Contenu du sommaire : Exposer le racisme et l'antisémitisme
Revue | Hommes et migrations |
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Numéro | no 1334, juillet-septembre 2021 |
Titre du numéro | Exposer le racisme et l'antisémitisme |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les musées face au défi démocratique - Marie Poinsot p. 1
Le point sur
- Introduction - Mathias Dreyfuss, Régis Meyran p. 8-9
- Exposer le racisme et l'antisémitisme : un enjeu démocratique : Dialogue d'ouverture entre Pap Ndiaye et Michel Wieviorka, interrogés par Mathias Dreyfuss et Régis Meyran - Pap Ndiaye, Michel Wieviorka, Régis Meyran, Mathias Dreyfuss p. 11-17
- Exposer des « questions socialement vives » la mémoire de l'esclavage : Intervention - Jean-Marc Ayrault p. 19-21
- Exposer la Shoah : réflexions liminaires d'une historienne - Annette Wieviorka p. 23-25 La représentation historique de la Shoah s'inscrit dans une démarche à la fois scientifique et civique dont l'objet est de rendre leur place et leur voix aux victimes de l'histoire. Lieu de cette restitution, où s'articulent les résultats scientifiques et leur présentation au public, le musée affronte deux difficultés principales : l'absence d'images – comme de celles et ceux assassinés dès leur sortie des trains à Auschwitz – et la médiation face aux préjugés. Pour appréhender les relents contemporains de l'antisémitisme, il est nécessaire d'en connaître les codes et de saisir leur irruption dans le présent.
- Kazerne Dossin : Shoah et Droits humains : Focus - Veerle Vanden Daelen p. 27-32 Kazerne Dossin, Mémorial, Musée et Centre de recherches sur l'Holocauste et les Droits humains se situe à Malines. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la caserne Dossin a été utilisée comme camp de rassemblement pour la déportation génocidaire. De ce lieu, de l'été 1942 à l'été 1944, plus de 25 800 Juifs et Roms de Belgique et du Nord de la France ont été déportés, sauf exception, vers Auschwitz-Birkenau. Seuls 5 % ont survécu. Succédant à un premier mémorial-musée créé en 1996, la mise sur pied de Kazerne Dossin en 2012 a permis de repenser la représentation de l'histoire de la Shoah.
- Quelle place pour l'antisémitisme et l'antijudaïsme dans les musées européens ? : Dialogue - Tal Bruttmann, Dariusz Stola. p. 35-39 Le fait d'exposer l'antisémitisme en Europe présente plusieurs difficultés. Antisémitisme et antijudaïsme sont deux réalités qui se recoupent, mais ne s'inscrivent pas dans les mêmes temporalités. Par ailleurs, l'histoire juive n'est pas réductible à une histoire de l'antisémitisme qui tient aussi (et peut-être avant tout) de l'histoire non-juive. Tal Bruttmann et Dariusz Stola discutent de l'articulation de l'antisémitisme et de l'antijudaïsme en vue de leur présentation dans les musées, afin de faire sens pour le visiteur, sans conforter ses idées parfois préconçues.
- Exposer l'antisémitisme ? Une comparaison franco-allemande - Edith Schriefl p. 41-47 Comment les objets antisémites sont-ils exposés dans les musées de France et d'Allemagne ? Quelle place faut-il leur donner dans des parcours traitant de l'histoire et de la culture juives ? Comment montrer de tels objets sans les mettre en valeurs ? Faut-il privilégier la monstration des objets ou plutôt le récit qui les accompagne ? Cet article compare les choix faits au sein de différentes institutions muséales françaises et allemandes.
- De la difficulté d'exposer l'esclavage et le colonialisme : Table ronde animée par Sarah Ligner - Dominique Taffin, Laurella Yssap-Rinçon, Christine Chivallon, Nicolas Bancel, Sarah Ligner p. 49-55 Un espace entièrement dédié à l'histoire coloniale de la France manque encore dans l'offre muséale et patrimoniale. Si certaines expositions permanentes ou temporaires ont vu le jour sur l'histoire de l'esclavage, de la colonisation et des colonies françaises, l'absence d'un tel musée tient au poids du récit national, mais aussi à la dimension conflictuelle des mémoires touchant à ces questions, tant dans l'espace public que dans la recherche. Peut-on concilier ces différentes mémoires en présentant plusieurs récits d'un même événement ? Cette question fait débat.
