Contenu du sommaire : En finir avec l'école (néo)conservatrice

Revue Mouvements Mir@bel
Numéro no 107, automne 2021
Titre du numéro En finir avec l'école (néo)conservatrice
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  • En finir avec l'école (néo)conservatrice

    • Éditorial - Viviane Albenga, Pauline Delage, Cédric Hugrée, Noé Le Blanc, Vanina Mozziconacci, Tristan Poullaouec p. 7-11 accès réservé
    • La carte scolaire, les inégalités et le politique : Comment rompre avec le laisser-faire de l'État ? - Lorenzo Barrault-Stella p. 14-22 accès réservé avec résumé
      Depuis sa création, les justifications de la politique de la carte scolaire ont varié et ses modalités contraignantes ont été « assouplies ». Les recherches ont cependant toujours confirmé que la liberté de choix des établissements laissée aux parents accentue les inégalités scolaires. Une autre politique de carte scolaire est pourtant possible, à condition de penser ensemble l'égalisation des conditions de scolarisation et la lutte contre la ségrégation spatiale.
    • Différencier les vifs d'esprit des esprits lents - Mathias Millet, Jean-Claude Croizet p. 23-33 accès réservé
    • Plus de maternelles pour moins d'égalité socio-territoriale ? - Patricia Legris p. 34-44 accès réservé avec résumé
      Créé à la fin du XIXe siècle, l'accueil préscolaire s'est d'abord développé dans les zones urbaines avant que son implantation dans les zones rurales devienne un objet de préoccupation des pouvoirs publics à partir des années 1950 et dans les années 1970 plus particulièrement. Envisagée comme un moyen d'endiguer l'exode rural et de promouvoir l'égalité des chances, la densification du préscolaire dans les territoires ruraux a toutefois été limitée par les difficultés économiques des communes, en charge du bâti et du personnel. En s'appuyant essentiellement sur le cas de la Bretagne, Patricia Legris retrace les aléas de la création de structures préscolaires en zones rurales. Elle souligne ainsi les changements de représentations dont a fait l'objet la préscolarisation et le poids des contraintes économiques.
    • Le lycée professionnel dominé et déqualifié : Le cas de la filière féminine des Soins et services à la personne et aux territoires (SAPAT) - Séverine Depoilly p. 45-53 accès réservé avec résumé
      Le lycée professionnel fait régulièrement l'objet de tentatives de revalorisation par les pouvoirs politiques. Or toutes les filières professionnelles n'offrent pas les mêmes horizons, selon qu'elles préparent ou non à des métiers socialement valorisés. Ce texte met l'accent sur le bac pro Soins et services à la personne et aux territoires (SAPAT), très majoritairement féminin, et montre que cette formation ne se limite pas à entériner la division socio-sexuelle des tâches et du travail. Elle participe activement à sa production du fait du maintien dans l'invisibilité des compétences professionnelles pourtant effectivement transmises et apprises en formation.
    • Sous-traiter la prise en charge des élèves « méritant·es » : Ce que l'ouverture sociale fait aux politiques de lutte contre les inégalités scolaires - Renaud Cornand, Alice Pavie, Ariane Richard-Bossez p. 54-63 accès réservé avec résumé
      Les dispositifs dits « d'ouverture sociale » destinés à lutter contre les inégalités scolaires visent à promouvoir les élèves de milieu populaire considéré·es comme plus méritant·es, plutôt qu'à donner à tou·tes les conditions d'une scolarité épanouie. Elles mobilisent des acteurs souvent bénévoles et extérieurs à l'institution scolaire dans le cadre de pratiques éducatives hétérogènes et soumises à un contrôle très limité.
