Contenu du sommaire

Revue Revue trimestrielle des droits de l'homme Mir@bel
Numéro no 124, 2020/4
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • In memoriam – Luzius Wildhaber (1937-2020) - Jean-Paul Costa p. 779-783 accès libre
  • Colloque « L'indépendance du juge national vue par les deux Cours européennes »

    • L'indépendance du juge national vue depuis Strasbourg - Paul Lemmens p. 785-816 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'indépendance du juge est une garantie à plusieurs facettes. Tout d'abord, la Convention européenne des droits de l'homme garantit l'indépendance des tribunaux comme un des éléments du droit à un procès équitable. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a depuis longtemps précisé le contenu de ce droit des justiciables. Ensuite, des juges qui ont subi des ingérences dans leurs droits fondamentaux ont introduit des requêtes devant la Cour. Il en a résulté une jurisprudence qui a révélé un « statut » des juges comprenant un droit des juges eux-mêmes à leur propre indépendance. Enfin, depuis un certain temps, l'attention s'est portée sur l'indépendance structurelle du pouvoir judiciaire face aux autres pouvoirs. Avec un peu d'exagération, on peut parler d'un droit collectif de la société démocratique à une justice indépendante. Ces trois facettes sont examinées dans la présente contribution, qui se fonde entièrement sur la jurisprudence de la Cour.
      Judicial independence is a multifaceted guarantee. Firstly, it is one of the elements of the right to a fair trial which is guaranteed by the European Convention on Human Rights. The content of this right of litigants was clarified long ago by the case law of the European Court of Human Rights has long since clarified the content of this right of litigants. Secondly, after judges lodged applications with the Court for interference with their fundamental rights, a body of case law revealed a “status” for judges which includes the right to their own independence. Finally, for some time now, attention has been directed towards the structural independence of the judicial branch from other powers. With a little exaggeration, one can speak of a collective right of democratic society to an independent judiciary. These three facets are examined in this contribution, based entirely on the Court's case law.
  • Doctrine

    • La Convention européenne des droits de l'homme a 70 ans : dynamique d'un instrument international unique - Linos-Alexandre Sicilianos p. 817-834 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Écrit à l'occasion du 70e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme, cet article cherche à identifier les paramètres, institutionnels et normatifs, qui mettent en évidence le caractère unique et le dynamisme de la Convention. Les éléments institutionnels comprennent le droit inconditionnel de recours individuel ; le caractère permanent de la Cour ; le mécanisme d'exécution unique ; l'adaptation continue des méthodes de travail de la Cour ; et les différentes formes de dialogue avec les autorités nationales. Les éléments d'ordre normatif sont notamment la pénétration de la Convention dans toutes les branches du droit interne ; l'interprétation évolutive, garante de la modernité du texte ; l'harmonisation des standards en matière de droits de l'homme au niveau paneuropéen et la création progressive d'une identité juridique européenne ayant des implications importantes pour la réunification et l'intégration européenne.
      Written on the occasion of the 70th anniversary of the European Convention on Human Rights, this article aims at identifying the institutional and normative elements which explain the unique character and dynamic of the European Convention. The institutional elements include the unconditional right of individual application, the permanent character of the Court, the unique execution mechanism, the continuous adaptation of the working methods of the Court, and the various forms of dialogue with national authorities. The normative elements include the penetration of the Convention into all branches of domestic law, the evolutive interpretation which guarantees the modernity of the text, the harmonisation of human rights standards at the pan-European level, and the progressive creation of a European legal identity with important implications for European reunification and integration.
