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Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 244, 2021/4
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Un auteur précis et discret : Moussa Sow (1953-2021) - Anne Doquet, Jean-Paul Colleyn p. 745-752 accès libre
  • Études et essais

    • Les nouveaux yeux de l'État ? L'introduction de la télésurveillance dans l'espace public à Yaoundé - Georges Macaire Eyenga p. 753-776 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le lancement en 2014 du « Cameroon intelligent City Project » grâce au déploiement de technologies chinoises produites par Huawei, l'espace public à Yaoundé est devenu un espace surveillé à distance. Les individus qui s'y trouvent, les objets en circulation et les scènes qui s'y produisent sont filmés par des caméras de surveillance des services de police. Cette technologie n'est pas un simple gadget d'une smart city, c'est un dispositif qui change le rapport à l'espace, les comportements individuels et l'activité de maintien de l'ordre. À partir des thèses foucaldiennes et post-foucaldiennes de la surveillance panoptique, avec des innovations sociotechniques du XXIe siècle, cet article analyse la manière dont, pour faire face à l'économie de l'hostilité des réalités urbaines et frontalières, le Cameroun s'inscrit dans un projet de « transformation agile » de ses services de sécurité. Ceux-ci tirent profit d'espaces publics reconfigurés, réinventés et qui réaffirment leur rôle fondamental dans la sécurité publique.
      Since the launch in 2014 of the Cameroon Intelligent City Project through the deployment of Chinese technologies produced by Huawei, the public space in Yaoundé has become a remotely monitored space. Police surveillance cameras capture individuals, objects in circulation and scenes occurring there. This technology is not a mere gadget of a smart city; it is a device that changes the relationship to space, individual behaviour, and law enforcement activity. Based on the Foucauldian and post-Foucauldian theses of panoptic surveillance, with 21st-century socio-technical innovations, this article analyses how Cameroon, to cope with the economy of hostile urban and border realities, is part of a project for the “agile transformation” of its security services. These are taking advantage of public spaces that have been reconfigured and reinvented, reaffirming their fundamental role in public security.
    • Quand l'aide internationale renforce la présence de l'État aux marges de son territoire. Le cas de l'assistance aux réfugiés centrafricains à l'Est-Cameroun - Claire Lefort-Rieu, Calvin Minfegue p. 777-797 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la région frontalière entre le Cameroun et la République centrafricaine (RCA), les mouvements de population ont longtemps fait partie intégrante du paysage politique et économique. Avec la formalisation des frontières — coloniales puis nationales —, ces mouvements acquièrent le statut de migrations internationales, sujettes à des formes de contrôle et de régulation. Pourtant, ces dynamiques ne se trouvent remises en cause que récemment, via une conjonction de facteurs liés aux violences en RCA et à « l'humanitarisation » des flux migratoires que celles-ci provoquent. L'aide internationale en faveur des réfugiés dans la zone, initiée en 2013, permet ainsi de renforcer et de rendre visible une frontière longtemps poreuse et d'intégrer des marges périphériques au sein du territoire national camerounais.
      In the borderland between Cameroon and the Central African Republic (CAR), population movements have long been an integral part of the political and economic landscape. Such population movements officially became controlled and regulated international migrations after the formalization of borders—colonial then national. However, those dynamics have only been challenged recently by a combination of factors linked to the rise of violence in the CAR and the resulting “humanitarianization” of migratory flows. By focusing on the international aid operation initiated in 2013, we will show how it helps strengthen a long-porous border and integrate peripheral margins within Cameroon's national territory.
    • Le Soleil est un mammifère. Origine africaine d'un motif mythologique - Julien d'Huy p. 799-829 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'instar du vivant, les mythes évoluent très lentement, par des processus de transmission et de descendance impliquant des modifications dans le temps et dans l'espace. Cette ressemblance entre évolution mythologique et biologique permet l'usage de méthodes phylogénétiques pour explorer la façon dont les mythes sont liés les uns aux autres. L'approche phylogénétique est ici appliquée à une famille de mythes où le Soleil est pourchassé comme un gibier, et montre l'évolution de ce type de récits dans le temps, ainsi que son origine africaine.
