Contenu du sommaire : Écologie et capitalisme

Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 445, novembre-décembre 2021
Titre du numéro Écologie et capitalisme
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Quel projet pour demain ? - Hugues de Jouvenel p. 3-4 accès libre
  • Réflexions sur le modèle social français - Alain Supiot, Arnaud Teyssier p. 5-16 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans cet entretien accordé à Arnaud Teyssier, Alain Supiot montre qu'il existe un modèle (au sens « braudélien ») social français, dont on oublie trop souvent les fondements philosophiques et anthropologiques, donc le caractère spécifique au regard, par exemple, du modèle anglais (marqué par l'omnipotence de l'individu) ou allemand (omnipotence de la société). Ce modèle français, inspiré d'un « idéalisme moral et social », celui d'égalité politique, rappelle Alain Supiot, s'est trouvé compromis par la « subordination salariale » qui, elle-même, a amené l'État à intervenir pour établir une « citoyenneté sociale qui prolonge la citoyenneté politique ».Mais, souligne-t-il, ce modèle social table sur les capacités d'auto-organisation et d'entraide des individus, sur une tradition mutualiste dont l'État doit être le garant et non le gérant, et ne saurait être soumis aux seules lois de l'économie et du marché, d'où l'importance du droit pour encadrer les pratiques. Ainsi « la Sécurité sociale n'a pas été conçue, en France, comme un service de l'État au soutien de l'économie de marché, mais comme une extension des principes de la Mutualité à la nation tout entière ».En rappelant ces principes et en nous mettant en garde contre les lois immanentes d'un marché devenu total et contre un démantèlement du modèle social français, sans préjudice d'une solidarité internationale, Alain Supiot montre les dangers des politiques publiques suivies depuis 30 ans, et combien il est nécessaire de redonner du sens à l'action politique en raison des risques écologiques, sanitaires, économiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés. H.J.
    In this interview with Arnaud Teyssier, Alain Supiot shows that there exists a French social model (in Fernand Braudel's sense) and that its philosophical and anthropological foundations — and hence its specific character by comparison, for example, with the English model (omnipotence of the individual) or the German (omnipotence of society) — are often forgotten. He reminds us that this French model, inspired by a “moral and social idealism” — the idealism of political equality — has been compromised by “wage subordination”, which itself induced the state to intervene to establish a “social citizenship that represents an extension of political citizenship”.He stresses, however, that the social model in question relies on the self-organizational and mutual-aid capacities of individuals, on a mutualist tradition which the state is there to underpin not to manage. Moreover, it cannot be subject exclusively to economic and market laws, which explains the importance of legislation to provide a regulatory framework. Hence, “social security was not conceived in France as a state service to shore up the market economy, but as an extension of the principles of mutual aid to the entire nation.”Recalling those principles, and warning against the immanent laws of a market that has become all-encompassing and against a dismantling of the French social model — though not excluding the possibility of international solidarity — Alain Supiot shows the dangers in the public policies that have been pursued for the last 30 years, and how the ecological, economic, social and health risks we face make it necessary to restore meaning to political action.
