Contenu du sommaire : Partis politiques et religions : entre sacralisation du politique et sécularisation du religieux

Revue Revue internationale de politique comparée Mir@bel
Numéro vol. 28, no 1-2, 2021
Titre du numéro Partis politiques et religions : entre sacralisation du politique et sécularisation du religieux
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Partis politiques et religions : entre sacralisation du politique et sécularisation du religieux

    • Partis politiques et religions : entre sacralisation du politique et sécularisation du religieux. Avant propos - Philippe Portier, Yann Raison du Cleuziou p. 11-36 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les partis religieux ou bénéficiant d'une dynamique militante religieuse n'ont pas disparu et sont devenus des objets ordinaires de la science politique. Reste que la dispersion des spécialités de ceux qui travaillent sur ces partis ou sur les militants religieux contribue à affaiblir la cumulativité des recherches et la visibilité de l'objet. Cet article propose des pistes pour renouveler les approches comparatives en prêtant attention à la pluralité possible des hiérarchisations différentes du séculier et du religieux au sein des partis politiques. Selon les cas l'un fournissant l'horizon d'action et l'autre le répertoire de mobilisation. Bien des possibilités intermédiaires sont possibles, mais toujours un rapport de force spécifique est observable au sein des partis autour de la construction du rapport entre religion et politique. Les partis politiques offrent un terrain pour déconstruire l'opposition entre religion et politique et percevoir la fluidité des circulations entre ces deux registres d'action et de légitimation.
      Religious parties or parties with a religious activist dynamic have not disappeared and have become ordinary objects of political science. However, the dispersion of the specialities of those who work on these parties or on religious activists contributes to weakening the cumulativity of research and the visibility of the object. This article proposes ways to renew comparative approaches by paying attention to the possible plurality of different hierarchies of the secular and the religious within political parties. Depending on the case, one provides the horizon of action and the other the repertoire of mobilization. There are many intermediate possibilities, but a specific balance of power is always observable within the parties around the construction of the relationship between religion and politics. Political parties offer a terrain for deconstructing the opposition between religion and politics and for perceiving the fluidity of circulations between these two registers of action and legitimization.
    • Les partis religieux juifs en Israël : idéologie, électorat, organisation - Alain Dieckhoff p. 37-57 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après avoir retracé une brève généalogie historique de l'orthodoxie juive, l'article se concentre sur les partis religieux juifs qui représentent actuellement environ un cinquième de la représentation parlementaire à la Knesset. Ces partis, entre lesquels il existe des différences, sont néanmoins caractérisés par trois traits : une visée idéologique de judaïsation de la société ou de l'Etat – un électorat spécifique - un mode d'organisation particulier avec un rôle important des rabbins. Défendant une vision holiste de la religion, les sympathisants de ces partis n'acceptent pas pleinement le pluralisme inhérent à la démocratie.
      After tracing a brief historical genealogy of Jewish Orthodoxy, this article focuses on the Jewish religious parties that currently account for about one-fifth of parliamentary representation in the Knesset. These parties, which differ from each other in certain ways, are nevertheless characterized by three features: an ideological aim of Judaization of society or the state; a specific electorate; and a particular mode of organization with an important role played by rabbis. Defending a holistic vision of religion, the supporters of these parties do not fully accept the pluralism inherent in democracy.
    • Les réseaux catholiques traditionalistes du Front national : Le cas de la fédération FN de la Mayenne (années 1980-2010) - Guillaume Letourneur p. 59-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la présence d'une culture catholique traditionaliste au sein du Front national au niveau local. Il s'attache à analyser la manière dont l'organisation frontiste est investie à la base par des militants issus de cette mouvance politico-religieuse. Le cas de la fédération de la Mayenne permet de souligner à la fois le poids des réseaux territoriaux du traditionalisme ainsi que les ressources militantes spécifiques de ces adhérents au profil particulier. Pour cela, l'article décrypte le rôle et les engagements de militants traditionalistes au plus près du terrain à différentes étapes de l'histoire du parti des années 1980 aux années 2010.
      This article examines the presence of a traditionalist Catholic culture within the Front National at the local level. It attempts to analyze how activists from this political-religious movement are involved in the party at the grassroots level. The case of the Mayenne federation allows us to highlight both the weight of territorial networks of traditionalism and the specific activist resources of these particular members. To do this, the article deciphers the roles and commitments of some locally based traditionalist activists at different stages in the party's history, from the 1980s to the 2010s.
    • La politique chrétienne aux États-Unis de Donald Trump à Joe Biden. De l'ultra-polarisation au reflux du God gap ? - Blandine Chelini-Pont, Marie Gayte p. 85-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le succès de Donald Trump auprès de l'électorat chrétien aux élections présidentielles de 2016 a surpris les commentateurs. Le personnage et l'irréligiosité de Donald Trump paraissaient à ce point aux antipodes d'un tel électorat que beaucoup prévoyaient son rejet. L'inverse s'est finalement produit. L'électorat blanc, évangélique et catholique, s'identifiant comme pratiquant, a littéralement plébiscité l'outsider new-yorkais. Son fort ressentiment envers les avancées de la cause gay et lié à l'impression d'une politique anti-chrétienne pendant le second mandat Obama a donné à Donald Trump une opportunité maximale pour faire une campagne revancharde de restauration chrétienne. Ce faisant Donald Trump a posé les bases d'une politique chrétienne qui s'est consolidée pendant sa mandature. Cependant, l'électorat blanc pratiquant s'est en partie fracturé et déporté vers la personne et les propositions de Joe Biden dans la campagne présidentielle suivante. Si l'on compare les résultats de 2016 à ceux des élections présidentielles de 2020, une forme de dépolarisation et de redistribution semble se dessiner, qui pourrait signaler un reflux du God gap.
