Contenu du sommaire : Les politiques migratoires de l'UE dans la tourmente

Revue Migrations société Mir@bel
Numéro vol 33, no 186, octobre-décembre 2021
Titre du numéro Les politiques migratoires de l'UE dans la tourmente
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial

  • Dossier. Les politiques migratoires de l'UE dans la tourmente

    • Les politiques migratoires européennes : à la recherche d'un impossible compromis ? - Nora El Qadim p. 11-27 accès réservé avec résumé
      Les migrations sont fréquemment présentées dans l'actualité comme un « problème », avec des « crises migratoires » à répétition. Chaque réforme des politiques migratoires européennes cherche à les résoudre, et l'Union européenne (UE) est régulièrement blâmée de toutes parts, qualifiée soit d'« Europe passoire », soit d'« Europe forteresse ». L'introduction de ce dossier thématique analyse les impasses des politiques migratoires européennes en mettant en perspective la proposition d'un Nouveau pacte sur la migration et l'asile (NPMA) avec les évolutions préalables de ces politiques, qui se sont développées à différents degrés et dans différents secteurs depuis les années 1990. Elle montre donc que ces impasses ne peuvent se comprendre qu'à l'aune des tensions intra-européennes, des relations européennes avec les pays tiers et des tendances de fond des politiques migratoires nationales et européennes. Pour ce faire, elle revient sur trois aspects essentiels des politiques migratoires européennes : leur multiplicité ; la centralité et les usages de la notion de « crise » dans les débats sur les migrations ; enfin, les ambiguïtés de politiques résultant de compromis entre des États membres de l'Union européenne aux approches divergentes, qui tend à construire un environnement de plus en plus hostile à l'immigration de populations considérées comme indésirables.
    • Des visas Schengen à la carte ? : Les inégalités au sein du régime européen des visas de court séjour - Juliette Dupont p. 29-42 accès réservé avec résumé
      Cet article porte sur la politique européenne des visas de court séjour, communément appelés visas Schengen. Obligatoires pour les ressortissants d'une centaine de pays figurant sur une liste dite négative, ces visas donnent accès aux territoires des États membres de l'espace Schengen. Cet article explore l'hypothèse d'un accès à la mobilité modulé en fonction des nationalités soumises à l'obligation de visa de court séjour. Ce travail porte ainsi sur les inégalités entre les pays figurant pourtant sur la même liste négative, commune à tous les États de l'espace Schengen. Pour interroger le visa Schengen comme vecteur d'une mobilité différenciée, cet article procède tout d'abord à une revue de la littérature sur la fabrique de cette politique commune. Elle se caractérise par une résistance des États membres à la communautarisation du contrôle des frontières extérieures, et par une hiérarchisation des nationalités soumises à l'obligation de visa selon leur (in)désirabilité. L'article explore ensuite comment cette mobilité à la carte se décline à travers trois dispositifs internes à la politique des visas Schengen : l'obligation de visa de transit aéroportuaire, la procédure de consultation préalable et le mécanisme de sanction/facilitation des visas. La mise en perspective de ces différents dispositifs met en évidence les arbitrages politiques qui sous-tendent la liste négative, et la distribution aléatoire de l'accès à l'espace Schengen qui en résulte.
    • De l'autre côté du miroir : comprendre l'informel dans la politique migratoire européenne - Jean-Pierre Cassarino p. 43-56 accès réservé avec résumé
      De nombreuses études relevant du droit international public et de la science politique, ont dénoncé la tendance, désormais manifeste, de la Commission européenne à flexibiliser ses modes opératoires en matière de réadmission, à savoir l'expulsion des migrants en situation irrégulière et des déboutés du droit d'asile. Souvent, les échelles d'analyse intergouvernementale et supranationale ont été superposées pour tenter d'appréhender ces nouveaux modes opératoires au niveau européen, comme si ces deux échelles d'analyse relevaient d'un même processus lié, entre autres, au besoin de répondre à des incertitudes dans le cadre de la dimension externe de la politique migratoire européenne et, partant, au besoin de flexibiliser la coopération avec les pays tiers. Or, cet article démontre que la flexibilisation des modes opératoires à l'échelle européenne, consacrée dans le Nouveau pacte sur la migration et l'asile, répond à des enjeux principalement liés à la dimension interne de la politique migratoire européenne, c'est-à-dire qu'elle est liée aux tensions persistantes entre intergouvernementalisme et supranationalisme. Pour le démontrer, il est nécessaire de passer de l'autre côté du miroir d'une politique commune en matière de migration et d'asile, qui n'a de commun que le nom.
    • La politique migratoire du groupe de Visegrád : une anomalie morale au sein de l'Union européenne ? - Céline Cantat p. 57-74 accès réservé avec résumé
      Dans cet article, en nous appuyant sur le cas de la Hongrie, nous proposons de dépasser la lecture morale de la politique migratoire des pays du groupe de Visegrád et d'en analyser les fondements politiques et économiques. En revenant sur le processus d'intégration de ces pays au sein de l'Union européenne, nous montrons en quoi le positionnement anti-immigration du groupe de Visegrád est le produit de la transition de ces pays vers l'économie de marché et de leur entrée dans l'Union européenne. Nous proposons en outre d'analyser ensemble les mesures visant les migrants et celles prenant pour cibles d'autres catégories de populations, afin de souligner qu'elles relèvent d'une même économie morale capitaliste.
    • Gouverner par l'échec : la relocalisation des réfugiés dans l'Union européenne - Léa Lemaire p. 75-93 accès réservé avec résumé
      Cet article s'intéresse à la relocalisation, un dispositif visant à déplacer des réfugiés d'un État membre de l'Union européenne (UE) à un autre. En 2015, après d'âpres discussions, un plan de relocalisation a été adopté par le Conseil de l'Union européenne. Son objectif était de transférer 120 000 réfugiés de Grèce et d'Italie dans d'autres États membres. En 2020, la relocalisation apparaît comme une des mesures clés du Nouveau pacte sur la migration et l'asile (NPMA) présenté par la Commission européenne, même si elle demeure extrêmement controversée. Les rares études sur la question ont appréhendé ce dispositif comme le symbole de l'incapacité de l'UE à faire face à ce que l'on nomme de façon erronée « crise migratoire », le nombre de personnes relocalisées étant en pratique extrêmement limité. Ces analyses, qui s'inscrivent dans une perspective normative, n'ont toutefois pas permis de comprendre comment la relocalisation fonctionnait empiriquement. Cet article propose de combler ce manque à travers l'étude de trois projets pilotes de relocalisation qui ont eu lieu à Malte entre 2009 et 2011. Plus largement, l'objectif est d'explorer comment la relocalisation contribue à gouverner les migrations dans l'UE. Le volet empirique de cet article repose sur une enquête multi-située à Malte et à Bruxelles. Le travail de terrain a révélé que la relocalisation, qui s'appuie sur un processus de sélection, a placé en situation d'échec la majorité des personnes qui pouvaient en bénéficier. Notre argumentaire repose sur l'idée que l'échec de la relocalisation n'est pas un accident, mais plutôt un élément fondamental de ce dispositif. En tant que telle, la relocalisation a été mise en oeuvre pour gouverner des populations migrantes en produisant une minorité de sujets qui « réussissent » à être relocalisés et une majorité qui échoue à l'être.
    • Bannir sans éloigner. Gouverner les « dublinés » en France après 2015 - Tom Montel p. 95-110 accès réservé avec résumé
      Aujourd'hui, l'échec du règlement de Dublin, pilier central du Régime d'asile européen commun (RAEC), semble ne plus faire de doute. En effet, ce texte normatif de l'Union européenne visant à déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, sème la discorde entre les différents États membres. Parmi les griefs, l'incapacité à juguler le phénomène dit des « mouvements secondaires » vers un autre État que celui responsable du traitement de la demande d'asile. Cet article vise à appréhender les fonctions cachées que peut revêtir ce régime gouvernant les mobilités indésirables en Europe, par-delà son échec apparent. À cette fin, il propose une analyse nourrie de plusieurs années d'enquête de terrain portant sur la manière dont les autorités françaises ont appliqué ce règlement depuis 2015 par le « placement en fuite » des « dublinés », pratique administrative assimilable à un bannissement. Ceci permettra d'abord d'éclairer les logiques à l'oeuvre dans la gestion des « flux » en Île-de-France et dans le Calaisis. Cela illustrera surtout comment, malgré de faibles taux de transfert des dublinés vers le pays responsable de l'examen de leur demande de protection internationale, les autorités françaises ont su tirer profit du régime de Dublin afin d'établir de nouvelles formes d'exclusion administrative moins coûteuses et plus dissuasives. Enfin, cela permettra de mieux saisir les fauxsemblants de l'« abolition » du règlement de Dublin que constituerait le Nouveau pacte européen sur la migration et l'asile (NPMA).
    • Bibliographie sélective - p. 111-115 accès libre
  • Varia