  • Écologie et capitalisme, le mariage du siècle ? - Jean Haëntjens p. 17-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans notre numéro de mai-juin 2021 (n° 442), nous nous interrogions sur l'avenir de l'écologie politique qui, bien qu'elle dispose d'une conjonction de facteurs favorables (à commencer par la prise de conscience croissante de la réalité du changement climatique), peine à faire émerger une synthèse claire et reste tiraillée entre de multiples courants. Jean Haëntjens prolonge ici les réflexions en ouvrant la porte à une évolution de l'écologie qui, pour parvenir à ses objectifs, pourrait envisager de s'allier au capitalisme.Une tendance émerge et se renforce depuis plusieurs années : le verdissement des entreprises et, plus largement, de l'économie et des assises idéologiques sur lesquelles elle repose, à savoir le capitalisme. Certes, cette évolution s'est faite sous contrainte réglementaire au départ, mais ce mouvement étant amorcé et les risques environnementaux devenant plus prégnants, le cheminement des acteurs économiques vers des principes plus verts pourrait donner lieu à une alliance écologie / capitalisme porteuse de changements effectifs dans les sociétés.C'est en substance ce que Jean Haëntjens esquisse ici. Face aux « limites du verdissement » de l'économie, il détaille les apports multiples de l'écologisme aux réflexions sur le capitalisme et la façon dont ces principes « écolo-économiques » ont intégré les structures académiques et institutionnelles, en particulier en France. Jean Haëntjens montre également comment, parallèlement, le capitalisme tend à se fragmenter et se trouve à la recherche d'un nouveau souffle. Selon lui, celui-ci pourrait in fine venir de l'écologisme qui, soit par voie défensive (réglementation protectrice, fiscalité), soit par voie plus constructive (gouvernance publique en coopération avec les acteurs économiques), est à même de porter les différents critères qui pourraient servir de base à un renouveau du capitalisme… S.D.`np pagenum="018"/b
    In our May-June 2021 issue (no. 442), we delved into the future of political ecology which, though it currently has a mix of factors in its favour (beginning with the growing awareness of the reality of climate change), is struggling to generate a clear overall argument and remains torn between a number of competing tendencies. Jean Haëntjens extends this thinking here, opening up the possibility that ecology might develop towards an alliance with capitalism to attain its goals.For some years now, a trend has been emerging and intensifying: the greening of capitalist enterprises and, more broadly, of the economy and its ideological underpinnings — that is to say, of capitalism. Admittedly, that development began in response to regulatory constraints, but with the shift now underway and environmental risks growing more urgent, the movement of economic actors towards greener principles could give rise to an alliance between ecology and capitalism that might bring effective change within societies.This, broadly speaking, is what Jean Haëntjens outlines here. Confronted with the “limits to the greening” of the economy, he explains in detail the multiple contributions of environmentalism to ways of thinking about capitalism and the way these “eco-economic principles” have become part of academic and institutional structures, particularly in France. Jean Haëntjens also shows how, alongside this, capitalism is tending to fragment and is currently in search of new impulsion. As he sees it, this could ultimately come from environmentalism, which, either by a defensive route (protective regulation, taxation) or by a more constructive one (public governance in cooperation with the economic actors), is capable of supplying the various criteria that might provide a basis for a renewal of capitalism.
  • La transition écologique est-elle soluble dans la démocratie citoyenne ? - Géraud Guibert p. 33-43 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Grand Débat national, Convention citoyenne pour le climat : ces dernières années, les dirigeants français ont semblé engager une dynamique d'ouverture vers les citoyens en amont de la prise de décision politique. Ceci répond notamment aux différents mouvements de contestation qui ont agité le pays — « gilets jaunes », marches pour le climat… Malheureusement, les décisions politiques qui ont suivi ou découlé de ces consultations citoyennes n'ont pas été au rendez-vous des attentes suscitées, à l'instar de la loi Climat et résilience d'août 2021. Certes, la pandémie de Covid est passée par là, mais à l'heure de réfléchir à ce que pourrait être la société post-Covid, en lien avec la nécessaire transition écologique, la question de la concertation entre citoyens et décideurs politiques se pose plus que jamais. Toutefois, dans le contexte de défiance actuel, comment envisager une démocratie citoyenne efficace ?Géraud Guibert s'interroge, dans cette tribune, sur les chances réelles qu'une telle démocratie citoyenne puisse aboutir, et surtout, qu'elle puisse accompagner positivement la transition écologique. Il importe, selon lui, de « faire preuve de lucidité » : il manque encore à la France une méthode pour rendre acceptable et opérationnelle une stratégie climat ambitieuse. Pour avancer en ce sens, un certain nombre de clarifications lui paraissent nécessaires : s'agissant de l'« écologie punitive » (elle est indispensable, mais il faut cibler et expliquer) ; concernant le rôle de la science (en matière tant de diagnostic que de solutions éventuelles) ; et enfin quant à la transformation du système économique (pour tenir compte des limites du capitalisme et développer une logique de gestion / protection / partage des biens communs). Ces clarifications faites, il faudra s'atteler à une véritable coconstruction citoyenne des politiques et mesures à mettre en place pour faire progresser la transition écologique, et c'est la formule des conventions citoyennes qui, selon Géraud Guibert, paraît la mieux adaptée pour y parvenir. S.D.
