Contenu du sommaire : Leur transition et la nôtre
Revue | Mouvements |
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Numéro | no 109, printemps 2022 |
Titre du numéro | Leur transition et la nôtre |
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Leur transition et la nôtre. Crises et justice écologiques
- Éditorial : Leur transition et la nôtre. Crises et justice écologiques - Renaud Bécot, Mathilde Fois Duclerc, Jean-Paul Gaudillière, Anahita Grisoni p. 7-12
- La nouvelle classe écologique : une gauche au carré ! - Bruno Latour, Nikolaj Schultz, Jean-Paul Gaudillière p. 14-24 Les questions écologiques sont désormais au cœur des nouvelles luttes de classe, nous disent Bruno Latour et Nikolaj Schultz dans le mémo qu'ils viennent d'envoyer aux membres des partis écologistes et à leurs électeur·rices. Ils reviennent avec nous sur leur vision de cette transformation radicale, sur l'émergence de l'habitabilité comme enjeu central, et sur ce que la classe écologique fait à la gauche et à la quête d'une nouvelle hégémonie.
- Colonialité environnementale ou internationalisme responsable ? Réflexions sur la transition écosociale depuis l'Amérique latine - Miriam Lang p. 25-37 L'Union européenne semble construire une nouvelle fois son Pacte vert sur le dos des pays du Sud. Sans poser la question de l'origine des ressources nécessaires au maintien et au verdissement de son économie, pas plus que celle des déchets qu'elle génère, l'Europe continue à projeter ses mirages de croissance et de technophilie au-delà de ses frontières. Plutôt qu'au maintien de ce rapport colonial aux territoires du Sud, c'est une véritable transformation de notre métabolisme social qu'il faudrait amorcer.
- En l'absence de planification : l'idéal de l'eau pour tous et toutes face aux inégalités urbaines - Franck Poupeau p. 38-46 Les métropoles andines d'El Alto et La Paz sont marquées par l'existence de nombreux quartiers informels, dont les habitant·es pâtissent de l'absence d'accès aux infrastructures, notamment en matière d'eau potable. Face à l'incapacité des pouvoirs publics à pourvoir ces territoires de l'accès à cette ressource vitale, cet article interroge la pertinence des formes d'organisation communautaires et informelles émanant des habitant·es de ces quartiers, présentées comme une « alternative » face au modèle consacré du « tout-en-réseau » de la ville néolibérale dans la lutte contre les inégalités urbaines.
- Le réseau Wresinski « Écologie et grande pauvreté » : des pistes pour transformer ensemble la société - Mathilde Boissier, Céline Vercelloni, Jean-Christophe Sarrot p. 47-58 Les bouleversements écologiques rendent de plus en plus urgente la transformation profonde de notre société, minée depuis des décennies par les dysfonctionnements économiques et sociaux. Penser et agir avec toutes et tous, et en particulier avec les personnes en situation de précarité, est indispensable pour construire une société juste et durable. Mais comment les plus pauvres peuvent-ils placer l'écologie au centre de leurs combats quotidiens ? Comment les militant·es climat peuvent-ils·elles associer davantage les plus pauvres ? L'expérience d'ATD Quart Monde aide à affronter ces questions.
- Instituer les terres en commun, pour instituer l'alimentation en commun - Tanguy Martin p. 60-71 La création de nouveaux communs est devenue une perspective centrale dans la mise en œuvre d'une transition conjuguant habitabilité de la planète et justice sociale. Partant du projet de Sécurité Sociale Alimentaire discuté, en France, par nombre d'associations agricoles et citoyennes, Tanguy Martin analyse ici la façon dont cette reconnaissance du droit à l'alimentation pourrait être combinée à l'institution des terres agricoles comme commun, dans une perspective de conversion agro-écologique de l'agriculture.
