Contenu du sommaire : L'imaginaire des séries télévisées Vol. II

Revue Sociétés Mir@bel
Numéro no 154, 2021/4
Titre du numéro L'imaginaire des séries télévisées Vol. II
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • L'imaginaire des séries télévisées Vol. II

    • Introduction. L'imaginaire des séries : une mise en récit du monde - Marianne Celka, Fabio La Rocca p. 5-8 accès réservé
    • "Westworld" as cultural continuity and symptom - Anaurelino Negri, Roberto Tietzmann p. 9-20 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte propose une interprétation des phénomènes culturels liés à Westworld – le long métrage (1973) et la série télévisée de HBO (2016) – utilisant Baudrillard comme matrice épistémologique centrale en dialogue avec les auteurs actuels sur la société hyperréelle, l'économie politique et la technologie. Il propose également de brèves réflexions sur la politique des auteurs, l'esthétique et la narration dans les deux productions afin d'explorer ses marques techno-culturelles.
      This paper proposes an interpretation of cultural phenomena connected to Westworld—both the feature film (1973) and HBO's television series (2016)—using Baudrillard as a central epistemological matrix in dialogue with current authors on hyperreal society, political economy, and technology. It also proposes brief reflections on authorship, aesthetics, and narrative in both productions to investigate their technocultural marks.
    • "Dark" et la construction sociale de la connaissance - Florian Lombardo p. 21-34 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Il est avancé que la série Dark peut être interprétée comme une mise en scène de plusieurs théories centrales à l'origine du développement de la construction sociale de la connaissance, telle qu'elle a été théorisée par Peter Berger et Thomas Luckman en 1966. Elle offre une opportunité de discuter la théorie de la connaissance d'Emmanuel Kant, l'approche phénoménologique d'Edmund Husserl, les mondes multiples d'Alfred Schütz et finalement les épistémologies et ontologies subjectivistes et objectivistes de Berger et Luckmann.
      This article presents the Netflix series Dark as an interesting hermeneutic prism in order to represent some central theories at the origin of the development of social constructivism, as theorized by Peter Berger and Thomas Luckmann in 1966. It offers an opportunity to discuss the theory of knowledge of Emmanuel Kant, the phenomenological approach of Edmund Husserl, the multiple realities of Alfred Schütz, and, finally, the subjectivist and objectivist epistemologies and ontologies of Berger and Luckmann.
    • L'imaginaire de la realpolitik dans la fiction "Baron noir" - Ludovic Falaix, Maxence Cordonnier p. 35-50 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La série Baron noir, composée de trois saisons, diffusée sur Canal+ de 2016 à 2020, est une fiction télévisuelle dont l'intrigue narrative repose sur la représentation de l'effervescence qui agite le corps social et politique à l'échelle hexagonale et européenne. Cette série met en scène la personnification du pouvoir politique et véhicule les imaginaires populistes de la démocratie radicale. En abordant les dérives et les limites d'une société moderne en proie à la dystopie, la série Baron noir illustre de manière réaliste, sinon prophétique, la transfiguration de la vie politique française et la crise démocratique qu'elle traverse. En d'autres termes, la série Baron noir permet la mise en abyme de cette tension qui traverse le champ politique entre d'une part l'ivresse du pouvoir fondée sur la bestialité des hommes et des femmes politiques et d'autre part la puissance des mouvements sociaux dont l'animalité repose sur le terreau fertile des injustices sociales et des quêtes identitaires. Enfin, l'article aborde le fait que la série transcende la seule critique sociale au bénéfice de l'examen d'une possible démocratie des émotions pensée comme fondement d'une nouvelle cosmopolitique et d'une sortie de la crise de l'Anthropocène. L'imaginaire de la realpolitik proposé dans la fiction Baron noir invite ainsi à une réflexion collective sur les formes d'un potentiel réenchantement du politique.
      The TV series Baron Noir, composed of three seasons intotal, broadcast on Canal + from 2016 until 2020, is a drama with a plot based on the representation of the effervescence of the social and political body on a French and European scale. This series depicts the personification of political power and conveys the populist fantasy of radical democracy. By addressing the abuses and limits of a modern society plagued by dystopia, Baron Noir illustrates in a realistic, if not prophetic way the transfiguration of French politics and the democratic crisis it is going through. In other words, Baron Noir demonstrates the mise en abyme of this tension that runs through the political sphere, with, on the one hand, the intoxication of power based on the animality of politicians, and on the other, the power of social movements where this animality is based on social injustices and pursuits for identity. Finally, the article discusses the fact that the series transcends social critique in order to examine a possible democracy of emotions thought of as the foundation for a new cosmopolitanism and a way out of the Anthropocene crisis. The re-imagining of realpolitik proposed in Baron Noir invites us to undertake a collective reflection on the forms of a potential re-enchantment of politics.
