Contenu du sommaire : Blanchité et migrations vers les outre‐mer

Revue Critique internationale Mir@bel
Numéro no 95, avril-juin 2022
Titre du numéro Blanchité et migrations vers les outre‐mer
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  • Éditorial - p. 6-7 accès libre
  • Thema. Blanchité et migrations vers les outre-mer

    • Devenir « métro » : ce que les migrations vers les outre-mer font à la blanchité - Claire Cosquer, Saba A. Le Renard, Myriam Paris p. 10-19 accès réservé
    • « Ici, c'est l'Afrique ». Fonctionnaires métropolitain·es à Mayotte et construction de la blanchité dans l'État postcolonial - Violaine Girard, François Féliu, Camille Noûs p. 20-42 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Que signifie incarner l'État à Mayotte lorsque l'on est natif·ve de l'ancienne métropole coloniale et catégorisé·e comme blanc·he ? Et comment se positionnent les fonctionnaires métropolitain·es en poste dans ce territoire demeuré sous la souveraineté française lors des décolonisations du XXe siècle et devenu département d'outre-mer en 2011 ? Pour présenter les parcours d'agent·es muté·es depuis l'Hexagone, nous mobilisons la notion de blanchité, et montrons que les avantages structurels dont ils et elles bénéficient dans la poursuite de leurs carrières s'articulent à des privilèges symboliques fondés sur la race. Alors que la hiérarchie administrative est marquée par une forte ségrégation verticale, la posture faite d'extériorité vertueuse des agent·es métropolitain·es vient renforcer leurs positions dominantes au sein des services de l'État, tandis que diverses formes de disqualification contribuent parallèlement à l'exclusion des Mahorais·es, natif·ves de l'île, des postes les plus qualifiés. La blanchité constitue ici une propriété sociale discriminante, au sein d'un État postcolonial pourtant réputé aveugle à la race.
      In this article we analyse the position of civil servants from mainland France in Mayotte, a French overseas department since 2011. This territory has remained under French oversight in a range of different statuses following twentieth-century decolonization. What does it mean to represent the State there for someone who is a native of the former colonial metropolis and categorised as white? Mobilising the notion of whiteness, we examine the careers of agents transferred from France in connection with those of the Mahorans – natives of the island – and we show that the structural advantages enjoyed by the former hinges on symbolic privileges based on race. While the administrative hierarchy is characterized by a strong vertical segregation, the agents' posture, made of virtuous exteriority, reinforces domination within the State services. Finally, the article examines the forms of disqualification that contribute to excluding Mahoran agents from the most qualified positions. We show that whiteness constitutes a discriminatory social attribute, within a postcolonial state that is nevertheless deemed to be blind to race.
    • Volontaires au service de l'État en Guadeloupe : la construction paradoxale de la blanchité des jeunes Français·es de l'Hexagone - Florence Ihaddadene p. 44-65 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Successeur du dispositif de Volontariat à l'aide technique, le Volontariat de service civique (VSC) encourage l'investissement de jeunes diplômé·es dans des missions hors du droit du travail au sein des administrations déconcentrées de l'État français dans les départements ultramarins. Précaires, au sens où ils et elles ne sont pas stabilisé·es dans l'emploi avant leur départ, la majorité de ces volontaires sont originaires de la France hexagonale. Une enquête à partir d'entretiens réalisés en Guadeloupe permet de penser l'usage de ce programme par les administrations, qui cherchent à faciliter la mise en place de politiques publiques sans faire appel à des fonctionnaires titulaires et contractuel·les. De fait, par une procédure floue et discriminante, le VSC participe à l'exclusion des Guadeloupéen·nes, tout en confiant à de jeunes Hexagonaux·les la prise en charge des enjeux environnementaux de l'île. À partir de cette situation inégalitaire, au fondement de l'« exceptionnalité ultramarine », ces « quasi-expat » découvrent et construisent leur blanchité, tant dans les hiérarchies professionnelles que dans leur mode de vie, contribuant à la fois à la reproduction de l'État français en outre-mer et à leur propre insertion professionnelle.
