Contenu du sommaire : Travail et migrations

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro vol. 37, no 1-2, 2021
Titre du numéro Travail et migrations
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier thématique

    • Éditorial : La relation de travail à la croisée des politiques migratoires et économiques - Camille Schmoll, Serge Weber p. 7-19 accès libre
    • El exilio republicano español, ¿una mano de obra indeseable? Control migratorio, trabajo y género (1939-1940) - Rocío Negrete Peña p. 21-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'exil des républicains espagnols en France a été un défi d'un point de vue humanitaire, mais aussi économique. L'arrivée et l'internement de près de 450 000 hommes et femmes dans un contexte social, économique et politique turbulent ont obligé les autorités françaises à adopter des stratégies avantageuses tant en ce qui concerne leur accueil que leur éventuelle utilisation. Face à l'utilisation de cette main-d'œuvre étrangère, il se sont développés des résistances héritières du discours sur la défense de la main-d'œuvre nationale, autour de l'idée de « l'étranger indésirable ». Cependant, les besoins économiques de main-d'œuvre dans des secteurs tels que l'agriculture ou le service domestique, ainsi que dans les compagnies militarisées, ont fait de la mobilisation des hommes et des femmes républicains exilés une réalité.
      The Spanish Republican exile to France was a challenge from a humanitarian point of view, but also an economic one. The arrival and internment of nearly 450,000 men and women in a socially, economically and politically turbulent context forced the French authorities to adopt useful strategies in terms of both their reception and their possible use. The use of this foreign labor force was met with resistances inherited from the discourse of defense of the national labor force, evoking the “undesirable” figure. However, the economic needs of labor in sectors such as agriculture or domestic service, as well as in the militarized companies, made the mobilization of exiled republican men and women become a reality.
    • Du « fardeau migratoire » au fardeau des migrants. L'exil à Malte ou la condition d'entre-emplois - Lucas Puygrenier p. 43-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Confronté à un « fardeau migratoire » jugé insoutenable par les autorités, Malte apparaît comme l'un des espaces emblématiques de l'exclusion des exilés en Europe. La relégation des indésirables, reclus dans les « centres ouverts » de l'île, ne se résume pas pour autant à leur retrait pur et simple de l'économie et de la société locale. En étudiant les circulations entre les institutions d'État destinées à exclure les exilés et l'organisation routinière du travail informel sur l'île, l'article explore les ambivalences entre la mise à l'écart et la mise au travail des personnes « indésirables », entre la doctrine du « fardeau migratoire » et le fardeau qui incombe aux personnes en exil dans le monde productif maltais. Il s'agit alors de montrer comment les exilés sont appelés à rejoindre les rangs de ce que l'on appellera l'« entre-emplois » : remplissant les interstices que forme un capitalisme dont les besoins de travail erratiques, ponctuels et éphémères supposent de trouver continuellement à sa disposition une population en attente, force de travail sans cesse mobilisable et démobilisable.
      Confronted to a “migration burden” believed to be unbearable by authorities, Malta appears as one of the emblematic places of the exclusion of persons in exile in Europe. But the relegation of the undesirables, isolated in the remote “open centers” of the island does not equate to their mere removal from the local economy and society. Studying the circulations between state institutions where asylum seekers are placed and the daily organization of informal labor in the island, the contribution explores the ambivalences between the formation of migrant labor and the formation of migrant exclusion, between the doctrine of the “migration burden” and the actual burden that migrants have to carry. The article highlights how asylum seekers are turned into the workforce of what I call the “employment in-between” filling the interstices formed by a capitalism in which punctual, changing and ephemeral needs require to find at disposal a population which is constantly waiting, labor force always mobilizable and de-mobilizable.
