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Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Numéro no 148, octobre-décembre 2020
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Le temps de l'auto-stop : Liberté, mobilité, sécurité en France des années 1930 aux années 1970 - Arnaud-Dominique Houte p. 3-15 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Apparu en France à la fin des années 1930, en provenance des États-Unis, l'auto-stop n'est pas qu'un moyen de locomotion bon marché. Né avec la démocratisation de l'automobile, son essor témoigne des désirs croissants de mobilité et de liberté qui traversent la société française au milieu du 20e siècle, surtout chez les plus jeunes. Largement diffusée, l'image positive de l'auto-stoppeur débrouillard entre toutefois en conflit avec la légende noire des dangers de la route (accidents, criminalité, violences sexuelles). Si les défenseurs de l'auto-stop cherchent à encadrer la pratique pour la rendre plus sûre, il est difficile d'organiser ce qui relève de l'informel, et l'image de l'auto-stop est de plus en plus inquiétante pendant les années 1970.
      A phenomenon that crossed over from the United States, hitchhiking appeared in France under the name “auto-stop” at the end of the 1930s and quickly became more than just a cheap way to travel. Born thanks to the democratisation of the automobile, the rise of hitchhiking also attested to growing desires for mobility and freedom that transformed French society during the middle of the 20th century, especially among the youngest generation. But the positive image of the resourceful hitchhiker, though widely popularised, stood in stark contrast to the perceived though sometimes mythical danger of the open road (accidents, criminality, sexual violence). Although proponents of hitchhiking sought to regulate the practice to make it safer, it proved difficult to organise an informal practice, and the image of hitchhiking became increasingly problematic during the 1970s.
    • « Des parasites et des sangsues » : La lutte contre la fraude sociale comme enjeu politique à New York pendant les années 1950 - Tamara Boussac p. 17-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que les années 1950 sont souvent perçues comme la période du consensus keynésien aux États-Unis, en particulier dans le nord-est libéral, une étude du débat politique new-yorkais montre que la fraude sociale s'impose, à cette époque, comme un enjeu important pour les élus locaux et devient une catégorie d'action publique. Fondé sur des textes de lois, des correspondances d'élus et des articles de presse, cet article s'intéresse à la construction de la fraude comme un problème politique à New York pendant les années 1950. Généralement associée au néolibéralisme des années 1970, la criminalisation de la pauvreté commence en réalité, à l'échelle locale, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
      While the 1950s are often seen as a period of Keynesian consensus in the United States, especially in the liberal Northeast, a closer examination of New York City politics reveals that welfare fraud became a major political concern for local elected officials during that very decade. Based on a study of legislation, correspondence between elected officials, and newspaper articles, this article looks at the elaboration of welfare fraud as a political issue in postwar New York City. Although it has often been associated with the rise of neoliberalism in the 1970s, the criminalization of poverty was actually well under way at the local level during the postwar years.
    • La ligne « unitaire » des dessins de Robert Fuzier sur les communistes dans le quotidien central du Parti socialiste "Le Populaire" (1931-1940) - Éric Nadaud p. 31-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les dessins consacrés aux communistes par Robert Fuzier dans Le Populaire de 1931 à 1940 sont l'un des meilleurs révélateurs de la ligne « unitaire » qui singularise alors le quotidien central du Parti socialiste. Cette ligne est constante, malgré les avatars de la relation entre socialistes et communistes. Jusqu'en 1934, alors que l'heure est à la confrontation, Robert Fuzier ne pratique envers ces derniers qu'un persiflage bon enfant. Une fois signé le pacte d'unité d'action, il ne cesse de valoriser l'union avec eux. Après le pacte germano-soviétique d'août 1939, il ne les dénonce pas. Ainsi traduit-il la priorité donnée par son journal au combat contre le fascisme, malgré les socialistes les plus anticommunistes.
      Robert Fuzier's drawings of Communists as published in Le Populaire from 1931 to 1940 are one of the best indicators of the “unitary” line which made this daily newspaper, the Socialist Party's main publication at the time, unique. The newspaper's position was constant, despite the ups and downs of contemporary relationships between Socialists and Communists. Until 1934, at a time of confrontation, Robert Fuzier only good-heartedly teased Communists. Once the unity pact of July 1934 was signed, he continued to promoted unity with them. After the German-Soviet pact of August 1939, he did not denounce them. Thus he translated the priority handed down by the newspaper's leaders to fight against fascism, despite certain elements of anti-communist socialist feeling.
