Contenu du sommaire : Réinterroger les liens entre urbain et rural : interconnexions et coordinations des territoires

Revue géographie, économie, société Mir@bel
Numéro Vol. 23, no 4, octobre-décembre 2021
Titre du numéro Réinterroger les liens entre urbain et rural : interconnexions et coordinations des territoires
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  • Réinterroger les liens entre urbain et rural : interconnexions et coordinations des territoires - Romain Melot, Lise Bourdeau-Lepage, Mathieu Bonnefond p. 357-366 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    De nouvelles dynamiques d'interconnexion entre territoires urbains et ruraux sont à l'œuvre. Elles structurent de nombreux travaux de sciences sociales sur la re-territorialisation des systèmes agri-alimentaires, les services écosystémiques rendus par les franges périurbaines ou encore les innovations en matière de gouvernance dans les relations entre espaces ruraux et urbains. Au-delà de la simple caractérisation d'un nouveau paradigme des relations entre territoires urbains et ruraux, ce numéro spécial présente la traduction de ces interconnexions. L'angle d'attaque privilégié est celui des innovations sociales et organisationnelles étudiées dans le cadre de recherches empiriques co-construites avec des partenaires territoriaux dans plusieurs régions françaises au cours des cinq dernières années. Les connaissances produites par la recherche partenariale illustrent la diversité des compétences qui doivent être mobilisées pour saisir toutes les facettes des questions relatives au développement régional. C'est bien la dimension systémique des problématiques territoriales qui pose un défi pour la recherche et pour l'action publique.
    New dynamics of interconnection between urban and rural territories are ongoing. They structure many social science studies on the re-territorialization of agri-food systems, the ecosystem services provided by the peri-urban fringe, and governance innovations in the relationships between rural and urban spaces. Beyond the simple characterization of a new paradigm for relations between urban and rural territories, this special issue presents the implementation of these interconnections. Our approach is focused on social and organizational innovations studied in the framework of empirical research co-designed with territorial partners in several French regions over the past five years. The knowledge produced by the partnership research illustrates the diversity of skills that must be mobilized to grasp the various dimensions of regional development issues. It is this systemic dimension of territorial issues that raises a challenge for research and for public policies.
  • Nouveaux arrangements fonciers pour citadins sans terre : émergence d'acteurs intermédiaires dans la relation propriété-usage des jardins privés de la métropole - Ségolène Darly, Élise Temple-Boyer, Alexia Sourzac, Alexis Gonin p. 367-386 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Les tissus pavillonnaires sont constitués d'une part importante de terrains dédiés aux jardins. Ces jardins constituent une ressource locale qui pourrait répondre à une demande croissante de terrains par des cultivateurs « sans terre ». Cette communication se penche sur l'émergence de nouveaux acteurs qui se positionnent en tant qu'intermédiaires de prêt de jardin, entre propriétaire et usagers, en France. Des enquêtes révèlent les nouvelles modalités de rencontre et de formalisation portées par des plateformes numériques nationales et des intervenants associatifs d'action locale. Les travaux présentés dans cet article montrent que ces nouveaux acteurs de l'intermédiation foncière se positionnent aujourd'hui sur des segments d'usagers qui leur sont propres et déplacent chacun à leur manière les limites entre le formel et l'informel de l'arrangement foncier. Nos résultats nous engagent à prendre au sérieux les dynamiques collectives qui sont activées autour des espaces du quotidien et les possibilités de transformation sociale, environnementale et peut-être politique qui peuvent s'y inventer en dépit de leur caractère privatif.
    The suburban fabrics consist of a large part of land dedicated to gardens. These gardens constitute a local resource which could meet a growing demand for space by “landless” cultivators. This communication examines the emergence of new actors who position themselves as garden loan intermediates, between owner and users, in France. Field surveys reveal the new methods of matching and formalization carried out by national digital platforms and local action association stakeholders. The work presented in this article shows that these new actors in land intermediation are targeting specific groups of users to them and each in their own way shift the boundaries between the formal and the informal of the land share agreement. Our results commit us to take seriously the collective dynamics that are activated around everyday spaces and the possibilitis for social, environmental and perhaps political transformation that can be invented there despite their private status.