    • La glorification des valeurs et de l'ordre bourgeois dans les séries télévisuelles "The Paradise" et "Mr Selfridge" - Philippe Denis p. 51-64 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'engouement qu'ont rencontré The Paradise et Mr Selfridge, deux séries télévisuelles se rapportant à l'avènement des grands magasins, premier symbole d'une démocratisation du luxe moderne, soulève une interrogation quant à savoir si elles ont comblé autant les attentes et les désirs des propriétaires de ces établissements que ceux du public. En effet, si dans la société hypermoderne une valorisation du passé par la nostalgie se développe, ce qui fait apparaître des liens entre l'ancien et l'actuel, cette réflexion permet de questionner la mise en relief dans ces séries des valeurs qui ont permis la montée de la bourgeoisie et des capitaux qui la caractérisent, tout en offrant une part de rêves. Ainsi, cet article cherche à démontrer que ces éléments sont toujours au centre des préoccupations sociales, d'où leur mise en relief au gré des épisodes.
      The enthusiastic reception of The Paradise and Mr Selfridge, two television series relating to the advent of department stores, the ultimate symbol of democratization of modern luxury, raises the question of whether these stores have fulfilled the expectations and desires of their owners as much as those of the public. Indeed, suppose in our hypermodern society that nostalgia develops a valorization of the past, which reveals links between the old and the current. In that case, this reflection makes it possible to question the highlighting in these series of the values that enabled the rise of the bourgeoisie and the capital that characterized it, while offering a share of dreams. Thus, this article seeks to demonstrate that these elements are always at the center of social concerns, hence their emphasis in these series.
    • La`"Casa de Papel ": révolution masquée ou mascarade de révolution ? - Laurence Doucet p. 65-74 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La Casa de Papel est une série télévisée espagnole qui a eu un succès retentissant lors de sa diffusion, entraînant un engouement à la fois imprévu et compréhensible pour le personnage du Professeur et ses acolytes. Le principe de la série télé se prête à merveille pour la narration de l'histoire qui se joue du temps et des narrateurs. Dans un premier temps, la question du « masque » et du secret qui entoure les protagonistes sera abordée : à quelle forme d'imaginaire nous renvoient ces vêtements et ces masques ? Le spectateur s'est-il identifié à un masque d'un peintre génial et hors du commun (Salvador Dali) ou aux cambrioleurs qui s'en servent pour tromper la police ? Ensuite, la question de la révolution : est-elle une résurgence de récits antérieurs qui propose un changement initié par des personnages à la fois hors du commun et proche de notre quotidien ?
      Money Heist is a Spanish television series that had a resounding success when it was broadcast, causing an unforeseen yet understandable craze for the Professor and his acolytes. The principle of the TV series lends itself perfectly to the narration of a story that plays with time and narrators. First, the question of the "mask" and the secrecy that surrounds the protagonists will be addressed: To what form of imaginary do these clothes and these masks refer us? Did the viewer identify with the mask of a brilliant and unusual painter (Salvador Dali) or with the burglars who use it to deceive the police? Second, the question of revolution will be studied: Is it a resurgence of previous stories that proposes a change initiated by characters both out of the ordinary and close to our daily lives?
    • The look and the touch of evil. Notes on technologies of violence in "Godless" - João Guilherme Barone p. 75-83 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine l'imaginaire de la violence dans la minisérie Godless en révélant les façons dont la tradition des films western classiques est revisitée en relation aux phénomènes contemporains de violence à travers les signes et les traces du mal, cachés dans la structure narrative et esthétique et exprimés à travers le comportement des personnages.
      This paper examines the imaginary of violence in the miniseries Godless in order to reveal how the tradition of the classic westerns revisited is related to contemporary phenomena of violence through signs and traces of evil, hidden in its narrative and aesthetic structure and expressed through the behavior of the characters. The reflection focuses on the cinematic representation of violence, combining revelations of new sources of significance (Castoriadis); the changing patterns in the western genre and in media technologies (Jenkins); and the concept of "technologies of violence," as related to technologies of the imaginary (Machado da Silva) but also to the idea of a system for establishing the aesthetics of violence, evil, and fear (Benjamin) as an expression of social and cultural dynamics.
