty years after its birth, and despite of some eclipses, the sociology of firms is still an uptodate approach. Five decisive factors make possible to initiate its revitalization.
  • Le changement au prisme de la trajectoire. Pour une approche dynamique des mondes sociaux - Sophie Bretesché p. 25-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La question du changement en organisation suscite nombre de manuels destinés à équiper les managers en outils, méthodes ou encore éléments de langage. Pour autant, ses effets dans la durée sont peu analysés, voire occultés. En effet, l'échelle d'analyse porte fréquemment sur une photographie à l'instant T d'une organisation et la notion de « résistance » constitue le registre majeur de lecture. Ainsi, cet article questionne le changement en organisation en mobilisant une analyse longitudinale et le registre de la trajectoire. Il s'agit d'analyser sur une durée de dix ans le rapport entre des changements de cycles stratégiques et la dynamique des identités professionnelles. La mise en perspective de ces deux dimensions permet d'objectiver les notions de rupture et continuité fréquemment mobilisées pour qualifier le changement.
    The question of organizational change gives rise to a number of manuals designed to equip managers with tools, methods or language elements. However, its long-term effects are poorly analyzed or even obscured. Indeed, the scale of analysis is frequently related to a photograph at the instant T of an organization and the notion of "resistance" constitutes the major register of reading. Thus, this article questions the change in organization by mobilizing a longitudinal analysis and the register of the trajectory. The aim is to analyze over ten years the relationship between changes in strategic cycles and the dynamics of professional identities. Putting these two dimensions into perspective makes it possible to objectify the notions of rupture and continuity frequently used to describe change.
  • Trans-former par la sociologie de l'entreprise - Florence Osty p. 37-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les pionniers de la sociologie de l'entreprise ont largement investi le champ de la formation pour adultes pour expérimenter de nouveaux dispositifs d'apprentissages et équiper les « acteurs du changement » dans les organisations. Former à et par la sociologie de l'entreprise s'est avéré un processus de transformation des praticiens venus puiser des éclairages, méthodes et outils pour aborder les évolutions de leur organisation. Le développement de capacités d'agir et de réflexivité en sont les traces les plus significatives. Cet article retrace la longue histoire d'un cycle de formation fondé par R. Sainsaulieu, et analyse les ressorts de la trans-formation, adossés à un dispositif pédagogique innovant et hors normes, soulignant la dimension intervenante de ce courant sociologique.
    Pioneers in the sociology of enterprise have largely invisted in the field of adult education to experiment with new learning devices and equip the “actors of change” in organizations. Training in and through the sociology of enterprise has proven to be a process of transformation of practitioners who come to draw insights, methods and tools to address the evolutions of their organization. The development of capacities to act and of reflexivity are the most significant traces. This article traces the long history of a training cycle founded by Renaud Sainsaulieu, and analyzes the driving forces of the trans-formation, backed by an innovative teaching device out of the ordinary, underlining the intervening dimension of this sociological current.
  • Le sociologue praticien : fantasme ou réalité ? - Dominique Démaret p. 51-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Ce récit porte sur les transformations de la société des années 1960 à nos jours et, particulièrement, sur la façon dont le changement, promu en valeur cardinale du développement économique, a modifié le cœur des activités humaines, mettant en danger l'équilibre psychique des individus et détruisant le lien social. Dans le droit fil des recherches de Renaud Sainsaulieu, qui introduit la subjectivité dans le travail avec l'identité de métier, l'auteure s'empare dès 1992 de la sociologie de l'entreprise pour créer son métier de sociologue pratiquante. Elle aborde la nécessité de rester en prise directe avec le terrain tout en restant fidèle aux principes qui président au modèle du système social. Elle note au fil des évolutions du contexte socioéconomique, les adaptations nécessaires de la démarche de diagnostic sociologique, et plus particulièrement face aux problématiques contemporaines de la souffrance au travail. Il devient indispensable alors de replacer le travail humain, vivant, au centre de la compréhension des systèmes sociaux afin de faciliter l'émancipation des acteurs et, pour ce faire, d'aller chercher d'autres disciplines des sciences sociales, notamment la philosophie et la psychodynamique du travail.
    A narrative on the transformations of the society from the 1960s to this day, and, in particular how change, promoted as a cardinal value of economic development, modified the heart of human activities, endangering individuals' psychic equilibrium and destroying social cohesion. As early as 1992, in direct line with the research conducted by Renaud Sainsaulieu introducing subjectivity at work in the profession identity, the author draws on theories from the sociology of the firm to create her profession of practicing sociologist. She addresses the necessity to remain in direct contact with the field while staying true to the principles governing the social system model. Along the evolutions of the socio-economic context, she notes the adaptations required from the sociological diagnostic method, and more particularly when confronted to the present-day issues of work-related stress. Putting human living work back into the centre of the understanding of the social systems thus becomes essential in order to facilitate the empowerment of the actors and to that end draw on other social sciences fields in particular philosophy and work psychodynamic.
