Contenu du sommaire : Repenser le vivant à l'heure de la covid-19
Revue | EcoRev' : revue critique d'écologie politique |
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Numéro | no 50, 2021 |
Titre du numéro | Repenser le vivant à l'heure de la covid-19 |
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- Édito - p. 3-4
Classiques
- L'exploitation de la nature - Walter Benjamin p. 5-8 Walter Benjamin fut l'un des rares marxistes de la première moitié du 20e siècle à manifester une sensibilité écologiste. Réfugié en France depuis 1933, menacé par la police de Vichy et la Gestapo, il rédigea son testament philosophique, Sur le concept d'histoire (1940), peu avant son suicide à Port-Bou qui fut sa façon de se soustraire à ses persécuteurs. Dans l'extrait de ce texte à thèses`, il développe une critique radicale de l'exploitation de la nature, dont l'actualité n'est pas à démontrer au moment où la « nature » se retourne contre l'humain par une pandémie zoonotique mondiale sans précédent. Car nul doute que la covid-19, à l'égal des autres zoonoses de ces dernières années, est une conséquence directe de l'exploitation capitaliste du vivant et des biosystèmes.
- Gouverner par l'épidémie - Michel Foucault p. 9-15 Que la société occidentale repose sur un énorme travail d'individualisation des sujets et sur leur organisation selon des modes hiérarchiques d'exclusion, c'est ce que Michel Foucault a su mettre en évidence dans Surveiller et punir dont nous donnons un extrait. Relire aujourd'hui ces pages qui montrent comment chacun d'entre nous est condamné à avoir « son » corps, « sa » maladie, « sa » mort, nous ramène à la critique écologiste de la crise sanitaire en cours, déclenchée non pas par une simple maladie infectieuse, mais par une « syndémie » composée de pathologies socio-environnementales liées aux conditions et aux modes de vie, et qui nécessite un traitement qui va bien au-delà des mesures sanitaires d'urgence.Dans cet extrait, Foucault explique comment la raison disciplinaire et le savoir ont rencontré dans les grandes épidémies de lèpre et de peste leur terrain d'action idéal. Tout comme il entrevoyait dans la gestion du fléau le paradigme d'un pouvoir disciplinaire, on peut se demander quelles alliances le pouvoir et le savoir expert ont nouées pour gérer administrativement la pandémie actuelle en faisant l'économie d'une remise en question de notre rapport (marchand) au vivant et en faisant ressortir avec force, au contraire, quelques traits caractéristiques de l'organisation sociale présente : le malthusianisme en matière d'emplois et de services sociaux qui se sont révélés essentiels, la précarité matérielle de populations, y compris étudiantes, soumises aux restrictions sanitaires, l'impératif productif imposant le télétravail, etc.
- L'exploitation de la nature - Walter Benjamin p. 5-8
Dossier
- La crise au vu de la pandémie : Reproduction, risque et urgence dans le néolibéralisme - Maura Benegiamo p. 16-29 Que cela implique-t-il d'analyser l'urgence sanitaire actuelle à travers le prisme de l'écologie politique, et quel en est l'intérêt ? Selon Maura Benegiamo, qui prolonge ici une réflexion qu'elle avait commencée lors du premier confinement au printemps 2020, la réponse à cette double question tourne autour de la notion de crise, de la manière dont l'écologie politique a appréhendé les crises du capital et de la critique anti-systémique spécifique qui en est issue. Les corrélations entre crises sanitaires et dégradations écosystémiques fournissent un complément à l'analyse qui dessine une autre correspondance, plus générale et propre au néolibéralisme, celle qui associe la « normalité » de la crise capitaliste à la prise en compte ordinaire du risque et de l'urgence de plus en plus banalisée.
- La biodiversité contre l'effondrement - Marie-Monique Robin, Emmanuel Dessendier p. 30-38 Réalisatrice de documentaires d'investigation et autrice de livres connexes qui portent sur des thèmes d'actualité brûlants dont beaucoup concernent la santé des humains et de la planète, la journaliste Marie-Monique Robin a publié une grande enquête, au début de 2021, sur La fabrique des pandémies. Elle montre que, par leur comportement économique dévastateur vis-à-vis des écosystèmes, les humains mettent en place eux-mêmes les conditions propices aux épidémies.
- La covid-19, une crise du modèle anthropogénétique - Jérôme Gleizes p. 39-52 L'épidémie de covid-19, comme toutes les épidémies majeures qui ont affecté l'humanité, bouleverse les sociétés en profondeur. Elle amplifie des éléments de crise déjà sous-jacents. Aussi est-elle l'occasion pour Jérôme Gleizes de s'interroger sur la pérennité ou la transformation nécessaire du modèle anthropogénétique défini par l'économiste « régulationniste » Robert Boyer, la production des êtres humains pour les êtres humains.
- Nos vies mises à nu - Muriel Combes p. 53-72 En voulant sortir de la sidération face à ce qui s'impose à nous au nom de l'urgence sanitaire, Muriel Combes tente, dans ce texte écrit à chaud à la fin novembre 2020, d'allier le concept et le sensible, c'est-à-dire à la fois de poser quelques repères et de raviver notre aspiration à la démocratie. Car en temps de pan-démie proclamée, le demos est au risque d'être activement absenté.
