Contenu du sommaire : Utopies. Troubles dans le présent
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 108, hiver 2021 |
Titre du numéro | Utopies. Troubles dans le présent |
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Utopies. Troubles dans le présent
- Éditorial : On est plus tard ou le moment réaliste de l'utopie - Vincent Bourdeau, Simon Cottin-Marx, Anahita Grisoni, Noé le Blanc, Samira Ouardi, Lise Segas p. 7-11
- « Il n'y a rien de plus réel que l'imaginaire » - Pierre-François Moreau, Vincent Bourdeau, Noé le Blanc p. 14-28 La revue Mouvements a voulu dans un dossier consacré à l'utopie revenir sur la genèse du terme et son usage, son ancrage dans l'invention d'un genre (au début du XVIe siècle) qui n'a cessé ensuite d'évoluer, au point que l'on ne sache plus très bien aujourd'hui comment le saisir conceptuellement. Nous avons voulu revenir sur un ouvrage qui a, il y a une quarantaine d'années, fait preuve d'un effort remarquable de clarification : Le récit utopique. Droit naturel et roman de l'État, que l'on doit au philosophe Pierre-François Moreau et qui a paru en 1982 (Presses universitaires de France). Plusieurs pistes dans cet ouvrage, autour de cet ouvrage et à partir de lui, nous ont paru intéressantes, pistes où se mêlent l'histoire d'une enquête sur l'utopie, le statut de l'enquêteur (Pierre-François Moreau lui-même) et la compréhension du concept. En retraçant la genèse de cette réflexion, en restituant les grandes lignes de ses conclusions, cet entretien nous permet d'aborder avec un regard neuf parce qu'informé l'actualité de l'utopie : actualité du genre, du concept, mais aussi peut-être des usages hors genre, hors concept, dans le champ de la politique militante qui cultive ses propres références intellectuelles.
- Utopier le présent : le rêve historique des utopies - Laëtitia Riss p. 29-38 Aujourd'hui encore, on conçoit le plus souvent les utopies comme des préfigurations plus ou moins fantasques d'un avenir intégralement débarrassé des maux qui frappent le monde social actuel. Pourtant, comme l'explique Laëtitia Riss dans le texte qui suit, cette compréhension de la fonction de l'utopie est en réalité à la fois le résultat d'une requalification conceptuelle historiquement datée et un travestissement de son authentique valeur transformatrice et progressiste.
- « Il faut cultiver notre jardin » : 2012-2021, un moment voltairien de l'utopie ? - Vincent Bourdeau p. 39-51 L'utopie aujourd'hui semble trouver un terrain d'expression dans des expériences localisées, notamment dans les luttes contre les projets destructeurs de l'environnement et des espaces – relativement – préservés des activités humaines les plus agressives pour la nature. Ces expériences nourrissent des formes de restitution littéraire que cet article se propose de rapprocher du genre utopique. Ce que l'utopie fait à la littérature nous dit peut-être aussi quelque chose du devenir de l'utopie au XXIe siècle, entre tentation du repli et réveil du présent.
- L'utopie dans les limites de la simple raison : lectures de Bronisław Baczko et Paul Ricœur - Tristan Bonnier p. 52-66 L'utopie a souvent fait l'objet de stigmatisations : projet de rêveur·euse, fuite vers l'ailleurs, excès d'organisation versant dans le totalitarisme… Mais elle a parfois aussi donné lieu à des réhabilitations ambiguës. Ce sont à ces dernières que s'attache cet article, scrutant ce moment où l'éloge de l'utopie devient synonyme d'une réduction de l'utopie à un rôle mineur dans la transformation des sociétés du fait que ses seules qualités seraient d'imagination. Cette manière raisonnable, et raisonneuse parfois, de limiter l'expression possible de l'utopie se lit chez deux penseurs du XXe siècle, l'un historien, l'autre philosophe : Bronisław Baczko et Paul Ricœur.
- "Les Dépossédés" (1974) - Corinne Morel Darleux p. 68-71 Ursula Kroeber Le Guin (1929-2018) a écrit de nombreux ouvrages salués par ses pairs, par la critique (Prix Hugo, Nebula, etc.) et par le public. Malgré la puissance de son œuvre et ses qualités littéraires, l'audience de ses livres a connu une éclipse. Ceux-ci sont aujourd'hui redécouverts et plébiscités autant par la communauté des lecteurs·trices et des auteur·trices de science-fiction que par les militant·es. Les textes d'Ursula K. Le Guin, notamment les plus connus comme Les Dépossédés (Robert Laffont, 1975) et La Main gauche de la nuit (Robert Laffont, 1971), offrent à celles et ceux qui s'y plongent des univers oniriques mais profondément politiques. Le Guin y explore différents thèmes en –isme : l'anarchisme et le communisme, l'écologisme et le féminisme, ou encore le colonialisme. Dans ce mini-dossier consacré à quelques livres de cette anthropologue, créatrice de mondes et d'utopies, Mouvements a demandé à plusieurs autrices et auteurs de SF de présenter leur regard sur un livre d'Ursula K. Le Guin.
