Contenu du sommaire : L'écologie, une politique en actions
Revue | EcoRev' : revue critique d'écologie politique |
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Numéro | no 47, 2019 |
Titre du numéro | L'écologie, une politique en actions |
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- Édito - p. 4-5
Formes de la démocratie
- Quelle démocratie pour l'autonomie et le bien-vivre ? - Cornelius Castoriadis p. 7-18 Issu de conférences prononcées à Rome, en 1994, et à New York, en 1995, le texte dont sont extraits ici des passages, constitue l'une des meilleures introductions à la notion de démocratie telle que Castoriadis l'a conçue au cours de plusieurs écrits qu'il lui a consacrés. Concevant la démocratie moins comme une technique de pouvoir que comme un régime laissant libre cours à la politique, entendue comme la libre expression des individus poursuivant un but commun dans la sphère publique, il lui assignait l'horizon de favoriser l'autonomie et le bien-vivre des membres de la Cité.
- Pour l'écologie, pour la démocratie - Antoine Chollet p. 19-33 Antoine Chollet, qui dans notre revue avait déjà discuté le lien écologie-démocratie chez Cornelius Castoriadis, dont il est un spécialiste, et qui dans ses ouvrages s'est illustré par sa défense de la démocratie directe en Suisse, où il enseigne, revient sur une thématique dont l'importance axiologique et stratégique pour les écologistes n'a pas toujours été suffisamment perçue. Il montre que les réflexes anti-écologistes du peuple sont un mythe et qu'il n'est pas déraisonnable de lui faire confiance dans la mesure où la pratique démocratique suppose « une connaissance de cause » en vue du bien commun. Ancrées dans une pragmatique du présent, la démocratie et ses institutions sont aussi l'outil par lequel le niveau local peut être dépassé pour affronter la crise écologique à son niveau planétaire.
- De l'assemblée à la démocratie projective - Délia Fernandez, Jean-Baptiste de Vathaire p. 34-45 À quoi peuvent servir les assemblées et les outils de démocratie directe ? S'il s'agit de trancher sur des programmes qui s'imposent à tous, nous rencontrons vite leurs limites. En revanche, s'ils servent à développer notre projection personnelle et nos projets collectifs, ils peuvent nous aider à modifier effectivement la réalité qui nous entoure. Se dessine alors une méthode d'autogouvernance qui pourrait constituer le socle d'une société avançant vers son autonomie, que Délia Fernandez et Jean-Baptiste de Vathaire appellent, dans un essai à paraître, la démocratie projective.
- Prendre des décisions par consensus ou consentement : Enjeux et mode d'emploi - Juliette Picardeau, Léna Silberzahn p. 46-51 Pourquoi le consensus ou le consentement ? Comment structurer le processus de prise de décision, par quelles étapes faut-il passer ? Comment éviter de reproduire les inégalités de pouvoir ?
- Quelle démocratie pour l'autonomie et le bien-vivre ? - Cornelius Castoriadis p. 7-18
Nord/Sud
- Déclaration finale du « 1er Sommet des sept peuples parmi les plus pauvres » (1989) - p. 53-58 En marge du G7 qui se tint à Paris en 1989, le contre-sommet organisé par la mouvance alternative TOES (The other economic summit) adopta le 15 juillet 1989, en coïncidence avec les célébrations du bicentenaire de la Révolution française, une déclaration finale adressée au Secrétaire général des Nations unies. Survenant dans le contexte de la politique des « réformes structurelles » imposée au Sud par le Fond monétaire international, cette déclaration affirmait qu'« une révision radicale du modèle de développement que le Nord impose au Sud est indispensable, et cela dans l'intérêt du Nord et pas seulement du Sud ». Elle ne réclamait pas seulement l'annulation de la dette des pays du Sud, mais aussi la réduction de la vente d'armes avec l'affectation des économies relatives au développement des peuples et « un système de contrôle de la consommation d'énergie, capable de décourager le développement des modes de production et de consommation qui se sont révélés destructeurs de la nature et des sociétés ».
- Avec la mondialisation, l'hégémonie n'est plus possible ! - Bertrand Badie, Emmanuel Dessendier p. 59-71 Auteur d'un ouvrage intitulé Quand le Sud réinvente le monde. Essai sur la puissance de la faiblesse, Bertrand Badie aborde les enjeux de pouvoirs mondiaux dans une optique à contre-courant de celle couramment médiatisée qui va de la vindicte aux louanges béates de la mondialisation. Si son propos semble parfois dissocier des faits que nous considérons liés en tant que conséquences du mode de production capitaliste mondialisé – comme la paupérisation pour le plus grand nombre qui accompagne les concentrations de richesses entre de moins en moins de mains et la montée de mouvements politiques identitaires –, il montre néanmoins que, très loin d'être le problème, la mondialisation est au cœur d'une gouvernance alternative du monde.