    • La répression pénale des appels au boycott de produits israéliens en droit européen des droits de l'homme - Thomas Besse p. 835-850 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La répression pénale des appels au boycott de produits étrangers, et en particulier de produits d'origine israélienne, est une problématique qui fait régulièrement surface depuis une quinzaine d'années, au gré de l'actualité géopolitique et, accessoirement, de l'actualité juridique. Cette pratique, qui s'inscrit indubitablement dans une démarche de revendication politique, interroge quant à sa licéité au regard des lois réprimant les délits d'expression à caractère discriminatoire, a fortiori dès lors qu'elle est exercée dans le contexte du conflit israélo-palestinien, terrain particulièrement fertile pour les manifestations haineuses. Si l'appel au boycott est susceptible de constituer une atteinte provisoire aux intérêts des producteurs visés, il est désormais clair qu'il appartient aux discours protégés, sous certaines conditions, par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
      The penal repression of calls to boycott foreign products, and particularly products of Israeli origin, is an issue that has regularly surfaced over the last fifteen years, in line with geopolitical and, incidentally, legal developments. This practice, which undoubtedly forms part of a political advocacy approach, raises questions as to its legality in the light of the laws punishing discriminatory expression offences, especially since it is carried out in the context of the Israeli-Palestinian conflict, which is a particularly fertile breeding ground for hateful statements. While the call for a boycott is likely to constitute a temporary attack on the interests of the producers concerned, it is now clear that it belongs to speech protected, under certain conditions, by Article 10 of the European Convention on Human Rights.
  • Chronique

    • Chronique de jurisprudence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (2019) - Laurence Burgorgue-Larsen, Guy-Fleury Ntwari p. 851-894 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cette chronique entend présenter les grandes lignes jurisprudentielles qui se dégagent de l'activité de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, tant s'agissant de la protection des droits par la Cour, que concernant les conditions procédurales d'accès à celle-ci et les différents types de mesures qu'elle est habilitée à imposer aux États. Sur le premier point, l'accroissement important du flot contentieux est à relever. Si la Tanzanie continue de drainer devant la Cour nombre d'affaires où le système judiciaire du pays est en cause, deux arrêts rendus contre le Bénin (affaire Sébastien Germain Ajavon) et le Ghana (affaire Alfred Agbesi Woyome) sont importants et laissent à voir des thématiques majeures : les droits des opposants politiques d'un côté et les relations troubles entre le monde des affaires et la puissance publique de l'autre.S'agissant des conditions d'accès à la Cour, le fait marquant est la dénonciation de la déclaration facultative de juridiction de la Cour par la Tanzanie, dont on sait qu'elle abrite la Cour sur son territoire. Il s'agit d'un précédent préoccupant. De fait, la Cour entre dans une période politique complexe, où elle doit arriver à préserver la confiance des États, alors que les requérants la confrontent – notamment par le biais des mesures provisoires – à ses importants pouvoirs dans le cadre du contrôle de la bonne gouvernance des règles électorales.
      This periodical review of the African Human and People's Court case law presents the main jurisprudential trends concerning the standard of protection of the rights and liberties enshrined within the African Charter, as well as its conditions of access. We should note that rulings on merits are increasing. Two landmark decisions from 2019 will be highlighted: one related to the rights of political opponents (Sébastien Germain Ajavon case); the other related to the complex relationships between business and State in Ghana (Alfred Agbes Woyome case).As for the second point, the striking event in 2019 is the withdrawal by Tanzania of the Court. It is a very complex and sensitive moment for the regional Court which, at the same time, must face a high number of provisional measure orders where political questions are at stake.
  • Jurisprudence

    • Le genre non binaire et fluide consacré par la Cour constitutionnelle : faut-il flexibiliser ou abolir l'enregistrement civil du sexe ? : (obs. sous Cour const. (b.), arrêt no 99/2019, 19 juin 2019) - Geoffrey Willems p. 895-920 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La loi belge du 25 juin 2017 a significativement amélioré la condition des personnes transgenres en affirmant que la reconnaissance juridique de leur identité vécue ne pouvait être suspendue à aucune condition d'ordre médical. Sur le recours en annulation formé par trois associations, la Cour constitutionnelle belge a néanmoins jugé ces progrès insuffisants dès lors que le régime réformé ne permettait pas l'expression juridique des identités non binaires ou fluides. L'arrêt d'annulation partielle rendu le 19 juin 2019 invite alors le législateur à revoir sa copie pour prendre en compte les personnes dont le genre échappe aux catégories binaires du masculin et du féminin et/ou est sujet à des fluctuations dans le temps. Après un bref rappel de l'évolution législative, la présente contribution expose les ressorts de la décision de la Cour constitutionnelle et examine, à la lumière des directives internationales et des exemples étrangers, l'alternative qui se présente aujourd'hui au législateur, entre flexibilisation et abolition du sexe civil.