- Poésie du confinement - Alice Sternberg p. 73-75 Alice Sternberg vit dans un petit port des Pyrénées-Orientales où les cargos bananiers se font rares à l'inverse des étendues de vignes qu'elle arpente sur les versants se jetant dans la mer jusqu'à Cerbère. C'est en évoquant son « confinement » dans un casot de ce village-frontière qu'elle nous offre une échappée poétique en ces temps de renfermement et en même temps une pause dans le cours « savant » de ce numéro.
- Les sciences humaines défiées par la covid-19 - Luigi Pellizzoni p. 76-92 En prenant appui sur le débat qu'ont suscité en Italie les mesures restrictives liées à la pandémie de la covid-19, souvent ramenées à l'idée d'un « état d'exception », le sociologue de l'environnement Luigi Pellizzoni propose, dans cet article écrit au départ au printemps 2020, de réfléchir sur la façon dont le pouvoir recompose la fracture ontologique entre la société et le vivant. Il s'ensuit qu'il est important de reconnaître le caractère historique et social de la connaissance scientifique et le rôle politique des experts. Dans un contexte où les urgences sont destinées à se multiplier, soutient l'auteur, il est temps de repenser notre rapport à la technique et à la nature pour éviter que l'on ne tombe dans un état d'urgence permanent.
- Réseaux, médias et science au risque de l'ignorance - Mathias Girel, Emmanuel Dessendier p. 93-108 En réagissant à ce qu'a signifié le « raout médiatique » qui a déferlé sur notre monde dans le sillage de la pandémie de covid-19, le philosophe Mathias Girel, spécialiste du pragmatisme américain et de la philosophie de la connaissance, interroge dans cet entretien les enjeux politiques et scientifiques que soulève l'instillation, plus ou moins voulue – sur les réseaux sociaux, dans les médias, la communication politique et jusque dans les controverses scientifiques –, du doute, de la confusion, de l'« infox » et du relativisme cognitif.
- Sciences et entropocène : Autour de "Qu'appelle-t-on panser ?" de Bernard Stiegler - Maël Montévil p. 109-125 En examinant le second tome de Qu'appelle-t-on panser ?, le théoricien de la biologie et épistémologue Maël Montévil, qui a collaboré avec Bernard Stiegler à la fois sur des questions théoriques et sur des expérimentations territoriales, s'arrête sur le rôle des sciences dans l'Anthropocène pour souligner leur difficulté à penser cette ère et, ce faisant, à prendre soin des vivants, humains et non-humains, des techniques et des sciences elles-mêmes. Stiegler soulignait l'importance de la question de l'entropie, conduisant au concept d'entropocène. L'auteur introduit et illustre ce concept pour montrer sa pertinence d'un point de vue physique, biologique et social. Ce faisant, il insiste sur la parenté mais aussi sur les différences entre ces phénomènes. Dans le cas des humains, les savoirs jouent un rôle central pour lutter contre l'entropie, et les sciences pourraient retrouver leur compte en contribuant au développement – urgent – de savoirs territoriaux.
- Vers un vaccin contre le capitalisme ? : De l'aménagement du territoire à une relocalisation conviviale - Anita Rozenholc, Emmanuel Dessendier p. 126-138 La crise sanitaire actuelle incite à nous interroger sur les logiques qui président aux modes de production et de consommation. Le répit accordé à la planète avec le ralentissement imposé des activités économiques et des transports, dans l'espoir de stopper la propagation du virus, n'est-il pas l'occasion d'une prise de conscience profonde, individuelle et collective, de certains enjeux existentiels ? Une opportunité peut-être pour des changements majeurs tant individuels que sociétaux.
- Penser le commun au cœur de l'intime : Comment transformer nos prisons quotidiennes en force politique ? - Alice Sternberg p. 139-154 Peut-on concevoir l'enfermement dans notre vie quotidienne et notre sphère privée, qu'ont induit les politiques de gestion de la pandémie de covid-19, comme une aubaine pour revitaliser la démocratie directe ? S'appuyant sur Henri Lefebvre et André Gorz, philosophes et du quotidien et de la vie, Alice Sternberg explore les possibilités de développer, à l'aune du monde vécu et à l'échelle locale, des communs fondés sur le travail pour soi et la coopération.
- Les chemins de traverse du revenu universel - Anton Ferrand p. 155-166 Dans une perspective « de gauche », de multiples propositions de revenu universel cherchent à préfigurer un avenir post-capitaliste en imaginant les conditions d'un « exode du salariat ». Cependant, aucune ne semble répondre de manière satisfaisante à cet objectif d'émancipation du travail. En effet, ces propositions se focalisent sur un montant négociable politiquement et toujours trop faible, sans bousculer fondamentalement les conditions d'accès au revenu : la production, le travail, la monnaie. Une autre voie réflexive, à laquelle nous invitait André Gorz, est praticable, celle passant par une logique locale d'expérimentation.
- La crise au vu de la pandémie : Reproduction, risque et urgence dans le néolibéralisme - Maura Benegiamo p. 16-29
Lectures
- Lectures - p. 167-185