      Like living beings, myths evolve very slowly through processes of transmission and descent involving changes in time and space. This similarity between mythological and biological evolution allows phylogenetic methods to explore how myths are related to each other. The phylogenetic approach is applied to a family of myths where the Sun is hunted like a game and shows the evolution of this type of story over time and its African origin.
  • Notes et documents

    • Itinéraires de Kamba Simango : dialogue entre un Mozambicain apprenti ethnographe et Franz Boas - Lorenzo Macagno p. 831-858 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge d'abord le dialogue entre l'anthropologue Franz Boas et Kamba Simango. Kamba Simango est né en 1890 dans l'île de Chiloane, proche de la ville de Beira, dans l'actuel Mozambique. En 1914, les missionnaires de l'American Board of Missions appuient Simango pour qu'il aille poursuivre ses études aux États-Unis, au Hampton Institute. Kamba Simango et Franz Boas se rencontrent pour la première fois en 1919, à Columbia University. Boas avait l'intention de faire de Simango non pas un simple « informant », mais plutôt un vrai ethnographe autochtone. S'appuyant sur un échange épistolaire inédit et sur une série de documents missionnaires, cet article aborde aussi bien le dialogue ethnographique entre Franz Boas et Kamba Simango que les itinéraires cosmopolites de Simango. Ceux-ci nous aident à comprendre aussi bien les expériences coloniales « par le bas », que la construction de subjectivités et d'historicités spécifiques à partir d'une perspective moins natiocentrique.
      This paper explores the dialogue between anthropologist Franz Boas and Kamba Simango. Simango was born in 1890, in Machanga District, on the coast of present-day Mozambique. In 1914, under the auspices of missionaries of the American Board of Missions, he was sent to the United States to study at the Hampton Institute. Kamba Simango and Franz Boas met for the first time in 1919 at Columbia University. Boas did not want Simango to become a mere “informant,” but a native ethnographer. Based on an exchange of unpublished letters and a series of documents published mainly by missionaries, this article analyzes the ethnographic relationship between Boas and Simango as well as his cosmopolitan trajectory. Kamba Simango's life and career help us to understand the colonial experience par le bas, and to understand the construction of subjectivities and specific historicities from a less natio-centered natio-centered perspective.
    • Les mondes poétiques et anthropologiques d'un évadé. Notes en mémoire d'Émile Désiré Ologoudou (1935-2019) - Gaetano Ciarcia p. 859-873 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte est à la fois un hommage au sociologue et poète béninois Émile Désiré Ologoudou, décédé en 2019, et une réflexion sur une foisonnante figure d'intellectuel. À travers ses productions scientifique et littéraire, ses engagements politiques, ses voyages, ses échanges avec d'autres chercheurs et son implication dans l'institution culturelle contemporaine des cultes vodun, la biographie d'Émile Ologoudou s'est déployée à la croisée de formations identitaires contrastées.
      This text is both a tribute to the Beninese sociologist and poet Émile Désiré Ologoudou, who died in 2019, and a reflection on a prolific intellectual figure. Through his scientific and literary productions, his political commitments, his travels, his exchanges with other researchers, and his involvement in the contemporary cultural institution of the Vodun cults, Émile Ologoudou's biography unfolded at the crossroads of contrasting identity formations.
