Contenu du sommaire : La politique étrangère de l'Allemagne fédérale par-delà la Wende. Années 1980 et 1990 (II)
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 185, avril-juin 2021 |
Titre du numéro | La politique étrangère de l'Allemagne fédérale par-delà la Wende. Années 1980 et 1990 (II) |
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- L'Allemagne et sa politique économique extérieure (1981-1994). Marché unique, GATT et multilatéralisme - Sylvain Schirmann p. 3-19 Puissance commerciale majeure de l'espace européen, l'Allemagne entend profiter au lendemain du second choc pétrolier de la mondialisation économique, réponse aux dérèglements économiques des années 1970. L'ouverture des frontières économiques est d'une nécessité vitale pour la RFA. Bonn cherche à l'obtenir en amenant les partenaires européens à un projet de marché unique européen. Mais celui-ci n'est pas une fin en soi, tant il s'inscrit pour les dirigeants allemands dans un schéma global de libéralisation des échanges qu'il faut obtenir à travers l'Uruguay Round. La réunification ne remet pas en question cette perspective. Bien au contraire, au début des années 1990, une stratégie pour l'Asie souligne que la RFA ne limite pas son champ d'action à l'Europe, mais entend être présente dans les zones émergentes de l'économie-monde.As a major trading power in Europe, Germany intended to profit from the aftermath of the second oil shock of economic globalization. This was its response to the economic disruption of the 1970s. The opening of economic borders was a vital necessity for the FRG. Bonn sought to achieve this by bringing European partners to a project for a single European market. But this was not an end in itself, in so far as German leaders considered it as part of a global scheme of trade liberalization that had to be achieved through the Uruguay Round. Reunification did not call this perspective into question. On the contrary, in the early 1990s, a strategy for Asia underlined that the FRG did not limit its field of action to Europe, but intended to be present in the emerging areas of the world economy.
- La France, la RFA et la marche vers l'union économique et monétaire, 1984-1989 - Frédéric Bozo p. 21-37 Cet article étudie comment et pourquoi, pendant la deuxième moitié des années 1980, la France de François Mitterrand en est venue à faire de l'avancée de l'Europe monétaire une priorité absolue du projet européen. Il retrace le cheminement qui a permis aux dirigeants français d'obtenir qu'une RFA à l'origine réticente à cette perspective consente à cet objectif au Conseil européen de Strasbourg en décembre 1989, lors duquel Helmut Kohl donna son accord définitif. Trois moments sont discernables dans ce qui fut, avant tout, une dynamique franco-allemande : le temps de la relance européenne (1984-1986), occasion de remettre la dimension monétaire à l'agenda ; celui de l'accélération du dossier sur fond d'une nouvelle dynamique franco-allemande (1986-1988) ; celui enfin de son aboutissement, du Conseil européen de Hanovre à celui de Strasbourg (1988-1989).This article examines why and how France, under the leadership of President François Mitterrand, came to make the advancement of monetary integration an absolute priority in the European project during the second half of the 1980s. It explores the way in which French decision makers obtained the consent of an initially reluctant West Germany when Helmut Kohl gave his final acceptance during the European Council meeting in Strasbourg in December 1989. It looks at three specific periods: the years 1984-86, when France successfully managed to put monetary integration back on the European agenda against the backdrop of a new European relance; the years 1986-1988, when an acceleration in the monetary dossier resulted from a new Franco-German dynamic; and the years 1988-89, from the Hanover European Council to the Strasbourg European Council.
- « Freihandel über alles ». La Fédération allemande des chambres de commerce et d'industrie et l'organisation du marché mondial (1985-1995) - Martial Libera p. 39-50 La Fédération allemande des chambres de commerce et d'industrie – le Deutscher Industrie- und Handelstag (DIHT) – représente les chambres de commerce et d'industrie allemandes au niveau fédéral. Elle défend dans la durée l'organisation libre-échangiste du commerce mondial. Cette orientation renvoie aux intérêts de l'économie allemande, fortement exportatrice. Aussi le DIHT considère-t‑il que le libre-échange doit présider aux relations du Marché intérieur européen avec le reste du monde comme à l'espace est-européen en pleine mutation. À cet effet, il soutient le rôle du GATT. Pour imposer ses vues, il use de son influence auprès des instances publiques allemandes, des institutions européennes et développe une « diplomatie consulaire » afin de préparer au mieux l'économie allemande à l'ouverture de ces nouveaux marchés.The German Federation of Chambers of Commerce and Industry – the Deutscher Industrie- und Handelstag (DIHT) – represents the German Chambers of Commerce and Industry at the Federal level. It has for a long time been a supporter of a system of world trade based on the principle of free trade. This orientation is in line with the interests of a German economy strongly reliant on exports. The DIHT considers that free trade should govern the relations between the European internal market and the rest of the world, including its dealings with Eastern Europe, a zone undergoing rapid transition. To this end, it supports the GATT. To impose its point of view, the DIHT has exerted its influence on public German agencies and European institutions, developing a form of “consular diplomacy” in order to prepare the German economy for the opening up of these new markets.
