Contenu du sommaire : Santé au travail et santé environnementale : une cause commune  ?

Revue Sociétés contemporaines Mir@bel
Numéro no 121, 2021/1
Titre du numéro Santé au travail et santé environnementale : une cause commune  ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Santé au travail et santé environnementale : une cause commune ?

    • Introduction : Pour un décloisonnement scientifique de la santé au travail et de la santé environnementale - Renaud Bécot, Marie Ghis Malfilatre, Anne Marchand p. 5-27 accès libre
    • Les valeurs de la santé : Des syndicalistes dans le gouvernement des risques industriels, 1966-1987 - Renaud Bécot p. 29-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au terme des années 1960, certaines structures syndicales sont le creuset d'un « environnementalisme ouvrier », articulant une critique de la monétarisation des risques professionnels à une démarche de protection du cadre de vie des classes populaires contre la pollution industrielle. La période étudiée s'étend de 1966 à l'issue des années 1980, permettant d'étudier deux séquences souvent examinées séparément, en éclairant l'emboîtement entre la conflictualité sociale des années 1968 et la mutation de l'action publique en matière de santé au travail et de gestion des risques industriels à l'issue de la décennie 1970. Une cohorte de syndicalistes invitent alors à sanctuariser la santé. En refusant le cadre réglementaire hérité des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ces syndicalistes entendent soustraire ces enjeux aux relations paritaires et proposent d'instituer la santé comme une « valeur en soi ». Pour certains militants, cette démarche devient aussi un levier pour interroger l'utilité sociale et la viabilité écologique des choix de production.
      In the late Sixties, several French labor unions became the cradle of a “working-class environmentalism.” This combined a critique of the monetarization of occupational risks with a claim for protecting the environmental against industrial pollution. The period studied extends from 1966 to the late Eighties, which makes it possible to study as a whole two sequences that are often examined separately, as this shed light on the entanglement of the collective mobilizations of the Sixties and the change of the industrial hazard regimes in the late Seventies. Labor unions then called to sanctuarize human health and the environment. By challenging the regulatory framework inherited from the laws on industrial accidents and occupational diseases, unionists advocated for these issues to be removed from negotiations between employers and workers : health was not to be sold anymore, and it was then defended as a “value per se.” For a group of unionist, this approach also became a lever for questioning the social uses and ecological sustainability of production choices.
    • Les travailleurs de l'atome dans la mobilisation antinucléaire : Savoirs professionnels, contre-expertise syndicale et citoyenneté au travail dans l'après-68 - Marie Ghis Malfilatre p. 57-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse la dynamique de mobilisation syndicale et antinucléaire dans et autour de l'usine de combustibles irradiés de La Hague au cours des années 1970. Cette mobilisation s'appuie en premier lieu sur le travail d'enquête mené par des acteurs professionnels – ouvriers, syndicalistes – sur leur exposition au risque radio-induit et leurs conditions de travail et devient le siège d'une remise en cause des choix gouvernementaux en matière de politique énergétique. Les savoirs produits par les travailleurs nourrissent les arguments des antinucléaires et les formes qu'ils donnent à leur mobilisation facilitent un décloisonnement des enjeux liés aux conditions de travail dans une industrie à risque de l'après-68. Cet espace se referme néanmoins en raison de plusieurs logiques parallèles : l'entrée dans l'arène électorale d'une partie des militants écologistes, ce qui a pour conséquence de tendre les relations politiques, mais également de faire craindre aux syndicalistes des formes d'instrumentalisation de leur discours ; le « recentrage » de la CFDT et l'investissement par les militants syndicaux des arènes de consultation et de négociation internes à l'entreprise et du registre de l'action judiciaire ; enfin, une forme d'institutionnalisation de la critique suite à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.
      This article analyzes the dynamics of union and anti-nuclear mobilization in and around the La Hague irradiated fuel plant during the 1970s. This mobilization was based first and foremost on the investigative work carried out by professional actors – workers, trade unionists – on their exposure to radiation risk and their working conditions, and became the focus of a questioning of government choices in terms of energy policy. The knowledge produced by the workers feeds the arguments of the anti-nuclearists and the forms they give to their mobilization facilitate a decompartmentalization of the issues related to working conditions in an industry at risk in the post-68 era. However, this space is closing up due to several parallel logics: the entry into the electoral arena of a part of the environmental activists, which has the consequence of straining political relations, but also of making trade unionists fear forms of instrumentalization of their discourse; the "refocusing" of the CFDT and the investment by trade union activists in arenas of consultation and negotiation within the company and in the register of legal action; finally, a form of institutionalization of criticism following the arrival of the left in power in 1981.
    • Exploitants, salariés, riverains, même combat ? : La dénonciation des effets des pesticides sur la santé, entre coalition et division - Jean-Noël Jouzel, Giovanni Prete p. 89-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis une quinzaine d'années, la dénonciation des effets des pesticides sur la santé humaine est l'enjeu de nombreuses mobilisations en France, portées à la fois par des organisations de travailleurs de l'agriculture, des collectifs locaux de riverains et des associations environnementalistes. À partir d'une enquête qualitative, nous soulignons le caractère improbable de ces coalitions de travailleurs et d'activistes environnementaux, et mettons en évidence les conditions sociales et politiques qui les rendent possibles. En étudiant des coalitions de ce type dans deux contextes différents, la pomiculture en Corrèze et la viticulture en Gironde, nous montrons qu'elles mettent à l'épreuve l'unité des travailleurs victimes des pesticides en fonction de leur statut (exploitant ou salarié). Plus généralement, nous soulignons que la question des conditions de travail des salariés en agriculture tend à être marginalisée dans les mobilisations contre les pesticides.
      Coalitions and Divisions of Activists Denouncing Pesticide Health Effects in France
      For the past fifteen years, the denunciation of the effects of pesticides on human health has been the issue of numerous social mobilizations in France, carried out by agricultural workers organizations, local residents groups and environmental associations. Based on a qualitative investigation, this article analyses the relationships between these actors and the social conditions that influence those relations. Through two case studies, one in an apple production area and one in a wine production area, we show that that the denunciation of pesticides is based on the existence of “blue-green coalitions” whose existence is fragile, and for which the question of the responsibilities of farm owners towards their farmworkers' health and safety constitutes a point of contention. More generally, we point out that the issue of the working conditions for employees in agriculture tends to be marginalized in the mobilizations against pesticides.
  • Varia