- Musée de l'Homme, 1967-1992 : exposé au racisme ! : Focus - André Langaney p. 57-60 La galerie d'anthropologie du musée de l'Homme, ouvert en 1937, n'a connu aucune modification entre 1938 et 1967. Cet immobilisme muséographique a maintenu durant trente ans les classifications racistes initiées au début du XXe siècle. Exemple de la perpétuation d'un racisme scientifique au sein même des institutions muséales, l'histoire de ce musée anthropologique est aussi celle de la lutte de certains individus pour faire bouger les lignes.
- Le musée de l'Homme et la question de la race à la fin des années 1930 : Focus - Alice L. Conklin p. 63-67 Dans l'entre-deux-guerres, le musée de l'Homme a développé un projet scientifique et pédagogique au sein duquel la dimension antiraciste était centrale. Mais, paradoxalement, il défendait une partition de l'humanité en races et même une hiérarchie raciale, qui ont depuis été rejetées par la science. Ce paradoxe s'explique par le fait que le musée se fondait sur des prémisses scientifiques faux et qu'il entendait, à tort, séparer la « vraie science » humaine des questions politiques.
- "Nous et les Autres", exposition du Musée de l'Homme : Focus - Carole Reynaud-Paligot p. 69-71 L'exposition Nous et les autres, présentée du 31 mars 2017 au 8 janvier 2018 au Musée de l'Homme, proposait au visiteur de comprendre les mécanismes d'assignation identitaire et d'institutionnalisation du racisme dans des cas historiques (esclavage, colonisation, génocides) et dans la société actuelle. Dirigée par Carole Reynaud-Paligot et Évelyne Heyer (MNHN), l'exposition s'appuyait sur de nombreux travaux en sciences sociales et sur les données fournies par les sciences du vivant.
- Exposer la lutte des Africains-Américains pour leur émancipation : Focus - Olivier Maheo p. 73-77 Les Africains-Américains ont été et demeurent invisibilisés et marginalisés au sein du récit national états-unien. Le combat pour construire des représentations positives et maîtriser l'image de soi a notamment été mené sur le terrain de l'art. Exposer l'art africain-américain, c'est présenter une autre entrée dans cette histoire, en s'émancipant de la suprématie blanche et des stéréotypes raciaux.
- Enjeux et dérives du patrimoine artistique rom - Julia Ferloni p. 79-83 80 ans après le génocide des communautés romani par les Nazis, la stigmatisation de ces communautés reste prégnante, et les musées n'en sont pas exempts. L'exposition Barvalo prévue au Mucem en 2023 vise à proposer un nouveau dispositif muséal dont l'objectif est de lutter contre des préjugés encore vivaces. Une telle initiative pourrait permettre une valorisation d'œuvres culturelles romani dépouillées des clichés.
- Reconstruire le patrimoine des Roms - Anna Mirga-Kruszelnicka p. 85-89 La réappropriation d'un discours sur soi est au cœur de la lutte contre les stéréotypes portés sur les Roms qu'on peut voir dans quantités d'oeuvres et d‘artefacts exposés dans les institutions culturelles. L'approche critique des représentations des Roms qui véhiculent l'anti-tsiganisme participe de l'élaboration d'un contre-récit inspirant pour renouveler les pratiques muséales.
- Un musée imaginaire des mondes romani et voyageurs en France - Ilsen About p. 91-101 Aucun musée n'aborde l'histoire des Roms et des Voyageurs en France dans le temps long et la diversité de leur présence. Aussi, l'ancienneté des mondes romani et voyageurs et leur présence multiple restent peu connues et ne sont que très rarement montrées, plusieurs propositions muséales dans ce sens étant restées sans lendemain, ou presque. Imaginer un musée consacré à l'histoire de ces populations engage le croisement de multiples sources et d'œuvres artistiques qui témoignent des circulations et des ancrages comme des stéréotypes qui sont restés accolés durablement à ces populations.
- Exposer le racisme antimusulman : Table ronde animée par Naïma Huber-Yahi - Karima Direche-Slimani, Faisal Hussain, Naïma Huber-Yahi p. 103-107 La discussion entre les trois intervenants vise à appréhender la façon dont le musée, par son contenu, par sa muséographie, par sa pédagogie et par son caractère propre, peut se saisir de la question du racisme antimusulman, en interrogeant le poids de l'imaginaire colonial, menant à l'ethnicisation et à la racialisation de la catégorie « musulman ».