- Vers une Sécurité sociale de l'alimentation ? - Romain Henry, Anahita Grisoni p. 72-82 Suite à la convergence « Plus jamais ça » réunissant huit acteurs majeurs du paysage associatif et syndical français à l'occasion de la crise générée par le Covid-19, un collectif de travail composé de différentes structures dédiées à l'agriculture paysanne et à l'alimentation s'est mis en place autour de la proposition de création d'une Sécurité sociale de l'alimentation. À l'instar de la Sécurité sociale, ce projet est fondé sur la cotisation des citoyennes et des citoyens en vue de la reconnaissance des droits à une alimentation de qualité. L'entretien réalisé avec Romain Henry pour la Confédération paysanne souligne la portée sociale et politique d'un projet intimement lié à la transition agroécologique de l'agriculture.
- La crise écologique renforce la polarisation des paradigmes internationaux de l'alimentation - Lise Cornilleau, Jean-Paul Gaudillière p. 83-93 Avec la généralisation de l'agro-industrie, le droit à l'alimentation est devenu un enjeu de conflits majeurs au sein des institutions du système de l'ONU. Lise Cornilleau relate ici comment les organisations paysannes s'en sont saisies et ont opposé la souveraineté alimentaire et la production locale au paradigme de la sécurité alimentaire centré sur le rôle des marchés et l'expansion de l'agriculture d'exportation. Elle revient aussi sur les conséquences de la crise climatique et sur l'élargissement de ces luttes aux enjeux de la transition agro-écologique.
- L'État au secours de la transition agroécologique ? Le cas de l'Inde - Frédéric Landy, Bruno Dorin p. 94-106 L'Inde a connu en 2021 le plus grand mouvement social paysan de son histoire. Celui-ci a réussi à s'opposer, avec succès, aux réformes libérales du marché agricole voulues par le gouvernement Modi. Si cette mobilisation se situe dans la droite ligne de la défense des intérêts de la petite paysannerie contre l'agro-industrie, elle ne manifeste par contre guere d'appétence pour un changement de modèle productif et une transition agroécologique. Analysant les raisons de cette dichotomie, Frédéric Landy et Bruno Dorin explorent, en partant de l'expérience de l'Andhra Pradesh, le rôle que les États locaux peuvent jouer pour faire gagner l'agroécologie.
- Des scénarios énergétiques pour conjuguer soutenabilité et justice sociale - Yves Marignac, Jean-Paul Gaudillière p. 108-120 Depuis plus de vingt ans, l'association négaWatt fait figure de référence dans le paysage écologiste français. En donnant à voir des scénarios concrets et documentés sur les conséquences environnementales des politiques énergétiques et de la surconsommation énergétique en France, l'association entend réagir aux programmes initiés par le gouvernement et réorienter le débat public. Fondé sur une réflexion alliant sobriété, intelligence des usages et efficacité technique, négaWatt promeut les énergies renouvelables et l'idée d'une soutenabilité globale ; l'association élargit aujourd'hui son champ d'action en intégrant des questions d'ordre social, telles que l'emploi. Les derniers scénarios livrés présentent systématiquement une évaluation économique, allant jusqu'à proposer de véritables projets de société qui se confrontent à ceux du mouvement social, comme en témoigne la récente crise des Gilets jaunes.
- Heurts et malheurs de la transition énergétique en Allemagne - Stefan C. Aykut, Jean-Paul Gaudillière p. 121-129 En Europe, l'Allemagne fait figure de bon élève de la transition énergétique avec près de 50 % de sa consommation d'électricité assurée par les renouvelables. Dans cet entretien, Stefan Aykut discute les conditions politiques de cette décarbonation basée sur des prix de rachat élevés, une très grande décentralisation et sans recours au nucléaire. Il revient aussi sur ses limites : de la non-remise en cause du modèle de consommation au réenchantement technique promu par la nouvelle coalition gouvernementale entre les verts, les sociaux-démocrates et les libéraux.
