Contenu du sommaire : Les séries euro-méditérranéennes à l'épreuve du genre

Revue Genre en séries : cinéma, télévision, médias Mir@bel
Numéro no 1, printemps 2015
Titre du numéro Les séries euro-méditérranéennes à l'épreuve du genre
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Productions, représentations et appropriations genrées des fictions sérielles - Laetitia Biscarrat, Gwénaëlle Le Gras p. 1-8 accès libre
  • Les séries euro-méditérranéennes à l'épreuve du genre

    • Les séries télévisées, lieu privilégié de reconfiguration des normes de genre : l'exemple français - Geneviève Sellier p. 9-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'étudier du point de vue des normes de genre un corpus de séries policières françaises diffusées par les chaînes hertziennes en prime time en 2013, et qui ont fait les meilleures audiences. Il s'agit de mesurer quelles normes de genre font consensus auprès du public français de ces séries. En utilisant les notions de stéréotype, contre-stéréotype et anti-stéréotype (Macé, 2007), on repèrera des récurrences et des différences, en prenant en compte les mesures d'audience genrées.
      This paper explores the box office of French crime tv shows broadcasted in prime time on the main channels, in term of gender. By using concepts like stereotype, inverted stereotype and anti-stereotype (Macé, 2007), we will explore resemblances and specificities, to try to understand the uses of them by the French male and female audience.
    • Construction du masculin et du féminin dans les productions des industries culturelles contemporaines : le cas Élodie Bradford - Fanny Lignon p. 31-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'étudier, sous l'angle du genre, les raisons de l'échec d'Élodie Bradford, une série policière française qui joue sur les stéréotypes femmes/hommes et le revendique. Partant de l'hypothèse de Geneviève Sellier, qui se demande si le succès de certaines séries du même type n'est pas dû au fait qu'elles ne remettent pas réellement en cause la domination patriarcale, nous nous demanderons si, à l'inverse, ce n'est pas justement parce que cette série a voulu remettre en cause cette domination pour son public féminin, tout en répondant aux attentes traditionnelles du public masculin, qu'elle n'a pas connu le succès. Pour tenter de répondre à cette question, nous nous appuierons principalement sur l'étude du générique et du premier épisode de la série.
      This paper deals with the reasons, regarding gender identities, that can account for the failure of a French crime TV series aiming at questioning male and female stereotypes. Geneviève Sellier is wondering whether the success of similar shows depends on the fact that they do not really criticize the patriarchal domination. We would like to know if the low audiences of the series Élodie Bradford are linked to its definite challenge of male domination. In order to answer this question, we will study the trailer and the first episode of this series.
    • Féminités et masculinités dans Les Bleus, premiers pas dans la police. Entre remise en cause et réaffirmation des normes de genre - Taline Karamanoukian p. 49-72 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite des représentations de genre dans la série policière française Les Bleus, premiers pas dans la police (2006-2010), à l'intersection des rapports et des identités de race, d'ethnicité, de classe et d'orientation sexuelle. À partir d'une approche sémio-narratologique des personnages, nous étudions les différents modèles de féminité et de masculinité que la série construit. La série oppose deux modèles de féminité, l'une « masculine », l'autre « féminine », mais propose des modèles de masculinité plus variés. En analysant les différences de traitement des personnages, nous montrerons que si la série renouvelle les représentations de genre par rapport aux séries policières traditionnelles, elle le fait sur un mode très ambivalent, contestant les normes de genre tout en les réaffirmant.
      Adopting an intersectional approach, this article proposes to study representations of identities and gender relations in the French detective series Les Bleus, premiers pas dans la police (2006-2010). The analysis focuses on the construction of male and female characters and their evolution during the episodes, focusing on the articulation of gender, class, sexual orientation, ethnicity and race. From a semiotic-narratological approach of the characters, it attempts to highlight the different forms of hybridization of gender norms constructed by the series, taking into account the socio-cultural context and social representations built by French television in general. We will also examine how this series renews gender norms by placing it in the wider landscape of French detective series.
    • De si jeunes femmes... Analyse longitudinale des écarts d'âges et des inégalités de genre dans les séries policières - Mathieu Arbogast p. 73-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'écart d'âge entre femmes et hommes est au cœur de rapports de genre inégaux. Ce phénomène est observable dans les séries télévisées, sur plusieurs saisons. Une approche longitudinale montre que les écarts s'accroissent au fil des saisons. C'est la nature particulière du « héros de série télévisée » (HST, comme l'a baptisé Chalvon-Demersay), entremêlant personnage et interprète, qui permet de chiffrer précisément ces écarts, car les comédien·ne·s ont nécessairement un âge. Cette recherche met en relation des données appartenant aux personnages et d'autres relatives à leurs interprètes. Les comédiennes sont plus jeunes que leurs collègues, et plus jeunes que leur partenaire lorsqu'on leur connaît une relation. En outre les personnages féminins ont une durée de présence à l'écran plus courte, ce qui accentue l'écart d'âge général. Les femmes de plus de 50 ans sont donc particulièrement rares dans les séries. La tolérance envers le vieillissement des hommes s'oppose à la pression à ce que les femmes soient jeunes ou disparaissent des écrans. La sociologie des HST révèle une inégalité structurelle des âges qui maintient les femmes dans une infériorité professionnelle et narrative.