    • L'Acadie du Nouveau-Brunswick et les immigrants francophones. Un modèle d'intégration économique par les marges - Leyla Sall, Benoit Bolland p. 67-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au début des années 2000, l'Acadie du Nouveau-Brunswick, une francophonie minoritaire canadienne, est devenue une communauté d'accueil d'immigrants d'expression française grâce au militantisme et au droit. Le discours d'une partie de ses élites et de ses organismes communautaires est très favorable à l'immigration. Toutefois confrontée à une incomplétude institutionnelle pluridimensionnelle en matière d'immigration, l'Acadie érige des frontières dans les secteurs centraux de son marché du travail, soit l'éducation et la santé en français. Les immigrants sont ainsi rejetés dans les marges de son marché du travail et plus précisément dans des niches d'emploi conjoncturelle et structurelle. Ils se rendent compte qu'on les a sélectionnés pour vivre en français et renforcer la vitalité de leur communauté d'accueil, mais ne peuvent faire société en français à cause d'enjeux identitaires entrainant des rapports sociaux discriminatoires lesquels les empêchent d'être pleinement inclus dans leur nouvelle communauté d'accueil. Une francophonie locale segmentée et juxtaposée commence ainsi à émerger en raison du déficit d'intégration des immigrants sur le marché du travail francophone.
      In the early 2000s, New Brunswick's Acadia, a Canadian Francophone minority, became a host community for French-speaking immigrants through activism and the law. The discourse of some of its elites and community organizations is very favourable to immigration. However, faced with a multi-dimensional institutional incompleteness in the area of immigration, Acadia erects borders in the central sectors of its labour market, namely French-language education and health. Francophone immigrants are thus pushed to the margins of its labour market, and more precisely to circumstantial and structural employment niches. They realize that they have been selected to live in French and to strengthen the vitality of their host community, but they are unable to make a society in french because of identity issues that lead to discriminatory social relationships that prevent them from being fully included in their new host community. A segmented and juxtaposed local francophonie is thus beginning to emerge due to the lack of integration of immigrants in the francophone labour market.
    • La musique monotone de l'exploitation des réfugiés, migrants et déplacés sur le marché du travail libanais - Assaf Dahdah p. 91-115 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le marché du travail libanais est structurellement organisé autour de l'exploitation des travailleurs étrangers ; une exploitation encadrée par l'État qui maintient les réfugiés palestiniens, les déplacés syriens et les migrants africains et asiatiques dans une précarité statutaire garante de leur immobilité au bas de la hiérarchie socio-professionnelle. Si les contextes nord-américains ou européens donnent à penser que la mobilité ascendante est rendue possible par la construction de niches et de réseaux — en lien avec l'historicité de la migration dans une dynamique de passage de relais entre anciens et nouveaux arrivés — le cas libanais souligne l'importance du contexte politique et institutionnel qui n'autorise ce mouvement qu'à la marge et de façon informelle. En miroir de la théorie du jeu de chaises musicales popularisée par Waldinger (1994), cet article met en lumière l'un de ces manques à travers une situation économique et politique caractérisée par des crises successives.
      The Lebanese labor market is based on the exploitation of foreign workers. This system, built and supervised by the State, aims to keep Palestinian refugees, the Syrian displaced population as well as African and Asian migrants in a precarious status that ensures their confinewment at the bottom of the social and professional hierarchy. If according to the North American and European models newcomers tend to replace those already established who are able to move up thanks to community networks and niches, in Lebanon the political and institutional framework only makes such a movement possible at the margin and in an informal way. This article sheds light on one of the shortfalls of the musical chairs game theory popularized by Waldinger (1994) through an analysis of the local economic and political situation fraught with successive crises.
