Contenu du sommaire : Les mots du patrimoine

Revue Droit et cultures Mir@bel
Numéro no 81, février 2021
Titre du numéro Les mots du patrimoine
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Les mots du patrimoine

    • Des mots pour nommer et normer le patrimoine - Vincent Négri, Isabelle Schulte-Tenckhoff accès libre
    • La notion de patrimoine selon l'unesco : discours et glissements catégoriels des conventions (1972, 2003) - Isabelle Brianso, Ouidad Tebbaa accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (1972), la notion de patrimoine selon l'Unesco a fait émerger des tensions conceptuelles au sein de la communauté internationale tout en soulignant le profond intérêt porté par les acteurs à son égard (experts, habitants, institutions). On observe, par ailleurs, une effervescence normative (chartes, conventions, résolutions) autour de cette notion qui questionne tant la genèse discursive du mot « patrimoine » que les glissements catégoriels d'une convention à l'autre (1972, 2003) à partir d'exemples polymorphes du patrimoine mondial inscrits au Sud (Marrakech, Angkor). Ainsi, l'article étudie la construction sémantique de la forme « patrimoine » dans le discours normatif de la convention de 1972 puis, comment cette approche normée a contribué à découper et figer cette notion en catégories ambivalentes (matériel, immatériel, naturel). Des figements, glissements et millefeuilles catégoriels qui donnent désormais aux communautés patrimoniales un rôle central dans le processus d'inscription.
      Since the implementation of the World Heritage Convention (1972), the notion of “heritage” according to UNESCO has given rise to conceptual tensions within the international community, while at the same time underlining the deep interest of the actors in it (experts, inhabitants, institutions). Moreover, we observe a normative effervescence (charters, conventions, resolutions) around this notion which questions both the discursive genesis of the word “heritage” and the categorical shifts from one convention to another (1972, 2003) based on polymorphous examples of world heritage inscribed in Southern countries (Marrakech in Morocco, Angkor in Cambodia). Thus, the article examines the semantic construction of the form "heritage" in the normative discourse of the World Heritage Convention (1972) and how this standardized approach contributed to the division and freezing of this notion into ambivalent categories (tangible, intangible, natural). These freezes, shifts and categorical layers give to heritage communities a central role in the inscription process.
    • De yâdgâr (mémorial) à yâdmâne (monument), « matérialisation » du concept de patrimoine en Iran - Shahram Abadie accès libre
    • Le mot « patrimoine » et le Code général des impôts : une finalité fiduciaire - Jean-Raphaël Pellas accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de patrimoine employée dans le code général des impôts est ambigüe. Tantôt il s'agit de désigner des biens objet de taxation. Tantôt il importe de souligner le caractère sacré d'un bien au miroir d'avantages fiscaux. Cette double dimension trace les sillons d'un destin commun relatif à la transmission des biens.
      The notion of heritage used in the general tax code is ambiguous. Sometimes it is a question of designating goods subject to taxation. Sometimes it is important to underline the sacredness of a property in the mirror of tax advantages. This double dimension traces the furrows of a common destiny relating to the transmission of goods.
    • Taonga : propriété ou possession ? - Isabelle Schulte-Tenckhoff accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Renvoyant aux possessions matérielles et immatérielles d'un groupe māori, le terme polysémique de taonga reste controversé. Il soulève le problème de la protection de la propriété culturelle et intellectuelle autant que celui de souveraineté des Māori sur leurs terres et leurs ressources, deux enjeux difficiles à concilier dans la common law néo-zélandaise. Cet article en propose un double éclairage, axé sur la mise en œuvre du Traité de Waitangi et sur la différence entre possession (comme catégorie universelle déterminant les modalités d'utilisation et de partage des ressources biotiques notamment) et propriété (en tant que forme historiquement déterminée de possession, liée au capitalisme industriel).
      Referring to the material and immaterial possessions of a Māori group, the polysemic term taonga remains controversial. It raises issues regarding, both, the protection of Māori cultural and intellectual property, and Māori sovereignty with regard to territory and resources. All these are hard to reconcile under New Zealand common law. The purpose of the article is to address the issue by considering the meaning of taonga based on the Treaty of Waitangi in light of the difference between property and possession, that is, between a universal category determining the utilisation and sharing of biotic resources, as opposed to a historically specific form of ownership governed by industrial capitalism.
    • Le patrimoine d'intérêt religieux : les enjeux de la définition du sacré - Laure Coupillaud Szustakowski accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La communauté internationale s'accorde autour d'une définition du patrimoine d'intérêt religieux qui se veut universelle et lui attribue volontiers des valeurs héritées, qui renforcent son caractère sacré et vivant. Cette reconnaissance a permis de mettre en évidence la nécessité pour ce patrimoine de bénéficier de politiques spécifiques en matière de gestion et de protection, qui tiennent compte de son caractère spirituel, et impliquent les communautés religieuses. Toutefois la définition du patrimoine d'intérêt religieux par la communauté internationale repose sur des mots clés – « religion », « traditionnel », « sacré », « spirituel » – qui ne sont pas eux-mêmes clairement définis, et ne précise pas les objets, sites et monuments visés, laissant le champ libre à l'interprétation. Par ailleurs, le sens de ces mots du patrimoine d'intérêt religieux peut varier selon les langues, les cultures, les intérêts politiques et évolutions sociales. Libre ainsi aux Etats d'y inclure ou non toute la richesse de ce patrimoine vivant, à la fois matériel et immatériel, voire de réviser cette définition quand elle ne s'accorde plus avec les intérêts politiques.
      The international community agrees on a definition of religious heritage, presented as being universal and encompassing inherited values, which reinforce its sacred and living nature. This recognition has helped highlighting the need for this type of heritage to benefit from specific politics in terms of management and protection, which would take into consideration its spiritual nature, and involve religious communities. Nonetheless, the definition of religious heritage by the international community relies on keywords - «religion», «traditional», «sacred», «spiritual» - that are not clearly defined themselves. Moreover, this definition does not specify the objects, sites and monuments it includes, leaving room for interpretation. In addition, the meaning of the words used for religious heritage can vary depending on the languages, cultures, political interests and social evolutions. It is hence up to the States to carve the definition of religious heritage by choosing whether to display its material and immaterial riches, or even by revising it when it is not fitting political interests anymore.
  • Études