    With the “Great National Debate” and the “Citizens' Climate Convention”, France's political leaders have seemed committed, in recent years, to citizen involvement ahead of major political decisions. This is a response, among things, to the various protest movements that have shaken the country — “Yellow Vests”, Climate Marches etc. Unfortunately, the political decisions that have followed or flowed from these consultation exercises have not lived up to expectations, an example being the Climate and Resilience Law of August 2021. Admittedly, the Covid pandemic has played its part in this, but as we are thinking, with the much-needed ecological transition in mind, about what post-Covid society might look like, the question of how citizens and political decision-makers come together over these issues is more urgent than ever. In the current context of mistrust, how are we to conceive of an effective citizen democracy?In this opinion piece, Géraud Guibert asks himself what the real chances are for such a citizen democracy to be successful and, most importantly, for it to be a positive accompaniment to ecological transition. It is important, as he sees it, to be “clear-sighted on this issue”: France still has not found a method for making an ambitious climate strategy acceptable and operational. In his view, if the country is to move in that direction, a number of things have to be made clear: first, on “punitive ecology” (it is essential, but it has to be targeted and explained); then, on the role of science (both in terms of diagnosis and possible solutions); and, lastly, regarding the transformation of the economic system (to take account of the limits of capitalism and develop a logic of the management, protection and pooling of common goods). Once these matters are clarified, an effort will have to be made genuinely to co-build policies and measures to advance ecological transition, and, in Guibert's view, the Citizens' Convention seems to offer the best pathway to that goal.
  • Repères

  • Mobilité et modes de vie : Enquêtes sur les déplacements quotidiens des Français et impact carbone - Tom Dubois, Sylvie Landriève, Marc Pearce p. 49-62 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La stricte période de confinement qui a accompagné la première vague de Covid-19, au printemps 2020, a confirmé le rôle clef de l'industrie et des déplacements motorisés dans les émissions de gaz à effet de serre. Les émissions liées au transport avaient ainsi plongé de près de 40 % en avril et mai 2020, comparativement à la même période de 2019. Or, le secteur des transports est, en France, le plus gros émetteur de CO`indiceb2`/indiceb (et deuxième au niveau mondial) ; la mobilité est donc un facteur stratégique dans les politiques de lutte contre le changement climatique, et il est impératif de bien en comprendre la nature et les déterminants. C'est l'objectif de l'Enquête nationale mobilité et modes de vie du Forum vies mobiles, dont cet article présente ici l'intérêt, la méthodologie et les principaux enseignements de l'édition 2020.Se voulant plus complète que les enquêtes nationales Transport faisant autorité en France, l'enquête du Forum vies mobiles tient compte de « tous les déplacements effectués au moins une fois toutes les deux semaines, quelle que soit la distance des trajets, et qu'ils aient lieu ou non pendant la journée de travail ». Cette acception montre combien sont actuellement sous-évalués les déplacements quotidiens des Français et l'impact de leurs modes de vie en la matière, alors que ces leviers sont essentiels pour la transition écologique. Les auteurs insistent en particulier sur la place centrale du travail dans la mobilité des Français, en raison non seulement des déplacements domicile-travail, mais aussi de ceux effectués dans le cadre professionnel qui, pour l'instant, ne sont pas pris en compte dans les études sur lesquelles s'appuient les politiques publiques. Leur enquête souligne enfin, et surtout, les fortes disparités dans la nature et les motifs de déplacement des Français, selon leur activité, leur lieu de vie…, et donc la nécessité de concevoir des politiques ciblées et non globales pour agir efficacement sur le levier de la mobilité. S.D.`np pagenum="050"/b
    The strict period of lockdown that accompanied the first Covid-19 wave in spring 2020 confirmed the key role of industry and motorized travel in greenhouse gas emissions. For example, emissions linked to transport had dropped by nearly 40% in April and May 2020 by comparison with the same period in 2019. Now, in France the transport sector is the biggest emitter of CO`indiceb2`/indiceb (and globally it is the second); mobility is therefore a strategic factor in policies to combat climate change and it is essential to fully understand its nature and determinants. This is the aim of the National Mobility and Ways of Life Survey of the Forum vies mobiles [Mobile Lives Forum] and this article lays out that survey's significance and methodology, together with the main lessons to be drawn from its 2020 edition.Seeking to be more complete than the National Transport Surveys, currently seen as the authoritative data source in France, the Forum vies mobiles' survey takes into account “all the trips made at least once every fortnight, whatever the distance of journey and whether or not they occur during the working day.” This definition shows the extent to which the daily journeys taken by French people are currently undercounted and the impact of their lifestyles underestimated, even though these are essential levers in the process of ecological transition. The authors particularly stress the central place of work in the mobility of the French population, not only in terms of travel from home to work, but also of trips made as part of work that are not currently taken into account in the studies on which public policies are based. Lastly, and most importantly, their survey highlights the high degree of variance in the nature of, and reasons for, travel among the French population, depending on their working lives, place of residence etc. and hence the need, if behaviour around mobility is actually to be changed, to design policies that are targeted and not general.