    • Working with a Family. How a Family-Oriented Welfare System Opens the Border for Migrant Care Workers - Maurizio Artero, Minke H. J. Hajer, Maurizio Ambrosini p. 117-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Italie, la forte aspiration à prendre soin des personnes âgées à la maison et en famille ouvre la frontière aux travailleuses immigrées. Malgré un focus croissant sur la fermeture des frontières, ces travailleuses migrantes du secteur des soins domestiques sont considérées comme désirables, dans la mesure où elles sont censées assurer un rôle indispensable dans les familles italiennes. Basé sur quatre-vingt-treize entretiens avec des travailleuses et travailleurs immigrés du secteur, des personnes âgées assistées à la maison et des membres de leurs familles qui s'occupent de l'organisation des soins, cet article prend en compte la position favorable des travailleuses des soins domestiques face à la sélectivité de la gouvernance de l'immigration. Ensuite, l'article discute des relations des familles italiennes avec les travailleuses immigrées, en rapport avec les visions que la littérature a présentées de ces relations. À cet égard, nous proposons une typologie des relations entre employeurs et travailleuses des soins domestiques, organisée selon un continuum qui à un extrême présente des relations asymétriques et basées sur l'exploitation, à l'autre extrême des relations réciproques et mêlées d'affection. Nous observons à cet égard un processus de « familiarisation », dans lequel employeurs et travailleurs ont tendance à se voir comme des membres de la même famille. Pourtant, même si cette « familiarisation » peut être interprétée comme nourrie d'une vraie affection, elle crée un ensemble d'obligations qui voient la priorité des exigences des employeurs et des devoirs des travailleuses à leur égard.
      In Italy, the strong desire to take care of the elderly at home and within the family opens the border to migrant care workers. Despite an increasing focus on the closure of borders, migrant care workers are considered desirable immigrants and are generally socially accepted in Italian society because they are believed to fulfil an indispensable role in Italian families. Based on ninety-three qualitative interviews with migrant care workers, elderly care recipients, and the family members responsible for the organization of their care, this article considers the favourable position of care workers vis-à-vis the selectivity of immigration governance. Moreover, it discusses the relations established by Italian families with immigrant care workers, in comparison with what the scholarship says about the relationships between immigrant care workers and native families. For this purpose, we propose a typology of domestic elder care relationships, arranging them along a continuum where at one extreme they are asymmetrical and exploitative, whilst at the other they are warm and reciprocal. Finally, we observe a process of “familization” whereby employers and care workers begin to see each other as members of the same “family”. Whilst familialization can be interpreted as genuine affection, it also creates a web of obligations that prioritizes expectations by employers and duties of care workers.
    • Le travail de l'irrégularité. Les migrant·e·s sans papiers et l'économie morale de l'emploi - Sébastien Chauvin, Stefan Le Courant, Lucie Tourette p. 139-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En plaçant en leur cœur la question de la vulnérabilité et la raison humanitaire, les travaux récents sur les nouveaux flux migratoires ont sous-estimé la place du travail comme source de légitimité et d'accès aux droits. Or, s'il reste officiellement un moyen minoritaire d'obtention d'un titre de séjour, l'emploi est pourtant un élément déterminant de l'existence des migrant·e·s au statut civique précaire. À partir du cas français, cet article décrit les différentes manières dont l'économie morale de l'emploi structure les moments successifs de l'irrégularité migratoire. Il examine les effets de la précarité administrative sur une diversité de relations d'emploi, les stratégies documentaires qui les permettent et les arrangements moraux qui en résultent entre les travailleurs et travailleuses sans papiers et leurs patron·ne·s. Il met ensuite en lumière les différentes formes d'emploi et d'acteur·rice·s entrant en jeu dans les dynamiques d'accès à un statut légal. Enfin, il questionne les effets de la régularisation, pointant les évolutions biographiques qu'elle suscite tout en mettant en évidence les conséquences durables de l'irrégularité passée. La conclusion réintroduit la question de la performance économique dans l'analyse critique de l'humanitarisme en rappelant que ce dernier est lui aussi traversé par une raison néolibérale valorisant les victimes prometteuses. En soulignant la place du travail au sein de l'économie morale du lien migration-citoyenneté, l'article met en évidence les ambiguïtés de l'injonction à la performance économique dans la construction de la légitimité migratoire.