  • Point de vue

    • Le patrimoine, support de vie : du patrimoine individuel vers le patrimoine commun - Charles de Lespinay accès libre avec résumé
      Les notions de patrimoine sont diverses dans les droits nationaux et internationaux. Fictions juridiques, elles n'existent pas dans le monde non occidental. Bien que différentes, elles ne sont pas opposées. Le droit français, ainsi que d'autres droits romano-germaniques ou « continentaux » (droits de l'Europe continentale), a défini le patrimoine comme l'ensemble des biens, droits et obligations que détient la personne juridique de son vivant, en insistant sur l'unicité du patrimoine, avec quelques exceptions néanmoins. Les droits de Common law, surnommés « anglo-saxons », insistent sur la transmission des biens, la multiplicité des patrimoines, et sont repris en partie par le droit international (en particulier des conventions de l'Unesco) qui insiste quant à lui sur la conservation et la protection de biens spécifiques, surnommés à tort « patrimoines » et intégrés dans un ensemble complexe appelé « patrimoine mondial » de l'humanité. Les droits nationaux, comme en France, ont repris les définitions de l'Unesco et les ont insérées dans un « code du patrimoine », laissant en présence des notions contradictoires, l'une (droits continentaux européens) destinée à protéger l'intégrité de la personne à travers ses biens et droits, l'autre à protéger des biens particuliers. Néanmoins, on peut accorder leurs logiques, allant de la notion de patrimoine individuel à celle de patrimoine commun, qui ouvre d'autres perspectives comme celle de la protection environnementale, du développement durable et du maintien de la vie sur terre… On se rapproche ainsi de la vision du monde de beaucoup de populations non occidentales.