Contenu du sommaire : Philosophies de la vision

Revue Astérion Mir@bel
Numéro no 25, 2021
Titre du numéro Philosophies de la vision
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Philosophies de la vision - Dominique Demange accès libre
    • Vision et philosophia dans le Timée de Platon - Olivier Renaut accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La description de la vision intervient dans le Timée en 45b-47b, suivant une double perspective caractéristique de ce dialogue : le physicien Timée donne d'une part une explication mécanique de la vue qui met en jeu deux flux lumineux, celui de l'œil et du corps se trouvant dans le champ de la vision, et d'autre part une explication fonctionnaliste ou téléologique faisant de la vision la source des sciences de l'astronomie, des mathématiques, et même de la philosophie. Dans ce passage du Timée, la vision est une puissance qui nous informe sur la façon dont une affection, produisant une sensation, pourrait donner lieu à une connaissance. Cet article envisage d'abord les principales articulations du passage 45b-47b du Timée, avant d'examiner les enjeux d'interprétations concurrentes sur le rôle de la vision dans la constitution de la pensée dans ce passage précis : il maintient que, dans le cadre d'un dualisme constitutif entre sensible et intelligible, qui implique un saut épistémologique, la vision est un instrument servant de médiation vers l'intelligible.
      The description of vision occurs in the Timaeus in 45b-47b, following a double pattern characteristic of this dialogue: The physicist first gives a mechanical explanation of sight that involves two fluxes of light, that of the eye and that of the body in the field of vision. He then goes on to give a functionalist explanation that puts vision at the source of the sciences of astronomy, mathematics, and even philosophy. In this complex passage of the Timaeus, vision is a power that informs us how an affection, that gives rise to sensations, could give rise to knowledge. This article begins by investigating the main ideas in passage 45b-47b of the Timaeus and goes on to explain what is at stake in competing interpretations concerning the role of vision in thought in this particular passage. It argues that, through a constitutive dualism between the sensible and the intelligible – implying an epistemological gap – vision is an instrument towards the intelligible
    • Sur quelques théories de la représentation visuelle avant Kepler - Dominique Demange accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question posée dans cet article est de savoir dans quelle mesure et selon quels schémas il est possible de parler de la vision sensible comme d'une représentation psychique avant la nouvelle optique inaugurée par Johannes Kepler dans ses célèbres Paralipomena ad Vitellionem (1604). L'article part du point de vue suivant : c'est seulement à l'intérieur de ce nouveau paradigme, qui dissocie le processus physique de la vision de son traitement psychique, qu'il serait légitime de parler de la vision comme une construction mentale, comme une représentation. En examinant cette question à la lumière de plusieurs théories anciennes et médiévales, l'article aboutit à une conclusion différente. C'est depuis Aristote que la question de la vision comme représentation mentale est posée, du fait de la fonction majeure qui est conférée aux sens internes (phantasia, sens commun) dans l'élaboration du contenu de perception, et certaines théories sous influence néo-platonicienne, comme celles d'Augustin ou Avicenne, conçoivent clairement la vision directe comme une représentation psychique. Dans les Paralipomena ad Vitellionem, Kepler sépare l'optique comme science physique de la lumière de la psychologie de la perception ; mais cette dernière a déjà une longue histoire, tout comme l'idée de la vision comme représentation mentale.
      This article attempts to understand the extent to which, and the terms in which, it was possible to speak of sensory vision as a psychic representation before Johannes Kepler inaugurated the new optics in his famous Paralipomena ad Vitellionem (1604). The following argument is taken as a starting point: That it is only within this new paradigm, dissociating the physical process of vision from its psychic treatment, one can legitimately speak of vision as a mental construction or a representation. After examining this question in the light of several ancient and medieval theories, the article reaches a different conclusion. The question of vision as a mental representation dates as far back as Aristotle, conferring to the internal senses (phantasia, common sense) the major function in elaborating the content of perception. Additionally, some theories under neo-Platonic influence, such as those of Augustine or Avicenna, clearly conceive direct vision as a psychic representation. In Paralipomena ad Vitellionem, Kepler distinguishes optics as a physical science of light from the psychology of perception; but the latter has already a long history, as does the idea of vision as a mental representation.