      Succeeding to the programme of Volunteering for technical assistance in the Overseas Departments, the French Civic Service programme (VSC) encourages young graduates to engage into missions that derogate from common labour law within the decentralized administrations of the French State in the overseas departments. The majority of these young people come from “Metropolitan France” and are precarious because they do not have a permanent job before their departure. A research work conducted in Guadeloupe, based on interviews with these volunteers, suggests the use of this programme by the administrations to facilitate the implementation of public policies instead of public servants. Through an unclear and discriminatory process, the VSC programme makes the exclusion of Guadeloupeans possible, while entrusting young people from Metropolitan France with the responsibility of the island's environmental issues. From this unbalanced situation, based on the “overseas exception” these “quasi-expats” discover and build their whiteness, both in professional hierarchies and in their way of life. Hence, they contribute to the reproduction of the French State in Guadeloupe and to their own professional integration.
    • La transformation des identifications raciales en Martinique sous l'effet des migrations vers la France hexagonale - Audrey Célestine p. 66-85 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Tandis que les acteurs du débat politique local voyaient le processus de départementalisation de 1946 tantôt comme une forme originale de décolonisation, tantôt comme un prolongement de la domination coloniale sous d'autres formes, la Martinique – de même que l'ensemble des « outre-mer » – a vécu d'importantes transformations sociales. Le niveau de vie s'est élevé, les infrastructures se sont modernisées, et surtout, la politique de migration organisée via le Bumidom a durablement transformé le territoire, faisant des circulations entre l'île et l'Hexagone une expérience partagée par la majorité des familles martiniquaises. Quelles sont aujourd'hui les conséquences de ces circulations migratoires sur les formes d'identification et d'assignation raciales ? Dans cette île marquée par des représentations et des hiérarchies socio-raciales héritées de l'histoire, et alors que les départs « outre-la-mer » demeurent fréquents pour les Martiniquais, il convient d'analyser les nouvelles façons d'être blanc·he ou noir·e.
      While in the local political debate the departmentalization process of 1946 was considered as either an original form of decolonization, or as an extension of colonial domination in other forms, Martinique – as well as all the “overseas” territories – experienced important social transformations. The standard of living has risen, the infrastructure has been modernized, and above all, the migration policy organized through Bumidom has durably transformed the territory, making circulations between the island and mainland France an experience shared by the majority of Martinican families. What are the consequences of these migratory movements on racial identification and ascription? In this island marked by representations and socio-racial hierarchies inherited from history, and while departures “overseas” remain frequent for Martinicans, we need to analyse what it means to be identified as white or black.
    • Identités migrantes : genre, blanchité et britannicité dans le Hong Kong postcolonial - Pauline Leonard, Julia Chardavoine p. 86-108 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      J'explore la façon dont les femmes britanniques expatriées à Hong Kong en période postcoloniale ont recours aux notions de nationalité, de blanchité et de genre dans la construction et la manifestation de leurs identités. Devenue colonie britannique au milieu du xixe siècle, Hong Kong a été rétrocédée à la Chine en 1997, pour être ensuite constituée en « région administrative spéciale ». Aujourd'hui, les rouages administratifs de l'Empire disparaissent et emportent avec eux les conceptions de la race et de la nationalité. C'est donc l'occasion pour les Britanniques blancs de réviser les discours et les subjectivités de la blanchité, mais ils le font de manière hétérogène. Dans une perspective poststructuraliste féministe, je montre comment quatre migrantes britanniques manifestent leur britannicité et leur blanchité genrées dans ce paysage en mutation. Les modèles de positionnement sont différents et variés, chacune d'elles ayant plus ou moins recours à ces notions pour redéfinir ou remettre en question la mémoire des relations établies par l'impérialisme.