      The age gap between men and women is central in gender inequalities. This phenomenon can be seen in the long run in TV series. A longitudinal approach shows an increasing gap one season after the other. The specificities of the « HST » (Chalvon-Demersay's term for the hero of a TV series), the connection between a character and an actor allows a precise measure of this gap, as actors always have an age. For this research, data related to the characters is linked to information about the actors. Actresses are younger than their counterparts, and much younger than their partners when involved in a relationship. Furthermore, female characters have a shorter life on screen, which tends to broaden the overall discrepancy. The presence of women over 50 is particularly sparse in series. Men are indulged with some tolerance regarding ageing, whereas women suffer from a strong pressure to be young or to quit. Sociological study on the HST hence reveals structural age inequalities that maintain women in an inferior professional and narrative position.
    • Pour un archétype du féminin et du masculin ? Le discours essentialiste dans la série. Les Mystères de l'Amour - Marie-France Chambat-Houillon, Laurence Corroy p. 100-119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La série Hélène et les garçons a suscité il y a une vingtaine d'années un engouement chez les jeunes téléspectateurs et un intérêt du monde académique. Les Mystères de l'amour, diffusée actuellement par TMC, se présente comme une suite, mettant en scène les mêmes personnages vingt ans plus tard, joués par les acteurs d'origine. Le groupe de quadragénaires mis en scène semble préoccupé par les rapports qu'ils entretiennent avec l'autre sexe, et propose d'expliquer le comportement de chaque personnage à l'aune de caractéristiques de genre. Tautologies de nature essentialiste et conduites stéréotypées émaillent l'arsenal discursif de la série. Celle-ci propose une explication archétypale des conduites de chacun, qui s'inscrit dans un rapport traditionnel de pouvoir entre hommes et femmes. Pour autant, un épisode, abondamment publicisé par la chaîne, annonçait des rebondissements rompant avec les codes diégétiques habituels. Son analyse met en lumière les ambivalences d'une série qui, tout en proposant des fonctionnements du masculin et du féminin sur un mode archétypal, en teste les limites.
      Twenty years ago, the television series Hélène et les garçons has attracted a lot of attention from the spectators and academic world. The channel TMC is currently broadcasting Les Mystères de l'amour, a continuation of the TV series. The same characters are played by the same actors who are twenty years older. The group in its fortysomethings is concerned about the relationships between men and women and explains the behaviour of each member of the group in terms of his or her gender identity. Stereotypes and tautologies are presents in their conversations, based on an archetypal vision of sexes. However, according to the channel, one episode of the television program called into question traditional narrative conventions. At least, it is what claimed the channel. The analysis of this episode shows the ambivalence of the TV series concerning gender inequality.
    • Femmes turques et séries télévisées : diversité des lectures, richesse des usages - Hülya Uğur Tanriöver p. 120-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comme en témoigne leur exportation dans plus d'une trentaine de pays, notamment musulmans, et leur succès commercial au niveau national, les séries turques connaissent un rayonnement sans précédent depuis quelques décennies. Longtemps sous-estimées des chercheurs et théoriciens en sciences sociales, elles constituent de nos jours un objet de recherche précieux dans différentes disciplines, dont la sociologie des publics et les études de genre (gender studies), dans le cadre desquels se positionne notre approche théorique. Nous partageons dans cet article les résultats d'une recherche qualitative que nous avons réalisée à Istanbul auprès de femmes, afin de faire ressortir les manières dont elles articulent cette pratique à leur quotidien. Nous avons pu constater que, loin d'être des « récepteurs » passifs, les femmes, de par leur expérience de « publics de séries », se servent de ces productions comme sources d'information ou comme moyens d'établir ou consolider les liens familiaux et sociaux. C'est grâce aux lectures critiques qu'elles font de ces productions que les femmes turques développent une certaine résistance envers le discours patriarcal auquel elles sont confrontées dans leur vie réelle. On peut même voir que la pratique des séries télévisées relevant du privé constitue pour ces femmes un moyen de réflexion et d'expression politiques.