  • La planification des espaces ruraux et périurbains à l'épreuve des contestations : une perspective sociologique sur les pratiques de recours en Île-de-France - Camille Le Bivic, Florian Pepin, Thierry Kirat, Romain Melot p. 387-411 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans les communes rurales et périurbaines, les pressions exercées sur les élus par les propriétaires (en particulier les propriétaires de terres agricoles, exploitants ou non) afin d'obtenir une évolution en leur faveur des zonages et règlements d'urbanisme, sont fréquemment mentionnées par les recherches menées sur les politiques foncières locales Cependant, la nature et l'objet précis des prétentions sur lesquelles portent ces revendications demeurent mal connus en dehors de monographies locales. Au-delà de la dichotomie entre ouverture à l'urbanisation d'une part, préservation des espaces naturels et agricoles d'autre part, quelles sont les modalités d'écriture du droit qui offrent des marges de manœuvre pour la constructibilité des espaces agricoles et naturels et sur lesquelles se cristallisent les litiges ? Nous partons de l'hypothèse que l'analyse des revendications des propriétaires et riverains dans un cadre contentieux permettent de répondre en partie à cette question.Dans une perspective de sociologie juridique, nous proposons de mettre en évidence la manière dont s'expriment les revendications relatives aux droits à bâtir en proposant une analyse des argumentaires développés par les requérants qui attaquent en justice les documents d'urbanisme. À partir d'une étude statistique menée auprès de quatre tribunaux administratifs en Île-de-France sur un échantillon d'environ 443 recours contentieux durant une période de 12 ans (2003-2015), et d'une enquête qualitative auprès d'élus locaux, la recherche vise à mieux comprendre les contestations locales en matière de planification d'urbanisme.
    In rural and peri-urban municipalities, the pressure exerted on elected officials by landowners (especially owners of agricultural land, whether farmers or not) to change zoning and urban planning regulations in their favour is frequently mentioned in research on local land policies. However, the precise nature and purpose on which these claims are based remain poorly known outside local case studies. Beyond the dichotomy between urban development on the one hand and the preservation of natural and agricultural spaces on the other, what forms of lewway are given by the law an locally implemented to favour the building of agricultural and natural spaces? What is the focus of local disputes on zoning regulations? We start from the hypothesis that the analysis of the claims of landowners and residents in a contentious context provides an empirical answer to this question.From a legal sociology perspective, we propose to highlight the way in which claims relating to building rights are filed in courts by proposing an analysis of the arguments developed by the claimants who take legal action against urban planning documents. On the basis of a statistical study conducted in four administrative courts in the Île-de-France region on a sample of approximately 443 legal claims over a 12-year period (2003-2015), and a qualitative survey with local elected officials, the research aims to provide a better understanding of local planning disputes.
  • La régulation des transformations de l'usage du foncier agricole aux interfaces entre urbain et rural. Le cas des franges de l'Île-de-France - Joël Idt p. 413-436 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À travers les cadres d'analyse de la sociologie de l'action organisée, cet article met en évidence les jeux d'acteurs concrets qui se structurent autour des processus de transformation de l'usage du foncier agricole aux interfaces entre urbain et rural en périphérie de l'Île-de-France. Ces transformations sont loin d'être entièrement déterminées ou empêchées par les instruments de planification urbaine qui affichent aujourd'hui comme principal objectif de réduire l'étalement urbain et l'urbanisation des terrains agricoles. Elles concernent au moins autant les activités économiques, les projets environnementaux, ou encore la restructuration des filières agricoles, que la production nouvelle de logements. Certaines s'opèrent même sans évolution des zonages des plans, de manière processuelle.Dans un contexte où les documents de planification sont instables et où les enjeux agricoles et urbains s'entrecroisent, les formes de régulation des transformations de l'usage des terrains agricoles sont caractérisées par d'intenses négociations foncières, en amont comme en aval des projets et des modifications des documents d'urbanisme. Les acteurs, publics comme privés, jouent avec les règles des documents de planification. Les possibilités effectives de transformations d'usage du foncier agricole se révèlent malgré tout limitées. Mais cette situation n'est pas sans poser problème, dans les possibilités de développement des petites communes périurbaines, dans les conflits qu'elle peut engendrer face à la pénurie de foncier urbanisable, et avec un report significatif des transformations au-delà des limites régionales.
    Using the analytical frameworks of the sociology of organised action, this paper highlights the concrete games of actors that are structured around the processes of transformation of agricultural land use, at the boundaries between urban and rural in the periphery of Ile-de-France. These transformations are far from being entirely determined or prevented by the urban planning instruments, whose main objectives are nowadays to reduce urban sprawl and urbanisation of agricultural land. Main transformations concern economic activities, environmental projects, or the restructuring of agricultural sectors, as much as new housing production. Some even take place without changing the zoning of the plans, in a processual manner.In a context where planning documents are unstable, regulation of transformations in the use of agricultural land is characterised by intense land negotiations, both upstream and downstream of projects and modifications of urban planning documents. Public and private actors play with the rules of planning documents. The effective possibilities for transforming the use of agricultural land are nevertheless limited. However, this situation is not going without problems, limiting the possibilities of development of small peri-urban municipalities, generating conflicts in a context of the lack of constructible land, and postponing transformations beyond regional boundaries.
