Contenu du sommaire : Présences de l'État

Depuis le 4 novembre 2014 et la mise en place du Mécanisme de supervision unique (MSU), la Banque centrale européenne est devenue le superviseur des banques de la zone euro. Cette réforme organise un transfert de souveraineté historique en matière de politique bancaire. L'article interroge ce transfert à l'aune des pratiques ordinaires de prises de décisions au sein du MSU. À partir d'une ethnographie de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'administration prenant part au MSU pour le compte de la France, il montre que loin de s'effacer, la présence des États est reconfigurée. Agir en Européen dans la nouvelle Union bancaire consiste pour les acteurs des autorités nationales en une activité de problématisation de ce que sont des risques financiers contrôlables via une négociation portant sur les effets d'éventuelles mesures européennes sur leur territoire bancaire national.

Cet article s'intéresse aux différentes réponses des pouvoirs publics face à un conflit d'aménagement contre le projet d'une immense décharge à Shies (région d'Arkhangelsk), situé dans le Grand Nord russe et devant recevoir de grands volumes de déchets ménagers de Moscou. En prenant comme traceur la façon dont l'État se manifeste à travers la carrière du problème public du traitement des déchets et selon différents modes, l'étude de cas documente un ensemble de dispositifs et d'instruments de pouvoir et notamment des phénomènes d'emboîtement des secteurs public et privé qui façonnent le contenu et les contours de la politique du traitement des déchets dans la Russie contemporaine.

Le recours à des labels, instaurés ou soutenus par la puissance publique, apparaît aujourd'hui comme une modalité commune de gouvernement par le marché. Cet article s'intéresse à la manière dont le signe des labels caractérise des formes spécifiques de présence de l'État dans le marché. Il étudie l'articulation entre signal et emblème qui sous-tend le fonctionnement des labels. L'analyse s'appuie sur le cas du label « Reconnu Grenelle de l'environnement » (RGE), lancé par l'État en 2011 afin d'identifier les artisans du bâtiment compétents en matière de performance énergétique. L'article montre comment différentes formes d'articulation entre signal et emblème peuvent être identifiées dans l'histoire de RGE, conduisant à marquer des formes spécifiques de présence de l'État dans le marché de la construction durable.

L'article interroge l'actualité du souci de continuité de la représentation politique en se penchant sur le signe de la présence de l'État par l'écrit : le visage de Marianne. Ce cas retrace, pas à pas, la manière dont ce signe graphique a été stabilisé dans les écrits administratifs, à partir de 1997, dont ses usages ont été policés et dont sa multiplication a été soigneusement contrôlée. Il met en évidence une épreuve diffuse de figuration au cours de laquelle l'entité « État » s'est construite dans la continuité d'un visage-signe et d'une signification négociée : État-gouvernement, État-service public, État-garant de l'identité des individus-usagers.

Les exercices de gestion de crise constituent une activité de plus en plus fréquente, visant à entraîner les forces de l'ordre et les services de secours. S'ils consistent à mettre ces derniers à l'épreuve en les confrontant à un événement adverse fictif, comment expliquer qu'à l'exception de points d'améliorations mineurs, ces « tests » se soldent systématiquement par une validation globale du dispositif ? En analysant les exercices comme des « épreuves d'États », cet article fait apparaître les contraintes organisationnelles pesant sur les scénarisations, ainsi que leur fonction performative au travers de laquelle se joue la légitimité de l'État à garantir la sécurité des populations.

Cet article étudie la manière dont les systèmes de représentations de l'État influent sur le travail de modernisation lors d'un épisode particulier : la Révision générale des politiques publiques (RGPP). L'État est figuré dans les analyses abstraites tirées des rapports RGPP, mais aussi de documents de travail, émanant des modernisateurs eux-mêmes. Devenu mammouth, l'État est désigné comme corps à réformer. Lui est opposée, en creux, l'image d'un corps idéal : celui de l'État optimal. À travers cette étude, il s'agit de renouer avec l'étude des représentations des corps politiques et d'en tirer quelques enjeux pour penser la réforme de l'État.

Cet article analyse les liens entre contraintes budgétaires et recompositions interinstitutionnelles dans la Métropole du Grand Paris (MGP) à partir de l'analyse d'un Établissement public territorial (EPT). Son argument central que cet EPT est pris entre l'enclume communale, qui bénéficie de la légitimité du suffrage universel, et le marteau de la MGP, dans un contexte d'extrême incertitude institutionnelle. Considérant qu'aucune de ces institutions ne sort gagnante des réformes territoriales, son hypothèse considère les contraintes budgétaires comme un cadre structurant les conflits d'institutions. Combustible initial de l'intégration à travers des incitations fiscales, le resserrement de la contrainte budgétaire a constitué ensuite une entrave lorsque les multiples tensions financières ont conduit les maires à se replier sur l'échelon communal.

Instauré en juin 2003, le Système de sélection de la haute fonction publique (SADP) au Chili a été considéré comme l'une des réformes institutionnelles les plus ambitieuses des trente dernières années. Dans cet article, nous nous proposons de revenir sur les origines de ce dispositif, d'en étayer les justifications, d'en pointer les avantages comme les failles, mais aussi d'en décrire les ajustements. À l'heure où le pays traverse une crise politique, sociale et sanitaire inédite, cette analyse informée par le terrain suggère, dans sa conclusion, d'infléchir la culture dominante de « l'expertocratie », dont le SADP constitue l'une des expressions singulières.

Dans le contexte très difficile de la crise sanitaire, la communication gouvernementale a, dans l'ensemble, bien accompagné l'action publique. Mais, elle a souffert de quelques dérapages en début de crise et, ultérieurement, d'une certaine incohérence des messages et d'une absence de perspectives qui ont entraîné une dégradation de la confiance dans la parole publique.