- Une expérience mitigée de coopération transfrontalière pour le syndicalisme allemand : le groupe de Doorn - Pierre Tilly p. 51-65 Le groupe de Doorn constitue une initiative interrégionale impliquant une coordination de la négociation collective pour éviter une compétition salariale et permettre aux organisations syndicales membres de ce groupe de développer des stratégies pour augmenter les salaires. Ce processus a démarré officiellement dans la ville hollandaise de Doorn, les 4 et 5 septembre 1998, à l'initiative des organisations syndicales belges, allemandes, néerlandaises et luxembourgeoises. Les principales fédérations syndicales sectorielles de ces pays se joignirent à cette initiative pour débattre des évolutions en matière de négociations collectives salariales et mesurer les impacts de l'UEM. La prise d'initiative à l'origine du processus par les syndicats belges s'explique par la nécessité d'une mise en comparaison avec les pays voisins (France, Allemagne et Pays-Bas) imposée en raison d'une loi belge de 1996 sur la compétitivité. Elle introduit un principe de coordination (la marge) qui encadre la négociation collective des salaires. Le groupe de Doorn a joué un rôle de stimulant sur cette question de la coordination des négociations collectives en Europe au sein de la CES mais a produit des résultats très mitigés.The Doorn group is an interregional initiative involving cross-border coordination of collective bargaining aimed at avoiding wage competition and enabling the trade unions to develop bargaining strategies that can lead to real salary increases. It takes its name from the Dutch town where, on 4–5 September 1998, trade union confederations from Belgium, Germany, Luxembourg and the Netherlands, as well as major sectoral unions, met to discuss recent trends in collective bargaining and the possible impact of Economic and Monetary Union (EMU). The initiative arose when the Belgian unions were confronted in 1996 with a new national law that limited collectively-agreed pay increments to a “wage standard” calculated on the basis of the anticipated pay trends in Belgium's major trading partners (France, Germany and the Netherlands). The Doorn initiative was influential in stimulating the European Trade Union Confederation and German Trade Unions towards building cross-border bargaining coordination across the wider European Union, but it also produced mixed results.
- Les minorités d'Europe centrale dans la politique étrangère allemande 1949-1990 - Ségolène Plyer p. 67-84 Dès 1949, la RFA et la RDA rivalisèrent pour protéger les intérêts des germanophones vivant encore en Europe centrale. Puisant aux moyens de protection des minorités élaborés depuis le xixe siècle, elles établirent avec les pays hôtes des relations respectant les frontières de 1945, où ces derniers garantissaient des droits minoritaires et (ou) autorisaient l'émigration dans l'un des États allemands. En particulier, le gouvernement Kohl réaffirma – avec le soutien d'anciens expulsés – le lien entre migrations et minorités allemandes, considérées comme discriminées et liées à un territoire particulier. Les mobilités, qui répondaient à la crise multiforme des pays de l'Est, restaient ainsi prévisibles des deux côtés du Rideau de fer. Ce système particulier a quasiment disparu après 1990.From their establishment in 1949, the German states competed for the protection of the remaining German minorities in Central and Eastern Europe. They used international juridical tools and practices concerning minority protection which had been put in place since the nineteenth century. With their help, they established relationships with the host countries along the borders drawn in 1945 which guaranteed minority rights protection and/or emigration to Germany. In particular, Helmut Kohl's government stressed the connection between migrations and German minorities. The latter were defined in regard to their territory of origin and considered to be discriminated against. In this way however, the growing mobilities to Germany across the Iron Curtain, due to the crisis of the socialist system, remained predictable for the Federal Republic as well as for the Eastern countries. These specific relations vanished almost entirely after 1990.