- La pédagogie au Musée du quai Branly - Jacques Chirac : Focus - Peggy Derder p. 109-113 Le Musée du quai Branly - Jacques Chirac s'attache à préserver et à valoriser les arts et les civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques, à la croisée d'influences artistiques, culturelles, historiques multiples. Si les missions de l'établissement ne s'inscrivent pas directement dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, certaines de ses expositions, événements ou outils pédagogiques, de par leur propos sur les représentations des cultures extra-européennes, peuvent y contribuer. En prônant « le dialogue des cultures », le musée concourt à lutter contre l'essentialisation, la hiérarchisation, la stigmatisation des différences culturelles et de l'altérité.
- De l'Histoire à l'objet, comment exposer le racisme et l'antisémitisme ? - Sébastien Gökalp p. 115-119 Du musée au mémorial, l'exposition des discriminations dispose d'une diversité de lieux différents et de ressorts muséographiques. Le traitement de ces sujets repose sur une équation complexe : exposer des œuvres et des objets sans donner le sentiment d'adhérer aux préjugés qu'ils portent, tout en tâchant d'attirer en premier lieu le public concerné. Dès lors, traiter du racisme et de l'antisémitisme nécessite de mettre en parallèle les histoires en visant non pas la concurrence, mais la convergence des mémoires.
Au musée
- Racisme(s) dans les collections du Musée national de l'histoire de l'immigration : Portfolio - Marie Poinsot p. 122-123
- « Pourquoi Exil et Littérature ? » : Conversation dans le cadre du salon LittExil du 26 avril 2021 - Alexis Nouss, Hélène Gestern p. 162-166 « Pourquoi Exil et Littérature ? Parce que le lien est très fort, il est même ancestral : il va de l'Ulysse d'Homère à celui de James Joyce. Parce que la littérature a le pouvoir et la fonction de nous éclairer sur un réel qui, parfois, pourrait demeurer obscur si l'on prenait une autre analyse, si l'on employait un autre discours. » C'est avec ces mots qu'Alexis Nouss ouvre la discussion avec Hélène Gestern autour de son livre Armen. L'exil et l'écriture, paru en 2020. Car les incertitudes de l'identité sont le matériau même de la littérature et ne peuvent se raconter que sur le papier.
- Les nouvelles écritures de l'exil : Table ronde animée par Marie Poinsot, rédactrice en chef de la revue Hommes & Migration - Tassadit Imache, Sedef Ecer, Marie Poinsot p. 167-172 La thématique de l'exil appelle à des expérimentations littéraires, et notamment stylistiques. Elle tisse des relations inédites entre les écritures de soi, l'autobiographie, la documentation historique et la fiction purement romanesque. En résonance avec l'ouverture du Forum Génération Égalité (30 juin au 2 juillet 2021), les écritures féminines et les personnages féminins ont été mis à l'honneur de cette édition du salon LittExil, avec Tassadit Imache et Sedef Ecer.
- « Marseille est le personnage principal de mon livre » : Entretien avec Hadrien Bels, lauréat du Prix littéraire de la Porte Dorée 2021 pour son roman `ibCinq dans tes yeux `/ib(éd. de l'Iconoclaste, 2020) - Marie Poinsot, Hadrien Bels p. 173-178
- Le Musée, un tremplin vers le passé ? Une BD sur l'histoire de l'immigration - Marie Poinsot p. 179-184 A l'occasion de la refonte du parcours permanent du Musée national de l'histoire de l'immigration, les éditions Delcourt, réputées pour la production de BD historiques, ont proposé au Musée de réaliser un album qui raconterait l'histoire de l'immigration à travers la découverte par deux lycéens – Anna et Idriss - des objets emblématiques des collections exposées au Musée.
Champs libres
- « Alors que la Martinique est loin d'être la plus en difficulté dans les outre-mer, elle est certainement à la traîne en matière cinématographique » : Entretien avec Jil Servant, réalisateur et producteur - Lucile Humbert-Wozniak p. 188-192
- « Nos histoires se rapprochent de celles de nos voisins caribéens et d'Amérique latine, seule la langue est différente » : Entretien avec Patricia Monpierre, ingénieure culturelle - Lucile Humbert-Wozniak p. 193-196
- « De mon côté, je vise le réalisme » : Entretien avec Julien Silloray, réalisateur - Lucile Humbert-Wozniak p. 196-197
- Racisme et représentation noire dans le cinéma français - Alain Agat p. 198-199 Le cinéma constitue un important vecteur de la mise en scène du racisme dans la France postcoloniale. Visée hier par la censure pour distinguer l'Hexagone de ses anciennes colonies, l'ombre portée des représentations racistes plane toujours sur le cinéma français, contribuant à pérenniser des clichés visant les populations noires. Ce phénomène qui touche le territoire hexagonal contribue à invisibiliser d'autres récits, notamment les productions des Outre-mer qui connaissent un sous-investissement et un désintérêt de la part de la Métropole.
