Contenu du sommaire : Les "petits candidats" aux élections présidentielles en France depuis 1965

Revue Histoire@Politique Mir@bel
Numéro no 44, mai-août 2021
Titre du numéro Les "petits candidats" aux élections présidentielles en France depuis 1965
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les « petits candidats » aux élections présidentielles sous la Ve République, handicap ou atout pour la démocratie ? - Fabien Conord, Gilles Richard accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis 1965, les élections présidentielles françaises opposent, à côté des représentants des principaux partis politiques, des compétiteurs aux chances plus réduites, porte-voix de courants minoritaires voire marginaux, mais aussi relais de revendications sociales et/ou territoriales. Ce dossier choisit de porter l'attention sur ces « petits » candidats, dont la définition est ici de nature financière et juridique, en retenant celles et ceux qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés, seuil de remboursement intégral des frais de campagne. Ces candidats, loin d'être tous des originaux, sont en réalité le plus souvent des militants chevronnés (en dépit parfois de leur jeune âge). Leur campagne électorale s'appuie régulièrement sur une structure partisane ou un réseau d'élus. Ce dernier représente d'ailleurs un point d'appui important voire décisif dans le recueil des parrainages nécessaires à la présentation d'un candidat. En effet, comme le confirment les contributions réunies ici, la politique est un métier, dont l'apprentissage est quelquefois difficile, même si elle ne constitue pas nécessairement une profession – en témoigne le parcours de quelques-uns des « petits » candidats dont l'itinéraire est étudié dans ce dossier. Le financement d'une campagne constitue la seconde difficulté à laquelle doivent faire face des candidats fréquemment dépourvus de moyens. Leurs résultats sont assez variables, oscillant entre 0,07 et 4,74 % des suffrages exprimés. Néanmoins, leur nombre est élevé (55 candidatures au total depuis 1965) et leur présence contribue à colorer le scrutin présidentiel d'une diversité idéologique et sociale plus grande que le paysage médiatique ne le laisse habituellement supposer. Elle repose largement sur l'existence d'un tissu serré d'élus locaux (34 500 communes) et permet d'exprimer toute la variété des cultures politiques françaises. La présence récurrente de « petits » candidats lors du scrutin phare de la Ve République est dans ces conditions un gage évident de vitalité démocratique.
    Since 1965, French presidential elections have included, alongside candidates from the major political parties, a wide variety of political figures with much slimmer prospects. These minor candidates act as spokespersons for minority or even fringe movements and give voice to a number of social and/or territorial demands. This special issue will look at these 'minor' candidates in depth. We shall define a minor candidate according to financial and legal terms, as one who obtains fewer than 5% of the popular vote, which is the threshold for the full reimbursement of campaign costs. These candidates are far from just being a motley crew of colourful characters: in fact, many of them are accomplished activists, even despite their youth, for some. Their electoral campaigns largely rely on partisan structures or networks of elected officials. The latter are moreover an important and often decisive source of support when attempting to obtain the necessary number of endorsements to launch a campaign. In fact, as the submissions to this issue illustrate, politics is a job, one with a sometimes difficult learning curve, even if it is not necessarily a profession; this can be seen in the trajectory of several minor candidates profiled in this issue. Financing a campaign is the second obstacle that these candidates, who are often lacking in means, must overcome. Their results are varied in this regard, ranging from 0.07% to 4.74% of the popular vote. There have nevertheless been an impressive number of minor candidates over the years — 55 have run since 1965 — and their presence has helped to bring greater ideological and social diversity to presidential elections that might be gleaned from traditional media coverage. This situation is made possible by the existence of a tightknit group of local elected officials (from 34,500 communes) that allows for the full expression of diverse political cultures in France. The recurring presence of 'minor' candidates in the country's most significant election is thus a testament to its democratic vitality.
  • Candidats originaux et thèmes émergents

    • Marcel Barbu, l'archétype du « petit candidat » ? - Louis Bachaud accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La révision constitutionnelle de 1962 instaura l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Afin de limiter les candidatures fantaisistes, un candidat devait réunir cent « lettres de présentation » signées par des élus pour pouvoir se présenter. Seulement six candidats furent donc retenus pour l'élection présidentielle de 1965, mais parmi ceux-ci, tous n'étaient pas représentants des grands partis ni même élus. Un inconnu avait réussi à réunir les parrainages : Marcel Barbu. Parti pour dénoncer les agissements des autorités contre son association de construction de logement, il finit par se présenter comme le « candidat des chiens battus », et par demander au pouvoir des mesures de démocratisation de la vie publique et de protection des plus vulnérables. Cet article présente sa biographie, les étapes de sa campagne, puis examine le passage du candidat à la postérité. En effet, celui qui n'avait réuni que 1,15 % des suffrages en 1965 fait depuis figure d'archétype du « petit candidat » que l'on exhume en période d'élection présidentielle.