      The Belgian law of 25 June 2017 had already significantly improved the condition of transgender persons by affirming that the legal recognition of their perceived identity could not be subject to any medical requirement. However, three associations successfully challenged the law before the Belgian Constitutional Court arguing that this progress was insufficient as the reformed regime did not allow the legal expression of non-binary or fluid identities. The decision handed down on 19 June 2019 accordingly invites the legislator to change the law again in order to take into account persons whose gender escapes the binary categories of masculine and feminine and/or is subject to fluctuations over time. After a brief review of legislative developments, this contribution sets out the rationale of the Constitutional Court's decision and examines, in the light of international guidelines and foreign examples, the alternative that the legislature is now faced with, between flexibilisation and abolition of sex registration.
    • Les vidéosurveillances dans les entreprises et la protection de la vie privée des salariés : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt López Ribalda et autres c. Espagne, 17 octobre 2019) - Christophe Pettiti p. 921-940 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'arrêt de la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, du 17 octobre 2019, dans l'affaire López Ribalda et autres c. Espagne permet à la Cour européenne des droits de l'homme de s'interroger de nouveau sur la protection à apporter au salarié dans le cadre de sa vie professionnelle face à l'utilisation des vidéosurveillances dans les entreprises. Cette nouvelle affaire offre l'occasion de revenir sur cette construction difficile, et hésitante, de la jurisprudence de la Cour, et sur l'autonomie laissée aux juridictions nationales dans l'arbitrage des droits dans les relations de travail, avec parfois des juridictions nationales plus protectrices que le juge européen.
      In the Grand Chamber case López Ribalda et al. v. Spain of 17 October 2019, the European Court of Human Rights was able to re-examine the protection that must be offered to an employee in the context of his professional life, and namely the use of video surveillance in companies. This new case offers the opportunity to revisit this difficult and hesitant construction of the Court's jurisprudence, and the autonomy left to national authorities — who are sometimes more protective than the European judge — in the arbitration of rights in labour relations.
    • Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies face à l'homme qui voulait être le premier réfugié climatique : une avancée mesurée mais bienvenue : (obs. sous Com. dr. h., constatations Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande, 24 octobre 2019) - Marie Courtoy p. 941-968 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a rendu sa première décision en matière de migrations dites climatiques. Largement saluée par la doctrine, elle reconnaît que le principe de non-refoulement est susceptible de s'appliquer à ceux qui fuient les effets des changements climatiques. L'enthousiasme se doit cependant d'être mesuré : si la décision consacre une avancée positive, elle est loin d'éteindre une question éminemment complexe.
      The UN Human Rights Committee has issued its first decision on so-called climate migration. Widely praised by the doctrine, it recognises that the principle of non-refoulement is likely to apply to people fleeing the effects of climate change. We should however temper our enthusiasm: while the decision is a positive step forward, it is far from solving an eminently complex issue.
    • Le droit à un recours effectif des sociétés en liquidation et le droit de l'Union européenne : (obs. sous C.J.U.E., Gde Ch., arrêt B.C.E. c. Trasta Komercbanka e.a., 5 novembre 2019) - Nicolas Cariat, Thomas Martin p. 969-990 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le droit d'une société en liquidation à un recours effectif contre une décision d'une institution de l'Union européenne ayant provoqué sa mise en liquidation implique de l'autoriser à agir devant la Cour de justice de l'Union européenne, à l'initiative de ses anciens organes de direction, lorsque l'introduction de pareil recours par son liquidateur est rendue impossible ou théorique par les règles nationales qui encadrent le mandat dudit liquidateur.
      The right to an effective remedy for a company under liquidation against a decision of an institution of the European Union which led to its liquidation implies allowing the said company to act before the Court of justice of the European Union, on the initiative of its former management bodies, where the introduction of such an action by its liquidator is rendered impossible or theoretical by the national rules governing the mandate of the said liquidator.
