Contenu du sommaire : Back to Front: The Role of Seminars, Conferences and Workshops in the History of Economics

Revue Revue d'économie politique Mir@bel
Numéro vol. 131, no 4, juillet-août 2021
Titre du numéro Back to Front: The Role of Seminars, Conferences and Workshops in the History of Economics
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Back to Front: The Role of Seminars, Conferences and Workshops in the History of Economics - Béatrice Cherrier, Aurélien Saïdi p. 609-635 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Rares sont les productions en histoire de la pensée économique à ne pas faire référence, même de manière anecdotique, à un séminaire, une conférence ou un workshop, afin d'illustrer le contexte d'émergence d'un concept, détailler la trajectoire d'un protagoniste, ou encore, évoquer les étapes de la canonisation d'un modèle. Peu, en revanche, ont fait de ces manifestations scientifiques les acteurs centraux de leur narration. Au travers de quelques-unes de ces productions, mais surtout des sept études qui composent les deux volumes du présent numéro spécial, cet article introductif se propose d'aborder les séminaires, conférences et workshops comme des objets d'étude autonomes. Il reflète la difficulté d'établir une taxonomie distinguant de manière immuable les séminaires, des conférences ou des workshops, tant leur dénomination et leur organisation procèdent d'un mélange de traditions, de contextes et de contingences spécifiques. Il parvient, cependant, à retracer les origines historiques propres à chaque type de manifestations, en souligne les caractéristiques primitives, ainsi que les dimensions saillantes et désormais communes. A cet égard, il identifie deux fonctions majeures. Les séminaires, conférences et workshops peuvent être considérés comme des espaces où la confrontation de ressources intellectuelles et institutionnelles — tantôt complémentaires, tantôt substituables, parfois concurrentes — débouchent sur la construction de théories, concepts, outils, pratiques, voire de programmes politiques. Ces manifestations doivent également être perçus comme des « armes de diffusion massive », par lesquelles les théories, outils ou pratiques sont propagés à travers l'ensemble du champ, ciblant l'adhésion (ou le ralliement) des étudiants, des collègues, ou des institutions. Ce processus de dissémination suppose la formation de réseaux, de communautés de chercheurs, partageant des idées ou des appétences communes. Il engendre indissociablement une logique d'exclusion ou de marginalisation, celle des théories alternatives et de leurs représentants, qui favorise le développement de hiérarchies basées sur l'âge, l'origine sociale, le genre, ou encore l'appartenance institutionnelle. Cette logique est véhiculée par les règles, explicites comme implicites, qui régissent les interactions entre participants : elle passe par des canaux de transmission privilégiés, souvent anodins, comme les dîners ou les moments de convivialité. L'article s'interroge enfin sur les conditions de la visibilité et de la pérennité de ces séminaires, conférences et workshops : il suggère que le leadership et l'esprit d'entreprise des parties prenantes puissent constituer des raisons prépondérantes de leurs succès ou de leurs échecs.
    This paper introduces twin special issues of the Revue d'Économie Politique on the role that seminars, workshops and conferences have played in the history of economics in the 20th century. Our goal is to turn what have been a systematic background feature in the history of key concepts, theories, models or practices into a full-fledged object of study. We use seven case studies that we have assembled as well as a host of other examples to explain why tight classifications of seminars, conferences and workshops are hard to come up with. Their names and organization derive from a mix of traditions contexts and contingencies. We trace their historical origins and outline salient features and dimensions worth considering. We then detail two major functions of seminars, conferences and workshops. They can be viewed as construction sites where theories, concepts, but also tools and practices and even political programs are built through bringing in various intellectual and institutional resources. They can also be understood as weapons of dissemination, whereby such theories, tools practices, etc., are sent out, first, to students, then, to colleagues, opponents and institutions. Those processes involve the formation of networks and communities of like-minded scholars, even friends, but also the exclusion of others, and the development of age, institutional, class and gender hierarchies. These are channeled via how workshop and conferences' rules are set up or what food and drinks are offered for instance. We finally reflect on what may drive the persistence, visibility, or failures of workshops, seminars and conferences: leadership and entrepreneurship.
  • The Ostrom Workshop: Artisanship and Knowledge Commons - Erwin Dekker, Pavel Kuchař p. 637-664 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le présent article étudie le workshop animé, au sein de l'université d'Indiana, par Elinor et Vincent Ostrom, à partir des années 1970, comme un atelier, une fabrique collective et interdisciplinaire de savoirs. Il en retrace l'histoire, ainsi que les principales productions, en termes d'idées, d'artéfacts et d'infrastructures de recherche. Ces productions relèvent de trois procédés alternatifs de fabrication : la production en équipe, la coproduction et la production « liée ». La production en équipe, soit l'existence de collaborations scientifiques sur des projets communs, est largement mise en évidence dans la littérature. Nous montrons, cependant, que le positionnement extra-départemental du workshop, de même que son ethos de l'artisanat, l'ont grandement facilitée. La coproduction de savoirs a, quant à elle, été réalisée dans le cadre de partenariats actifs avec des collectivités autonomes ou des agences locales de fourniture de biens collectifs. Au-delà du simple audit des gouvernances existantes, ces collaborations avaient pour vocation de façonner avec les partenaires une gouvernance appropriée, respectueuse de l'esprit de coproduction de services publics défendu par les chercheurs du workshop Ostrom. Enfin, une production liée et cumulative de savoirs, sous forme de produits fatals, a conduit, au travers de projets de recherche individuels sur la gouvernance, à l'émergence progressive d'un langage conceptuel et d'un cadre d'analyse des institutions : l'IAD (Institutional Analysis and Development).
