Contenu du sommaire : Dossier : Saisir l'action publique en Afrique à travers les instruments

Revue Revue internationale de politique comparée Mir@bel
Numéro vol. 27, no 2-3, 2020
Titre du numéro Dossier : Saisir l'action publique en Afrique à travers les instruments
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Saisir l'action publique en Afrique à travers les instruments. Avant-propos - Philippe Lavigne Delville, Sina Schlimmer p. 9-32 accès libre
  • Penser l'État par les plans et les cartes : Une analyse historique des instruments de planification du foncier en Tanzanie - Sina Schlimmer p. 33-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis plusieurs années, les Village Land Use Plans sont promus en Tanzanie comme une « meilleure pratique » favorisant des approches dites responsables de l'investissement agricole. Cet article analyse les VLUP comme un instrument d'action publique véhiculant des idées et des intérêts par une pluralité d'acteurs. En proposant une sociohistoire des instruments de planification du foncier en Tanzanie, l'article défend l'argument que ces instruments révèlent différents moments et facettes de la formation étatique en Tanzanie. D'une part, le recadrage et la redéfinition des outils de planification adoptés depuis l'Indépendance reflètent le passage d'un État central socialiste vers un régime politique qui véhicule les principes du libre marché. D'autre part, la fabrique des VLUP dans le cadre des grandes transactions foncières depuis les années 2010 donne à voir de nouvelles formes de déploiement étatique à l'échelle infranationale dans un contexte d'extraversion.
    For several years now, Village Land Use Plans have been promoted in Tanzania as a “best practice” for so-called responsible approaches to investment in farmland. This paper studies VLUPs as a policy instrument representing the ideas and interests of various stakeholders. It offers a socio-historical analysis of land use planning instruments in Tanzania and thereby demonstrates that these tools reveal different moments and facets of state formation in Tanzania. On the one hand, the reframing and redefinition of land use planning tools adopted since the country's independence reflect the transition from a socialist and centralist political regime toward the liberal era marked by an adherence to free-market principles. On the other hand, the making of VLUPs in the context of land-based investment projects since the 2010s offers insights into new forms of state making at the infra-national level in a context of extraversion.
  • Les « plans fonciers ruraux » au Bénin (1992-2015). La carrière d'un instrument « pilote » au sein de politiques non stabilisées - Philippe Lavigne Delville p. 61-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Inventé en Côte d'Ivoire au milieu des années 1980, le Plan foncier rural (PFR) est un des instruments mis au point dans le cadre de l'aide internationale pour permettre la formalisation des droits fonciers coutumiers, individuels et collectifs. Il a été importé au Bénin au début des années 1990, dans l'optique de contribuer à une future réforme foncière. En 25 ans, le PFR y a joué différents rôles successifs : il a été un instrument de promotion d'une réforme, puis l'instrument central d'une politique de formalisation des droits coutumiers, individuels ou collectifs, et enfin un moyen au service d'une politique de privatisation, avant d'être récemment marginalisé au profit du cadastre. À travers ce cas, ce sont les liens problématiques entre politiques publiques et instruments que l'on se propose d'analyser, en montrant l'autonomie relative de l'instrument PFR par rapport aux politiques successives, sa dimension composite et adaptative, et la façon dont les débats sur lui révèlent les tensions autour de la politique elle-même. Alors que les instruments sont censés être des moyens de mise en œuvre d'une politique, ici, l'instrument a précédé la politique, et perdure en s'adaptant à ses reformulations, dans une greffe qui demeure incertaine.
    Invented in Côte d'Ivoire in the mid-1980s, the Rural Land Plan (Plan foncier rural; PFR) is one of the instruments developed in the framework of international aid to enable the formalization of customary, individual, and collective land rights. It was imported into Benin in the early 1990s with a view to contributing to future land reform. In twenty-five years, the PFR has played a series of different roles: it was an instrument for promoting reform; then the central instrument of a policy for formalizing customary, individual, or collective rights; and finally a tool used in the service of a privatization policy, before recently being marginalized in favor of the cadastre. Through this case, we propose to analyze the problematic links between public policies and instruments, showing the relative autonomy of the PFR in relation to successive policies, its composite and adaptive dimension, and the way in which debates about it reveal tensions around the policy itself. While instruments are supposed to be a means of implementing a policy, here the instrument preceded the policy, and it endures by adapting to its reformulations, in a kind of transplantation that remains uncertain.
  • Réguler les universités par les instruments. Expériences de l'enseignement supérieur au Kenya et en Ouganda - Olivier Provini p. 87-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'objectif de cet article consiste à discuter – à partir des exemples kenyan et ougandais – les ressorts de la nouvelle ingénierie universitaire qui se fabrique et se met en œuvre dans la région de l'Afrique de l'Est. Deux principaux instruments structurant le secteur de l'enseignement supérieur sont pris en exemple : les normes d'assurance qualité et les objectifs nationaux régulant, dans les programmes de développement des gouvernements, les pratiques sur les savoirs. Nous démontrons que lorsque l'on s'arrête sur la fabrique de ces Instruments d'Action Publique (IAP), nos deux études de cas présentent des trajectoires similaires, tant sur la nature de ces instruments que sur les acteurs qui les impulsent. Pour autant, les cas kenyans et ougandais donnent à voir des résultats contrastés sur la mise en œuvre des IAP et, plus largement, sur les réformes d'enseignement supérieur. Alors que le cas kenyan de l'Université de Nairobi valide l'importance prise par les IAP dans la régulation du secteur et de ses institutions, l'exemple ougandais de l'Université de Makerere illustre plutôt les décalages et les effets originaux et non désirés qui peuvent se produire lors de l'implémentation des IAP.