    • "The Handmaid's Tale" et l'anticipation des futurs dystopiques - Felipe Koch p. 85-97 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Penser les futurs en tant que scénarios dystopiques nous conditionne à utiliser des mécanismes d'anticipation pour nous préparer à la contingence. Cela influence le présent, puisque les actions sont prises maintenant, et inhibe l'avènement des futurs alternatifs issus du processus d'anticipation pour l'émergence de la nouveauté. À travers l'exemple de la série The Handmaid's Tale (La Servante écarlate) nous voulons montrer comment libérer nos visions des futurs. La nouveauté de notre travail réside dans la mise en collaboration de la sociologie de l'imaginaire et des futures studies dans ce que nous avons appelé une « sociologie des futurs ».
      Thinking of futures as dystopian scenarios conditions us to use anticipatory mechanisms to prepare for contingency. This impacts the present, as actions are taken now, and inhibits the advent of alternative futures resulting from the process of anticipation for the emergence of the novelty. Through the example of the TV series The Handmaid's Tale, we want to show how to liberate our visions of futures. The novelty of our work lies in the collaboration between the sociology of the imaginary and futures studies, in what we have called a “sociology of futures.”
    • "Westworld" un abrégé incisif de sociologie de la souffrance - Maharisoa Ralambosoa p. 99-110 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article dissèque la première saison de Westworld relativement à un leitmotiv lancinant qui revient tout au long de la série par-delà la trame faustienne de l'intelligence artificielle : le thème de la souffrance. De sa dramaturgie sociale à sa distribution collective et individuelle en passant par son appropriation individuelle à des fins identitaires, la souffrance assure une fonction dialectique de premier rang dans le blockbuster labyrinthique de HBO, reflétant de grandes notions de sociologie de la souffrance. Les allusions à notre modernité dolente et « désenchantée » (Jean Foucart) y sont plus qu'évidentes, entre impératif d'être soi, déliaison généralisée et menaces de fractures sociales inédites relatives à l'essor de l'intelligence artificielle. Autant de correspondances mises en évidence à l'intérieur de notre contribution qui a décidé d'insister sur un aspect moins évoqué de la série et sur ses corollaires théoriques.
      This article dissects the first season of Westworld in relation to a leitmotif that occupies a prominent place throughout the series, beyond the artificial intelligence plot: the topic of suffering. From its social dramaturgy to its collective and individual distribution, not to mention its individual appropriation for reasons of identity, suffering plays a central dialectical role in HBO's labyrinthine blockbuster, mirroring key notions in the sociology of suffering. Allusions to our doleful and “disenchanted modernity” (Jean Foucart) are obvious: between the imperative of being oneself, the generalized unbinding, and the threat of unprecedented social fractures pertaining to the rise of artificial intelligence. Our contribution thus aims at exploring such correspondences between the series and contemporary society in its ways of dealing with suffering, an original reading of a series that is often reduced to the artificial intelligence thread.
    • L'évanouissement de la mémoire. Le fantôme comme enregistrement dans "The Haunting of` Bly Manor" - Daniel Sanchez Medina p. 111-124 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Utilisée d'une manière plus ou moins métaphorique, l'image de l'enregistrement, de la trace de mémoire sur un support, a été récurrente pour expliquer les apparitions fantomatiques dans la fiction. The Haunting of Bly Manor nous propose de suivre l'évanouissement de cette trace. La série nous montre l'érosion produite par le temps sur le fantôme, allant d'un être unique, possédant un visage et une individualité, vers une sorte de marionnette sans visage répétant en boucle des actions dont elle a oublié le but. Le fantôme n'est plus un être individuel (le fantôme de quelqu'un), il se fond dans un amas avec d'autres fantômes sans visage et tous ensemble deviennent la hantise d'une maison.
      Used in a more or less metaphorical way, the image of the recording, the trace of memory on a medium, has been used recurrently to explain ghostly appearances in fiction. The Haunting of Bly Manor invites us to follow the fading of this trace. The series shows us the erosion produced by time on the ghost: going from a unique being, possessing a face and an individuality, toward a kind of faceless puppet, repeating a loop of actions whose purpose it has forgotten. The ghost is no longer an individual being (someone's ghost); it merges into a mass along with other faceless ghosts, which all haunt the house together.