  • L'entreprise est-elle toujours une catégorie pertinente de la sociologie ? - Jean-Michel Saussois p. 63-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'objet de l'article est de rendre compte de la façon dont les sociologues ont abordé hier et abordent aujourd'hui l'entreprise comme un objet de recherche Dans une première partie, deux programmes, que trente ans séparent et auxquels l'auteur a participé, seront examinés, puis, dans une deuxième partie, les résultats obtenus lors de ces deux programmes de recherche seront discutés. Dans une troisième partie, l'auteur plaide pour un retour à la description, démarche nécessaire pour aboutir à un travail d'abstraction. La conclusion débouche sur une question : quelles conditions requises pour construire une nouvelle sociologie de l'entreprise ?
    The aim of the article is to present how french sociologists have worked out the firm as a research object. In the first part, two research programs in which the author was involved, will be analysed. The second part will discuss the results coming out of these two programs. In the third part, the author pleads for a thick description the necessary way to make possible abstraction work. The conclusion raises the following issue: what are the conditions required to-day for building up a sociology of the firm?
  • De l'entreprise à l'entreprise-réseau. L'`ibhydrarchie`/ib, une nouvelle affaire de société - Gilles Crague p. 77-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Durant les dernières décennies, le monde des entreprises a vu se développer les organisations en réseau et avec elles un phénomène inédit : la difficulté pour les salariés à identifier le décideur économique, en particulier dans des situations de restructuration. Une théorisation et une notion nouvelle (hydrarchie) sont proposées pour rendre compte de cette propriété particulière des réseaux. Celle-ci irrite de fait la norme de l'entreprise-institution et la société, via le droit, réagit en conséquence. Deux réactions du droit du travail sont analysées qui mettent en œuvre un même principe de responsabilisation mais selon des modalités distinctes. Une responsabilisation « amont » ré-agence le périmètre de l'entreprise pour resocialiser la décision économique. Une responsabilisation « aval » (convention de revitalisation) se focalise sur les dommages sur l'emploi sans remettre en cause la décision économique et a pour effet de re-socialiser l'entreprise dans la communauté politique locale (territoire).
    The last decades have showed the rise of network organizations. They have been accompanied by a new phenomenon : the problem for employees to get in touch with the decision maker, especially during restructuring moments. A new concept is laid out (hydrarchy) to account for this attribute of network organization. This organizational evolution has undoubtedly challenged the model of the “corporation as an institution” and the society has reacted by adapting the law. Two French labour law reactions are analyzed that are derived from the same general principle, the responsibilization principle. An upstream responsibillization aims at an opportunistic adaptation of the corporation boundary so as to re-socialise the economic decision. A donwstream responsibilization (revitalization convention) is centered on the damages to employment without questioning the related economic decision and aims at re-socialising the corporation in the local political community.
  • De l'identité au travail au sens de la justice. Les pratiques de formation professionnelle continue dans les organisations vietnamiennes : nouveaux regards sur la justice sociale à l'heure de la globalisation - Thi Thu Thao Lê, Matthieu de Nanteuil p. 91-103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose de poursuivre le projet de la sociologie de l'entreprise en élargissant ses objets (aux questions de justice sociale) et en s'intéressant à des univers non-occidentaux (les organisations vietnamiennes). À partir d'une enquête qualitative sur les pratiques de formation professionnelle continue, il analyse les justifications avancées par les acteurs pour aborder les problèmes de justice sociale qui leur sont liés. Il conclut sur l'intérêt d'une approche contextuelle et processuelle de la justice sociale, renouant avec l'un des principaux acquis de la sociologie de l'entreprise : l'attention portée aux réalités locales, partout dans le monde.
    This article aims at deepening the scientific project of the sociology of enterprise, by enlarging its objects (questioning social justice) and paying attention to non-western worlds (Vietnamese organisations). Through a qualitative research on vocational training, our article examines the “justifications” that social actors put forward to speak about social justice at the workplace. It concludes on the importance of a contextual and processual approach of social justice, thus coming back to one of the most important results of the sociology of enterprise : local realities, everywhere in the world.
  • Perméabilité et frontières de l'entreprise au Sud. Comment les dispositifs à vocation morale interrogent-ils les frontières de l'entreprise en Éthiopie ? - Constance Perrin-Joly p. 105-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose de contribuer à une sociologie de l'entreprise dans le contexte de la mondialisation et de l'industrialisation des pays en développement (Éthiopie). Les dispositifs moraux (responsabilité sociale de l'entreprise, paternalisme, etc.) mis en œuvre par les entreprises et analysés dans cet article conservent une visée instrumentale, mais elle s'accompagne d'une moralisation qui vise à faire adhérer et à transformer des bénéficiaires de ces dispositifs (employés, communautés locales, etc.) afin qu'ils se conforment à l'idéal d'un individu responsable. Toutefois ces dispositifs sont aussi appropriés et modelés par l'environnement de l'entreprise, témoignant de la circulation des idées et des valeurs entre l'entreprise et son environnement, que ce soit au Nord ou au Sud, ou entre le Nord et le Sud.