- Déclaration finale du « 1er Sommet des sept peuples parmi les plus pauvres » (1989) - p. 53-58
Biorégionalisme
- Réhabiter la Californie - Peter Berg, Raymond Dasmann, Mathias Rollot p. 73-84 Texte de référence du mouvement biorégionaliste, dont la première version parut des seules mains de Peter Berg en 1976, cet exposé pose les bases théoriques pour définir, à travers le cas géographique de la Californie, ce qu'est une « biorégion » où le vivant, humain et non humain, déploie des formes de vie adaptées à son milieu.
- Le biorégionalisme américain : Un outil pour repenser nos territoires - Mathias Rollot p. 85-95 Auteur du premier et tout récent ouvrage francophone se revendiquant explicitement du courant biorégionaliste, Mathias Rollot comprend le biorégionalisme américain comme un outil éthique, tant écologique que politique et social, qui travaille les problématiques contemporaines de nos territoires. Aux côtés de la littérature historique sur la question, il affronte, pour ce faire, les différentes acceptions de la nation, leurs sociohistoires, dérives et récupérations variées.
- Réhabiter la Californie - Peter Berg, Raymond Dasmann, Mathias Rollot p. 73-84
Que devient la paysannnnerie ?
- Le tracteur plus utile pour déraciner la petite paysannerie que les broussailles - Bernard Charbonneau p. 97-100 Bernard Charbonneau s'est, dans nombre de ses écrits, « attaché à montrer comment, après avoir ravagé la nature, la société industrielle finissait de l'anéantir en la “protégeant”, en l'organisant ; et comment s'évanouissaient, en même temps, dans cette artificialisation, les chances de la liberté humaine ». Dans cet extrait de son ouvrage Le jardin de Babylone, paru en 1969, il s'interroge sur les méfaits de l'industrialisation des campagnes.
- La fin des paysans : Vingt ans après - Henri Mendras p. 101-104 Le sociologue Henri Mendras a publié en 1967 un ouvrage fondamental sur La fin des paysans. Une réédition a paru en 1984 avec une postface. Dans celle-ci, dont nous reproduisons un extrait, il dressait un tableau éclairant des différents types de paysans/agriculteurs qui, soit par choix, soit sous la contrainte des réformes de la politique agricole commencée à partir de 1960, ont cherché à s'adapter en essayant, pour préserver leur autonomie ou survivre, de diversifier leurs productions, leurs activités, leurs formes de coopération et de commercialisation de leurs produits. Il voyait dans la diversification de ces activités, dans le développement d'une économie non officielle et dans l'arrivée de néoruraux de provenances diverses les signes d'une renaissance rurale.
- Le sacrifice des paysans… et de presque tous les autres - Yves Dupont, Pierre Bitoun, Pierre Alphandéry p. 105-115 Sociologues de terrain engagés depuis quarante ans auprès d'une paysannerie qui se meurt, auteurs pour deux d'entre eux d'un ouvrage qui procède à une synthèse de toutes ces années de recherches, les auteurs de cet article reviennent sur le processus qui, depuis les années 1960, a « rationalisé » l'agriculture française en favorisant son industrialisation. Tout en considérant que l'« autophagie » capitaliste ne se limitera pas à cantonner, voire éliminer les seuls « paysans », les auteurs mettent l'accent sur le développement d'une économie à deux vitesses et d'une agriculture duale contre lequel se bat le syndicalisme politique de la Confédération paysanne.
- Regard d'un paysan sur l'emprise de l'écologie en agriculture - Yannick Ogor p. 116-129 Maraîcher et éleveur en Bretagne, ancien animateur de la Confédération paysanne et auteur d'un récit des luttes menées dans le monde agricole français depuis soixante ans, Yannick Ogor bouscule les idées reçues et invite au débat en livrant un plaidoyer argumenté contre la politique des normes de « sécurité environnementale et sanitaire ». Il montre que ces dispositifs sont prisés et utilisés à des fins de compétitivité par les puissances économiques de l'agroalimentaire, au détriment de l'agropastoralité paysanne ou vivrière. Dans ce contexte, le véganisme, fruit idéologique de l'agro-industrie, prépare les débouchés du productivisme de demain.Si l'auteur critique à juste titre le dévoiement de l'écologie politique par le capitalisme, il finit par assimiler les deux. On peut donc se demander si, loin d'être anti-écologique, sa critique ne voisine-t-elle pas avec un écologisme détaché de tout mouvement social et peu à même de porter une politique répondant aux enjeux environnementaux et sociaux.
