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Revue Sciences Sociales et Santé Mir@bel
Numéro vol. 39, no 3, septembre 20211
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Gérer l'incertitude dans la prévention génétique d'une maladie fréquente : décision médicale et thrombophilie à l'hôpital - Mauro Turrini, Catherine Bourgain p. 5-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse à la façon dont les cliniciens intègrent les tests génétiques pour la prévention dans leur activité de routine hospitalière, à partir d'une étude du bilan de thrombophilie (TNR). Ces tests génétiques, utilisés pour la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTVE), sont très répandus en dépit de recommandations de bonnes pratiques qui appellent à en limiter l'usage, en les subordonnant strictement à la clinique. Nous montrons que si la prévention de la MTEV génère des incertitudes classiquement associées à la prédiction clinique, la dimension génétique des tests complexifie la nature de ces incertitudes. Parce que les TNR caractérisent une anomalie biologique, elles peuvent être interprétées comme explication moléculaire de la survenue d'une MTEV, alors même que leur faible capacité à la prédire met à mal leur utilité clinique. Cette dualité ontologique des tests et la double affordance qui en résulte – à la fois facteur biologique permettant de proposer une cause moléculaire ET facteur de risque statistique permettant de chiffrer une probabilité de récidive faible – amplifient les incertitudes, à la fois plus fréquentes et plus inconfortables. L'investissement professionnel déployé pour appliquer les recommandations est particulièrement lourd. S'il mobilise le travail de collectifs cliniques, il intègre également une nouvelle division du travail avec l'émergence d'un groupe de cliniciens spécialistes, qui s'emploie à faire primer une alliance entre raison clinique et raison statistique sur une raison moléculaire. Ce surcroît d'investissement dans la régulation professionnelle témoigne du caractère exceptionnel de ces tests, au regard d'autres facteurs de risque non génétiques.
    In this paper, we look at how clinicians integrate genetic testing for prevention into their routine hospital activities, based on a study of thrombophilia testing (TNR). These genetic tests, used for the prevention of venous thromboembolic embolism (VTE), are widely used despite guidelines that call for restricted prescription, strictly subordinated to the clinic. We show that while the prevention of VTE generates uncertainties traditionally associated with prediction in the clinics, the genetic nature of the tests complexifies the type of uncertainty. Because they can identify a biological abnormality, the tests can be interpreted as a molecular explanation for VTE, even though their poor predictive ability undermines their clinical utility. This ontological duality of the tests and the resulting affordances –both a biological factor identifying a molecular cause AND a statistical risk factor quantifying a low probability of recurrence– increases the uncertainties, which are both more frequent and more troublesome. The professional investment required to implement the guidelines is substantial. While it relies on the work of clinical collectives, it also integrates a new division of labor with the emergence of a group of clinical specialists, who are working to ensure that an alliance between clinical and statistical reasoning takes precedence over a molecular reasoning. This additional investment in professional regulation reflects the exceptional nature of these tests, with respect to other non-genetic risk factors.
  • En quels sens la génétique fait-elle « bouger les lignes » ? : Commentaire - Benjamin Derbez p. 33-39 accès libre
  • Opération du poids et poids de l'opération : Les régimes de justification de patients obèses en attente d'une chirurgie bariatrique - Yann Beldame, Sylvain Ferez, Éric Perera, Ghislaine Gallenga, David Nocca p. 41-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En France, dans la lutte contre l'obésité, le recours à la chirurgie bariatrique a considérablement augmenté en l'espace d'une vingtaine d'années. À partir d'entretiens réalisés avec des patients obèses quelques semaines avant leur opération, cet article montre les régimes de justification adoptés pour expliquer la prise de poids mais aussi le choix du recours à la chirurgie. Il apparaît que ces régimes de justification s'articulent principalement autour des catégories de la participation et de la responsabilité. Ces catégories, historiquement situées, sont aussi celles des politiques de santé publique et de la promotion de la santé. Les récits produits distinguent finalement deux types de patients. D'un côté des patients « légitimes » qui, en dépit de leurs efforts pour contrôler leur corpulence, ne seraient pas responsables de leur prise de poids, mais qui seraient prêts à se saisir de l'opération pour maintenir et amplifier leur participation dans le processus de perte de poids. De l'autre, des patients « illégitimes » qui ne mériteraient pas d'être opérés car ils seraient responsables, sinon coupables, de leur prise de poids, mais aussi faiblement impliqués dans la chirurgie à venir.
    In France, the use of bariatric surgery to tackle obesity has increased over the last twenty years. Drawing on interviews conducted with obese patients a few weeks before their operation, this article shows the regimes of justification that these patients adopt to explain their weight gain but also their decision to undergo surgery. It appears that these regimes of justification are mainly based on the categories of participation and responsibility. These categories, which are historically situated, are also those of public health policies and health promotion. Finally, the narratives produced distinguish between two types of patients: 1) legitimate patients who, despite their best efforts to control their weight, do not consider themselves responsible for their weight gain, but who are willing to undergo the operation in order to maintain and increase their participation in the weight loss process; and 2) illegitimate patients who do not feel that they deserve to be operated on because they consider themselves responsible, if not guilty, for their weight gain, and would also have minimal involvement in the upcoming surgery.
  • La chirurgie bariatrique sans excès d'honneurs ni indignité : Commentaire - Bertrand Millat p. 69-77 accès libre
  • Les injonctions contradictoires à l'intersectorialité dans l'action publique sanitaire : L'exemple du "Programme National Nutrition Santé" - Loïc Sallé, Marina Honta, Nadine Haschar-Noé p. 79-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Existant depuis 2001, le Programme National Nutrition Santé est une politique de santé publique visant l'éducation et la promotion de la santé par l'alimentation et l'activité physique. Intégrant une forte dimension interministérielle, il engage dans son opérationnalisation plusieurs administrations et services déconcentrés. L'analyse de la territorialisation du programme dans trois régions permet d'interroger ici la transversalité des politiques de santé et la capacité des acteurs publics à organiser la coordination de différents secteurs d'action publique. Nous montrons que les outils proposés dans le cadre de la politique nationale de santé publique et élaborés régionalement échouent, d'une part, à freiner les effets de cloisonnements inter-organisationnels et intersectoriels et, d'autre part à opérer l'intégration d'interventions et de dispositifs de prévention multiples et concurrents.
    Established in 2001, France's national nutrition health program (Programme national nutrition santé) is a public health policy aimed at educating people about and promoting health through food choices and physical activity. With a strong inter-ministerial dimension, its implementation involves the input of several administrations and decentralized services. This article analyzes three different regions in order to question the transversality of health policies and the coordination capacity of different sectors. We show that the coordination tools proposed and developed at the regional level fail to slow down the effects of intersectoral subdivisions, as well as encountering real difficulties in terms of integrating multiple and rival prevention mechanisms.
  • L'impossible intersectorialité en santé ? : Commentaire - Patrick Hassenteufel p. 107-112 accès libre
  • La rédaction a reçu - p. 113 accès libre