      From a few decades, Turkish TV series have been commercially successful at the national level for several decades and are being exported to more than thirty countries, especially Muslim ones. Neglected by social sciences for a longtime, they constitute nowadays a precious object of research for different disciplines, such as audience studies and Gender studies which constitute our theoretical framework in this research. In this article we share the results of a qualitative survey interviewing women living in Istanbul in order to find out how they articulate their spectatorship experience with their everyday life. Our results show that women are not passive « receptors » and that their experience gives them the possibility to use these series as sources of information and/or as means for the construction or the empowerment of their familial or social communications. Turkish women develop critical readings of these series, and refer to these readings to construct forms of resistance to the partiarchal discourse which is dominant in their real life.
    • Genre et séries animées françaises : normativités, phénomènes de reprise et nouvelles représentations - Mélanie Lallet p. 147-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au croisement des Gender et Cultural Studies, et d'une Sociologie de l'enfance qui s'ancre dans une ferme reconnaissance de la capacité d'agir des plus jeunes (agency), cet article envisage les représentations de genre présentes dans les séries animées françaises. Diffusés au petit écran et destinés aux enfants, les dessins animés sont riches en modèles normatifs, et souvent révélateurs des inégalités qui persistent dans la société. Maintes fois reprogrammés et sujets à des phénomènes d'adaptation ou de reprise, ils permettent également de repérer des évolutions dans les représentations genrées, caractérisées par un jeu de tension entre conformisme et innovation, ainsi que des effets de retour en arrière (backlash). Des premières aventures de Tintin en semi-animation, en passant par Bonne nuit les petits, Petit Ours Brun, les célèbres séries « Il était une fois… » (l'Homme, les Découvreurs, les Explorateurs etc.), jusqu'aux productions plus contemporaines, ces programmes ont souvent relayé une conception différentialiste du genre, plaçant le féminin en position subalterne. Pourtant, certaines ont peu à peu accompagné les grandes transformations de notre société et interrogé les oppositions classiques, par exemple à travers un ton militant, un humour transgressif ou un usage créatif de l'anthropomorphisme. Malgré les ambivalences qui persistent, on trouve aujourd'hui aux côtés de modèles plus traditionnels des personnages qui bousculent toute la chaîne sexe-genre-désir (Candy, dans Les Zinzins de l'espace), d'autres qui prennent position en faveur des combats féministes (Maestro et Psi, dans Il était une fois… notre Terre), et de plus en plus d'héroïnes indépendantes et combatives (par exemple Betty ou Rosie dans la tranche « Girl Power » de la chaîne Gulli).
      This research focuses on gender representations in French animated cartoons, at the intersection of Gender, Cultural and Childhood Studies, calling for a strong recognition of children's agency. Broadcast on the small screen and aimed at children, TV cartoons generally propose very normative models, which reveal persisting inequalities in French society. Subject to repeated broadcasts, as well as adaptation and rerun phenomena, they also permit to observe evolutions concerning gender representations, characterised by tensions between conformity and innovation, as well as backlash effects. From the first semi-animated adventures of Tintin, and including Bonne nuit les petits, Petit Ours Brun, as well as the famous « Il était une fois… » series (l'Homme, les Découvreurs, les Explorateurs etc.), to contemporary productions, these programs have often conveyed a differentialist conception of gender, confining the feminine to a subaltern position. Nevertheless, some of them have reflected the great transformations of our society and questioned traditional oppositions, for instance through a militant perspective, transgressive humour our creative anthropomorphism. In spite of persisting ambivalence, traditional figures coexist with characters who deconstruct the whole sex-gender-desire chain (as Candy, in Les Zinzins de l'espace), or take a stand for feminist commitment (as Maestro and Psi, in Il était une fois… notre Terre), as well as more independent and combative heroines (as Betty or Rosie in the « Girl Power » time slot of the Gulli channel).
  • Varia

    • Retour sur les films de gangsters hollywoodiens des années 1930 : codage et décodage de masculinités marginalisées - Jules Sandeau p. 172-195 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte un regard nouveau sur les trois plus gros succès du film de gangsters hollywoodien du début des années 1930 : Little Caesar (M. LeRoy, 1931), The Public Enemy (W. Wellman, 1931) et Scarface (H. Hawks, 1932). Nous reviendrons sur la vision ambivalente qu'ils proposent de la masculinité dans le contexte de la Grande Dépression, avant d'examiner à nouveaux frais les réceptions dont ils ont fait l'objet aux États-Unis au moment de leur sortie en articulant logiques de genre, de classe et d'ethnicité.
      This article sheds a new light on the three biggest gangster films' successes of the beginning of the Thirties : Little Caesar (M. LeRoy, 1931), The Public Enemy (W. Wellman, 1931) and Scarface (H. Hawks, 1932). We will revisit the ambivalent vision these films propose of masculinity in the context of the Great Depression, before examining, by articulating issues of gender, class and ethnicity, the receptions that they received in the US at the time of their release.
  • Notes de lecture