- Ceux qui partent d'Omelas" : lecture utopique de l'œuvre d'Ursula K. Le Guin - Stuart Pluen Calvo p. 72-76
- L'horreur, l'horreur ! : Lecture du livre d'Ursula K. Le Guin, "Le Nom du monde est forêt" - Léo Henry p. 77-79
- Sortir de l'enfer unidimensionnel ? L'utopie « réelle » de Monique Wittig - Aurore Turbiau p. 80-93 Monique Wittig comme Herbert Marcuse se définissaient tou·tes les deux comme des penseur·euses « matérialistes ». Mais qu'est-ce qu'une pensée matérialiste ? A minima sans doute, une appréhension du monde social en rupture avec des perspectives herméneutiques dont l'hégémonie inaperçue condamne à l'inertie spirituelle et politique sans cet effort de résistance intellectuelle. C'est précisément cet effort de rupture en termes d'écriture comme d'intuitions théoriques commun à la fois à Wittig et à Marcuse que révèle la mise en regard éclairante de leurs œuvres proposée ici par Aurore Turbiau.
- Dans les paradoxes des utopies de science-fiction - Philippe Curval, Ariel Kyrou p. 94-102 Dans Le Paquebot immobile, sorti fin 2020, Philippe Curval imagine une utopie anarchiste sur une île artificielle fabriquée à partir de déchets plastiques. Auteur d'une quarantaine de romans depuis Les Fleurs de Vénus, publié en 1960, jusqu'à Idem's, paru chez La Volte le 14 octobre 2021, ce grand romancier nous parle de sa vision de l'utopie, mais aussi des utopies que l'on trouve dans la littérature de science-fiction, de H. G. Wells à Ursula K. Le Guin.
- Le théâtre lesbien en espagnol : entre contre-espace et utopie - Gabriela Cordone, Marie Rosier p. 104-114 Les lesbiennes et le lesbianisme sont particulièrement invisibilisés dans la société actuelle. Le théâtre est l'un des espaces sociaux où se joue la lutte contre cette invisibilisation aux conséquences souvent lourdes pour les personnes concernées. Le théâtre lesbien constitue ainsi un outil privilégié pour explorer et mettre en lumière la diversité des expériences de la lesbianité.
- Spécisme : abolir ne suffira pas - Axelle Playoust-Braure p. 115-129 L'une des prémisses de l'ouvrage de théorie politique Zoopolis (2011) est que l'utopie animaliste ne se réduit pas à l'abolition de l'exploitation animale. En effet, prendre en considération les intérêts des animaux non humains requiert un pas de plus : la reconnaissance de leur agentivité, désirs et volontés, et l'intégration de ce qu'ils ont à nous dire dans l'organisation sociale. Dans ce texte, Axelle Playoust-Braure dévoile quelques-unes des multiples façons dont une telle société interespèce pourrait être structurée.
- Utopies techniques des réseaux énergétiques. Pour d'autres imaginaires d'interconnexion - Fanny Lopez, Noé le Blanc p. 130-144
- « Seul le présent est effectif ». Gustav Landauer, la révolution et le parti pris des utopies - Anatole Lucet p. 145-154 Militant anarchiste qui a marqué son époque, Gustav Landauer propose une conception particulière de l'utopie en conformité avec l'importance qu'il accorde à la lutte sociale vivante. Loin de toute communauté idyllique à trouver dans un ailleurs ou dans un futur improbable, l'utopie se comprend tout entière dans l'effort pour mettre en question les topies existantes, c'est-à-dire les rapports de pouvoir établis.
- Élisée Reclus sans l'utopie - Philippe Pelletier p. 155-164 D'Élisée Reclus on connaît le militantisme anarchiste, les engagements féministes, les écrits politiques, le travail scientifique du géographe. On oublie qu'une partie de son combat a consisté à contester les idées reçues véhiculées autour de l'anarchisme, idées souvent exprimées sous la forme de critiques qui voyaient (et voient encore) dans ce courant éthique et politique la traduction d'une envie de scission, le désir d'échapper à la réalité par le refuge dans de petites communautés autogérées. Resituant les engagements de Reclus dans le contexte des discussions au sein de la gauche à la fin du XIXe siècle sur les formes à donner à l'émancipation, cet article explique pourquoi Reclus s'est toujours tenu à bonne distance de la tentation utopique.
Itinéraire
- Expérimenter l'utopie – retour sur 20 ans d'explorations activistes - Isabelle Frémeaux, John Jordan, Samira Ouardi p. 166-175 Artistes, activistes et pratiquant·es d'une forme de recherche-action tendue vers un processus révolutionnaire, John Jordan et Isabelle Frémeaux ont mis la question des utopies au cœur de leur itinéraire militant. Au début des années 2000, iels fondent le « laboratoire d'imagination insurrectionnelle » (Labofii), collectif de recherche et de création artiviste destiné à créer des formes de lutte anticapitalistes efficaces et à « rendre la révolution désirable ». Avec le labofii, iels vont participer à de nombreux combats de justice climatique avant d'entamer à la fin des années 2000 un périple européen à la rencontre d'expériences de vie post-capitalistes. De cette exploration émerge l'ouvrage-film Les Sentiers de l'Utopie, récit de voyage et documentaire fictionnel qui va nourrir encore leur désir de « changer le monde, ici, maintenant » par l'expérience et la pratique. Ce désir les amènera à construire plusieurs expériences d'utopies concrètes et les conduira à rejoindre la lutte contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et à s'installer au cœur de cette utopie en construction qu'est la zone à défendre (ZAD). Pour Mouvements, iels reviennent sur ces 20 ans d'exploration des utopies.
- Véhicule autonome, l'utopie à marche forcée - Anahita Grisoni, Jill Madelenat
- Expérimenter l'utopie – retour sur 20 ans d'explorations activistes - Isabelle Frémeaux, John Jordan, Samira Ouardi p. 166-175