    This paper analyzes the Ostrom Workshop as a site of interdisciplinary collective knowledge production. We provide an overview of the history of the Workshop and its most important outputs in terms of ideas, artifacts, and facilities for research. We argue that the Workshop's contributions to social science came about by way of three types of collective knowledge production: team production, co-production and joint production. Team production, the collaboration on research projects is well recognized in the literature, but we demonstrate how the extra-departmental position of the Workshop and its ethos of artisanship greatly facilitated it. Co-production of knowledge was achieved through the active engagement with self-governing communities and the agencies governing the provision of public goods. In these exchanges the goal was not merely the study of governance, but also the crafting of good governance with the relevant communities which was congruent with the idea of co-production of public services emphasized by scholars of the Ostrom Workshop. Finally joint production of complementary outputs took place by way of individual research projects on governance and institutions, and led to the gradual emergence of conceptual language and framework for the analysis of institutions, the Institutional Analysis and Development framework.
  • The Columbia Labor Workshop – The Rise and Decline of an Intellectual Community - Pedro Teixeira p. 665-691 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Nombre d'études soulignent le rôle crucial des années de formation doctorale et post-doctorale dans le choix des thématiques de recherche et l'orientation de la carrière des jeunes chercheurs. Elles identifient les interactions personnelles et le contexte institutionnel comme des facteurs-clefs de la construction des carrières académiques. Néanmoins, ces aspects n'ont reçu qu'une attention limitée dans le domaine de l'économie. Dans cet article, nous analysons la création et le développement du Columbia Labour Workshop, fondé au début des années soixante par Gary Becker et Jacob Mincer. Ce workshop s'est révélé décisif dans l'élaboration et la diffusion de la théorie du capital humain et de l'analyse néoclassique du travail, en raison notamment de la marque qu'il a su imprimer sur la formation des jeunes chercheurs passés par Columbia, qu'il s'agisse des doctorants, d'universitaires en visite ou de chercheurs associés. L'article détaille l'histoire du workshop, au travers de son organisation, de ses participants, ou encore des thématiques abordées, et la replace dans le contexte plus général de la formation au domaine de l'économie du travail à cette époque. Nous réfléchissons aux facteurs qui ont contribué à son succès dans les années 1960 et au début des années 1970, puis à son déclin à la fin des années 1970.
    Studies of science emphasize the importance of the years of doctoral training, and the period immediately after, as crucial in shaping the interests and career of new researchers. Moreover, the importance of personal interactions and institutional contexts has been underlined as key factors to explain the development of academic careers. Nonetheless, these aspects have received limited attention in the history of economics. In this article we analyse the establishment and development of the Columbia Labour Workshop, which was established in the early sixties by Gary Becker and Jacob Mincer. This workshop had a major impact on the development of human capital theory and neoclassical labour economics, notably due to its role in the training of young academics, either their doctoral students or young academics that joined the workshop. The analysis will present the details of the workshop, mapping individuals and topics of research, and place it in the context of training in labour economics at that time. We will reflect on the factors that contributed to its success in the 1960s and early 1970s and its subsequent decline in the late 1970s.
  • European Economics and the Early Years of the International Seminar on Macroeconomics - Aurélien Goutsmedt, Matthieu Renault, Francesco Sergi p. 693-722 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'International Seminar on Macroeconomics (ISoM) est une conférence annuelle co-financée, pendant 15 ans (1978-1993), par l'EHESS et le NBER. Cet article expose les dynamiques institutionnelles et scientifiques sous-jacentes à cette coopération. Nous suggérons que les macroéconomistes rassemblés par l'ISoM contribuèrent grandement à la constitution d'un réseau européen d'économistes, partageant certains standards intellectuels et professionnels. Nous montrons que l'ISoM se situait au croisement de deux types d'« internationalisation » de l'économie : l'intégration au niveau européen des communautés de recherche nationales, ainsi qu'un processus d'« américanisation » de la discipline. Alors que la littérature existante sur l'« internationalisation » se concentre plutôt sur le niveau national, notre article étudie ce processus à l'échelle européenne. À cet égard, nous mettons en évidence le rôle clé joué par deux programmes de recherches en macroéconomie : la modélisation macroéconométrique à grande échelle et la théorie du déséquilibre.
    The International Seminar on Macroeconomics (ISo
    M) is an annual conference, which was co-sponsored during 15 years (1978-1993) by the French EHESS and the NBER. This article uncovers the scientific and institutional dynamics unrolling from this cooperation. We argue that macroeconomists gathered by the ISoM contributed greatly to the making of a European network of economists sharing similar professional and intellectual standards. We illustrate how the ISoM stood at the crossroad of two types of “internationalisation” of economics: the integration of European national communities and the process of “Americanisation” of economics. While existing literature on “internationalization” focuses on the national level, our contribution investigates the European level. Moreover, we unveil how two research programmes in macroeconomics (namely the disequilibrium theory and large-scale macroeconometric modelling) played a significant role in this process.