    • Ut pictura, ita visio - Philippe Hamou accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, on examine quelques aspects de la réception philosophique de la découverte par Kepler des « peintures » rétiniennes, en s'interrogeant sur le sens du dictum képlérien « ut pictura, ita visio ». En quel sens peut-on dire que la vision est semblable à la peinture physiologique formée au fond de l'œil ? On montre qu'il existe sur cette question une tension interprétative assez rarement soulignée entre deux options théoriques : l'une fait de la peinture physiologique (rétinienne ou cérébrale) l'objet proximal, interne, de la perception, inspectée par l'âme à même le corps du voyant ; l'autre considère que la vision, quoiqu'indexée sur la peinture, n'est jamais dirigée sur elle, la peinture n'étant que l'antécédent causal d'un acte de perception direct du monde extérieur.
      Examining various aspects of how Kepler's discovery of retinal images was received in the field of philosophy, this article questions the meaning of the Keplerian dictum “ut pictura, ita visio”. In what sense could we say that vision is just like the physiological picture formed at the back of the eye? We show that with this question arises an opposition between two theoretical options – a tension that is rarely pointed out: The first option views physiological pictures (retinal or cerebral) as the proximal, internal objects of perception, inspected by the soul on the very body of the eye or brain, while the second considers that vision, although indexed on the picture, is never directed upon it, the picture being merely the causal antecedent of an act of direct perception of the external world.
    • L'acte de voir dans la « pensée aveugle » leibnizienne - Claire Schwartz accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Leibniz emploie dans divers textes l'adjectif aveugle pour caractériser une forme de pensée ou de connaissance. Il est parfois associé à l'adjectif symbolique : le célèbre texte de 1684, « Meditationes de cognitione, veritate et ideis », introduit ainsi la cogitatio caeca vel symbolica comme un des types de connaissance dont le texte entreprend d'établir méthodiquement la classification. C'est généralement la nature symbolique de cette connaissance qui a retenu l'attention et a été perçue comme un élément déterminant de compréhension de la théorie leibnizienne de la connaissance reposant sur la médiation de signes soumis à des règles de composition. À l'arrière-plan se dessinent alors les divers projets leibniziens de caractéristique universelle. C'est dans ce cadre que l'on analyse dès lors la distinction leibnizienne opérée entre la connaissance aveugle ou symbolique, intrinsèquement médiate, et la connaissance intuitive, relevant d'une forme de vision immédiate de ses objets. Mais comment interpréter exactement le rapport à l'acte de vision ? N'est-il pas encore requis dans la conception leibnizienne de la connaissance par signes ? Autrement dit, cette dernière peut-elle se déployer sans l'acte effectif de voir ? Si tel est le cas, il semble qu'il faille réinterroger sa nature « aveugle », ce qui peut nous éclairer sur les conditions véritables de son effectuation, et, ipso facto, sur certaines propriétés cognitives attribuées à la vue.
      Leibniz uses the adjective “blind” in various texts to characterise a type of thought or knowledge. This concept is sometimes associated with the adjective “symbolic”. In his famous 1684 article, “Meditationes de cognitione, veritate et ideis”, he introduces the cogitatio caeca vel symbolica as one of the types of knowledge methodically classified in the text. Generally, the focus has been placed on the symbolic nature of this knowledge, since this is seen as a determining element in understanding the Leibnizian theory of knowledge based on the mediation of signs subject to rules of composition. In the background are the various Leibnizian projects of characteristica universalis. This is the angle from which we tend to approach the Leibnizian distinction, contrasting blind or symbolic knowledge, which is essentially mediate in nature, with intuitive knowledge, which depends on immediate vision of its objects. But how are we to accurately interpret the relationship to the act of seeing? Is this act not yet required in the Leibnizian conception of knowledge by signs? In other words, can such knowledge be deployed without the effective act of seeing? If this is the case, it seems that we need to re-examine the “blind” nature of this knowledge in the hope of shedding light on the real conditions of its effectuation, and, ipso facto, on some cognitive properties attributed to sight.
