Contenu du sommaire : Revenances

Revue Socio-anthropologie Mir@bel
Numéro no 34, 2016
Titre du numéro Revenances
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Revenances

    • Place aux revenances ! - Marc Berdet, Gérard Dubey p. 9-21 accès libre
    • Les indigents de la mémoire - Jeanne-Marie Gagnebin p. 23-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur l'importance des rituels funéraires et de la sépulture comme signe de la présence des morts dans la mémoire des vivants. Il tente de montrer comment cette exigence d'enterrer les morts oriente le travail poétique depuis l'Iliade, et comment elle échoue dans le douloureux contexte des « disparus » de la dictature militaire au Brésil, à partir de l'analyse de deux textes récents, entre fiction et témoignage, de Bernardo Kucinski. Il conclut en s'interrogeant sur le peu de cas manifesté à l'égard de personnes pauvres trouvées dans la rue : alors que celles-ci pourraient être facilement identifiées, elles sont enterrées anonymement dans des fosses communes sans aviser les familles qui demeurent en quête de leurs « disparus » pendant des années.
      This article reflects on the importance of funeral rites and burials as signs of the presence of the dead in living memory. It aims at showing how this necessity of burying the dead guides the poetic production since the Iliad and, analysing two recent texts written by Bernardo Kucinsky and situated between fiction and testimony, how it fails in the painful context of the disappeared from the military dictatorship in Brazil. The problem eventually arises of how is usually neglected to bury ritually poor people, putting them in common graves while they could be easily identifiable, and without telling their families who are still looking for their “disappeared” parents.
    • Archives maudites - Philippe Baudouin p. 33-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cas unique dans l'histoire des forces de l'ordre, l'officier de gendarmerie Émile Tizané (1901-1982) fut sans doute le plus grand expert français en matière de « maisons hantées ». Véritable « parapsychologue de terrain », il sillonna les routes de la campagne française durant plusieurs dizaines d'années pour les besoins de ses enquêtes officieuses dédiées aux phénomènes de poltergeist. Le présent article s'attache à caractériser ses archives personnelles récemment exhumées en proposant une réflexion sur ce qui, plus généralement, relie l'archive à la question de la spectralité.
      Unique in the history of police, the police officer Émile Tizané (1901-1982) was probably the greatest French expert of “haunted houses”. As a parapsychologist, he traveled the roads of french countryside for several decades to the needs of its informal inquiries dedicated to poltergeist phenomena. This article attempts to characterize its recently exhumed personal archives by proposing a reflection on what more generally connects the archive to the question of spectrality.
    • Le fantôme et l'anthropologue : retour sur une scène primitive - Caroline Callard p. 49-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objet de cet article est de démontrer que l'interrogation portant sur les croyances au fantôme accompagne la naissance de l'anthropologie, et cela avant même l'institution de la discipline, dès le XVIe siècle. Mais, au-delà de la topique spectrale, c'est de la « fonction spectre », et de ses effets sur le discours anthropologique, que l'on voudrait tenter l'histoire. Le fantôme s'avère en effet très vite un opérateur anthropologique performant. Il sert tous les partages : du païen et du chrétien, du protestant et du catholique, du civilisé et du sauvage, du lettré et du vulgaire, du sociologue ou de l'anthropologue et du « folkloriste ». La rencontre du fantôme et de l'anthropologue apparaît ainsi non seulement comme une scène primitive au sens où elle signale une origine possible de la discipline anthropologique, mais aussi parce qu'elle va servir, au temps de son institution disciplinaire au XIXe siècle, à définir une forme « primitive » de religion. Elle est enfin « scène primitive » au sens que la psychanalyse a donné à l'image taboue : un lieu longtemps difficile à regarder pour le socio-anthropologue des sociétés occidentales dites « modernes ».
      This article ventures to demonstrate that the beliefs in ghosts and the debates around their existence went along with the birth of anthropology, before the latter came to be recognised as a discipline in the 16th cent. More specifically, more remains to be done on the “spectral functionalities”, and namely the spectre's influence on the anthropological discourses. Ghost quickly turns out to be a very effective operator. It could be used as a demarcation line, between the Pagan and the Christian, the Protestant and the Catholic, the Civilised to the Barbarian, the literate and the vulgar, the sociologist, the anthropologist and the folklorist. The encounter between the ghost and the anthropologist could be seen as a primal scene in so far as it pointed out to the likely origin of the discipline of anthropology. But furthermore, in the 19th cent, when anthropology became an institutionalised discipline, it lends itself to be defined as a form “primitive” religion. In its psychoanalytical understanding, the primal scene also refers to an image of the taboo: a place which is hard to contemplate for the socio-anthropologist of the so called “modern” Western societies.
    • De la présence aux restes - Baptiste Monsaingeon p. 67-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En faisant disparaître nos déchets, nous faisons disparaître d'un même mouvement la charge mémorielle dont ils sont porteurs. Se saisissant de la thématique des « revenances », cet article discute l'hypothèse de la présence aux déchets comme expérience de la confrontation à certains fantômes des sociétés contemporaines. Si nos objets parvenaient à résister à leur propre disparition, à ces tentatives quotidiennes et répétées de mise à mort, se feraient-ils l'écho de cette mémoire déchue ? Autrement dit, si nos déchets « revenaient », auraient-ils quelque chose à nous dire ? Serions-nous alors seulement en mesure de les « écouter » ? En partant du récit de la rencontre avec un tas d'ordure perdu au beau milieu de l'océan, cet article cherche à démontrer qu'il est possible de les percevoir comme fragments de l'inconscient du temps.
      When we clear up rubbish, we clear up in a same movement their embedded memory. Focused on the “revenance” thematic, this article aims to discuss the hypothesis of our presence to rubbish as experience of confrontation with some ghosts of contemporary societies. If our objects were able to resist to their own disappearance, to these daily and repeated murder attempts, would they be able to echo this fallen memory? In other words, if discarded goods were returning, would they have something to tell us? Would we thus only able to listen to them? Based on the narrative of an encounter with a trash pile lost in the middle of the ocean, this article aim to demonstrate that it is possible to perceive them as fragments of the unconscious of time.
    • En attendant Goblot - Frédéric Fruteau de Laclos p. 81-95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Edmond Goblot est souvent présenté comme un penseur mineur, auteur d'une logique périmée qui eut la chance d'annoncer, par le biais d'excursus sociologiques ponctuels, la théorie de la distinction sociale de Pierre Bourdieu. Il existe cependant un fossé étonnant entre l'originalité conceptuelle des découvertes de Goblot et la reconnaissance institutionnelle dont elles jouissent. Car Goblot est l'initiateur d'un très novateur constructivisme social, le théoricien de la mystique des jugements de valeurs qui ont cours dans nos sociétés. La « revenance » d'une telle logique des paralogismes sociaux s'impose d'autant plus que, loin de préparer seulement l'œuvre de Bourdieu, elle permet de contrecarrer, plus efficacement que ne le peut cette dernière, les doctrines individualistes actuelles de la « mentalité prélogique ».
      Edmond Goblot is often presented as a minor thinker, the author of an outdated logic whose chance was to announce, through isolated sociological excursus, Pierre Bourdieu's theory of social distinction. Yet, there is an astonishing gap between the conceptual originality of Goblot's discoveries and the institutional recognition they received. For Goblot initiated a quite innovative social constructivism, he theorized the mystic of the judgements of value that we spontaneously produce in society. The “revenance” of such a logic of social paralogisms is important not only because it prepares Bourdieu's works, but also because it gives us the opportunity of thwarting, better than Bourdieu was able to, current individualistic doctrines of “prelogical mentality”.
    • Aperçues de temps - Georges Didi-Huberman p. 97-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au détour des détails les plus triviaux comme des gestes les plus anodins, les êtres du passé se frayent un chemin vers le présent, remontent par effraction à la surface. Ainsi n'en finissent-ils pas de survivre et de revenir. « Revenances », Nachleben. Les images, les œuvres, les situations où se laisse saisir l'inactuel ne font pas qu'affirmer l'hétérogénéité du temps et ses anachronismes. Contre l'idée de transmission, de cycle naturel « vie et mort », « grandeur et décadence », elles témoignent de la ténacité comme du caractère intempestif des survivances qui littéralement reviennent se saisir du présent et le déranger. Percées dans le temps, fulgurances, ces images sont aussi des aperçues de temps, dont cet article propose quelques visions.
      Creatures from the past cut a path to the present through most trivial details or insignificant gestures; they are breaking in, rising back again all the way to the surface. In this way, their survival and their come back never end. Coming back like a ghost and surviving like a relic—Nachleben. Images, works, situations where the untimely can be caught, not only assert the heterogeneity of time and its anachronisms. Against the bare idea of transmission, of a natural cycle “life and death”, “rise and fall”, they show the persistence and the untimely character of survivals that literally come back to grab and disturb the present. Openings in time, dazzling speeds, these images are also time insights. This article proposes some visions like that.
  • Entretien