    • Le recours croissant aux enseignant·es contractuel·les : vers un effet papillon ? - Xavier Pons p. 64-73 accès réservé avec résumé
      À première vue, on pourrait considérer que le recours aux enseignant·es contractuel·les ne changerait pas, ou peu, l'enseignement secondaire en France. Non seulement ce phénomène n'est pas récent, mais le statut de titulaire demeure le modèle de recrutement et l'horizon principaux des enseignant·es contractuel·les. Pourtant, l'enquête menée par Xavier Pons sur la gestion des enseignant·es contractuel·les montre en quoi l'augmentation de cette forme d'emploi a des effets organisationnels, professionnels et politiques qui contribuent à transformer le métier. La contractualisation n'est pas une tendance isolée ; elle constitue l'un des rouages d'un ensemble de réformes qui affectent notamment la formation et le recrutement des enseignant·es. Ainsi, Xavier Pons revient sur la néolibéralisation à bas bruit de l'enseignement.
    • Résister à l'Université néolibérale en Espagne - Javier García Fernández, Marie Montagnon p. 74-82 accès réservé avec résumé
      La crise financière de 2008 a durablement marqué la société espagnole par des années de politiques d'austérité dans les services publics. La formation d'un gouvernement de coalition entre le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) et Unidas Podemos en janvier 2020 a suscité l'espoir d'un virage social en Espagne. Javier García Fernández, docteur en études postcoloniales de l'Université de Coimbra (Portugal), auteur du livre Descolonizar Europa: Ensayos para pensar históricamente desde el sur, est actuellement secrétaire à la formation du Syndicat Andalou des Travailleurs et Travailleuses. Il revient dans cet entretien sur le processus de privatisation de l'université publique espagnole dans le cadre des politiques d'harmonisation de l'enseignement supérieur impulsées par l'Union européenne avec le « plan Bologne ». Il détaille les effets néfastes de la précarisation croissante des enseignant·es et d'une concurrence exacerbée entre chercheur·es, ainsi que les inégalités durablement ancrées dans le monde universitaire espagnol, notamment les inégalités de genre. À partir des résistances syndicales andalouses à la privatisation de ce service public, il retrace aussi plus largement le rôle clé du monde universitaire dans les reconfigurations de la gauche espagnole au cours de la dernière décennie.
    • Après 40 ans de politiques « égalité » en éducation, avons-nous enfin abouti à la convention ultime ? - Isabelle Collet p. 84-94 accès réservé avec résumé
      Comment expliquer qu'en 40 ans de politiques publiques françaises visant l'égalité F/H en éducation, les évolutions soient si lentes et que la montagne semble parfois accoucher d'une souris ? Les documents officiels et institutionnels constituent à présent une littérature très fournie qu'on peut analyser pour obtenir un début de réponse à cette question. Isabelle Collet montre, à travers l'évolution des contenus de ce corpus, les obstacles qui peuvent entraver la réalisation d'une « égalité réelle » en éducation : ambiguïtés et angles morts de la mixité, reculs face aux forces de la réaction, évolution laborieuse des formations enseignantes, limites de la lutte contre les stéréotypes, mais aussi, plus fondamentalement, universalisme républicain « gender-blind ».
    • Les « ABCD de l'égalité », cas d'école de racialisation du sexisme - Simon Massei p. 95-103 accès réservé avec résumé
      Les actions de lutte contre le sexisme à l'école tendent à se concentrer sur les classes populaires racisées. En partant de l'exemple de l'expérimentation des « ABCD de l'égalité », cet article interroge les ressorts de la racialisation de l'antisexisme scolaire aujourd'hui et examine les transformations de la politique d'éducation à l'égalité entre les sexes en France depuis les années 1970.
    • De l'application à l'extension de la nouvelle laïcité : le cas des mères accompagnatrices - Hanane Karimi p. 104-112 accès réservé avec résumé
      L'application du principe de neutralité religieuse à d'autres publics que les fonctionnaires de l'État est au fondement de ce que l'on qualifie de « nouvelle laïcité ». La loi du 15 mars 2004, qui interdit le port de signes religieux à l'école, est l'un des jalons de l'imposition de cette définition nouvelle de la laïcité. Depuis, le statut des mères accompagnatrices des sorties scolaires a fait l'objet de débats dans les sphères politiques, médiatiques et institutionnelles. Le 27 mars 2012, la circulaire Chatel définit les parents accompagnateurs comme participant d'une mission de service public, les soumettant ainsi à l'interdiction du port de signes religieux. Malgré l'avis du Conseil d'État statuant contre cette disposition, les polémiques n'ont pas été interrompues pour autant. Hanane Karimi montre comment un consensus élitaire s'est progressivement constitué autour de l'idée d'extension du principe de neutralité religieuse pour les parents, les mères en particulier.