    • Khabarovsk, 1949 : L'autre procès des criminels de guerre japonais - Grégory Dufaud p. 51-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En décembre 1949, un procès se tient à Khabarovsk, dans l'Extrême-Orient soviétique, pour juger les responsables du programme bactériologique japonais. Dans l'État fantoche du Mandchoukouo, les militaires japonais ont construit à partir de 1932 un réseau d'établissements scientifiques où, en vue de développer des armes bactériologiques, des expériences médicales sont réalisées sur des humains. Le procès de Khabarovsk entend soulever des questions éludées par le Tribunal militaire de Tokyo, mis en place en 1946. Pour comprendre comment l'Union soviétique tente d'utiliser à son profit le règlement de la Seconde Guerre mondiale en Asie, cet article présente l'organisation du tribunal de Khabarovsk et le déroulement du procès, les faits retenus par l'acte d'accusation et le sort qui fut le leur à Tokyo, les références doctrinales et la nature des peines proclamées.
      In December 1949, a trial was held in Khabarovsk, in the Soviet Far East, to prosecute the leaders of the Japanese bacteriological programme. In the puppet state of Manchukuo, from 1932 onwards, the Japanese military established a network of scientific establishments where, with a view to developing bacteriological weapons, medical experiments were conducted on humans. The Khabarovsk trial was intended to raise questions that had been evaded by the Tokyo Military Tribunal implemented in 1946. In order to understand how the Soviet Union tried to use the settlement of the Second World War in Asia to its advantage, this article describes the organisation of the Khabarovsk tribunal and the course of the trial, the facts contained in the indictment and their ultimate fate in Tokyo, the doctrinal references, and the nature of the sentences proclaimed.
    • Bruxelles, 21-26 mai 1951 : Un « Nuremberg symbolique » oublié pour les camps du Goulag - Antony Cambron p. 65-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En mai 1951, à Bruxelles, d'anciens résistants et déportés des camps nazis, menés par l'intellectuel français David Rousset, organisent un procès des camps de concentration soviétiques. Cet article revient sur cet événement méconnu et en retrace la genèse dans un contexte marqué par la guerre froide culturelle et par les affaires Kravchenko et Rousset. Il éclaire également la forme particulière de procès adoptée par les anciens déportés, qui se réclament du tribunal spécial de Nuremberg, sans pour autant disposer d'une réelle légitimité juridique internationale. Les audiences, dédiées aux témoignages, annoncent sur la forme le procès de Jérusalem de 1961. L'article revient enfin sur l'absence historiographique de cet événement, liée à son contexte comme à ses limites juridiques.
      In Brussels in May 1951, former Resistance fighters and deportees from Nazi camps organized a trial of Soviet concentration camps under the leadership of French intellectual David Rousset. The article focuses on this forgotten event and explores its backdrop, that of a cultural cold war marked by the recent Kravchenko and Rousset cases. It also sheds light on the unique form of trial adopted by the former deportees, who invoked the legacy of the Nuremberg tribunal without, however, having any real legitimacy in terms of international law. Mostly dedicated to the deportees' testimonies, these hearings prefigured the Eichmann trial that would take place in 1961. The article argues that the cultural cold war and the legal limitations of the trial contributed to its historiographical absence.
    • Capitaliser la guerre dans les airs : Représentations et usages des « chevaliers du ciel » en Allemagne, France et Grande-Bretagne (1914-1939) - Damien Accoulon p. 81-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article contribue à une nouvelle lecture des sorties de la Grande Guerre et du poids des anciens officiers dans les sociétés d'entre-deux-guerres. Dans la continuité du conflit, où de jeunes hommes partageant compétences et expériences se trouvent alliés ou opposés au-dessus des tranchées, l'imaginaire chevaleresque permet de préserver dans les airs l'espoir d'une guerre moderne moins violente. Cette fiction s'inscrit durablement dans les représentations et la mémoire de la guerre aérienne. Une mémoire du conflit spécifique aux aviateurs se constitue en marge de la mémoire collective, oscillant entre glorification de la guerre aérienne et pacifisme pour servir les intérêts de nombreux acteurs du secteur aéronautique.
      This article offers a new reading of the transition to peacetime after the Great War and the role former officers were to play in interwar societies. In the heat of combat, when young men who otherwise shared skills and experiences found themselves arbitrarily allied or opposed above the trenches, a chivalric imaginary helped to buoy the hope of less violent, modern warfare in the skies. This fiction has become a long-standing feature of the representations and remembrances of aerial warfare. On the fringes of collective memory, aviators developed and preserved a particular memory of the conflict that oscillated between pacifism and glorification of the war in the skies, and which served the interests of many actors in the aeronautical sector.