      By centering the question of vulnerability and humanitarian reason, scholarship on recent migration flows has underestimated the place of work as a source of legitimacy and access to rights. Although employment remains officially a minority means of obtaining a residence title, it remains a determining dimension of the existence of migrants with precarious legal status. Focusing on the French case, this article describes the different ways that the moral economy of employment structures the successive moments of migratory irregularity. It examines the different effects of administrative precarity on an array of employment relationships, the documentary strategies that make them possible and the moral arrangements that result between undocumented workers and their employers. It then casts light on the different forms of employment and the various actors that come into play in the dynamics of obtaining legal status. Finally, it interrogates the effects of regularisation, pointing the biographical developments it elicits while bringing out the lasting effects of past irregularity. The conclusion reintroduces the question of economic performance in the critical analysis of humanitarianism by showing that it too is traversed by neoliberal reason and values promising victims. By underlining the role of work within the moral economy of the migration-citizenship nexus, the article brings to light the ambiguities of the injunction to economic performance in the construction of migratory legitimacy.
    • S'engager bénévolement pour les papiers. La mise au travail associatif des interprètes de l'asile - Maureen Clappe p. 163-184 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une enquête ethnographique auprès d'interprètes bénévoles dans une association de soutien aux demandeurs d'asile, cet article interroge la fabrique du consentement autour de la mise au travail gratuit des publics de l'asile. Alors que les acteurs associatifs recherchent le soutien et la loyauté des interprètes par la mise en place d'un recrutement sélectif et préférentiel, ces derniers trouvent dans cette relation privilégiée des protections ponctuelles nécessaires à leur survie financière et administrative. Le fait d'exercer une activité bénévole pour les exilés peut être motivé par le versement d'une indemnité financière, mais aussi par la promesse d'obtenir un jour une régularisation pour celles et ceux qui se sont vu refuser le statut de réfugié. L'article montre de quelles manières les structures associatives se construisent en garants de la « bonne conduite » des exilés dans leurs démarches de régularisation en produisant des attestations de bénévolat, tout en participant dans leur recrutement, au tri et à la sélection des individus susceptibles d'être les plus employables par la suite sur le marché du travail.
      Based on an ethnographic survey of volunteer interpreters in an organization supporting asylum seekers, this article questions the manufactory of consent around the unpaid labor of persons in exile. While associations seek the support and loyalty of interpreters through an implementation of selective and preferential recruitment, the latter find in this privileged relationship the occasional protection necessary for their financial and administrative survival. The fact of carrying out voluntary work for exiles can be motivated by the payment of financial compensation but also for the undocumented exiles by the promise of obtaining one day regularization. The article shows the ways in which associations are built as guarantors of the “good conduct” of exiles in their regularization process by producing certificates of voluntary work, while participating in their recruitment to sort and select the individuals likely to be the most employable later on the labor market.
    • Le demandeur d'asile bénévole, nouvelle figure du « migrant méritant » ? - Simone Di Cecco p. 185-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'analyse des programmes de bénévolat pour demandeur·euse·s d'asile en Italie, cet article s'attache à étudier l'émergence d'une nouvelle figure du « migrant méritant » : le migrant bénévole, reconnaissant et actif, disposé à effectuer gratuitement des activités dites d'intérêt général. Dans le contexte italien, la participation aux programmes de bénévolat s'affirme comme un gage de mérite exigé à certaines populations étrangères, notamment celles gouvernées par les politiques d'asile et insérées dans le système des centres d'hébergement, qui doivent alors faire preuve non seulement de vulnérabilité, mais aussi d'intégration et d'engagement civique. Des écarts et des marges de manœuvre existent néanmoins entre le spectacle de l'intégration et de la valeur civique véhiculé par les programmes de bénévolat, et les pratiques concrètes des demandeur·euse·s d'asile bénévoles. L'étude des tactiques de réappropriation, de mise à distance et de contournement des activités non rémunérées révèle que l'émergence de cette figure de migrant méritant, tout en ayant des effets de mise en concurrence et de distinction entre les demandeur·euse·s d'asile, n'est pas à l'abri de formes plus ou moins visibles de critique et de contestation.