- « Considérer, enfin, l'histoire coloniale comme un sujet légitime permettra d'en creuser la complexité » : Entretien avec Seumboy Vrainom :€, artiste et militant - Ludovic Delalande p. 200-206 Seumboy Vrainom :€ se définit comme un apprenti chamane numérique et un militant hors-sol. Pas déraciné mais bien hors-sol, comme certaines plantes cultivées entre 1902 et 1965 dans l'ancien Jardin colonial du bois de Vincennes, aujourd'hui Jardin d'agronomie tropicale, où il aime se rendre pour consulter les archives coloniales de la bibliothèque. Pur héritier de l'histoire coloniale française, il a grandi au Luth, une cité de Gennevilliers, au 13e étage d'une tour, flottant dans le virtuel. Face à la difficulté de se réapproprier la terre, il s'est naturellement plongé dans l'espace numérique. Tendu entre la singularité technologique et l'effondrement de la société thermo-industrielle, il milite pour une écologie décoloniale. Diplômé de l'École des Beaux-arts d'Angoulême et du programme SPEAP de Sciences Po Paris, il développe une pratique pluridisciplinaire à la fois militante et artistique.
- Migration Museum, poisson pilote d'un Londres multiculturel - Effy Tselikas p. 207-211 Par la magie des récits de tout un chacun, « all our stories », ce musée installé dans un centre commercial veut faire redécouvrir à tous les habitants de Londres leur diversité ethnoculturelle.
- Les mots et les portes - Mustapha Harzoune p. 212-215
- Birgit Ellinghaus : promouvoir les musiciens migrants en Allemagne - François Bensignor p. 216-222 Du 13 au 19 septembre 2021, la ville de Cologne accueille l'événement Migrants Music Manifesto (MMM), moment fort du projet européen éponyme, principalement dédié aux musiciens réfugiés ou exilés en Europe, dont l'excellence est avérée dans leurs propres idiomes musicaux. MMM Cologne propose des « états généraux » consacrés aux musiques du monde, une prestigieuse création pour grand orchestre rassemblant près d'une trentaine de maîtres des musiques modales, ainsi que de nombreux stages animés par ceux-ci.
- Bac Nord : Film de Cédric Jimenez (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 223-224
- Bonne Mère : Film de Hafsia Herzi (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 224-225
- De bas étage : Film de Yacine Qnia (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 225-226
- Leur Algérie : Documentaire de Lina Soualem (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 226-227
- Gagarine : Film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 227-228
- Des hommes : Film de Lucas Belvaux (France, 2020) - Mouloud Mimoun p. 228-229
- Stéphane Beaud, Gérard Noiriel, Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d'une catégorie : Marseille, Agone, 2021, 432 p., 22 €. - Mustapha Harzoune p. 230
- Mansour Fahmy, "La condition de la femme dans l'islam" : Paris, Allia, 2021, 158 p., 10 €. - Mustapha Harzoune p. 231
- Faïza Guène, La Discrétion : Paris, Plon 2020, 256 p., 19 €. - Mustapha Harzoune
- Ali Guenoun, La question kabyle dans le nationalisme algérien, 1949-1962. Comment la crise de 1949 est devenue la crise « berbériste » : Préface d'Omar Carlier, postface de Mohamed Harbi, Vulaines-sur-Seine, éd. du Croquant, 2021, 512 p., 20 €. - Mustapha Harzoune p. 232-233
- Nancy Huston, Je suis parce que nous sommes. Petites chroniques du printemps 2020 : Montréal, Leméac éditeur, 2020, 112 p., 15 €. - Mustapha Harzoune p. 233-234
- Sarah Mazouz, Race : Paris, Anamosa, 2020, 96 p., 9 €. - Mustapha Harzoune p. 234-235
- Blaise Ndala, Dans le ventre du Congo : Paris, Seuil, 2021, 368 p., 20 €. - Valérie Pillet-Dziedzicki p. 235-236
- Alain Ruscio, Marcel Dorigny, Quand les civilisateurs croquaient les indigènes : Paris, éd. Cercle d'art, 2020, 264 p., 39 €. - Marie-Joëlle Rupp p. 236
- Saïd Sadi, Mémoires. La fierté comme viatique (1967-1987) : T. II, Boumerdès, éd. Frantz Fanon, 2021, 558 p., 25 €. - Mustapha Harzoune p. 237