      Donald Trump's success with Christian voters in the 2016 election took many commentators by surprise. Trump's personality and his irreligiosity appeared to put him at odds with this constituency, leading many to predict that he would fail to win them over. Yet, observant white evangelicals and Catholics voted overwhelmingly for the New York-based outsider. Their resentment vis-à-vis the advances of the LGBT cause, as well as a sense that the Obama administration in its second term had conducted a policy hostile to Christians, gave Trump the opportunity to lead a revanchist campaign centered around the promise of restoring America to its Christian roots. In doing so, Donald Trump laid the ground for a “Christianist” policy that only grew stronger during his presidency. However, the constituency of observant white Christians started to break up and some of them chose Joe Biden in the 2020 election. Comparing the results of the 2016 and 2020 elections reveals a decline in polarization, which might signal a narrowing of the God gap.
    • L'utilisation de la ressource religieuse par un parti « laïque » dans la Tunisie de l'après-révolution - Anna Grasso p. 111-134 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les partis islamistes sont-ils les seuls à mobiliser la ressource religieuse ? S'appuyant sur notre travail de terrain en Tunisie (entre 2011 et 2018) sur la question du rapport entre État et religion ainsi que sur la littérature portant sur la sociologie des partis politiques, cet article se propose de tenir compte des stratégies électorales d'Ennahda et de Nidaa Tounes, les partis vainqueurs des deux premières élections libres du pays. Avec l'émergence du parti Nidaa Tounes en 2012, ce parti et notamment son président Béji Caïd Essebsi arrivent à contrecarrer l'hégémonie culturelle des islamistes (qui jusque-là avaient le monopole du discours sur l'islam) par les urnes en choisissant de s'associer avec des professionnels de la politique et universitaires spécialistes de l'islam ainsi qu'avec un groupe d'hommes de religion opposés à l'islamisme et le salafisme.
      Are Islamist parties the only ones that use religion as a resource? This paper, based on our fieldwork in Tunisia (between 2011 and 2018) on the relationship between state and religion, as well as on the literature on the sociology of political parties, intends to analyze the electoral strategies of the parties Ennahda and Nidaa Tounes, the winners of the first two free elections in the country. With the emergence of Nidaa Tounes in 2012, this party and its president Béji Caïd Essebsi managed to counteract the cultural hegemony of the Islamist party (which until then had held the monopoly on the discourse on Islam) through the ballot box by choosing to show themselves alongside politicians and academic experts on Islam, as well as a group of clerics openly opposed to Islamism and Salafism.
    • Islam et politique en Turquie : alliance et rupture entre le mouvement de Fethullah Gülen et le Parti de la Justice et du Développement de Recep Tayyip Erdoğan - Bayram Balci p. 135-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Issus tous les deux d'une Anatolie conservatrice, Fethullah Gülen et Recep Tayyip Erdoğan ont mis en place respectivement une mouvance et un parti politique qui continuent de marquer la Turquie. Fondée sur une même vision de l'islam et une stratégie de neutralisation de leur adversaire, l'establishment kémaliste, une alliance entre les deux fut nouée en 2002 quand l'AKP arriva au pouvoir. Toutefois, ambiguë dès le départ, cette alliance n'a pas résisté à l'apparition progressive de nombreuses divergences politico-sociales entre les deux dirigeants. Moins de dix ans après avoir été scellée, l'alliance entre les deux s'est fissurée, puis volé en éclats en 2013. Depuis, la mouvance de Gülen est bannie en Turquie et ses représentants se sont exilés à l'étranger, notamment dans les pays occidentaux. Sous la direction de Gülen toujours installé aux Etats Unis, ils tentent de se réorganiser en une nouvelle structure politico-religieuse.
      Both coming from the conservative Anatolia region, Fethullah Gülen and Recep Tayyip Erdoğan have respectively set up a movement and a political party that continue to make their mark on Turkey. Based on the same vision of Islam and on a strategy of neutralizing their opponent, the Kemalist establishment, an alliance was founded between the two in 2002 when the AKP came to power. However, this alliance, which had been ambiguous from the start, did not survive the gradual emergence of numerous political and social differences between the two leaders. Less than ten years after it was founded, the alliance between the two started to crack, before shattering completely in 2013. Since then, the Gülen movement has been banned in Turkey and its representatives exiled abroad, particularly in Western countries. Under Gülen's leadership, still based in the United States, they are trying to reorganize themselves into a new political structure.