      Based on the analysis of volunteer programs for asylum seekers in Italy, this article examines the emergence of a new figure of the “deserving migrant”: the volunteer migrant, grateful and active, willing to perform free activities of general interest. In the Italian context, participation in volunteer programs is asserted as a pledge of merit required to some foreign populations, especially those governed by asylum policies and inserted in the reception system, who must then demonstrate not only vulnerability, but also integration and civic commitment. Gaps exist, however, between the spectacle of integration and civic value conveyed by volunteer programs and the actual practices of volunteer asylum seekers. The study of tactics of reappropriation, distancing and circumvention of unpaid activities reveals that the emergence of this figure of the deserving migrant, while having effects of competition and distinction between asylum seekers, can be sometimes criticized and contested.
    • Au début était la grève. Les grèves du travail des sans-papiers : l'appropriation de routines conflictuelles - Émeline Zougbédé p. 207-227 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers le cas de quatre grèves ethnographiées entre 2017 et 2019, cet article questionne les grèves du travail des sans-papiers soutenues et organisées par la CGT. Longtemps, ces grèves ont pu apparaître comme des « mobilisations improbables ». Il est ici proposé de les expliciter en montrant combien elles tiennent de l'appropriation de routines conflictuelles. Les grèves dessinent un paysage institutionnel qui intègre la question du travail des sans-papiers à un fonctionnement économique, social et réglementaire, en le mettant à l'agenda syndical et politique. Dans le même temps qu'elle permet la levée de certains obstacles à la protestation collective pour les sans-papiers, l'appropriation de routines conflictuelles autorise l'accumulation de ressources militantes et la conversion d'espaces de négociation. Les récentes grèves du travail des sans-papiers apparaissent donc moins improbables que davantage caractéristiques d'une action stratégique, en l'absence de réelles politiques migratoires de travail.
      Through the case of four strikes observed between 2017 and 2019, this article questions the labor strikes of undocumented workers supported and organized by the CGT. For a long time, these strikes may have appeared as “improbable mobilizations”. This article proposes to make them explicit by showing how much they are the result of the appropriation of conflictual routines. The strikes draw an institutional landscape that integrates the issue of undocumented workers into an economic, social and regulatory functioning, putting it on the union and political agenda. The appropriation of conflictual routines both allows the removal of specific obstacles to collective protest and the accumulation of activist resources, through the opening of spaces of negotiation. The recent labor strikes by undocumented migrants appear less improbable than more characteristic of a strategic action, in the absence of real labor migration policies.
    • Migrant Counterspaces: Challenging Labour Market Exclusion through Collective Action - Christina Mittmasser, Isabella Stingl p. 229-249 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les débats récents en étude des migrations et en géographie du travail mettent l'accent sur l'agentivité des migrant·e·s et leur capacité à contester les régimes migratoires et les relations de travail précaires. Dans cette perspective, cet article examine comment une organisation gérée par des migrant·e·s en Suisse crée des « contre-espaces » collectifs en réponse aux difficultés d'accès au marché du travail. S'appuyant sur des méthodes ethnographiques et participatives, nos résultats révèlent que les stratégies de cette organisation se concentrent principalement sur le niveau individuel et risquent ainsi de perdre de vue les relations de pouvoir plus larges. Néanmoins, nous soutenons que les stratégies employées peuvent être transformatrices au niveau individuel, et contribuent à créer un espace pour lutter contre les expériences dominantes d'exclusion sociale et économique. En conclusion, nous suggérons qu'une analyse des mouvements migratoires doit prendre en compte les dimensions sociales et relationnelles de l'agentivité et les effets différenciés de l'action collective.
      Recent debates in migration studies and labour geographies emphasise the need to acknowledge migrants' agency and their ability to challenge regulatory migration regimes and precarious working relations. Contributing to this literature, this article examines the activities of a migrant-run organisation in Switzerland in its collective response to labour market barriers mobilised by the state, employers, and society at large. Building on ethnographic and participatory methods, our findings reveal that the organisation's strategies focus strongly on the individual level and thus risk losing sight of broader power relations. Yet, our analysis also shows that the strategies employed can be transformative on the personal scale, creating a meaningful counterspace to dominant experiences of social and economic exclusion. In conclusion, we contend that an analysis of migratory movements needs to take into account the social and relational dimensions of agency as well as the differentiated effects of collective action.