    • Ce que cela fait de voir et la science de la perception selon Thomas Reid - Claire Etchegaray accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Concilier l'explication scientifique de la vision avec la description phénoménologique est l'une des tâches que se donne la philosophie du sens commun. Dans cet article, nous étudions la façon dont la description de ce que cela fait de percevoir autorise Reid à induire des lois rendant raison de la vision en tant qu'elle porte sur des choses réelles. Bien que Reid soutienne que l'esprit perçoit des choses existant indépendamment de nous, sa théorie a pu être la cible d'objections faisant craindre que l'expérience y soit réduite à la sphère subjective ou mentale. Pour réévaluer ce point à propos de sa théorie de la vision, nous examinons les moyens qui lui permettent d'induire des lois en restant au plus près d'une phénoménologie de la vision. Nous analysons ainsi les comparaisons contrefactuelles entre les aveugles et les voyants, et les redéfinitions du signe et de la suggestion. L'interprétation que nous en tirons explique comment Reid concilie science et phénoménologie à propos de la vision des couleurs comme à propos de la vision des figures.
      One of the tasks of common-sense philosophy is to reconcile the scientific explanation of vision with its phenomenological description. In this article, we examine how Reid's description of what it is like to perceive allows him to elicit laws that favour the idea of vision as directed at real things. While Reid claims the mind perceives things that exist outside of us, it can be argued that his account in fact reduces what is experienced to merely subjective or mental reality. To re-assess this argument concerning his theory of vision, we examine the means employed by Reid to infer laws from the experience of vision. In light of this, we analyse the counterfactual comparisons between blind and sighted people and the new definitions of sign and suggestion. Interpreting this analysis yields an explanation of how Reid aligns science with phenomenology on the subject of seeing colours and seeing figures.
    • L'expérience visuelle est-elle une relation ou une représentation ? Le relationnisme et l'intentionnalisme à l'épreuve des sciences cognitives - Jérôme Dokic accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La conception naïve de l'expérience visuelle dépeint celle-ci comme une relation directe, primitive, entre le sujet voyant et l'objet vu. Elle repose sur une opposition entre la relation visuelle et la représentation mentale de l'objet vu dans l'imagination visuelle ou la vision des images. Le but de cet article est de suggérer que l'opposition naïve entre relation et représentation présente un intérêt philosophique et scientifique parfois sous-estimé. Deux théories philosophiques de la perception sont présentées : le relationnisme reprend l'esprit de la conception naïve en analysant l'expérience visuelle comme une relation non représentationnelle à l'objet vu, alors que l'intentionnalisme rejette la conception naïve comme inadéquate et considère que l'expérience visuelle est représentationnelle de part en part. Après avoir introduit une notion générale de « représentation » acceptable par les deux parties, nous examinons un ensemble de travaux issus des sciences cognitives et susceptibles d'arbitrer le débat entre relationnisme et intentionnalisme. La thèse principale défendue est que le relationnisme est compatible avec les données scientifiques à notre disposition sur les processus cognitifs liés à la vision. Le relationnisme présente également un avantage philosophique puisqu'il permet de comprendre comment les représentations mentales, y compris visuelles, peuvent être fondées sur un rapport cognitif plus direct, c'est-à-dire intrinsèquement relationnel, au monde visible.
      The naïve conception of visual experience depicts such experience as a direct, primitive relation between the seeing subject and the object seen. It hinges on an opposition between the visual relation and the mental representation of the object seen in visual imagination or in the vision of images. The aim of this article is to suggest that the naïve opposition between relation and representation is still philosophically and scientifically relevant. Two philosophical theories of perception are presented: Relationalism takes up the spirit of the naïve conception by analysing visual experience as a non-representational relation to the object seen, whereas intentionalism rejects the naïve conception as inadequate and considers visual experience to be representational through and through. After introducing a general notion of representation acceptable to both sides, we examine a body of works from cognitive science that can mediate the debate between relationalism and intentionalism. The main argument propounded is that relationalism is compatible with the scientific data at our disposal on the cognitive processes related to vision. Relationalism has an additional philosophical advantage since it allows us to understand how mental representations, including visual ones, can be based on a more direct cognitive relation – in other words, an intrinsically relational one – to the visible world.
