Contenu du sommaire : Écologies politiques depuis les Outre-mer

Revue Ecologie & politique Mir@bel
Numéro no 63, 2021/2
Titre du numéro Écologies politiques depuis les Outre-mer
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  • Pour une social-écologie ! - Jean-Paul Deléage p. 5-8 accès réservé
  • Dossier. Écologies politiques depuis les Outre-mer

    • Penser l'écologie politique depuis les Outre-mer français - Malcom Ferdinand, Mélissa Manglou p. 11-26 accès réservé
    • Incinérer ou rompre le charme ? : La Réunion face à ses déchets - Mélissa Manglou p. 27-41 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors qu'il devient très compliqué de faire accepter la construction d'incinérateurs en France hexagonale, deux projets dits d'unité de valorisation énergétique (UVE) sont en train de voir le jour à l'île de La Réunion. Ces projets ont été prévus et repoussés depuis bientôt trente ans, pourtant l'un d'entre eux est sorti de terre presque sans bruit en 2020, tandis que l'autre devrait être livré en 2022, bien qu'il cause un peu plus de vagues. Comment expliquer ce passage à l'incinération sur l'île ? Cet article analyse d'abord la manière dont se pose le problème des déchets à La Réunion, avant de chercher à comprendre comment l'incinération a pu s'imposer comme solution de gestion sur l'île. Quelle fonction remplit l'incinération dans le système plus large des circulations de matières ? Quels sont les enjeux d'une mise en politique plus radicale de la question des déchets sur l'île ?
      Incinerators have grown decidedly unpopular in mainland France, so much so that such projects often meet significant resistance from the general public. Yet two “energy recovery units” are currently taking shape in Reunion Island, a French oversea territory. These projects have been on the backburner for thirty years and are now coming to fruition: one of them was built in 2020 with little to no resistance, while the other should be built by 2022, although it is more unpopular. What prompted the shift towards waste incineration? This article first analyzes how waste issues are framed in Reunion before questioning how incineration came to gain a foothold in the island. What functions does waste incineration perform in the wider scope of the flows of matter that feed the island? Rising to the call to “make waste public,” I argue for a more radical approach to waste management.
    • Du béton sous les tropiques : Les politiques de logement dans les départements et régions d'Outre-mer - Clémence Léobal p. 43-56 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), des politiques françaises du logement sont appliquées. Dans chaque territoire, des modes d'habiter et des architectures locales adaptées à leur environnement spécifique sont pratiqués au quotidien. Comme partout dans le monde, l'impact de la modernisation architecturale, du fonctionnalisme et du tout-béton sur les modes de vie est considérable. Nous voyons dans une première partie que les politiques urbaines françaises dans les DROM imposent un modèle de logement polluant et qui contraint les modes de vie des locataires. En second lieu, ce modèle s'oppose aux maisons construites par les réseaux locaux de constructeurs, avec des matériaux locaux tels que le bois et la tôle. Enfin, nous nous penchons sur des politiques différentes de logement dit « adapté » qui avaient été menées dans les années 1970 et 1980 et qui ont été abandonnées.
      In the French Overseas Territories, French housing policies are applied. In each territory, modes of dwelling and local architectures adapted to their specific environment are used in everyday life. Like everywhere in the world, the impact of architectural modernization, functionalism and all-concrete on the ways of life is considerable. First, we see that French urban policies in the French Overseas Territories impose a polluting housing model that constrains the ways of life of the tenants. Second, we show that this model opposes the houses built by the local network of builders with local materials like wood and sheet metal. Third, we consider the “adapted” housing policies established in the 1970s and 1980s and then abandonned.
    • Souveraineté(s) kanake(s) au pays du nickel (Nouvelle-Calédonie) : Deux écologies politiques à l'examen - Christine Demmer p. 57-73 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le principal combat mené par les Kanaks en Nouvelle-Calédonie depuis la seconde moitié des années 1970 est celui de l'émancipation de la tutelle française pour fonder une nation indépendante, avec une population non kanake dont la délimitation des contours a fait l'objet d'âpres négociations dans les différents accords politiques qui émaillent la décolonisation accompagnée du pays. À partir des années 1980, les indépendantistes ont milité également pour le contrôle de la ressource nickel, via un actionnariat semi-public d'entreprise, afin que l'exploitation minière profite au territoire et rompe avec la logique d'économie assistée qui le caractérise. Mais à l'occasion de l'implantation d'une transnationale « hors sol » au sud, une mobilisation de type autochtoniste a attiré l'attention en déployant une critique écologiste de l'activité minière tout en réclamant un droit de regard sur son exploitation, au niveau local comme pour le groupe kanak. Cet article interroge le sens de ce combat. Refusant l'interprétation essentialiste d'une symbiose des peuples autochtones avec la nature, forcément en lutte contre l'extractivisme (que dément le nationalisme kanak), il considère plutôt l'argument sous l'angle d'une quête de représentation politique de l'ethnie. Il se penche alors sur les conditions politiques de l'actualisation des clivages ethniques sous cette forme, pour mieux souligner que la défense de l'environnement est avant tout, pour tous les Kanaks, une affaire locale.