    • Jean Lecanuet maire de Rouen : le Centre introuvable (1953-1993) ? - Warren Wanner p. 101-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Qui était Jean Lecanuet ? À travers une approche biographique centrée sur l'ancien sénateur-maire de Rouen, cet article éclaire ce que sont le centre et le centrisme en France sous la Cinquième République. Dans cette optique, les notions de pouvoir et de territoires jouent un rôle clé : l'ancrage politique local de Lecanuet, associé à sa renommée nationale, a grandement contribué à en faire l'une des grandes figures de la vie politique française du second 20e siècle. Pour autant, ce centrisme local, à Rouen, ne manque pas d'interroger : son système électoral, fondé très tôt sur les alliances politiques, ne renvoie-t-il pas aux grandes évolutions perceptibles à l'échelon national ? Qu'en est-il de son autonomie ?
      Who was Jean Lecanuet? Adopting a biographical approach focused on the former senator and mayor of Rouen, we will attempt to describe centrism and the political “center” in France under the 5th Republic. In this study, the concepts of power and territory will play a key role: Lecanuet's local roots, when combined with his national reputation, made him one of the great political figures of the 20th century. Nonetheless, local centrism in Rouen raises a number of questions: did its electoral strategy, based very precociously on political alliances, reflect the national trend of interparty coalitions? What about the center's autonomy?
    • Faire face au divorce : Mgr Le Bourgeois et la recherche d'une pastorale dans l'Église de France (1960-1990) - Bruno Dumons p. 115-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Vers 1960, environ 30 000 divorces sont prononcés en France ; ils sont 100 000 en 1985. Dans le même temps, la baisse du nombre de mariages marque les esprits. Cette double évolution de la nuptialité et de la divortialité interroge certains responsables du catholicisme français. Rien ou presque n'est alors prévu pour les couples en difficulté, notamment ceux qui se séparent ou divorcent. Le droit canon ignore le divorce. Le remariage conduit à l'exclusion sacramentelle. Cette mise au ban de la communauté ecclésiale suscite l'émoi. Parmi les timides initiatives pastorales qui émergent pour accueillir ces personnes, un seul évêque se distingue : Mgr Armand Le Bourgeois, évêque d'Autun (1966-1987).
      Around 1960, about 30,000 divorces were finalized in France; the number reached 100,000 in 1985. During the same time period, the decline in the number of marriages also became a major concern for the Catholic church. These opposing trends in marriages and divorces raised troubling questions for several leaders of the French Catholic Church. At the time, struggling couples were left to their own devices, especially those who were going through a separation or divorce. Canon law simply ignored divorce, whereas remarriage led to sacramental exclusion. This practice of effective banishment from the ecclesial community caused an outcry. Among the few, timid pastoral initiatives that emerged to welcome divorcees and remarried believers into the fold, the work of one bishop stands out: that of Armand Le Bourgeois, bishop of Autun (1966–1987).
    • Trouble dans le féminisme : Du « Nous, les femmes » au « Nous, les lesbiennes » : genèse du sujet politique lesbien en France (1970-1980) - Ilana Eloit p. 129-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article retrace l'histoire de la politisation du lesbianisme dans le Mouvement de libération des femmes et de la construction d'un sujet politique lesbien en France au cours des années 1970. À partir d'une double perspective analytique qui combine une histoire empirique de l'émergence des mobilisations lesbiennes et une critique épistémologique du sujet « femmes » du féminisme de la deuxième vague, il s'intéresse à l'histoire militante de la théorisation de l'hétérosexualité comme régime politique. Prenant pour point de départ la célèbre formule de Monique Wittig selon laquelle « les lesbiennes ne sont pas des femmes », il pose la question suivante : du féminisme au lesbianisme, du « Nous, les femmes » au « Nous, les lesbiennes », quelle est l'histoire politique et sociale du renversement théorique et épistémologique proposé par Monique Wittig ?
      This article describes the gradual politicization of lesbianism in the French Mouvement de libération des femmes (Women's Liberation Movement) and the elaboration of a lesbian political subject in France in the 1970s. Working from a two-fold analytical perspective that combines an empirical history of the emergence of lesbian mobilizations and an epistemological critique of second-wave feminism's concept of “women,” it examines the militant history of the theorization of heterosexuality as a political regime. Taking as a starting point Monique Wittig's famous sentence according to which lesbians “are not women,” this article asks the following question: from feminism to lesbianism, from “We, women” to “We, lesbians”, what is the political and social history of the theoretical and epistemological reversal proposed by Monique Wittig?
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