  • Écho

  • Image

  • Varia

    • L'humour dans les coulisses des concours de beauté - Camille Couvry p. 171-186 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une enquête réalisée par observation participante en tant que bénévole dans les élections de Miss locales au Havre (en 2011 et 2012) et à Rouen (en 2012 et 2013), cet article analyse, à travers le prisme du genre, les formes d'humour dans les coulisses spatiales et temporelles des élections qui prennent pour cible l'institution des Miss ou les Miss elles-mêmes. Qu'est-ce que la dérision fait au genre de la Miss ? Comporte-t-elle une dimension subversive ou transgressive du personnage de la Miss et des stéréotypes qu'il suscite ? Tourner en dérision ou parodier la Miss n'est pas sans effet sur les symboles de la Miss. C'est une prise de distance de la part des acteurs avec le rôle de Miss et l'institution du concours. Quatre situations d'autodérision et de parodie dans les coulisses ont été identifiées : la parodie du salut de la Miss, l'autodérision dans la photographie, la désacralisation du défilé et la parodie des questions posées aux candidates lors des répétitions.
      Based on a participant observation study as a volunteer in preparing the Miss Le Havre (in 2011 and 2012) and Miss Rouen (in 2011 and 2012) pageants, this article analyses the forms of humour involving the pageant and the Misses themselves behind the scene of the pageant. I particularly focus on derision in connection with gender. What does the derision make to the gender of the Miss? Does it subvert or transgress the figure of the Miss and its stereotypes? Mocking the Miss affects her symbolic dimension and the social representations of her role. Four specific backstage situations were identified as forms of self-derision and parody: waving to the public, posing for the photographers, rehearsing the parade, and questions addressed to the participants.
  • Recension