    • Les machines y voient-elles quelque chose ? - Denis Bonnay accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La vision par ordinateur est un des domaines de l'intelligence artificielle qui connaît les succès les plus fulgurants. Depuis une vingtaine d'années, les machines n'ont cessé de progresser dans leur capacité à extraire des informations à partir d'images et à identifier des objets. Mais faut-il en conclure que ces machines sont littéralement des machines voyantes, ou ne s'agit-il que d'une façon imagée de décrire des capacités de détection ? Le présent article se propose de fournir les bases d'une réponse raisonnée à cette question. Nous examinons successivement trois types de conditions d'attribution de la vision, et soutenons que le critère fonctionnaliste, en termes de représentations internes de stimuli visuels exploitables à diverses fins, doit être préféré aux critères behavioriste ou phénoménologique. Ce critère fonctionnaliste est ensuite appliqué à une des technologies les plus utilisées dans le domaine de la vision par ordinateur, celle des réseaux de neurones et plus particulièrement des réseaux convolutifs. Nous soutenons alors que de tels réseaux sont bien capables de voir, précisément dans la mesure où ils sont entraînés pour produire des représentations à partir de données visuelles. Ces représentations ont des traits spécifiques associés à un entraînement réussi : elles sont hiérarchiques, versatiles et robustes. De telles propriétés ont un intérêt théorique au-delà de leur domaine d'origine : nous suggérons pour finir qu'elles pourraient être utilisées pour spécifier la nature de la fonction de représentation et résoudre certains des problèmes classiques auxquels font face les théories téléosémantiques de la représentation comme celle de Dretske.
      Computer vision is one of AI's most successful fields. In the last twenty years, machines have become increasingly good at extracting information from images and at identifying objects. But does this mean that machines really can see, or is computer vision just a fancy metaphor for object detection? This paper aims to provide a reasoned answer to the question. First, three criteria for vision attribution are reviewed and it is argued that a functionalist criterion, in terms of exploitable internal representations based on visual stimuli, fares better than behaviourist or phenomenological ones. The functionalist criterion is then applied to vision algorithms based on neural networks and it is argued that such machines can indeed see, insofar as neural networks are precisely trained to generate representations of the visual data they are fed with. Those representations present the specific traits associated with successful training: They are hierarchical, robust, and versatile. We argue that these properties may be used as further constraints on representational devices in general, helping to solve some of the classical issues faced by teleosemantic theories of representation such as that expounded by Dretske.
  • Varia

    • Adam et Ève faisaient-ils l'amour au paradis ? Notule sur Les aveux de la chair de Michel Foucault - Ákos Cseke accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la dernière partie des Aveux de la chair, Michel Foucault offre une analyse minutieuse de la théorie de la libido en tant que « stigmate de l'involontaire dans l'acte sexuel d'après la faute » selon saint Augustin ; le thème est intimement lié à l'exégèse patristique et augustinienne du livre de la Genèse 1:28 (« Croissez et multipliez »), plus spécialement à la question de l'existence possible des rapports sexuels au paradis. Le présent article se propose d'étudier à la fois les textes concernés de saint Augustin, l'analyse qu'en offre Foucault et les interprétations philosophiques et théologiques ultérieures de la pensée de l'évêque d'Hippone et du philosophe français. Augustin (et Foucault lecteur de saint Augustin) a-t-il déclaré que nos aïeux faisaient l'amour au paradis ? La théologie augustinienne du mariage et de la sexualité est-elle, comme le dit le dernier Foucault, le fondement de « la morale de l'Occident chrétien » ? Au demeurant, peut-on parler de la théologie augustinienne ou encore du christianisme comme « fondement », tout en respectant la méthode « généalogique », telle que Foucault l'a développée ?
      In the last part of Confessions of the Flesh, Michel Foucault offers a careful analysis of the libido theory as “the stigma of the involuntary in after-fault sex” according to Saint Augustine. This subject is closely linked to the patristic and Augustinian exegesis of the book of Genesis 1:28 (“Increase and multiply”), more specifically on the question of the possible or hypothetical existence of sexual intercourse in paradise. This article intends to study the texts of Saint Augustine and their analysis by Foucault alongside the subsequent philosophical and theological interpretations that arose concerning the thoughts of the Bishop of Hippo and the French philosopher. Did Augustine (and Foucault as the reader of Saint Augustine) declare that our ancestors made love in the Garden of Eden? Is Augustinian theology of marriage and sexuality, as Foucault put it, the foundation of “the morals of the Christian West”? Can we, indeed, speak of Augustinian theology or even Christianity as a “foundation” while respecting the “genealogical” method, as Foucault developed it?