  • Chronique bibliographique

    • "What Is Africa to Me?" or Maryse Condé's Love-Hate Relationship with “Ancestral Lands” Struggling with Budding Independence - Augustine H. Asaah p. 875-899 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans La vie sans fards (traduit en anglais sous le titre What Is Africa to Me?), Maryse Condé revient sur son séjour anxiogène de dix ans en Afrique occidentale sur fond de rapport amour/haine avec l'Afrique, d'échecs de l'État-nation africain et de désenchantement vis-à-vis du rêve panafricaniste. Le présent article examine les tribulations de la protagoniste et l'appropriation patriarcale de son corps en y appliquant le concept d'altérisation sous des perspectives postcoloniale et féministe. Il montre que Condé et ses communautés d'accueil se livrent à une exclusion réciproque qui aboutit à son exploitation sexuelle par des représentants de la nouvelle élite ouest-africaine, de gauche comme de droite. L'article conclut que sa relation ambiguë jamais résolue avec l'Afrique confirme son attachement pour le continent.
      In What Is Africa to Me?, Maryse Condé reflects on her troubled ten-year sojourn in West Africa against the backdrop of a love-hate relationship with Africa, the failures of the African nation-state, and disillusionment with the Pan-Africanist ideal. The paper examines the protagonist's tribulations and the patriarchal colonization of her body by applying the conceptual tool of Othering from both postcolonial and feminist perspectives. It establishes that Condé and her host communities engage in reciprocal exclusion, which culminates in her sexual objectification at the hands of the new West African elite of both leftist and rightist persuasions. The paper concludes that her unresolved ambivalent relationship with Africa confirms her attachment to the continent.
    • Des leçons africaines à géométrie variable - Jean Copans p. 901-914 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'écrivain A. Mabanckou a publié ses conférences données au Collège de France en 2016 sous le titre Huit Leçons sur l'Afrique (2019). Ses relectures sont superficielles et insuffisamment continentales, même s'il aborde les questions de l'écriture dans les langues vernaculaires ou de la prise en compte de l'actualité (comme le génocide du Rwanda) dans les romans. Malheureusement, on retrouve dans cet ouvrage l'esprit de dénigrement des études africaines françaises, déjà bien développé dans les actes du colloque tenu à la suite de ces leçons. On retrouve ce même genre de traitement dans le Dictionnaire enjoué des cultures africaines (2019), rédigé conjointement par A. Mabanckou et l'écrivain djiboutien, Abdourahman Waberi, dont le choix des entrées est à la fois partiel et partial. Cet état d'esprit se retrouve paradoxalement dans la publication des journaux La Vie-Le Monde, L'Atlas des Afriques (Cabé & Baumard 2020) et le dossier de la revue Esprit « Depuis l'Afrique » (Bidima & Garapon 2020). Certes, l'histoire précoloniale et coloniale professionnelle prend le pas sur l'approche plus journalistique du présent dans l'Atlas et la qualité des réflexions des philosophes africains J. G. Bidima et S. B. Diagne présentes dans Esprit est remarquable. Mais réduire de fait le continent africain à ses portions plutôt francophones reste toujours très discutable aujourd'hui.
      The writer A. Mabanckou published his lectures given at the Collège de France in 2016 under the title Huit Leçons sur l'Afrique (Eight Lectures on Africa) (2019). These lectures are superficial. They do not cover the whole continent, although Mabanckou deals with the nature of vernacular literature and the place of contemporary events like the Rwandese genocide in novels. Unfortunately, the author shows his contempt for French African studies, as commented in the volume editing the seminar that followed his lectures. This same kind of spirit can be found in the Dictionnaire enjoué des cultures africaines (2019) that he wrote in collaboration with the Djiboutian author, Abdourahman Waberi. The headwords are partial and biased. This view of things can also be found, paradoxically, in the issues of the newspapers La Vie-Le Monde, L'Atlas des Afriques (Cabé & Baumard 2000) and the dossier of the journal Esprit, « Depuis l'Afrique » (Bidima & Garapon 2020). The historical section dealing with the precolonial and colonial periods of the Atlas is very professional but the more contemporary sections are pretty journalistic. The African philosophers, J. G. Bidima and S. B. Diagne, published in the Esprit issue, must be read absolutely. However, these publications still emphasize the Francophone part of the African continent, which is very debatable today.
  • Analyses et comptes rendus