    • La fabrique psychiatrique (des troubles) du genre - Alice Feyeux p. 111-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse aux prises en charge au sein d'une unité d'hospitalisation pour adolescent·e·s présentant de l'anorexie, de la dépression ou des troubles « borderline », pour montrer qu'elles sont des prises en charge du genre de ces patient·e·s. Il revient d'abord sur les grilles de lecture, via lesquelles les professionnel ·le·s de l'institution étudiée identifient derrière les troubles mentaux, des troubles du genre et de la sexualité, en référence à des normes de genre socialement situées. Il examine ensuite les pratiques thérapeutiques, variables selon les pathologies et le genre assigné de celles et ceux hospitalisé·e·s, que conditionnent ces grilles de lecture. Enfin, il dévoile le caractère genré de ces prises en charge jusque dans leur réception : les adolescent·e·s hospitalisé·e·s réagissent aux discours et pratiques médicales en fonction de leur socialisation de genre antérieure, et de ce que leur trouble signifie pour elles et eux en termes de genre.
      This article offers an analysis of therapeutic practices within a psychiatric unit dedicated to adolescents treated for anorexia, depression or borderline disorder, in order to show that these therapeutic practices are gender-oriented. It focuses first on the interpretive framework through which the care practitioners of the hospital under investigation identify behind mental disorders some gender and sexual disorders, referring themselves to situated gender norms. It then examines the therapeutic practices based on this interpretive framework. These practices vary according to the disorder and the assigned gender of the patients. Finally, it reveals that even the patients' responses to their therapies are gender-oriented: the adolescents react to medical practices and discourse in accordance with their former gender socialization, which determines the way they understand their disorder in terms of gender.
    • Histoires d'A et méthode K : La mise en récit d'une technique et ses enjeux dans le mouvement pour l'avortement libre en France - Lucile Ruault p. 139-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le roman des origines du mouvement pour l'avortement libre en France fait de la « découverte de la méthode Karman » le déclencheur des mobilisations ouvertes et de l'évolution des pratiques médicales. Cet article démontre que c'est la mise en forme politique de la technique par des entrepreneurs et des entrepreneuses de cause qui a été déterminante. En revenant sur la généalogie de l'aspiration, la première partie relativise l'innovation radicale qu'aurait représenté la « méthode Karman » au début des années 1970. La deuxième contextualise son appropriation et sa promotion par des collectifs de médecins, ce qui répond à des motivations politiques et professionnelles. La dernière partie relate l'histoire méconnue de groupes clandestins, qui montre que l'aspiration s'inscrit dans un processus déjà en cours de mutualisation des savoir-faire abortifs. L'article conclut sur la nécessité de réfléchir à toute l'économie symbolique à l'oeuvre dans la fiction construite par les médecins critiques, la « méthode Karman » étant un élément privilégié de l'appropriation médicale de l'acte.
      The founding narrative of the free abortion movement in France refers to the “discovery of the Karman method” as the trigger for open contestation and for the evolution of medical practices. Instead, this article demonstrates that the political framing of the method by claimmakers was decisive. The first part of the paper explores the genealogy of the vacuum aspiration technique and puts into perspective the radical innovation underlying the “Karman method” in the early 1970s. The second part contextualizes its appropriation and promotion by some groups of physicians for political and professional motives. The last part recounts the little-known history of underground groups, showing that the aspiration technique is part of an already ongoing process of resource-sharing for abortions. The article concludes by analyzing the symbolic economy at work in the fiction created by critical physicians: the “Karman method” is a key element of the medical appropriation of abortion.
  • En lutte