- Le tracteur plus utile pour déraciner la petite paysannerie que les broussailles - Bernard Charbonneau p. 97-100
Humains et non-humains
- Le Grand Partage - Philippe Descola p. 131-137 L'ouvrage de Philippe Descola, Par-delà nature et culture, dont nous présentons quelques extraits de son épilogue`, a été une puissante remise en question du « grand partage » que la modernité occidentale a produit entre nature et culture. En s'appuyant sur des exemples abondants en ethnographie, il a montré que de nombreuses sociétés ont su vivre et vivent en interaction avec la nature et que leurs activités quotidiennes ne pouvaient être disjointes de celle-ci. À l'aune des débats actuels en écologie, les analyses et les propositions théoriques de cet ouvrage viennent (ré)interroger notre rapport à la nature et nous invitent à (re)penser la relation que notre modernité occidentale entretient avec les non-humains.
- Se réapproprier la protection de la nature - Antoine Chopot p. 138-147 Comment œuvrer au rapprochement entre protection de la nature et construction politique de l'autonomie ? Cet article entrevoit la possibilité de cette rencontre, nourri par quelques expériences de terrain à la coopérative Longo Maï, l'un des projets d'autonomie collective les plus anciens en France, voire en Europe (depuis 1973), ainsi qu'à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, lors de sorties avec des occupants et des membres des « naturalistes en lutte ». À quelles conditions la protection de la nature rejoint-elle la prise en charge de nos vies et vice versa ?
- Signes des temps : Mutations sociétales et écologiques en Basse-Bretagne - Laurent Gall p. 148-163 Cette enquête d'ethnoécologie auprès de paysans bretons est le lieu d'un examen critique des dualismes nature/culture et archaïsme/modernisme. Les témoignages résignés sur les perturbations que connaît la flore – disparitions, apparitions d'espèces – expriment le désenchantement du monde rural et vont de pair avec la perte des usages anciens et des savoirs vernaculaires. Dans le miroir de la nature, les désordres écologiques reflètent les mutations de la société.
- Des vivants, des vins : Aux frontières du sensible et de l'écologie - , Alice Sternberg p. 164-171 En créant le Collectif Vin vivant, un projet hybride entre sciences humaines, arts plastiques et sciences du vivant, Emmanuelle Blanc, Denis Chartier et Aurélien Gabriel Cohen partaient de l'envie commune de « rendre sensible les réponses que des pratiques attachées à un territoire peuvent composer face à la crise écologique contemporaine ». Des réponses qu'ils situent avant tout dans un certain rapport au sensible et au vivant.Durant plusieurs années, ils ont arpenté les vignes, côtoyé les vignerons, créé et pensé en lien avec un territoire (une portion des vallées du Cher et du Beuvron) afin d'y démêler les rapports au(x) vivant(s) qui s'y jouaient durant la vinification. Le fruit de ce long travail d'observation, de création et d'analyse a été exposé du 12 au 16 janvier 2019 au théâtre d'Orléans. Ils reviennent pour nous sur cette exposition.
- Le Grand Partage - Philippe Descola p. 131-137
Écoféminisme
- Femme et nature - Susan Griffin, Margot Lauwers p. 173-182 Susan Griffin, considérée comme une poétesse et romancière, est aussi l'auteure d'essais philosophiques. Son livre Woman and Nature : The roaring inside her, paru en 1978, est reconnu pour son importance dans l'avènement de l'écoféminisme. Réédité en 2000 et en 2015, il n'en existe cependant aucune traduction. Margot Lauwers propose ici une introduction à l'ouvrage ainsi que quelques extraits traduits par ses soins.
- L'écoféminisme : Nos racines et notre épanouissement - Charlene Spretnak, Bénédicte Meillon p. 183-200 Ce texte de Charlene Spretnak figure en ouverture d'un volume collectif dirigé par Irene Diamond et Gloria Feman Orenstein en 1990 qui rassemble grand nombre de penseuses pionnières du courant philosophique et du mouvement écoféministes états-uniens. Cet ouvrage, non encore traduit, compte des contributions essentielles telles que celles de Riane Eisler, Paula Gunn Allen, Starhawk, Susan Griffin, Carolyn Merchant, Ynestra King, Judith Plant ou Vandana Shiva, pour n'en citer que quelques-unes. Dans ce texte, Charlene Spretnak expose avec clarté l'émergence et les évolutions de l'écoféminisme américain, ses penchants spirituels et ses liens avec l'écologie.
- « Je t'aime – Moi non plus » : Regards sur l'écoféminisme - Margot Lauwers p. 201-211 Convergence des pensées et pratiques du féminisme et de l'écologie, l'écoféminisme a dû surmonter les soupçons d'« essentialisme » qui le renvoyaient aux figures de la Femme et de la Nature reproductrices. Né en France mais resté longtemps sous le boisseau, le vocable avait déjà trouvé une expression concrète aux États-Unis. Participant d'un renouveau en France des études sur l'écoféminisme, Margot Lauwers, auteure d'une thèse sur les manifestations littéraires de l'écoféminisme contemporain (2014), brosse un tableau historique et intellectuel de ce courant de pensée promis à s'approfondir et à enrichir de ses valeurs sensibles et « corporelles » l'écologie politique.