    • Le processus de politisation des moines bouddhistes sri lankais - Éric Meyer p. 157-176 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La politisation des moines bouddhistes sri lankais s'est accentuée depuis le milieu du 20e siècle dans un contexte postcolonial avec l'essor d'un nationalisme ethnique dans la communauté majoritaire de culture singhalaise. Fondé sur un argumentaire doctrinal et historique et sur des transformations sociologiques, ce processus s'est nourri du sentiment d'insécurité résultant de la rébellion tamoule. Il a donné naissance à un parti religieux autonome mais a surtout été instrumentalisé à des fins électorales par les partis politiques établis utilisant l'influence des moines.
      The politicization process of Buddhist monks in Sri Lanka intensified after the mid-twentieth century with the rise of ethno-nationalism in the majority Sinhala community in the postcolonial context. Based on doctrinal and historical arguments and on sociological transformations, it fed on the feelings of insecurity resulting from the Tamil insurgency. It gave birth to an autonomous religious party but was mainly instrumentalized by the leading political parties relying on monastic influence to get votes.
  • Varia

    • La religion explique-t-elle les attitudes politiques ? : Ce que les enquêtes ISSP dans huit pays de l'Union européenne permettent de conclure - Pierre Bréchon p. 177-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La religion est depuis longtemps considérée comme un élément explicatif du rapport des individus à la politique. Après avoir rappelé cette tradition de recherche, l'article présente l'analyse comparative mise en œuvre dans huit pays de l'Union européenne (à partir des données de l'enquête ISSP en 2004 et 2014) pour tester l'effet des appartenances au catholicisme et au protestantisme, mais aussi l'effet de l'intégration – ou non – à une religion, sur le rapport des individus à la politique. L'implication et l'orientation politiques s'avèrent toujours dépendantes des positionnements religieux selon un modèle dépassant les cultures politiques nationales, même si ces effets semblent plutôt à la baisse.
      Religion has long been seen as an element that explains individuals' relationship to politics. After recalling this research tradition, this article presents the comparative analysis carried out for eight European Union countries (using ISSP survey data from 2004 and 2014) to test the effect of a Catholic or Protestant affiliation, but also the effect of integration—or not—into a religion, on individuals' relationship to politics. Political involvement and orientation prove to always be dependent on religious positioning, according to a pattern that goes beyond national political cultures, though these effects seem to be diminishing.
    • Context-driven Local Autonomy. The importance of differentiated assessments in asymmetric countries - Silvia Bolgherini, Greta Klotz, Uwe Lennart Fromm p. 207-255 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'autonomie locale est une question centrale dans les démocraties, et de nombreuses tentatives ont été faites pour la mesurer. La plupart de ces efforts fournissent des données comparables entre les pays, basées sur des scores au niveau national, négligeant ainsi nécessairement les différences territoriales au sein des pays. Cette étude souligne le caractère multidimensionnel de l'autonomie locale, sa variabilité en fonction du contexte, et l'importance de reconnaître et d'évaluer la différenciation territoriale afin de fournir des mesures plus précises de l'autonomie locale municipale. Il explore donc les variations du degré d'autonomie locale au niveau municipal en Italie par région et pas seulement au niveau du pays. L'Italie est un cas particulièrement intéressant pour son asymétrie quasi-fédérale, tandis que les systèmes fédéraux de l'Autriche et de la Suisse fournissent d'autres preuves de ces variations. Nos résultats – rassemblés dans deux ensembles de données originaux – montrent que les différences d'autonomie locale entre les régions sont remarquablement présentes, et encore plus lorsque l'autonomie régionale est élevée, qu'elles apparaissent indépendamment des compétences formelles attribuées par le cadre juridique, qu'elles varient de manière différente selon les dimensions de l'autonomie, et qu'elles sont liées à l'impact des mesures d'austérité, aux réformes ayant un impact indirect mais substantiel sur le gouvernement local, et aux perceptions contextuelles de la signification de l'autonomie. Ces résultats peuvent être pertinents pour les analyses impliquant des réalités asymétriques dans les démocraties à plusieurs niveaux en Europe et au-delà.
      Local autonomy is a core issue in democracies, and there have been multiple attempts to measure it. Most of these efforts provide cross-country comparable data based on country-level scores, thus neglecting in-country territorial differences. This study stresses the multidimensionality of local autonomy, its context-driven variability, and the importance of acknowledging and assessing territorial differentiation in order to provide more accurate measurements of municipal local autonomy. It thus explores the variations in the degree of local autonomy at the municipal level in Italy by region and not only at the country level. Italy is a particularly interesting case due to its quasi-federal asymmetry, while the federal systems of Austria and Switzerland provide further evidence of these variations. Our findings—gathered in two original datasets—show that discrepancies in local autonomy across regions are remarkably present, particularly when regional autonomy is high, that they emerge regardless of the formal competences allocated by the legal framework, that they dissimilarly vary across the dimensions of autonomy, and that they can be traced back to the impact of austerity measures, the reforms indirectly but substantially impacting local government, and the context-driven perceptions of the meaning of autonomy. These results may be relevant to analyses of asymmetric realities in multilevel democracies in Europe and beyond.
  • Recensions - p. 257-269 accès libre