    • "Sex and the City" entre mode, métropole et éros : une analyse sociologique - Alfonso Amendola, Michelle Grillo p. 125-134 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Nous examinerons dans cet article la série télévisée Sex and the City dans sa relation avec le système de la mode. La question étudiée concerne trois thèmes fondamentaux : la séduction/l'érotisme, la mode et la métropole. Avec cette réflexion, nous souhaitons reprendre des catégories théoriques du XXe siècle : Simmel (la mode dans son nœud existentiel) ; Baudrillard et Bataille (le thème de la séduction et de l'érotisme) ; Benjamin (le devenir de la métropole), renouvelées au prisme de notre contemporanéité, dans le cadre de la pop culture. L'envie de parler de nouveau de Sex and the City nous est venue en apprenant que la série télévisée reprendra en 2021. La réflexion présentée ici a un double objectif : reconstruire l'imaginaire audiovisuel, expressif et productif de la série en l'identifiant comme une matrice et source génératrice d'autres productions en série.
      In this article, we analyze the TV series Sex and the City in its relationship with fashion. We wanted to recover theoretical categories from the twentieth century but reinvent them through the prism of contemporary culture and in the context of pop culture. We want to talk about Sex and the City again because the series will resume in December 2021. The aim of this research is twofold: Firstly, to reconstruct the audiovisual, expressive, and productive imaginary of the series as a generative source of other series. And above all, we want to reflect on three major themes that animate Sex and the City: the metropolis, seduction/eroticism, and fashion. The study draws in particular on four sociologists: Simmel (regarding fashion); Baudrillard and Bataille (for the theme of seduction/eroticism); and Benjamin (for the future of the metropolis).
  • Marges

    • "Après ce long cauchemar" : voyage au centre du labyrinthe. Hétéronomie, écritures biographiques et esthétiques contemporaines - Immacolata Pepino p. 135-151 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le but de cet article est d'essayer de comprendre comment la sociologie peut tirer parti d'outils issus de domaines de production intellectuelle autres que la connaissance scientifique. En accordant une attention particulière à la littérature et aux séries télévisées, nous proposons une comparaison avec l'artifice compositionnel sophistiqué de l'hétéronyme – considéré sous les différentes formes qu'il a prises depuis le début des années 2000 – afin de souligner comment cela s'inscrit dans le débat plus large sur l'utilisation des récits pour la recherche sociale développé au cours des dernières décennies. Le but ultime de cet article est donc de démontrer comment cet artifice narratif permet de repenser les catégories propres à la sociologie à partir d'un des concepts fondateurs de la discipline : celui de l'identité.
      This article aims at providing an insight into the variety of instruments that sociology can and does borrow from other fields of intellectual output, such as literature and television series. In particular, we focus on the sophisticated narrative artifice known as heteronomy to present a set of comparisons that will highlight how heteronomy fits into the broader debate on the general use of storytelling as a suitable tool for social research. The ultimate purpose of this article is to demonstrate that heteronomy could contribute to the revision of categories specific to sociology through one of its most crucial concepts: identity.
    • Médiologie et humanité. Archéologie et scénario du métavers : théorie des médias et avenir des langages numériques - Guerino Nuccio Bovalino, Stefania Guglielmo p. 153-165 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Ce travail vise à rappeler certaines des principales réflexions de la théorie des médias de Walter Benjamin, avec une référence particulière aux intuitions du philosophe sur le rôle de la photographie et de l'art cinématographique. À partir de cette référence, l'objectif du texte est d'avancer un raisonnement sur la relation entre la médiologie et l'humanité à la lumière des changements de l'environnement numérique contemporain. L'attention est particulièrement portée sur le projet Meta présenté par Mark Zuckerberg, reconnu comme un cas emblématique du passage d'un réseau conçu comme un lieu de citoyenneté de l'obscène et de l'irrégulier à un réseau devenu une forme extrême d'institutionnalisation.
      This paper aims to recall some of the main reflections of Walter Benjamin's media theory, with reference to the philosopher's intuitions on the role of photography and cinematographic art. The aim of the text is to argue about the relationship between mediology and humanity in the light of the changes in the contemporary digital environment. Particular attention is paid to the Meta project presented by Mark Zuckerberg, recognized as an emblematic case of the passage from a network conceived as a place of citizenship of the obscene and the irregular to a network that has become an extreme form of institutionalization.