  • Alimentation, État et territoires. Diffusion et reconnaissance des Projets Alimentaires Territoriaux en France (2014–2021) - Lola Guillot, Cécile Blatrix p. 437-459 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    À partir de 2010 l'action publique en matière d'alimentation connaît de nombreuses transformations qui conduisent le Ministère de l'agriculture à se positionner fortement sur le sujet.Dans ce contexte, la question de la territorialisation de la politique publique prend de plus en plus d'importance, et en 2014 un nouvel instrument est dédié à l'ancrage territorial de l'alimentation : les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT). Un dispositif de reconnaissance des PAT par le Ministère de l'agriculture est créé afin de valoriser ces initiatives et de contribuer à leur diffusion. L'article analyse les conditions dans lesquelles les PAT se sont diffusés, et cherche à éclairer les raisons pour lesquelles le dispositif de reconnaissance n'a pas permis jusqu'ici une large appropriation par les acteurs locaux. Le caractère urbain ou rural des territoires est discuté en ce qui concerne sa valeur heuristique pour comprendre l'intérêt des acteurs pour le dispositif.
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    From 2010 onwards, public action in the area of food underwent numerous transformations which led the Ministry of Agriculture to take a strong position on the subject.In this context, the question of the territorialization of public policy is becoming increasingly important, and in 2014 a new instrument is dedicated to the territorial anchoring of food : the Territorial Food Projects (PAT). A mechanism for recognition of PATs by the Ministry of Agriculture is created in order to promote these initiatives and contribute to their dissemination. The article analyzes the conditions under which PATs have spread, and seeks to shed light on the reasons why the recognition system has so far not allowed wide ownership by local actors. The urban or rural character of the territories is discussed with regard to its heuristic value for understanding the interest of the actors in the device.
  • Le rural et l'urbain, deux catégories pour éclairer l'agri-urbain : une mise à l'épreuve réciproque - Monique Toublanc, Patrick Moquay p. 461-487 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Les territoires agri-urbains (TAU) constituent une catégorie d'action publique (désignant à la fois certains espaces et les formes de gouvernance qui y sont établies) labellisée par la région Île-de-France. À partir de notre regard de sociologue et de politologue intéressés par les enjeux paysagers, nous interrogeons l'expérience de ces démarches de développement territorial à l'aune des concepts d'urbain et de rural. Après être revenus sur les acceptions fluctuantes de ces catégories et les débats auxquels elles ont donné lieu en sciences sociales, nous analysons les marqueurs de l'urbain et du rural mis en œuvre et mis en scène par les TAU et la manière dont les relations urbain-rural y sont activées. La construction même de la dénomination « agri-urbain » témoigne d'un effacement des références au rural au profit d'une focalisation sur l'agricole, réintégré comme dimension constitutive d'une certaine urbanité et mise en exergue d'une construction territoriale qui revendique sa spécificité.
    The agri-urban territories (TAU) constitute a category of public action (designating both certain spaces and the forms of governance that are established there) labelled by the Île-de-France region. From our perspective as sociologist and political scientist interested in landscape issues, we question the experience of these territorial development approaches in the light of the concepts of urban and rural. After reviewing the fluctuating meanings of these categories and the debates to which they have given rise in the social sciences, we analyse the markers of the urban and the rural implemented and staged by the TAUs and the way in which the urban-rural relationship is activated. The very construction of the term'agri-urban' testifies to the erasure of references to the rural in favour of a focus on the agricultural, reintegrated as a constitutive dimension of a certain urbanity and highlighting a territorial construction that claims its specificity.