- Colonialisme vert et transition énergétique au Mexique : la face cachée de l'extractivisme et du renouvelable industriel - Josefa S. Contreras, Norberto Altamirano p. 130-144 Au cours de l'été 2021, le collectif « Stop EDF Mexique » invitait des militant·es de l'isthme de Tehuantepec (Mexique) pour une tournée en France, afin de présenter leurs luttes contre les mégaprojets imposés par EDF sur leurs territoires. Ces rencontres visaient à rendre visible un colonialisme énergétique, inhérent aux processus de transition écologique lorsque ceux-ci s'inscrivent dans une logique productiviste. Le premier texte, proposé par le collectif Stop EDF Mexique, revient sur la rencontre entre les acteurs·trices de la lutte locale et les militant·es européen·nes. Dans les deux textes suivants, Josefa S. Contreras éclaire les formes de violence postcoloniale et les violations des droits humains qui sont perpétrées au nom de la transition énergétique, dans les communautés riveraines des projets portés par EDF. Enfin, Norberto Altamirano Zarate propose une réflexion sur la manière dont ces implantations industrielles fracturent les communautés concernées, en venant rompre les usages communaux qui pouvaient prévaloir jusqu'alors.
- Militant·es climat, jeunes cheminots et vieux fourneaux de l'environnement : une convergence contre la casse du fret ferroviaire au Pays Basque - Txetx Etcheverry, Victor Pachon, Julien Delion, Mathilde Fois Duclerc, Pavel Desmet p. 146-153 En 2009, la suppression de 300 emplois dans le fret ferroviaire au Pays Basque provoque une convergence inédite entre cheminots, défenseur·ses de l'environnement et militant·es climat abertzale. En parallèle au projet de ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et l'Espagne, la SNCF liquide les terminaux de fret et promeut la construction d'une autoroute ferroviaire, qui utilise des trains spéciaux pour transporter des poids lourds sur de grandes distances. Face à ce grand projet imposé, écolos et cheminots défendent un autre modèle ferroviaire fondé sur le transport par wagons isolés, qui permet de constituer des trains complets à partir de wagons seuls en utilisant toute la capillarité du réseau ferroviaire pour réduire au maximum l'utilisation des camions. La SNCF a malgré tout maintenu sa politique de fret désastreuse. C'est au final une petite mobilisation, mais qui a suscité une grande convergence autour de la défense du train comme mode de transport de marchandises le plus écologique. Les barrières qui existaient entre cheminots et écolos ont laissé la place à des liens de solidarité qui se sont renforcés avec les années.
- Vers une écologie radicale : le mouvement No TAV en vallée de Suse - Anahita Grisoni p. 154-162 Depuis plus d'une décennie, les « Grands Projets Inutiles et Imposés » font l'objet d'une contestation renouvelée en Europe. Anahita Grisoni a enquêté sur l'expérience des militant·es du mouvement italien contre la ligne de TGV Lyon-Turin dont la construction est soutenue par l'Union européenne au nom du renforcement du transport ferroviaire. Leurs engagements, politiques et de vie, nourris d'une critique de la vitesse, ont fait de la vallée de Suse le lieu d'une expérience d'écologie radicale qui suppose la double redéfinition des activités et des modes d'exercice du pouvoir.
Itinéraire
- De la régulation aux communs - Benjamin Coriat, Jean-Paul Gaudillière p. 164-177 Mettre les communs au cœur de la réflexion économique et de la transition écologique et sociale, tel est le projet que Benjamin Coriat poursuit depuis de nombreuses années. Il nous dit ici pourquoi, après avoir été, au sein de l'école de la régulation, l'un de ceux qui ont le plus travaillé sur le rapport salarial, l'organisation de la production et leurs relations à la technique, il en est venu à voir dans les communs sociaux une pièce maîtresse de l'alternative à l'extractivisme.
- La transition écologique du secteur du BTP : un projet terre à terre - Michel Philippo, Simon Cottin-Marx
- La transition écologique (à reculons) de l'industrie du ciment européenne - Marina Mesure, Simon Cottin-Marx
- De la régulation aux communs - Benjamin Coriat, Jean-Paul Gaudillière p. 164-177