  • Varia

    • Local “Battlegrounds”. Relocating Multi-Level and Multi-Actor Governance of Immigration - Iraklis Dimitriadis, Minke H. J. Hajer, Elena Fontanari, Maurizio Ambrosini p. 251-275 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'approche théorique de la gouvernance multi-niveaux (GMN) est largement utilisée pour comprendre les processus complexes d'élaboration des politiques migratoires. Dans cet article, nous proposons, sous la forme d'un état de l'art, une analyse de la dimension verticale (niveau local, régional, national, européen ou mondial) et horizontale (relations entre acteurs publics et non publics) de la GMN. Centré sur le niveau local et sur les questions d'asile, cet article identifie une tendance concernant, d'une part, les processus locaux de définition des frontières, et d'autre part, les politiques locales d'inclusion. En outre, nous examinons comment la société civile a réagi face aux arrivées de réfugiés. L'article montre que la littérature sur la GMN n'a pas accordé assez d'attention à la question du conflit et à la façon dont celui-ci peut déplacer les frontières sociales au niveau local. La littérature a insuffisamment abordé les mobilisations anti-migrants et les interactions entre migrants et société civile. En conclusion, nous ajoutons que le concept de « champ de bataille » (Battlegrounds) permet une compréhension plus dynamique de la GMN.
      The multi-level governance (MLG) approach is widely used to understand the complex processes of immigration policymaking. In this literature review, we consider both (i) the vertical dimension of MLG: the local, regional, national, European, or even global level; and (ii) the horizontal dimension of MLG: the relations between public and non-public actors. While focusing on the local level, this review identifies a trend regarding, on the one hand, local processes of bordering, and local policies of inclusion on the other. Furthermore, the article reviews how civil society has responded to the arrival of refugees. It identifies how this literature pays insufficient attention to dimensions of conflict and, more specifically, to how local borders can be challenged. Moreover, it shows a lack of attention to anti-migrant responses, and to the interaction between migrants and civil society regarding immigration governance. Concluding, the paper argues for the adoption of a “battleground” perspective as a more dynamic basis for the MLG approach.
    • Paris la souricière ? L'organisation de la mobilité étudiante dans la capitale pendant la Seconde Guerre mondiale - Matthieu Gillabert p. 277-302 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que Paris figure parmi les premiers pôles d'attraction pour les étudiants à l'échelle mondiale, l'Occupation allemande modifie considérablement la situation de cette mobilité académique. Outre la guerre elle-même qui limite les échanges, les institutions d'accueil sont affaiblies, voire disparaissent. Pourtant, un nombre constant d'étudiants étrangers, souvent dans l'impossibilité de rejoindre leurs proches, demeurent dans la capitale, obligés de s'adapter à cette nouvelle situation. Cet article montre comment la guerre, si elle ne supprime pas totalement cette mobilité académique, transforme en profondeur l'organisation de cette présence étrangère, jusqu'à modifier les catégories sociales de l'étudiant étranger, et rend la vie quotidienne de ces jeunes hommes et de ces jeunes femmes particulièrement difficile.
      While Paris is one of the world's leading centres of attraction for students, the German Occupation considerably changed the situation of this academic mobility. In addition to the war itself, which limited exchanges, the host institutions were weakened or even disappeared. However, a constant number of foreign students, often unable to join their relatives, remained in the capital, forced to adapt to this new situation. This article shows how the war, although it did not totally eliminate this academic mobility, profoundly modified the organisation of this foreign presence, to the point of changing the social categories of the foreign student, and made the daily life of these young men and women particularly difficult.
  • Portfolio

  • Notes de lecture