      This paper explores the ways in which notions of nationality, whiteness and gender are drawn upon by British expatriate women in the construction and performance of their identities in post-colonial Hong Kong. A British colony since the mid-nineteenth century, Hong Kong was returned to China in the 1997 handover to become a “Special Administrative Region”. Now, as the administrative workings of empire are receding, so too are the expectations about race and nationality which went with them. For the white British, the opportunities to reconfigure discourses and subjectivities of whiteness are there, although the findings of this research reveals the unevenness of take-up. The paper draws on a broad feminist poststructuralist approach to reveal the ways in which four British women migrants position themselves in the changing landscape. The approach shows that there are important patterns of difference and diversity between the women in the way they perform gendered Britishness and whiteness, and in the extent to which these patterns are used to redefine or challenge the memory of relations established through imperialism.
  • Varia

    • Guerre civile et régimes identitaires : l'ethnicisation du conflit en Équatoria-Occidental (Soudan du Sud) - Emmanuelle Veuillet p. 112-131 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dès le début de la guerre civile au Soudan du Sud, une logique d'ethnicisation a été mise en place qui a abouti à une polarisation identitaire, notamment dans la région d'Équatoria-Occidental. De nouveaux régimes identitaires portés aussi bien par le gouvernement que par les groupes d'opposition, mais sur la base de critères différents, ont ainsi bouleversé la vie et les pratiques quotidiennes des habitant·es de cette région. Ce sont la configuration inédite de ces régimes identitaires et leur interaction qui définissent les dynamiques d'ethnicisation visibles dans les pratiques de contrôle et de surveillance, ainsi que dans les épisodes de violence, mais aussi dans les comportements individuels et collectifs qu'elles génèrent. Il convient donc de rendre compte, d'une part, de ces régimes identitaires, à travers les catégorisations utilisées et les logiques de hiérarchisation adoptées, d'autre part, des processus par lesquels l'ethnicité est devenue dans le conflit une affiliation politique et un critère de réorganisation de l'espace social et politique.
      This article seeks to understand the logic of ethnicisation that took place from the outset of the civil war in South Sudan and the resulting polarisation of identities, using the case of the Western Equatoria region as an example. From the beginning of the conflict, inhabitants of the region saw all their daily practices conditioned by their ethnicity. The text argues that such polarisation is the result of the formation of new competing identity regimes carried by both the government and the opposition groups involved in the conflict. It is the configuration of these identity regimes and their interaction that define ethnicisation dynamics, visible through practices of control, surveillance and violence, along with the individual and collective behaviours that they produce in return. This article provides an account of both the identity regimes established, through the categorisations at play and the hierarchical principles adopted, and the processes by which ethnicity has become a political affiliation and a criterion for reorganising social and political space.
    • Négocier la science du climat. Le rôle des États membres dans le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - Kari De Pryck p. 132-153 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Quel est le rôle des États membres dans le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, organisation connue généralement pour les scientifiques de renom qui participent à ses évaluations globales des connaissances sur les changements climatiques ? En combinant les approches des études des sciences et des techniques et de la sociologie des organisations internationales, je propose tout d'abord une analyse détaillée de la manière dont les États membres du GIEC influencent les activités de l'organisation. Je montre en particulier comment cette influence se décline lors de la définition des plans des rapports et de l'approbation de leurs résumés politiques. Je reviens ensuite sur la façon dont la négociation entre auteurs et représentants des États membres façonne le texte des rapports du GIEC et sur les implications de ces pratiques sur le cadrage de la crise climatique. Ce faisant, je montre la pertinence d'une étude des groupes d'experts intergouvernementaux en tant qu'organisations internationales.
      This article examines the role of Member States in the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), an organization that is mostly known for the renown scientists who contribute to its climate assessment reports. Combining approaches from Science and Technology Studies and from the Sociology of International Organisations, it offers a first detailed analysis of how IPCC Member States influence the activities of the organisation. It shows in particular how such influence plays out during the definition of the reports' outlines and the approval of their Summaries for Policymakers. The paper describes the ways in which the negotiations between authors and delegates shape the text of the IPCC reports and analyses the implications that these practices have on the framing of the climate crisis. In this article I show the relevance of studying intergovernmental expert bodies as international organisations.
  • Lectures