      The main struggle waged by the Kanaks in New Caledonia since the second half of the 1970s has been that of emancipation from French tutelage to found an independent nation, with a non-Kanak population whose boundaries have been the subject of bitter negotiations in the various political agreements that have punctuated the decolonization of the country. From the 1980s onwards, the pro-independence movement also campaigned for control of the nickel resource, via a semi-public shareholding in companies, so that mining would benefit the territory and break with the logic of the assisted economy that characterizes it. However, when a transnational company was set up in the south, an indigenous mobilization drew attention to the fact that it was deploying an environmentalist critique of mining activity while demanding a right to control its exploitation, both at the local level and for the Kanak group. This article questions the meaning of this struggle. Refusing the essentialist interpretation of a symbiosis of indigenous peoples with nature, necessarily in struggle against extractivism (which Kanak nationalism denies), it rather considers the argument from the angle of a quest for political representation of the ethnic group. It then examines the political conditions of the actualization of ethnic cleavages in this form, in order to better underline that the defense of the environment is above all, for all Kanaks, a local matter.
    • Défendre un socle de valeurs en Guyane - Christophe Yanuwana Pierre p. 75-80 accès réservé
    • Des pesticides dans les Outre-mer français : État des lieux et perspectives - Malcom Ferdinand, Erwan Molinié p. 81-94 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Qu'il s'agisse de la pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, des usages toujours existants de pesticides interdits en Polynésie ou encore des nombreux suicides liés au paraquat en Guyane, la question de l'usage des pesticides dans les Outre-mer constitue un enjeu socio-environnemental de premier plan. Pourtant, à l'heure actuelle, peu d'études se sont penchées sur ces problématiques dans les nombreux territoires d'outre-mer. Outre la Martinique et la Guadeloupe où le scandale du chlordécone a engendré une production importante de données, il n'existe finalement que très peu d'informations sur l'usage des pesticides dans les autres territoires ultramarins. Dans cet article nous proposons donc de réaliser un premier état des lieux autour de la question à travers une revue de la littérature existante. Nous pointons à la fois le manque de connaissances sur le sujet et les différentes inégalités persistantes selon les territoires étudiés (DROM/COM, Nouvelle-Calédonie). Le travail que nous présentons ici se conçoit comme le premier jalon d'une recherche en cours dont l'ambition sera de proposer à terme un état des lieux plus conséquent et plus exhaustif.
      Whether it is about the chlordecone pollution in Martinique and Guadeloupe, the continuing use of banned pesticides in Polynesia or the many suicides linked to paraquat in Guyana, pesticides in the French overseas territories have become a significant socio-environmental issue. However, to date, few studies have looked at these issues in the many overseas territories. Besides Martinique and Guadeloupe, where the chlordecone scandal has generated significant data production, there is ultimately very little information on the use of pesticides in the other overseas territories. In this paper we therefore propose to carry out a first inventory around the question and offer a review of the existing literature. We point to both the lack of existing knowledge on the subject and the various persistent inequalities according to the territories studied (DROM/COM, New Caledonia). The work that we present here is conceived as a first step of an ongoing research whose ambition is, eventually, to offer a more comprehensive inventory.
    • Les enjeux de la recherche sur la biodiversité dans les Caraïbes - Franck Cézilly, Tristan Lefort-Martine p. 95-105 accès réservé
    • Les lanceurs de SOS : entre mobilisations profanes et expertes pour la reconnaissance du problème des échouements de sargasses en Martinique - Florence Menez p. 107-119 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis 2011, les Antilles françaises, à l'instar de toute la Grande Caraïbe, subissent des afflux massifs d'algues sargasses. En se décomposant sur les rivages, ces algues provoquent la dégradation de l'habitabilité du littoral, la destruction du matériel, ainsi que des intoxications à l'hydrogène sulfuré et à l'ammoniaque. Des mobilisations citoyennes émergent et s'allient avec des experts médicaux, des associations officielles et des journalistes, afin d'alerter sur le problème de santé publique et sur l'absence de mise en sécurité des populations du littoral atlantique martiniquais. Cet article, issu de deux recherches ethnographiques en Martinique depuis 2018, résume la chronologie des réponses politiques aux problèmes sanitaires posés par les échouements de sargasses à différentes échelles de gouvernance et propose de montrer comment le processus d'alerte se construit en parallèle, à travers la suspicion d'une anormalité, la sensation d'une non-reconnaissance, le travail d'enquête et l'insertion dans un tissu de relations plurielles.