    • « Baba Libye », les migrants nigériens de retour de Libye à Niamey : "Retour contraint et transferts sociaux" - Oriol Puig Cepero p. 117-134 accès réservé avec résumé
      Après l'arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi en 1969, la Libye est devenue un eldorado pour des centaines de milliers de migrants originaires d'Afrique subsaharienne, attirés par les perspectives d'emploi et par la rhétorique panafricaine du leader libyen. Se sont alors mises en place des mobilités circulaires intraafricaines qui, au fil des décennies, ont contribué à forger une représentation idéalisée de la Libye que ces migrants perçoivent comme « semblable à l'Europe », tel que le résume l'expression haoussa Libya Kaman Turaï. Toutefois, en 2011, dans le sillage des Printemps arabes, un conflit éclate dans le pays, entraînant le retour forcé de quelque 300 000 citoyens nigériens, principalement des hommes âgés de 20 à 35 ans, persécutés et accusés de complicité avec le régime de Mouammar Kadhafi1. Au Niger, ces retours non planifiés provoquent des tensions entre ces personnes, revenues bredouilles de leur aventure migratoire, et leurs communauté et famille. À travers une ethnographie dans les fadas, qui constituent les principaux espaces de sociabilité masculine au Niger, cet article aborde la reconfiguration du rôle social des migrants de retour dans le tissu urbain de Niamey, la capitale du pays.
  • Notes de lecture

  • Nouveautés documentaires du CIEMI