  • La servitude de sur-inondation : un mécanisme capable de penser les solidarités entre espaces ruraux de fonds de vallées et espaces urbains inondables ? Le cas du bassin-versant de l'Oudon - Marie Fournier, Mathieu Bonnefond, Adèle Debray p. 489-506 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis quelques années en France, la politique de gestion du risque d'inondation met l'accent sur la préservation, voire la restauration de zones d'expansion de crues dans des espaces à enjeux faibles pour mieux contrôler les aléas en amont des espaces urbanisés. Les projets d'aménagement de zones de rétention des eaux (également appelées zones d'expansion de crues) se multiplient. En 2003, une servitude d'utilité publique dite de « sur-inondation » a été créée et tend à devenir un outil très utilisé par les gestionnaires des bassins-versants pour s'assurer de la bonne mise en œuvre de leurs opérations. Se pose néanmoins la question du devenir des activités, en particulier agricoles, déjà présentes sur ces sites et des modalités de conciliation à envisager à une échelle territoriale plus vaste, eu égard aux effets de cet instrument de l'action publique environnementale. Ces aménagements sont pensés le plus souvent dans une logique de protection d'espaces urbains relativement vulnérables et situés en aval des secteurs agricoles impactés. S'inscrivant dans le champ de l'aménagement de l'espace-urbanisme, et s'inspirant plus particulièrement de références issues de la sociologie de l'action publique, cet article revient sur les modalités d'application de cette servitude issue du Code de l'Environnement, ses règles d'application et les premières questions qui se posent aujourd'hui aux acteurs institutionnels la mobilisant. À partir du cas des servitudes établies ces dernières années sur le bassin-versant de l'Oudon (Mayenne/Maine-et-Loire), nous montrons comment cette dernière constitue certes aujourd'hui un outil important dans la stratégie foncière des gestionnaires du risque d'inondation mais qu'elle nécessite, dans sa mise en œuvre, des temps de concertation avec les propriétaires et occupants potentiellement pénalisés, ainsi que la formalisation d'arrangements ou protocoles d'accord locaux négociés entre les différentes parties et permettant de prendre en compte les contraintes subies.
    For several years in France, flood risk management policy has focused on the preservation and even the restoration of flood expansion zones in areas where the stakes are low in order to better control hazards upstream of urbanised areas. Projects for the development of water retention areas (also called flood expansion zones) are multiplying. In 2003, a public utility easement known as «over-flooding» was created and tends to become a tool used by watershed managers to ensure the proper implementation of their operations. Nevertheless, the question arises as to the future of the activities, particularly agricultural, already present on these sites and the conciliation methods to be envisaged on a larger territorial scale, with regard to the effects of this instrument of environmental public action. These developments are most often designed to protect relatively vulnerable urban areas located downstream of the impacted agricultural sectors. In the field of spatial and urban planning, and drawing more specifically on references from the sociology of public action, this article reviews the application of this easement under the Environmental Code, its rules of application and the initial questions that institutional actors using it are now facing. Based on the case of the easements established in recent years in the Oudon catchment area (Mayenne/Maine-et-Loire), we show how this easement is an important tool in the land strategy of flood risk managers, but that its implementation requires time for consultation with potentially affected owners and occupants, as well as the formalisation of local arrangements or memoranda of understanding negotiated between the various parties and allowing for the constraints suffered.
  • Des liens alimentaires villes-campagnes en interterritorialité : le prisme des « circuits courts de longue distance » approvisionnant Paris et Montpellier - Adrien Baysse-Lainé p. 507-526 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le renouveau des liens alimentaires villes-campagnes ne se limite pas aux circuits courts de proximité. Depuis une perspective géographique, l'article se penche sur des circuits hybrides, comptant au plus un intermédiaire mais qui approvisionnent des villes depuis des arrière-pays distants qui ne leur sont pas contigus. Six de ces « circuits courts de longue distance » sont étudiés, à partir d'enquêtes conduites dans l'Amiénois et le sud-est de l'Aveyron. Illustratif d'un pragmatisme spatial, le caractère « local » de ces circuits est perçu de manières opposées par les producteurs et intermédiaires ou consommateurs. Ces circuits sont un moyen pour les espaces ruraux peu denses de tirer plus pleinement profit de la relocalisation alimentaire, mais la formation d'arrière-pays alimentaires en circuits courts reste un processus spatialement sélectif nécessitant à la fois des ressources logistiques et un capital social situé.
    The renewal of urban-rural food links is not limited to short and local supply chains. From a geographical perspective, the article looks at hybrid chains, with at the most one intermediary but which supply cities from distant and non contiguous hinterlands. Six of these «long-distance short chains» are studied, building on surveys conducted in two French rural regions (around the cities of Amiens and Millau). Due to local pragmatism logics, the «local» nature of these supply chains is perceived in contrasting ways by producers and intermediaries or consumers. Fitnally, these chains are a way for sparsely populated rural areas to take fuller advantage of food relocalization dynamics, but the formation of non contiguous food hinterlands remains a spatially selective process requiring both logistical resources and and situated social capital.
  • Comptes Rendus - p. 527-536 accès libre