    • De la contrainte à l'auto-contrainte. Aperçu sur le gouvernement pédagogique des filles au XIXe siècle - Caroline Fayolle p. 113-122 accès réservé avec résumé
      S'il est une éducation qui a d'abord été une disciplinarisation des corps, c'est bien l'éducation des filles. Au début du XIXe siècle, elle est majoritairement assurée par des congrégations ou des maîtresses de pension laïque ; l'apprentissage d'une autocontrainte fortement sexuée y est alors central, et celle-ci n'est pas sans lien avec l'incorporation des normes de genre telle qu'elle sera promue par l'École républicaine. Caroline Fayolle, en étudiant l'ouvrage d'un pédagogue paru en 1816 qui contient de nombreuses observations sur les « occupations communes » des élèves au sein d'un pensionnat pour filles, souligne à quel point le gouvernement des corps constitue une partie importante de la pédagogie de ce type d'établissement, mais également comment les filles résistent et ne sont pas de simples corps dociles.
    • Le recours à l'établissement spécialisé : un usage ségrégant du handicap - Hugo Dupont p. 123-131 accès réservé avec résumé
      Qu'est-ce qui distingue un élève « déviant » d'un élève « en situation de handicap psychique » ? Qu'est-ce qui distingue un élève coupable d'un mauvais comportement, d'un élève victime, en souffrance, incapable de suivre une scolarité ordinaire ? Hugo Dupont montre que le passage d'un registre à l'autre est ce qui permet de légitimer une orientation spécialisée, autrement dit l'exil scolaire de certains élèves vers un établissement hors scolarisation ordinaire. Ici, l'externalisation de l'accompagnement et la médicalisation de problèmes socio-éducatifs permettent de préserver un ordre et une norme scolaires, préservation qui fait obstacle à la flexibilité qu'impliquerait une école réellement inclusive.
    • École : les frontières raciales de l'institution et du corps professionnel - Fabrice Dhume p. 132-144 accès réservé avec résumé
      Les dispositifs mis en place par l'administration scolaire pour lutter contre les discriminations racistes à l'école reposent sur une conception très partielle du racisme et se focalisent sur le comportement et le vécu des élèves à l'exclusion de celui des professionnels de l'éducation. Les personnels de l'Éducation nationale sont pourtant régulièrement confrontés dans le cadre de leur travail à des actes de violence raciste exercés par leurs pairs ou par leurs supérieur·es.
    • Pédagogie de la résistance : les lycées de Tucson et la lutte pour les "Mexican-American studies" - Émilie Souyri p. 145-155 accès réservé avec résumé
      Les crispations autour des études postcoloniales et plus largement des enjeux liés à la « race » en éducation en France rendent difficiles des réflexions précises et approfondies sur les pratiques éducatives qui se veulent décoloniales et/ou antiracistes ; de là l'importance d'étudier d'autres contextes. L'article d'Émilie Souyri revient sur les MAC (Mexican-American Studies) aux États-Unis, pour montrer la façon dont des programmes intégrant l'histoire et la culture des élèves issu·es de l'immigration et des communautés noires et autochtones peuvent changer le rapport des acteurs à l'École et susciter des débats internes qui visent à davantage d'inclusivité. Toutefois, même dans un tel contexte présentant des résultats positifs et encourageants, les ethnic studies font l'objet d'une diabolisation dans les discours politiques conservateurs et réactionnaires.
  • Itinéraire

    • « Donner les moyens de l'émancipation par les savoirs » - Samy Johsua, Noé Le Blanc, Tristan Poullaouec p. 158-171 accès réservé avec résumé
      Dans cet itinéraire, Samy Johsua développe, à partir de son parcours, une réflexion sur les enjeux politiques de la didactique. Si une école pleinement démocratique semble un objectif inatteignable dans une société inégalitaire, la capacité de se saisir des contenus comme de la transmission des savoirs n'en représente pas moins un enjeu fondamental pour le camp progressiste.