- Toutes ces femmes qui vivent en moi - Bénédicte Meillon p. 212-215 En mobilisant l'écopoétique non seulement en tant qu'objet d'études, mais aussi en tant que pratique, Bénédicte Meillon nous livre un texte personnel qui fait vibrer les mots au son du ressenti « écoféminin » qu'elle nous apprend à écouter. Depuis maintenant cinq ans, elle anime à l'université de Perpignan un atelier de recherche en écocritique et écopoétique.
- Femme et nature - Susan Griffin, Margot Lauwers p. 173-182
Techniques et modes de production
- Sortir du capitalisme - André Gorz p. 217-224 Choisir André Gorz, pour débuter cette section « Techniques et modes de production », c'est situer d'emblée le cadre d'analyse critique de notre rapport à la technique. Loin d'être neutre, autonome ou pure idéologie mais aussi loin d'être pur déterminisme, la technique est au cœur de notre rapport matériel au monde. En structurant le mode de production, notamment à travers l'essor de l'Internet, elle se retrouve à la fois au cœur du dépassement du capitalisme et de l'avènement d'une véritable écologie politique. Dès lors, l'intelligence collective, que sécrète la composition organique et technique du capital sans pour autant que celui-ci ne parvienne à la capter en totalité, devient l'enjeu majeur d'un conflit politique central, présent et à venir.
- La démocratie atomisée ? : Le nucléaire à la française - Sezin Topçu, Alice Sternberg p. 225-233 Historienne et sociologue des techniques, Sezin Topçu a publié un ouvrage important sur La France nucléaire dans lequel elle a analysé le succès de la nucléarisation dans ce pays malgré les fortes résistances citoyennes. Nous revenons avec elle sur l'histoire de ces mouvements de contestation qui ont durablement façonné l'engagement écologiste en France, mais aussi sur les techniques de pouvoir singulières qui ont accompagné une nucléarisation française à marche forcée.
- Internet, un espace politique - Stéphane Bortzmeyer p. 234-240 Ingénieur spécialiste en réseaux informatiques, fin connaisseur de l'infrastructure de l'Internet, Stéphane Bortzmeyer aborde les questions politiques qui lui sont propres à partir de son fonctionnement technique. Il aide à nous défier des divagations sensationnalistes que l'on rencontre dans la presse et sur lesquels bon nombre d'entre nous se fondent malheureusement pour se faire une opinion sur ces sujets. Dans son récent livre, Cyberstructure, dont nous reproduisons une partie de la conclusion, il rend particulièrement accessible à tous les utilisateurs de l'Internet – au-delà des spécialistes de la technique – la compréhension de ces enjeux politiques : du rôle des puissants GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) à l'espionnage pratiqué par les États sur les communications numériques, en passant par le partage des œuvres culturelles et la rémunération des auteurs.
- Des plateformes et des hommes : Vers un capitalisme 2.0 ? - Patrick Dieuaide p. 241-252 Les plateformes numériques sont-elles des entreprises comme les autres ? Sont-elles de simples intermédiaires des échanges qu'il s'agirait d'encadrer par une législation adaptée ? Les plateformes sont plus et autre chose, répond Patrick Dieuaide. Se situant dans le prolongement des réflexions menées autour de la notion de capitalisme cognitif, l'auteur s'interroge sur la place et le rôle des plateformes comme infrastructures numériques d'organisation et de contrôle des marchés et de la production. Les plateformes numériques seraient la pointe avancée d'une structure de commandement, qu'il baptise « capitalisme 2.0 », et qui auraient vocation à piloter un nouveau régime d'accumulation en prise directe sur la société.
- La révolution informationnelle : Germes d'un nouveau mode de production ? - Raoul Victor p. 253-263 Ce texte de Raoul Victor`renvoi id="re1no1" idref="no1" typeref="note"b1`/renvoib, adapté d'une présentation faite au forum de la revue Controverses le 13 juin 2013, explicite la nature de la révolution technologique en cours. Faisant écho aux analyses d'André Gorz, il montre que la révolution informationnelle fait germer un nouveau mode de production que le capitalisme tente d'asservir tout en le développant malgré lui. Mais les rapports sociaux post-capitalistes qui s'expriment d'ores et déjà ne sauraient devenir dominants, même à long terme, sans être portés politiquement. Dès lors, une révolution institutionnelle et sociale peut et doit être stratégiquement pensée et agie.
- Sortir du capitalisme - André Gorz p. 217-224
Lectures
- Lectures - p. 265-267