    Based on Kenyan and Ugandan case studies, the aim of this article is to discuss the mechanisms behind the new university engineering that is being produced and implemented in East Africa. We analyze two main instruments shaping the higher education sector: quality assurance standards and national objectives regulating knowledge practices in government development programs. We demonstrate that when we study the production of these Public Policy Instruments (PPIs), our two case studies present similar trajectories in terms of the nature of these instruments and the actors driving them. However, the Kenyan and Ugandan case studies show contrasting results in the implementation of PPIs and, more broadly, in higher education reforms. While the Kenyan case of the University of Nairobi confirms the importance of PPIs in the regulation of the sector and its institutions, the Ugandan example of Makerere University illustrates the original and undesired discrepancies and effects that may occur during the implementation of PPIs.
  • Bureaucratisation par le haut, bureaucratisation par le bas. Diffusion et réception d'un instrument managérial dans le contexte de la santé au Bénin - Clément Soriat p. 111-136 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une enquête de terrain et d'entretiens avec des responsables du Fonds mondial, cet article interroge, dans le contexte de la santé au Bénin, la diffusion d'un instrument d'action publique spécifique (la « gestion axée sur les résultats »). À travers ce processus, c'est plus généralement le mouvement de bureaucratisation propre à l'ère néolibéral qui est appréhendé. En particulier, il est rendu compte de la façon dont la rationalité managériale et le formalisme sont imposés par le Fonds mondial, par des techniques à la fois incitatives et répressives. Dans un deuxième temps, nous montrons que ces procédures font l'objet d'appropriations en fonction des logiques propres à l'administration béninoise. De ce point de vue, le rôle de « professionnel.le.s de l'action publique » est décisif. Individus appartenant à un groupe social favorisé, ils renforcent leurs positions par leur participation à des programmes internationaux, tout en luttant pour redéfinir les principes du fonctionnement de leur administration.
    Based on a field survey and interviews with Global Fund officials, this article examines the dissemination of a specific public policy instrument (“Results-Based Management”) in the health context in Benin. Through this process, we can analyze more generally the movement of bureaucratization specific to the neoliberal era. In particular, I focus on the way in which managerial rationality and formalism are enforced by the Global Fund through both incentivizing and repressive techniques. I then show that these procedures are appropriated according to the logic of the Beninese administration. From this point of view, the role of “public policy professionals” is decisive. Belonging to a privileged social group, they strengthen their positions through their participation in international programs, while striving to redefine the principles of the functioning of their administration.
  • L'impossible harmonisation des instruments budgétaires de l'État et des donateurs : Contradictions institutionnelles, bricolages et manipulations du « budget programme par objectifs » au Bénin (eau potable et assainissement de base) - Marilou Mathieu, Philippe Lavigne Delville p. 137-163 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le Budget Programme par Objectifs (BPO) fait partie des instruments promus par les institutions d'aide pour mettre en œuvre leurs engagements d'harmonisation des procédures entre États et bailleurs de fonds. Il doit assurer prévisibilité et transparence dans les budgets nationaux et permettre d'y intégrer l'aide budgétaire. Analysant le BPO « eau potable et assainissement » au Bénin, cet article montre que l'ambition d'un instrument budgétaire partagé entre gouvernement et bailleurs de fonds n'est pas remplie, du fait de ces derniers. Une partie des bailleurs seulement joue le jeu de la coordination et utilise l'instrument. Bien plus, le découpage de l'action publique en sous-secteurs diffère entre gouvernement et donateurs, les moyens mobilisés par l'aide pour l'assainissement sont disproportionnés par rapport à la place de ce sous-secteur dans les politiques béninoises. Le BPO « eau et assainissement » est en pratique d'abord un instrument du principal financeur du secteur. Les télescopages de logiques, d'outils et de temporalités dans la programmation budgétaire induisent des contradictions insolubles et induisent des contournements systématiques des règles pour rendre possible l'utilisation des ressources disponibles.
    The Budget Program by Objectives (BPO) is one of the instruments promoted by aid institutions to implement their commitments to harmonize procedures between states and donors. It is supposed to ensure predictability and transparency in national budgets and to enable the integration within them of donors' budgetary support. Analyzing the BPO “drinking water and sanitation” in Benin, this article shows that the objective of a budgetary instrument shared between government and donors is not fulfilled, mainly because of the latter. First, only some donors partake in coordination and use the instrument. Second, donors and government do not rely on the same division of public policy into sub-sectors. Third, the resources mobilized by sanitation aid are disproportionate to the place of this sub-sector in Beninese policies. In practice, the BPO “water and sanitation” is primarily an instrument of the main funder of the sector. The collision of rationales, tools, and temporalities in budget programming leads to unsolvable contradictions and to systematic circumventions of the rules in order to enable the use of available resources.