      Since 2011, the French West Indies, like the whole of the Greater Caribbean, have been suffering from massive influxes of sargassum seaweed. As it decomposes on the shores, it causes a deterioration in the habitability of the coastline, the destruction of equipment, and even chronic hydrogen sulphide and ammonia poisoning. Citizen mobilizations are emerging and joining forces with medical experts, official associations and journalists to alert to the public health problem and the lack of safety for the populations of Martinique's Atlantic coastline. This article, based on two ethnographic studies in Martinique since 2018, summarizes the chronology of political responses to the health problems posed by sargassum strandings at different levels of governance, and proposes to show how the alert process is constructed simultaneously, through the suspicion of an abnormality, the sensation of non-recognition, the work of investigation and the insertion into a web of plural relationships.
    • Les défis territoriaux et spatiaux des changements climatiques pour les territoires du Pacifique - Hervé Raimana Lallemant-Moe p. 121-135 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les territoires de l'océan Pacifique sont à visages multiples : États souverains, pays et États associés ou collectivités non souveraines. Pour autant et malgré ces différences institutionnelles, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna partagent un destin environnemental commun avec l'ensemble des autres territoires du fait des changements climatiques. Si les conséquences environnementales sont bien connues, il ne faut pas pour autant oublier les conséquences juridiques de ces bouleversements globaux qui pourraient porter atteinte aux territoires et aux espaces de ces États et collectivités et a fortiori provoquer leurs disparitions.
      The Pacific Ocean territories have many faces: sovereign states, associated states/countries or non-sovereign territories. For all that and despite these institutional differences, French Polynesia, New Caledonia and Wallis and Futuna possess a common environmental destiny with all the other territories because of climate change. While the environmental consequences are well known, we must not forget the legal consequences of this global crisis, which could harm these states and communities territories and eventually cause their disappearance.
    • Essais nucléaires, justice et souveraineté en Polynésie - Oscar Temaru, Moetai Brotherson, Malcom Ferdinand p. 137-148 accès réservé
  • Variations

    • Mettre à l'épreuve la trajectoire institutionnelle de l'hydrogène : Retour sur l'organisation d'un living lab et les projets de quelques bricoleurs - Rudy Amand p. 151-168 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En prenant pour point de départ la mise en œuvre du plan Normandie Hydrogène, cet article revient sur les modalités de participation des citoyens à la définition de la trajectoire de transition énergétique rendue nécessaire par le changement climatique. Il s'agit ensuite de s'intéresser à une initiative originale visant à élargir le pouvoir d'expérimentation des publics : la mise en œuvre d'un living lab consacré à la place de l'hydrogène dans la transition. Habituellement réservée à l'innovation, cette méthodologie a été appliquée dans une perspective plus large de démocratie participative. Fortement investi par le secteur privé et le secteur public, le living lab a été en partie instrumentalisé dans une perspective d'acceptation sociale par les experts invités et s'est transformé en sphère de diffusion des initiatives institutionnelles. Les prototypes élaborés par les participants dans cet environnement ont finalement escamoté la dimension politique de la transition quand ceux des bricoleurs de l'hydrogène semblent davantage en mesure de la faire émerger.
      Taking as a starting point the implementation of the Normandy Hydrogen Plan, this article reviews the modalities of citizen participation in the definition of the energy transition trajectory made necessary by climate change. It then focuses on an original initiative aimed at broadening the public's power of experimentation: the implementation of a living lab dedicated to the place of hydrogen in the transition. Usually reserved for innovation, this methodology was applied in a broader perspective of participatory democracy. Heavily invested by the private and public sectors, the living lab was partly instrumentalized in a perspective of social acceptance by the invited experts and was transformed into a sphere of diffusion of institutional initiatives. The prototypes elaborated by the participants in this environment have finally sidestepped the political dimension of the transition when those of the hydrogen tinkerers seem to be more capable of bringing it out.
  • Sources et fondements

    • L'utopie écologique ? Réflexions croisées sur Theodor W. Adorno, Ernst Bloch et Hans Jonas - Jean-Baptiste Vuillerod p. 171-189 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article revient sur la critique que Hans Jonas, dans Le principe responsabilité, avait faite de la philosophie utopique d'Ernst Bloch, et propose une troisième voie par rapport à cette polémique grâce à la pensée de Theodor W. Adorno. La discussion entre Adorno et Bloch au sujet de l'utopie négative du premier et de l'utopie positive du second permet de construire un cadre d'interprétation pertinent pour les perspectives utopiques des mouvements écologiques contemporains. L'impossibilité de préfigurer la société parfaite à venir et la nécessité de croire dans les tentatives fragiles du présent deviennent complémentaires dans la commune exigence de rompre avec la domination de la nature qui caractérise nos sociétés et notre histoire.
      This article aims to discuss Hans Jonas' critique of Ernst Bloch's utopian thought in The Imperative of Responsibility, and it tries to propose an alternative path with Theodor W. Adorno. The tension between Adorno's negative utopia and Bloch's positive utopia leads to an original scheme to interpret the utopian perspectives of the ecological movements and issues today. The impossibility of foreseeing any perfect society in the future and the necessity to believe in the present fragile attempts become two faces of a common goal: the requirement to break with the domination on nature that characterizes our societies and our history.
  • Notes de lecture