    This article aims to contribute to the sociology of firms, in the context of globalization and industrialization in the Global South (Ethiopia). The moral management systems (CSR, paternalism…) implemented by the companies analyzed in this article keep an instrumental goal. This goal goes hand in hand with a moralization process that aims to change the beneficiaries (workers, local communities…) and get them adopt capitalism values, in particular the ideal of responsible individual. Nevertheless, local context appropriates and shape also these systems. This phenomena witnesses the ideas circulation between compagnies and their environment, through both in Global North or Global South, or between Global North and Global South.
  • Pour une sociologie des petites entreprises - Brigitte Nivet, Philippe Trouvé p. 117-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La tradition sociologique qui a tenté de théoriser les rapports sociaux de production, le fonctionnement des organisations et, plus tardivement l'entreprise comme institution, a été chroniquement marquée par le modèle de la grande entreprise. À l'exception des années 1980, au carrefour de la crise du fordisme, de la (re)découverte des « systèmes productifs locaux » et de quelques rares incursions dans les secteurs de la petite production artisanale, du petit commerce ou des moyennes entreprises familiales, les sociologues ont prêté peu d'attention aux pme (petites et moyennes entreprises) et encore moins aux plus petites d'entre elles (pe, tpe ou micros) qui représentent encore aujourd'hui l'écrasante majorité des entreprises et des emplois. Or, il est maintenant acquis que les modèles de compréhension élaborés dans les grandes entreprises ne sauraient servir d'outils pertinents pour éclairer le fonctionnement des petites structures productives. Une différence de nature entre ces deux séries d'objets et de constructions sociales a besoin d'être élucidée. Dès lors, l'exposé s'efforce de répondre à deux questions : en quoi l'observation des petites entreprises interroge-t-elle les catégories de pensée de la tradition sociologique ? À la suite, sur quels socles méthodologique, empirique et épistémologique peut-on s'appuyer pour espérer construire une sociologie des petites entreprises, prenant tout à la fois en compte la diversité de leurs formes concrètes et la nécessaire montée en généralité des modèles d'analyse ?
    The sociological tradition, which attempted to theorize the labour relations, organizational functioning and, later on, the firm as an institution, has been dominated by the model of the large corporation. Except in the 1980s, at the crossroads of the crisis of Fordism, the (re)discovery of “local systems of production” and some rare but important forays into the sectors of small-scale traditional production, small businesses or medium-sized family businesses, sociologist have paid little attention to small and medium-sized enterprises (SME), and even less to the smallest of them (very small companies or micro-enterprises) which still today represent the vast majority of firms and employment. It is however largely established that the comprehensive models elaborated in large enterprises cannot serve as a point of departure for understanding the ways in which small productive structures function. There is a difference in the nature of these two series of object and social constructions that needs to be elucidated. Thus, we will here endeavour to respond to two issues. First, how can the observation of very small companies enable us to question the categories of the sociological tradition? Second, what methodological, empirical and epistemological bases can we build upon in order to construct a sociology of small business, taking into account both the diversity of their concrete forms and the necessary generalization of analytical models?
  • Artisan et réseaux : l'homme immobile connecté - Florence Cognie p. 133-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article présente les principales conclusions d'une recherche qui avait pour objet de caractériser l'artisanat et les artisans aujourd'hui afin de comprendre leur permanence sinon leur développement. Il s'inscrit dans une perspective historique et actualise les travaux des années 1970-80. Il articule les concepts de la nouvelle sociologie économique, notamment ses travaux sur les réseaux qui permettent de caractériser les formes de coordination singulières des entreprises artisanales, avec ceux de la sociologie de l'entreprise. Cette dernière, qui conçoit l'entreprise comme lieu de socialisation et de construction d'identités professionnelles, de coopération et de régulations, est particulièrement éclairante pour analyser et comprendre la persistance de ce monde social.
    This article presents the main conclusions of a research project which intends to characterize nowadays craftsmanship, craftsmen and to understand their permanence and development. This piece of research falls within an historical perspective and update the research conducted in this domain in the 70s and 80s. Additionally, this article is at the interplay of the new economic sociology and the literature on social networks. The aim is to characterize the singular coordination patterns of craft firms with those derived from the sociology of firms.
  • Entretiens

  • Ressources bibliographiques - p. 165-172 accès libre