  • Le transport maritime au risque de la démondialisation ? - Antoine Frémont p. 63-86 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La mise à l'arrêt quasi total de l'économie mondiale lors de la première vague de Covid-19 et son redémarrage poussif en 2020 ont considérablement affecté le secteur des transports. On a beaucoup mis l'accent sur le transport aérien, victime de la baisse des flux touristiques ; mais la chute de la production manufacturière et des échanges internationaux a également beaucoup affecté le transport de marchandises dont l'essentiel est effectué par voie maritime. Or, le transport maritime avait déjà fait les frais de la crise économique de 2008. Cette deuxième salve signe-t-elle la fin d'un âge d'or pour ce secteur ?Poursuivant notre série consacrée aux mers et océans, Antoine Frémont fait ici le point sur le transport maritime qui, après avoir connu une hausse continue et sans précédent du trafic, est désormais victime des aléas de la (dé)mondialisation. Il présente les évolutions sur longue période de ce secteur, le gigantisme des navires, le déplacement des zones de production et donc l'accroissement des échanges commerciaux avec l'Asie… Il souligne également les incertitudes inhérentes aux conséquences des crises de 2008 et 2020, les reconfigurations en cours et les risques liés à « l'oligopole du transport conteneurisé », mais aussi l'impact de la transition écologique (engagée en particulier en Europe), notamment sur le transport d'hydrocarbures et les exigences en matière de baisse des pollutions des navires. Enfin, dans ce contexte nouveau et non encore stabilisé, il propose trois scénarios d'évolution possible pour le transport maritime d'ici 2040 : celui des crises, celui du multilatéralisme apaisé, et celui d'un monde à deux vitesses. S.D.
    With the global economy almost grinding to a halt during the first wave of Covid-19, then making a laboured recovery in 2020, the transport sector was impacted substantially. Much has been said about air transport, which suffered from reduced tourist flows, but the decline in manufacturing production and international trade also greatly affected freight transport, the greater part of which is seaborne. Maritime transport had already borne the brunt of the 2008 economic crisis. Did this second major hit mark the end of a golden age for the sector?Continuing our series on the seas and oceans, Antoine Frémont reviews the state of maritime transport which, having seen a continual, unprecedented rise in traffic, is now falling victim to the vagaries of (de)-globalization. He shows how the sector has developed over the long term and describes the gigantic scale of current vessels, the geographic shift in production zones, the ensuing increase in trade with Asia etc. He also highlights the uncertainties arising from the aftermath of the 2008 and 2020 crises, the ongoing reconfigurations and the risks associated with “containerized shipping's oligopoly”. However, he also emphasizes the impact of ecological transition (now getting underway, particularly, in Europe), especially on the transport of hydrocarbons and demands for reduced pollution from ships. Lastly, in this new and as yet unsettled context, he proposes three possible development scenarios for maritime transport up to the year 2040: a crisis scenario, a return to a serene multilateralism, and a vision of a two-speed world.
  • Tribune

    • Elon Musk, le singe et les trois cochons : Une fable transhumaniste ? - Philippe Menei p. 87-93 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans une vidéo postée en avril puis lors d'une conférence tenue fin août 2021, le milliardaire Elon Musk, dont on ne cesse de commenter les exploits et projets futuristes (SpaceX, Tesla…), présentait les avancées de sa start-up spécialisée dans les neurotechnologies, Neuralink. Il s'agissait de mettre en avant les progrès de l'interface cerveau-machine développée par Neuralink, par le biais en particulier d'un implant cérébral considérablement miniaturisé. Comme le montre ici Philippe Menei, la technologie en soi n'est pas particulièrement nouvelle, mais sa miniaturisation pourrait ouvrir de nouvelles perspectives et les objectifs affichés par Elon Musk — à savoir en faire une technologie grand public implantable et « explantable » à l'envi, susceptible par exemple de devenir un « accessoire » complémentaire de jeux vidéo — posent question. De technologies initialement dédiées à la résolution de problèmes médicaux spécifiques (handicaps moteurs ou sensoriels), on passerait à des implants de grande consommation quasi « démédicalisés » et flirtant dangereusement avec le transhumanisme. Cette tribune constitue une alerte contre les risques de plus en plus manifestes de basculement de l'« humain réparé » à l'« humain augmenté ». S.D.