    • La révolution passive chez Antonio Gramsci, entre histoire et politique - Yohann Douet accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La notion de révolution passive est aujourd'hui reconnue comme l'une des contributions théoriques les plus importantes de Gramsci ; elle a fait l'objet de travaux approfondis en langues étrangères, et est également mise en œuvre pour analyser différents phénomènes historiques et situations concrètes présentes. L'objectif de cet article est de constituer une étude synthétique de l'élaboration et des usages de la notion de révolution passive dans les Cahiers de prison. Pour cela, nous suivons les différentes phases de développement de la notion, ainsi que les déplacements de son sens en fonction des cas pour l'étude desquels elle est mobilisée, même hypothétiquement (le Risorgimento, l'Europe du XIXe siècle, le fascisme, l'américanisme, etc.). Pour Gramsci, il apparaît que les apports de cette notion se situent sur au moins deux plans dialectiquement liés : concevoir une modalité du changement historique qui ne saurait être réduite aux bouleversements révolutionnaires proprement dits ; mettre en évidence d'une manière critique les stratégies politiques des classes dominantes, afin d'œuvrer à l'émancipation de l'activité autonome des subalternes.
      The notion of passive revolution is nowadays recognised as one of Gramsci's most important theoretical contributions. Not only has it been the subject of extensive work in foreign languages, this concept is also used to analyse various historical phenomena or present concrete situations. The aim of this article is to provide a synthetic study of the development and uses of the notion of passive revolution in the Prison Notebooks. To this end, we follow the notion through its various phases of development, tracking the shifts in meaning according to the cases for which it is used (the Risorgimento, nineteenth-century Europe, Fascism, Americanism, etc.). For Gramsci, the contributions of this notion seem to be positioned on at least two levels, linked dialectically: To conceive a modality of historical change that cannot be reduced to revolutionary upheavals in the strict sense; and to critically highlight the dominant classes' political strategies to advance the emancipation of subaltern autonomous activity.
    • La cité et la démocratie : une interprétation du discours de Diodote - Mathieu González accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des différents discours rapportés par Thucydide, l'un des plus étudiés et interprétés est celui de Diodote dans l'affaire de Mytilène. Sa profondeur, le fait qu'il touche un grand nombre de problèmes centraux à la réflexion politique, tels que le rôle de la justice, la place de la force et du droit dans une communauté politique, ainsi que la relation entre la démocratie et l'empire, expliquent cette importance. Mais est-ce que les différents écrits et interprétations ferment l'horizon possible de la réflexion autour de ce sujet ? Non, car ce discours, riche en questions, problèmes et réflexions, mérite une nouvelle lecture, qui dégage son sens profond de la façon la plus claire et précise possible. Pour accomplir cette tâche, l'auteur commence par présenter le contexte du discours, puis expose l'interprétation de Leo Strauss, centrée sur le droit naturel et la supposée paternité de ce concept par Diodote. Puis, il analyse les séminaires de Castoriadis à l'EHESS sur l'ancienne Grèce, où est défendue une lecture fort différente, qui présente Diodote comme un continuateur de la pensée traditionnelle d'Athènes. L'auteur montre ensuite les limites de ces interprétations, en montrant en Diodote un homme politique de premier ordre, qui a proposé une nouvelle politique athénienne, qui cherche à harmoniser l'empire et la démocratie, en fondant une nouvelle institution politique qui dépasse les limites étroites de la cité.
      Of the various discourses reported by Thucydides, one of the most studied and interpreted is the speech of Diodotus in the Mytilenian debate. The importance of this speech stems from its depth and the fact that it touches on a large number of issues central to any kind of political reflection, such as the role of justice, the place of force and law in a political community, and the relationship between democracy and empire. But do the various studies and interpretations encompass the entire potential for reflection on this subject? The answer is no. Abounding with questions, problems, and reflections, this speech deserves a new reading, one that sets off its deep meaning in the clearest and most precise way. To accomplish this task, the author begins by presenting the context of the discourse, and then describes Leo Strauss's interpretation, centred on the natural right and Diodotus' supposed authorship of this concept. The article goes on to analyse the Castoriadis seminars on ancient Greece at EHESS, arguing for a very different reading, in which Diodotus is presented as a follower of the traditional Athens thinking. Lastly, the author shows the limits of these interpretations, revealing Diodotus to be a first-rate politician who proposed a new Athenian policy – a policy that seeks to align the empire with democracy by founding a new political institution that goes beyond narrow limits of the city.