      The 1962 French constitutional reform established direct universal suffrage as the means of electing the President of the Republic. To prevent non-serious or novelty candidates from running, a threshold was set: each candidate was required to obtain a hundred endorsements by elected officials to be able to run for office. As a result, only six candidates ran in the 1965 presidential election. However, these were not all officeholders or representatives of major political parties: Marcel Barbu, a previously unknown man, managed to acquire the necessary endorsements. Although Barbu initially decided to run to contest the fact that public authorities had blocked his housing construction projects, he ended up claiming to be ‘the candidate of the downtrodden' and demanding greater protection for the most vulnerable, as well as larger democratic reforms. This article presents Barbu's biography and the stages of his campaign and ultimately examines his legacy as a candidate. Indeed, Marcel Barbu, who only received 1.15% of the vote in 1965, is now seen as an archetype of the ‘minor candidate,' one which regularly surfaces during presidential elections to this day.
    • La candidature de Dominique Voynet à l'élection présidentielle de 1995 : professionnalisation politique et culture militante chez Les Verts - Alexis Vrignon accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1995, Dominique Voynet est candidate à l'élection présidentielle sous les couleurs des Verts. Pour elle et son équipe, c'est l'occasion de promouvoir une vision de l'écologie politique différente de celle d'Antoine Waechter, candidat en 1988, qui a quitté le parti quelques temps plus tôt. Cet article retrace la campagne en mettant en parallèle les stratégies mises en œuvre par Dominique Voynet et son équipe pour briser le plafond de verre des « petits candidats » et les facteurs qui contribuent à l'échec de cette tentative.
      In 1995, Dominique Voynet was the Green candidate for the French presidential election. According to her and her team, this was the opportunity to promote a vision of political ecology that was different from that of Antoine Waechter, the 1988 candidate who had left the party some time earlier. This article outlines the Green campaign's trajectory by analysing the strategies implemented by Dominique Voynet and her team to break the glass ceiling for 'minor candidates,' as well as the factors which contributed to this campaign's ultimate failure.
  • Dissidents et francs-tireurs libéraux et conservateurs

    • Pierre Marcilhacy, « le candidat qui dit oui aux chrysanthèmes » - François Dubasque accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1965, six candidats entrent en lice pour briguer la magistrature suprême lors de la première élection présidentielle de la Ve République au suffrage universel direct, dont trois seulement – de Gaulle, Mitterrand et Lecanuet – sont considérés par les analystes comme des candidats sérieux. Le score très modeste (1,71 % des suffrages exprimés) réalisé par le sénateur charentais Pierre Marcilhacy le place indéniablement du côté des « petits » – voire des prétendants insignifiants – et pose la question de l'utilité de sa candidature. Son échec électoral n'est pourtant pas la conséquence d'un amateurisme politique, même si l'image construite par des nostalgiques de la IVe République, d'un notable de province incarnant la sagesse sénatoriale, apparaît en décalage avec les attentes des électeurs. L'analyse de son parcours conduit ainsi à mettre en lumière des logiques de nature à complexifier la problématique des « petits candidats », dont l'existence est parfois associée de façon un peu hâtive à la marginalité, voire à l'excentricité.
      In 1965, six candidates ran for office during the first presidential election to be held under the Fifth Republic via universal suffrage; only three of these (de Gaulle, Mitterrand and Lecanuet) were seen as serious candidates by political analysts. The very modest result achieved by Pierre Marcilhacy, the senator for the Charentes region — 1.71% of the popular vote — clearly categorised Marcilhacy as a 'minor' candidate, perhaps even an irrelevant contender, and raised questions about the viability of his campaign. However, this electoral failure was not the result of any political amateurism on the senator's side, even if his image as a notable provincial figure embodying senatorial wisdom betrayed nostalgia for the Fourth Republic and struggled to align with the expectations of contemporary voters. Analysing Marcilhacy's political trajectory in fact allows us to shed light on the concept of 'minor candidates,' whose existence is often too hastily associated with marginality or eccentricity.