    • Carton rouge pour l'arbitrage de la Fédération turque de football : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Ali Rıza et autres c. Turquie, 28 janvier 2020) - Philippe Frumer p. 991-1010 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Par son arrêt Ali Rıza et autres c. Turquie, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'instance arbitrale de la Fédération turque de football avait méconnu les garanties d'indépendance et d'impartialité. Elle a par ailleurs enjoint à l'État défendeur de prendre des mesures générales en vue de remédier au problème structurel constaté. Le présent commentaire s'attache, après avoir présenté les enseignements de l'arrêt, à en analyser les répercussions potentielles, non seulement pour les fédérations sportives mais aussi dans le contexte particulier des sanctions prononcées récemment par l'UEFA à l'encontre du club de Manchester City.
      In its judgment Ali Rıza and Others v. Turkey, the European Court of Human Rights held that the Turkish Football Federation's arbitration committee had failed to observe the guarantees of independence and impartiality. It also ordered the respondent state to take general measures to remedy the systemic problem found. The present commentary sets out the lessons to be learned from the judgment and analyses its potential repercussions, not only for sports federations but also in connection with the sanctions recently imposed by UEFA on the Manchester City club.
    • Épilogue de l'affaire N.D. et N.T. : ni démission, ni tolérance : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt N.D. et N.T. c. Espagne, 13 février 2020) - Marion Larché p. 1011-1027 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La Grande Chambre renverse à l'unanimité l'arrêt adopté par la chambre dans l'affaire N.D. et N.T. en concluant à la non-violation de l'article 4 du Protocole no 4 et de l'article 13 de la Convention. Si la formation solennelle reconnaît que le comportement fautif des requérants est de nature à relativiser la portée des droits procéduraux garantis par ces dispositions, la solution adoptée ne signe pas pour autant la démission du juge européen des droits de l'homme en matière migratoire. La Cour dégage une définition extensive de l'expulsion et montre également qu'elle entend maintenir son contrôle sur les pratiques nationales aux frontières extérieures de l'Union européenne.
      The Grand Chamber unanimously overturned the judgment adopted by the chamber in the case N. D. and N. T., concluding there was no violation of article 4 of Protocol No. 4 and article 13 of the Convention. It recognised that the applicants' unlawful behaviour reduced the scope of procedural rights guaranteed by those two provisions. However, the solution adopted does not reflect a resignation of the European Court of Human Rights. The Court adopted an extensive definition of expulsion while keeping control over national practices at the European Union's external borders.
    • L'art de la juste mesure dans la lutte contre le coronavirus face à la dimension collective de la liberté de culte : (obs. sous C.E. (fr.), ordonnance M. W. et autres, 18 mai 2020) - Marc Nihoul, Stéphanie Wattier, François Xavier p. 1029-1063 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Par une ordonnance rendue le 18 mai 2020, le Conseil d'État français a considéré que le maintien pendant la première phase du déconfinement d'une interdiction de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte, sous la seule réserve des cérémonies funéraires pour lesquelles la présence de vingt personnes est admise, constituait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte. Il a dès lors enjoint au Premier ministre de modifier cette interdiction « en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de ‘déconfinement' pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte ».Après une analyse des faits et du raisonnement posé par le juge des référés du Conseil d'État, il est proposé, dans les lignes qui suivent, de resituer l'ordonnance dans son contexte national avant d'en analyser la conformité à la jurisprudence européenne et d'envisager la situation au regard du droit belge.
      The first deconfinement phase in France maintained a ban on all gatherings or meetings in places of worship, with the sole exception of funeral ceremonies for which the presence of 20 persons was permitted. On 18 May 2020, the French Council of State ruled it a serious and manifestly unlawful infringement of freedom of worship. It therefore enjoined the Prime Minister to modify this prohibition “by taking measures strictly proportionate to the health risks incurred and appropriate to the circumstances of time and place applicable at this beginning of ‘deconfinement' to regulate gatherings and meetings in places of worship”.After a brief recall of the facts and the reasoning of the Council of State, we will look at the order in its national context. Then, we will analyse its conformity with European case law and consider the situation with regard to Belgian law.
  • Bibliographie - Geoffrey Willems p. 1065-1067 accès réservé