      In a video posted online in April, then in a presentation delivered in late August of 2021, the billionaire Elon Musk, whose futuristic exploits and projects attract constant comment (SpaceX, Tesla), laid out the advances made by his neurotechnology start-up Neuralink. The aim was to showcase the progress made by the brain-machine interface developed by Neuralink, particularly in the form of a highly miniaturized brain implant. As Philippe Menei demonstrates here, the technology is not in itself particularly new, but its miniaturization may open up new vistas. The intentions expressed by Musk — namely, his aim of turning this into a mass market technology that is implantable and “explantable” at will and capable, for example, of becoming an “accessory” to video games — raise significant concerns. It would be a case of leaping from technologies initially dedicated to solving specific medical problems (motor or sensory disabilities) to quasi-‘“demedicalized” mass-market implants flirting dangerously with transhumanism. This opinion piece is a wake-up call against the ever clearer risks of a shift from the “repaired” to the “enhanced human”.
  • Chronique européenne

    • L'Union européenne, ses limites et son voisinage - Jean-François Drevet p. 95-101 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir connu une extension régulière de son espace territorial par élargissement à des nouveaux États membres, jusqu'à 28, l'Union européenne marque le pas, avec le départ très médiatique du Royaume-Uni qui a ramené le nombre de membres à 27, et des négociations d'adhésion en panne ou au ralenti (avec notamment la Turquie, la Serbie, l'Albanie…). Les relations internationales ayant tendance à se durcir depuis quelques années, en particulier avec la Russie ou la Turquie, sur fond de conflits ouverts ou latents à sa périphérie immédiate, l'Union européenne pourrait bien avoir stabilisé son territoire et ses frontières. Mais comme le montre ici Jean-François Drevet, d'une part les définitions en la matière restent floues et laissent aux États membres la liberté de faire évoluer l'espace territorial concerné ; d'autre part, la stabilisation géographique à l'échelle d'un continent implique une politique de voisinage ambitieuse et efficace qui, pour l'heure, ne semble pas à la hauteur. Si l'on ajoute à cela le manque de volonté ou de capacité de l'Union à faire respecter ses valeurs, la solidarité à géométrie très variable entre États membres, et la diversité des défis posés par ses voisins selon que l'on regarde au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest, on mesure l'ampleur des actions à entreprendre pour que l'Union européenne parvienne à définir une politique extérieure crédible et efficace — pourtant indispensable dans le contexte actuel de crispation géopolitique entre grandes puissances. S.D.
      After previously seeing its territorial space expand regularly by enlargement to include new member states — 28 of them — the European Union is not currently making new headway. The United Kingdom has left, amid much media ballyhoo, bringing the number down to 27, and negotiations on new membership (most notably with Turkey, Serbia and Albania) are either stalled or advancing at a snail's pace. Since international relations have tended for some years now to harden, particularly with Russia or Turkey, against a background of overt or covert conflicts on its immediate periphery, the EU might well have stabilized its territory and its borders. However, as Jean-François Drevet shows here, on the one hand, definitions in this area remain vague and allow member states the freedom to let the territorial space concerned develop as they see fit; on the other, geographical stabilization on a continental scale implies an ambitious and effective neighbourhood policy and, for the moment, that policy does not seem fit for purpose. If we add to this the EU's lack of will or capacity to have its values respected, the highly variable level of solidarity between member states, and the diversity of challenges posed by its neighbours whether to north, south, east or west, then one sees the scale of the actions the EU needs to take before it can effectively set out a credible and effective foreign policy. Yet, in the current context of great-power geopolitical tensions, such a policy is essential.
  • Actualités prospectives

  • Lu, vu, entendu