    • Jean Royer, « petit candidat » ? La campagne présidentielle du maire de Tours (avril-mai 1974) - Matthieu Trouvé accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Maire de Tours (1959-1995), député d'Indre-et-Loire (1958-1973, 1976-1997), ancien ministre (1973-1974), Jean Royer est arrivé en quatrième position au premier tour de l'élection présidentielle de 1974. Il a été à la fois le plus petit des « grands » candidats et le plus grand des « petits ». Se situant en dehors des partis, revendiquant l'héritage du général de Gaulle, il s'est distingué par un discours et des thèmes de campagne conservateurs quand l'heure était aux grandes réformes de société. Sa campagne présidentielle a été avant tout une aventure personnelle s'appuyant sur une petite équipe. Son faible score ne lui a pas permis de peser dans les débats politiques au niveau national, mais il est parvenu à trouver une place au sein de la « médiasphère » politique. De sa campagne, on retient surtout l'accent sur les thèmes moraux, la défense des commerçants et artisans, le chahut des meetings. Auteur d'une loi sur le grand commerce, Jean Royer a laissé un héritage bien plus important au niveau local qu'au niveau national, incarnant un courant politique dont des personnalités comme Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan ou encore Christine Boutin seraient les héritiers.
      As the mayor of Tours (1959–1995), a deputy for Indre-et-Loire (1958–1973, 1976–1997), and a former minister (1973–1974), Jean Royer came fourth in the first round of the 1974 presidential election. He was both the most minor of the major partisan candidates, and the most prominent of the minor candidates. Distancing himself from party politics and claiming the legacy of General de Gaulle, Royer distinguished himself by his conservative discourse and campaign themes against a wider backdrop of major social reforms. His presidential campaign was first and foremost a personal adventure supported by a small team. His low score did not allow him to weigh in during national political debates, but he did manage to find a place in the political mediasphere. His campaign was marked by its focus on moral issues, its defence of shopkeepers and craftsmen, and the constant heckling his speeches received. As the author of a law on supermarkets and hypermarkets, Jean Royer had a much greater influence at the local level than at the national level, thus embodying a political current which figures like Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, and Christine Boutin would later inherit.
    • Michel Debré « petit candidat » en 1981 ? - Bernard Lachaise accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Homme d'État parmi les plus expérimentés, Michel Debré est-il un « petit candidat » ? Il se distingue par son parcours politique antérieur, la précocité de l'annonce de sa candidature à l'élection présidentielle et la dissidence au sein du RPR. Michel Debré, à la différence des autres « petits candidats » bénéficie d'un important traitement médiatique, de forts soutiens, d'un solide état-major, d'un programme très élaboré. Il mène une campagne intense, appuyée sur une communication moderne. Mais à l'issue du scrutin, il n'obtient que 1,7 % des suffrages exprimés et arrive en huitième position sur dix candidats. Son échec est dû à la division des gaullistes, au manque de lisibilité de sa démarche (contre Giscard ? contre Mitterrand ? contre Chirac ?), à son âge et à son image d'homme du passé. L'échec de la candidature de Michel Debré en 1981 constitue une preuve supplémentaire des déchirements de la famille gaulliste depuis le départ du général de Gaulle.
      Given that he was a highly experienced statesman, was Michel Debré a 'minor candidate' ? He was distinguished by his previous political career, how quickly he moved to announce his candidacy, and the dissent this caused within the RPR. Unlike the other 'minor candidates,' Michel Debré enjoyed significant media coverage, strong institutional support, a solid staff, and a very elaborate campaign platform. He led an intense campaign, supported by modern communication methods. But ultimately, he only obtained 1.7 % of the votes cast and came eighth out of ten candidates. His failure was due to internal divisions among the Gaullists, to a lack of clarity regarding who he was running against (Giscard ? Mitterrand ? Chirac ?), to his age and his image as a man of the past. The failure of Michel Debré's candidacy in 1981 is yet another illustration of the disagreements that have torn the Gaullist family asunder since the departure of General de Gaulle.
    • Marie-France Garaud : « une volonté pour la France » - Sabrina Tricaud accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse la campagne électorale de Marie-France Garaud à l'élection présidentielle de 1981. Après avoir retracé son parcours d'ancienne conseillère de Georges Pompidou et de Jacques Chirac, l'article évoque son équipe, ses interventions dans les médias et son programme. Sa campagne est essentiellement orientée contre le Président sortant et sur l'anticommunisme. 
      This article analyses Marie-France Garaud's electoral campaign in the 1981 presidential election. After describing her career as an adviser to Georges Pompidou and Jacques Chirac, the article discusses her staff, her interventions in the media, and her platform. Her campaign was mainly directed against the incumbent president and focused on anti-Communism.