- La coopération transfrontalière à travers le cas de l'espace du Rhin supérieur. `ibNebenaussenpolitik`/ib ou contribution à la politique étrangère allemande ? (1963 à 2000) - Birte Wassenberg p. 85-96 La coopération transfrontalière franco-germano-suisse de l'espace rhénan peut être désignée comme un exemple phare d'une Nebenaussenpolitik (politique étrangère collatérale) pratiquée par des acteurs locaux et régionaux. En retraçant son histoire de 1963 à 2000 cet article montre qu'il s'agit d'abord d'une politique menée en parallèle à l'tat fédéral avant d'évoluer vers une politique d'appui à la politique européenne allemande. Jusqu'à la fin des années 1980 elle poursuit ainsi des intérêts locaux plutôt que ceux de la « grande politique étrangère ». Mais après l'introduction du programme Interreg par la Commission européenne en 1990, les intérêts des Länder et du Bund convergent pour utiliser la coopération transfrontalière afin de faire de la région du Rhin supérieur un modèle d'intégration européenne.Franco-German Swiss cross-border cooperation in the Rhine Valley can be designated as a flagship example of Nebenaussenpolitik (secondary foreign policy) led by local and regional actors. By retracing its history from 1963 to 2000, this article shows that it consisted first of all of a policy conducted in parallel to the Federal State before it evolved towards a policy of support to the German European Policy. Until the end of the 1980s, it thus pursued local interests rather than those of the “large” Foreign Policy. But after the introduction of the Interreg program by the European Commission in 1990, the interests of the Länder and the Bund converged in order to use cross-border cooperation as a tool in order to make the Upper Rhine Region a model of European Integration.
- La RFA et l'Afrique subsaharienne. Entre passé refoulé et avenir incertain (1950-1980) - Jean-Louis Georget p. 97-108 L'Allemagne a longtemps ignoré l'Afrique. Après la rétrocession de ses colonies, l'Afrique n'a pas été une priorité pour la politique étrangère allemande. À partir de la création de la RFA, on peut reconnaître plusieurs périodes distinctes dans cette histoire des relations de la RFA avec l'Afrique subsaharienne : d'abord, entre 1945 et 1975, les efforts continus de la République fédérale pour s'implanter dans cette zone, temps marqué par la confrontation avec sa rivale est-allemande ; puis, l'époque où cette rivalité cesse d'être l'alpha et l'oméga de la politique ouest-allemande avec l'arrivée des sociaux-démocrates qui, à partir de 1966, essayent de définir ce que peut être une politique africaine en dehors du manichéisme qui a jusqu'alors prévalu ; enfin, l'ère ouverte par la crise économique pétrolière de 1973 qui signifie la relégation du continent africain au second plan des préoccupations ouest-allemandes jusqu'à la réunification.Germany has long ignored Africa. After the handover of its colonies, Africa was not a priority for German foreign policy. From the creation of the FRG, one can recognize several distinct periods in the history of the FRG's relations with Sub-Saharan Africa. First, between 1945 and 1975, the Federal Republic undertook continuous efforts to establish itself in this area, in a period marked by confrontation with its East German rival. Later, this rivalry ceased to be the alpha and omega of West German politics with the arrival of the Social Democrats, who, from 1966 onwards, tried to define what an African policy could be beyond the Manicheism that had prevailed until then. Finally, during the era of economic crisis triggered by the 1973 “oil shock”, the African continent was relegated to the background of West German concerns until reunification.
Varia
- L'amitié dans les relations internationales : Quentin Roosevelt, les combattants américains et les Français (1917-1919) - Vincent Harmsen p. 109-122 Réfléchir à l'amitié dans l'histoire des relations internationales revient à saisir une idée aussi présente dans les discours des acteurs qu'elle est mise à distance dans ce domaine de recherches. À partir du cas de Quentin Roosevelt, mobilisé en France pendant la Première Guerre mondiale, l'article analyse les différents sens revêtus par l'amitié dans les échanges transnationaux entre 1917 et 1919. Après avoir rappelé l'évolution récente des recherches sur ce thème dans les relations internationales, l'étude prend comme fil rouge l'expérience personnelle de Quentin, fils du président Theodore Roosevelt pour évoquer les liens collectifs, spontanés et construits, noués entre les militaires américains et les populations françaises. Des actions locales de rapprochement à la construction symbolique de héros partagés, l'article conclut à la construction de groupes d'émotions qui transforment, après 1918, des sentiments communs en actions concrètes, comme des œuvres philanthropiques.In reflecting on the concept of friendship in international relations, one is led to recognize its importance upon the discourses of historical actors, as well as how this concept has nonetheless been overlooked in scholarly work. This article delves into the particular case of Quentin Roosevelt's active duty during World War One in France in order to analyse the plural meanings of friendship in the exchanges between France and the United-States. Beginning with a presentation of the evolution of the concept of friendship in the field, this article then considers the personal experiences of Quentin Roosevelt in France to underline the collective bonds which were established between American soldiers and the local French population. Through the analysis of local actions of rapprochement and the creation of shared heroes, this article argues that the emergence of emotional communities transformed shared feelings into concrete actions even after 1918, with the proliferation of charities.
- L'amitié dans les relations internationales : Quentin Roosevelt, les combattants américains et les Français (1917-1919) - Vincent Harmsen p. 109-122
Notes de lecture
- Notes de lecture - Caroline Moine, Clarence Hatton-Proulx p. 129-135