  • Représenter une force politique minoritaire

    • La force électorale ? Les campagnes d'Alain Krivine et Arlette Laguiller (1969-1974) - Gilles Vergnon accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les élections présidentielles de 1969 et 1974 se tiennent en-dehors du calendrier prévu, après la démission de Charles de Gaulle et le décès de Georges Pompidou. C'est dans ce contexte, marqué par les conséquences de l'ébranlement de mai-juin 1968, que des organisations d'extrême gauche, La Ligue communiste et Lutte ouvrière, présentent les candidatures d'Alain Krivine en 1969 et 1974, et d'Arlette Laguiller en 1974. L'article revient sur les conditions de sélection des candidats, et de collecte des parrainages nécessaires à leur candidature, comme sur le contenu des campagnes électorales conduites. Il montre qu'elles s'inscrivent dans une stratégie à long terme, différenciée selon les organisations.
      In 1969 and 1974, ad hoc presidential elections were held outside of the normal schedule, after first the resignation of Charles de Gaulle and then the death of Georges Pompidou. It was in this context, marked by the upheaval of the events of May and June 1968, that the radical left-wing parties the Ligue communiste and Lutte ouvrière presented their candidates Alain Krivine in 1969 and 1974, and Arlette Laguiller in 1974, respectively. This article looks at how these candidates were selected and how the necessary endorsements were collected, as well as the content of the electoral campaigns themselves. It illustrates that these were part of long-term strategies which differed depending on the political group elaborating them.
    • Deux « grands » devenus « petits » : Robert Hue et Marie-George Buffet candidats communistes aux élections présidentielles de 2002 et 2007 - Jean Vigreux accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Deux « grands » candidats devenus « petits » : Robert Hue et Marie-George Buffet candidats communistes aux élections présidentielles de 2002 et 2007. Ces élections présidentielles constituent pour le Parti communiste français un véritable recul, voire un choc. Le PCF devient une force électorale négligeable et n'enraie pas son déclin, bien au contraire. En sept ans, de 1995 à 2002, il perd 1 671 980 voix et en douze ans (1995-2007), 1 925 192 voix, soit près de 2 millions d'électeurs. Il s'agit non seulement de souligner ce recul, mais aussi de proposer des éléments de réponse.
      Two major candidates have become minor ones : Robert Hue and Marie-George Buffet ran as Communist candidates in the French presidential elections of 2002 and 2007. These presidential elections were a real shock and setback for the French Communist Party (PCF). In recent years, the PCF has become a negligible electoral player and these results did nothing to halt its decline : quite to the contrary. In the seven years from 1995 to 2002, the party lost 1,671,980 votes and in 12 years (1995–2007), 1,925,192 votes — or nearly 2 million voters. This article provides some explanations for the decline of the French Communist Party's electoral clout.
    • Jean-Marie Le Pen en 1974 ou les déboires électoraux du Front national à ses débuts - Jean-Étienne Dubois accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lors de l'élection présidentielle anticipée de 1974, consécutive au décès de Georges Pompidou, Jean-Marie Le Pen décide de présenter sa candidature au nom du Front national (FN), parti qu'il préside depuis sa fondation deux ans auparavant. S'il parvient à obtenir les parrainages nécessaires pour se présenter, il échoue à fédérer toutes les tendances de la famille nationaliste autour de sa candidature et obtient un score inférieur à 1 % des suffrages exprimés, loin de ses ambitions affichées, pourtant modestes. L'élection est cependant l'occasion pour Jean-Marie Le Pen d'occuper un espace médiatique national, de gagner en notoriété et de diffuser son programme nationaliste, à la fois poujadiste, conservateur, anti-gaulliste et atlantiste. Elle constitue en ce sens un jalon important pour comprendre l'essor électoral durable du FN dans la vie politique française dix ans plus tard.
      In 1974, Jean-Marie Le Pen, newly chosen as president of the two-year old Front National (FN) party, decided to run for president at the early election held following the death of Georges Pompidou. Although Le Pen managed to obtain the endorsements necessary to make his candidacy official, he failed to rally all the French nationalist groups around him. He obtained fewer than 1% of the popular vote, which fell far below his modest initial objective. However, his candidacy was an important milestone that helps to explain the FN's long-term electoral rise over the subsequent decade. In fact, this election was primarily an occasion for him to increase his national visibility and to disseminate his simultaneously Poujadist, conservative, anti-Gaullist, and Atlanticist nationalist program.